CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 24 janvier 2020, n° 17-12908
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires Choisy LTEE (Sté)
Défendeur :
Tri Texco Inc (Sté), Orapi Hygiène (SAS), Copak (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gaber
Conseillers :
Mme Lehmann, M. Thomas
Avocats :
Mes Guyonnet, Fortuit, Teytaud, Robert, Grappotte Benetreau, Olivier, Beaumont
Vu le jugement contradictoire du 31 mars 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'appel interjeté le 27 juin 2017 par la société de droit canadien Laboratoires Choisy Ltee (la société Choisy),
Vu les dernières conclusions, intitulées conclusions d'appelante récapitulatives, remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 10 septembre 2019 par la société Choisy, appelante,
Vu les dernières conclusions, dénommées conclusions d'intimé récapitulatives n° 2, remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 4 juin 2019 de M. G A, intimé,
Vu les dernières conclusions, respectivement intitulées conclusions récapitulatives et d'appel incident et conclusions d'intimées n° 3, remises au greffe, et notifiées, par voie électronique le 14 juin 2019, de :
- la société de droit canadien Tri Texco INC (la société Tri Tex), intimée et incidemment appelante,
- la société Orapi Hygiène ayant pour nom commercial Argos Orapi Hygiène (la société Orapi), anciennement Argos Hygiène (la société Argos) et la société Copak, intimées et incidemment appelantes, en présence de Mme Y Q, liquidateur judiciaire de la société Copak nommée en cette qualité suivant jugement du tribunal de commerce de Rouen le 12 mars 2019, intervenante forcée ès qualité,
Vu l'ordonnance de clôture du 26 septembre 2019,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que :
La société Choisy est titulaire notamment :
- d'un brevet européen EP 0 935 640 B1 (EP 640) désignant la France issu d'une demande déposée le 1er novembre 1996 sous le n° 96934276.5, délivré le 5 décembre 2007, mentionnant entre autres comme inventeurs M. A, et se rapportant à une composition de revêtement ou d'étanchéité,
- d'une marque communautaire complexe ZZ XX MONITORING SYSTEM enregistrée le 2 août 1999 pour des produits et services de la classe 1 ainsi désigné : " Composition chimique ou biochimique inductive et colorimétrique, intégrée à toute formulation ou méthode de protection, de nettoyage, de finition, de décapage, de neutralisation, de désinfection, de désodorisation, de décontamination, de dégraissage, de détartrage ou de désincrustage des surfaces quelles qu'elles soient ".
M. A avait été engagé comme chimiste le 6 janvier 1992 par la société Choisy, avec laquelle il a signé une entente de confidentialité le 8 janvier 1992. Il a été promu au poste de directeur " du R.& D " (recherche et développement) le 17 août 1993 et a démissionné le 9 février 2005. Estimant y avoir été contraint, il a engagé une action civile au Canada à l'encontre de la société Choisy et de son dirigeant le 1er juin 2007, action amendée le 23 mars 2010, et les procédures ont été suspendues par le 'juge responsable des causes de longue durée' canadien le 19 février 2014 eu égard à l'action en contrefaçon pendante en France. Il a poursuivi son activité de chimiste comme consultant, et notamment de 2005 à 2009 pour la société Tri Tex et depuis 2006 pour la société Copak, laquelle est spécialisée dans la fabrication de produits d'entretien spécifiques et avait été rachetée le 30 novembre 2000 à hauteur de 50 % de son capital par le groupe Argos.
La société Argos, qui avait conclu le 18 mars 1994 avec la société Choisy un contrat d'approvisionnement non exclusif de produits chimiques fabriqués et/ou commercialisés sous la marque Argos, a résilié ce contrat le 21 octobre 2005 à effet du 30 avril 2006. Elle a par ailleurs déposé, le 24 août 2005, la marque internationale Takteo pour des produits et services des classes 3, 5 et 21 dont des nettoyants pour sols.
La société Tri Tex qui réalise et commercialise des composants chimiques indique que la société Copak a effectué auprès d'elle seulement quelques achats de matières premières entre " début 2007 et août 2009 ".
