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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 20 janvier 2020, n° 18-21318

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Nouvelle Marina Port Saint Louis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loos

Conseillers :

Mme Castermans, M. de Chergé

TGI Paris, du 19 juin 2018

19 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur X exerce la fonction de consultant auprès de la maison de vente aux enchères Artcurial en qualité de spécialiste des voitures de collection.

La société à responsabilité limitée Nouvelle Marina Port de Saint-Louis (ci-après, NMPSL) exploite le port de plaisance privé du Port Saint-Louis situé sur la Seine, au sein de la commune de Carrières-sous-Poissy. Elle met à disposition des postes d'amarrage.

Par contrat en date du 1er janvier 2014, la société NMPSL a mis à la disposition de M. X, à titre précaire, un poste d'amarrage dans le port de plaisance de Saint-Louis pour y stationner son bateau, dénommé Angie, d'une longueur d'environ 28,70 mètres.

La convention a été conclue pour une durée d'une année expirant le 31 décembre 2014 et le prix de la location a été fixé à la somme de 510 euros par mois.

Par ordonnance rendue sur requête le 31 mars 2014, le tribunal d'instance du septième arrondissement de Paris a fait injonction à M. X de payer à la société NMPSL la somme en principal de 6 550 euros due au titre d'un précédent contrat de poste d'amarrage conclu le 20 juin 2011 avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2014 outre la somme de 200 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 12 avril 2016, la société NMPSL a mis en demeure M. X de lui payer la somme de 12 800 euros arrêtée au 30 avril 2016, puis elle a réitéré sa réclamation par lettre recommandée avec avis de réception de son avocat en date du 19 mai 2016.

Par lettre recommandée du 17 septembre 2016 avec avis de réception signé le 20 septembre 2016, la société NMPSL a résilié le contrat avec effet immédiat en application de l'article 2.3 de la convention et a précisé à M. X que, faute de procéder à l'enlèvement du bateau dans un délai d'un mois à compter de la réception de la lettre, une indemnité de 400 % du prix du tarif journalier serait appliquée.

Par acte extrajudiciaire délivré le 3 octobre 2016, la société NMPSL a assigné M. X devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme de 13 117,10 euros au titre des arriérés arrêtés au 15 septembre 2016 et le contraindre à procéder à l'enlèvement du bateau.

En cours de procédure, M. X a réglé la somme de 13 117,10 euros qui lui était réclamée, sans toutefois procéder à l'enlèvement du bateau.

Vu le jugement prononcé le 19 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

- constaté la résiliation de la convention d'occupation à titre précaire d'un poste d'amarrage conclue entre la société NMPSL et M. X le 1er janvier 2014 aux torts de ce dernier ;

- fait injonction à M. X d'avoir à procéder à l'enlèvement immédiat de son bateau, dans le délai d'un mois après la signification du jugement ;

- jugé que passé ce délai, M. X serait redevable d'une astreinte provisoire de 75 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois au bénéfice de la société NMPSL qui pourra faire procéder à l'enlèvement du bateau et à sa destruction aux frais et risques de M. X ;

- condamné M. X à payer à la société NMPSL la somme de 31 725 euros, arrêtée au 30 novembre 2017 inclus ;

- condamné M. X à verser à la société NMPSL à compter du 1er décembre 2017, une indemnité d'occupation journalière de 75 euros jusqu'à l'enlèvement du bateau et restitution des lieux au bailleur ;

- condamné M. X à verser à la société NMPSL la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné M. X aux entiers dépens de l'instance ;

- prononcé l'exécution provisoire ;

- rejeté toute autre demande.

Vu l'appel de M. X le 25 septembre 2018,

Vu les dernières conclusions signifiées par M. X le 20 mai 2019,

Vu les dernières conclusions signifiées par la société NMPLS le 11 octobre 2019,

M. X demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

Vu les articles liminaires du Code de la consommation et les articles L. 132-1 et R. 132-2 du même Code dans leur rédaction applicable à la date de signature du contrat,

- déclarer M. X recevable et bien fondé en son appel ;

Y faisant droit,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- déclarer non écrite la clause stipulée au paragraphe 2.3 " Résiliation par [la Nouvelle Marina] " de l'article 2 " Conditions d'application du contrat " des conditions générales de la société NMPSL annexées au contrat du 1er janvier 2014 ;

- juger que le montant de l'indemnité d'occupation due par M. X, à compter du 1er novembre 2016 et jusqu'à l'enlèvement du navire " Angie ", au titre de l'amarrage de ce navire est de 510 euros par mois et donc que le montant de l'indemnité d'occupation dont est redevable M. X depuis le 1er novembre 2016 est de 16 320,00 euros ;

- condamner la société NMPSL à restituer à M. X la somme de 18 404,28 euros, à parfaire, au titre des sommes excessivement saisies ;

- débouter la société NMPSL de son appel incident ;

- condamner la société NMPSL à payer à M. X la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société NMPSL demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :

Vu les articles 1103 et suivants du Code civil, les pièces versées aux débats et notamment la lettre de résiliation du 17 septembre 2016, l'article 2-3 du contrat,