La société Choisy ayant constaté au mois de juillet 2007 le lancement en France par la société Argos d'une nouvelle gamme de produits d'hygiène des sols, notamment sous la marque Takteo associée au sigle VCE (" XX C F ") qui, selon elle, pour deux d'entre eux (Takteo protection VCE et Takteo nettoyant VCE) constitueraient une contrefaçon de son brevet européen et une copie de ses produits (respectivement dénommés S 3000 et S J), a, autorisée par ordonnances présidentielles des 15 février et 22 mars 2011, fait procéder le 23 février 2011 à une saisie contrefaçon au sein d'une agence de la société Argos et au siège de la société Copak, puis le 31 mars 2011 dans les locaux d'une société Quality Service France auprès de laquelle était commercialisé le produit Takteo protection VCE.
Après avoir fait procéder à une analyse des produits saisis, elle a fait assigner le 15 mars 2011 puis les 13 et 17 avril 2011, les sociétés Argos, Copak et Tri Tex ainsi que M. A en responsabilité et contrefaçon de brevet et les instances ont été jointes le 27 octobre 2011.
Le juge de la mise en état a ordonné le 22 juin 2012 une mesure d'expertise de lots de produits Takteo Protection saisis chez les sociétés Argos et Quality Service France aux fins notamment de comparer leur composition avec le brevet opposé et a étendu le 27 avril 2013 la mission de l'expert, qui a déposé son rapport le 30 novembre 2013.
Par jugement dont appel, les premiers juges ont, entre autres dispositions :
- déclaré nulles pour insuffisance de description les revendications de produits de la partie française du brevet dont s'agit, et en conséquence irrecevable la société Choisy à agir en contrefaçon et nuls les procès-verbaux de saisie contrefaçon des 23 février et 31 mars 2011 ainsi que le rapport d'expertise judiciaire susvisé,
- débouté la société Choisy de l'ensemble de ses demandes en concurrence déloyale,
- condamné ladite société à payer 50 000 euros à M. A à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre les sommes de 81 042 euros à M. A, 193 692 euros ensemble aux sociétés Argos et Copak et 146 139 euros à la société Tri Tex au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Choisy, appelante, soulève la prescription des demandes reconventionnelles des intimés en nullité de brevet et, par voie de conséquence, en nullité des procès-verbaux de saisies contrefaçon, du rapport d'expertise et des demandes en restitution des objets saisis, et s'oppose à l'ensemble de leurs demandes.
Elle maintient que M. A et les sociétés Tri Tex, Argos devenue Orapi et Copak sont les auteurs d'actes de :
- contrefaçon de son brevet européen, et particulièrement des revendications de produits 1à 8, 10 et 14, au travers de la fabrication et de la commercialisation des versions 1, 2 et 3 du produit Takteo Protection VCE lesquelles constituent, selon elle, une contrefaçon de ses produits S 500, 1000, 2000 et 3000,
- concurrence déloyale et parasitisme au travers notamment de la divulgation et de l'utilisation frauduleuses des secrets de fabrication des produits de sa gamme S et S ZZ.
Reprenant ses prétentions de première instance, elle réclame leur condamnation in solidum à lui verser :
- 3 134 383 euros au titre des investissements divers,
- 4 115 234 euros au titre de la perte de valeur de son savoir-faire,
- 1 422 046 euros au titre du non-respect des engagements d'approvisionnement de la société Argos,
- 4 587 000 euros au titre de son préjudice lié à la perte de chance de développer son réseau et ses produits en Europe,
- 500 000 euros, sauf à parfaire, au titre des bénéfices indûment réalisés par les contrefacteurs,
- 3 128 501 euros, sauf à parfaire, au titre des bénéfices indûment réalisés par les sociétés Argos et Copak du fait de la concurrence déloyale aggravée,
- 2 000 000 d'euros au titre de son préjudice moral et d'image, et demande d'admettre en tant que de besoin ces sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Copak.