- dire irrecevable et en tous cas mal fondé M. X en son appel et en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- dire la Société NMPSL recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles ;

Y faisant droit,

- confirmer le jugement en tant qu'il constate la résiliation de la convention, qu'il fait injonction à M. X d'enlever son bateau, sous astreinte de 75 euros par jour de retard et qu'il autorise la société NMPSL à procéder à l'enlèvement du bateau et à sa destruction aux frais et risques de M. X ;

- condamner M. X au paiement de l'indemnité d'occupation prévue au contrat soit 200 euros par jour de retard à compter du 1er octobre 2016 jusqu'à cessation de l'occupation, soit la somme de 218 600 euros arrêtée provisoirement au 30 septembre 2019 ;

- condamner M. X au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de Me Guy P.

SUR CE,

Le contrat du 1er janvier 2014 conclu entre M. X et la société NMPSL, applicable au litige, relatif à l'usage d'un poste d'amarrage dans port de plaisance de Saint Louis (78) pour la vedette dénommée Angie d'une longueur de 28,70 mètres comporte un article 2.3 des conditions générales intitulé " Résiliation par NMPSL " ainsi rédigé :

" En cas de non-respect, de la part du bénéficiaire, de ses obligations ou de la réglementation en vigueur sur le Port précisés dans le présent document, NMPSL pourra résilier le contrat ; le bénéficiaire devra alors procéder à l'enlèvement de son bateau dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision de résiliation. Une indemnité d'occupation sera perçue à titre de pénalité par NMPSL sur la base du tarif journalier majoré de 400 %, tant que le bateau n'aura pas été enlevé du Port. "

L'appelant soutient que la clause du contrat prévoyant le montant de l'indemnité d'occupation doit être réputée non écrite au motif qu'elle est abusive conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation. A ce titre, il fait valoir que le contrat conclu avec la société NMPSL constitue un contrat de consommation au sens des articles liminaires dudit Code. Sur le fondement de l'article R. 132-2 du même Code, il affirme qu'une telle clause est présumée abusive en ce qu'elle impose au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'occupation manifestement disproportionnée. Il en résulte, selon lui, que cette clause ne peut recevoir application. Par suite, il considère que l'indemnité d'occupation doit être fixée au montant du loyer convenu entre les parties.

L'intimée réplique que la clause pénale d'indemnisation pour inexécution n'est pas abusive. En effet, elle avance que l'appelant ne démontre pas en quoi le montant de l'indemnité d'occupation est abusif, et ce d'autant plus qu'il est strictement proportionné à la durée de présence irrégulière de son navire.

Ceci étant observé, il doit être relevé que l'appelant ne conteste pas la validité de la clause dans sa partie relative à la résiliation du contrat en cas de non-respect par le bénéficiaire de ses obligations.

Par de justes motifs que la cour adopte les premiers juges ont dit que le contrat avait été justement résilié par la société NMPSL au 17 septembre 2016, date d'envoi du courrier recommandé de résiliation.

Selon l'article R. 132-2 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige :

" Dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et du deuxième alinéas de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de (...) :

3° Imposer au non-professionnel ou au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ; "

L'article L. 132-1 du même Code également dans sa rédaction applicable au litige dispose que " Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ".

Si l'application du pourcentage de 400 % reviendrait à fixer à la somme mensuelle de 2 040 euros (510 x4) le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par M. X en non à 6 000 euros comme prétendu par l'intimée, ce montant demeure néanmoins manifestement disproportionné, la société NMPSL ne rapportant pas la preuve contraire ;

La partie de la clause relative au tarif majoré de 400 % doit être déclarée non écrite.

Conformément à la demande de M. X, l'indemnité d'occupation sera fixée au montant du loyer contractuel.

M. X qui a versé en cours d'instance la somme de 18 404,28 euros est mal fondé à solliciter une quelconque restitution puisqu'il est redevable de l'indemnité d'occupation tant que le bateau n'a pas été enlevé et qu'il ne justifie ni même ne prétend avoir satisfait à cette obligation ;

Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions sauf dans sa partie relative à l'indemnité d'occupation.

Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. X à payer à la société NMPSL la somme de 31 725 euros, arrêtée au 30 novembre 2017 inclus ainsi qu'à compter du 1er décembre 2017 à une indemnité d'occupation journalière de 75 euros jusqu'à l'enlèvement du bateau et restitution des lieux au bailleur ; Statuant de nouveau de ce chef : Déclare non écrite la clause stipulée au paragraphe 2.3 " Résiliation par NMPSL " de l'article 2 des conditions générales dans sa partie relative à l'indemnité d'occupation fixée à 400 % du tarif journalier ; Condamne M. X à verser à la société Nouvelle Marina Port de Saint-Louis une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 510 euros à compter du 1er novembre 2016 jusqu'à l'enlèvement du navire " Angie " ; Confirme le jugement déféré pour le surplus ; Rejette toutes autres demandes y comprises celles présentées en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. X aux dépens et accorde à Maître Y, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.