Elle réitère à titre subsidiaire, sur la détermination des bénéfices liés à la commercialisation des produits concernés des marques et gammes Takteo/VCE, SOLS, CARELYS, C'SIMPLE, une mesure d'expertise judiciaire, et maintient ses demandes aux fins d'obtenir une mesure d'interdiction sous astreinte pour les sociétés Orapi et Copak de poursuivre la commercialisation en France des 21 produits de la gamme hygiène des sols, notamment des marques et gammes précitées, ainsi qu'une mesure de destruction sous astreinte et une mesure de publication judiciaire à l'encontre de tous les intimés.
Elle sollicite enfin la capitalisation des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, la restitution des sommes versées en principal au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en exécution de la décision entreprise outre les intérêts légaux capitalisés depuis le 31mars 2017, et le paiement de 585 209 euros au titre de ses frais irrépétibles de procédure avec l'admission en tant que de besoin de cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Copak.
M. A, intimé, demande à titre liminaire de rejeter des débats les pièces n° 123 à 127 de la société Choisy correspondant aux interrogatoires réalisés dans le cadre d'une procédure canadienne, oppose l'irrecevabilité et en tout cas le mal fondé de la fin de non-recevoir soulevée par la société Choisy à l'encontre de sa demande en nullité du brevet, et sollicite une somme complémentaire 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés Orapi, anciennement Argos, et Copak, appelantes incidentes en présence du liquidateur de la société Copak, s'opposent également à la fin de non-recevoir soulevée par la société Choisy, réitèrent leur demande de première instance réclamant respectivement 200 000 euros et 300 000 euros au titre de la procédure abusive et sollicitent chacune le paiement d'une somme supplémentaire de 75 000 euros à parfaire au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Tri Tex, appelante à titre incident, s'oppose aussi à la fin de non-recevoir soulevée par la société Choisy comme irrecevable, maintient en cause d'appel sa demande en paiement de la somme de 300 000 euros pour procédure abusive à l'encontre de la société Choisy, et sollicite le versement d'une somme supplémentaire de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur la prescription
La société Choisy oppose pour la première fois en cause d'appel, par conclusions récapitulatives du 14 mai 2018, une fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale, applicable à compter du 19 juin 2008, aux demandes reconventionnelles en nullité du brevet, et par voie de conséquence des procès-verbaux de saisie contrefaçon et du rapport d'expertise judiciaire, ainsi qu'en restitution des objets saisis.
Elle soutient que les intimés avaient connaissance du brevet au plus tard le 29 octobre 2007 et à plus forte raison à la date de sa délivrance le 8 novembre 2007, qu'ils ont été assignés les 15 mars, 13 et 27 avril 2011, qu'ils devaient dès lors présenter leur demande reconventionnelle au plus tard le 13 juin 2013, et que cette demande n'a été présentée que le 20 janvier 2015 par les sociétés Argos et Copak puis les 15 et 22 mars 2018 respectivement par la société Tri tex et M. B
Sans avoir égard aux dispositions de l'article 910-4 du Code de procédure civile, inapplicables en la cause compte tenu de la date de déclaration d'appel antérieure au 1er septembre 2017, il sera relevé que l'action en nullité du brevet qui constitue en la cause un moyen de défense au fond sur l'action en contrefaçon peut être proposée en tout état de cause et notamment pour la première fois au stade de l'appel.
L'action en nullité du brevet avec les conséquences en découlant formée à titre reconventionnel en défense par les sociétés Argos, Copak et Tri tex et par M. A à l'action principale en contrefaçon intentée à leur encontre par la société Choisy n'est donc pas soumise au délai de droit commun de prescription de l'article 2224 du Code civil qui leur est opposé.
La fin de non-recevoir soulevée par la société Choisy sera en conséquence rejetée.
Sur les interrogatoires
M. A demande d'écarter des débats les pièces 123 à 127, non examinées par les premiers juges, communiquées par la société Choisy au mois d'octobre 2015, constituant la retranscription sur 600 pages de ses interrogatoires réalisés en 2007 et 2009 dans le cadre de la procédure pendante au Québec précitée.
Il prétend qu'il s'agirait d'un détournement de la finalité de ces documents et d'un manquement au principe de loyauté dans l'administration de la preuve, dès lors qu'ils résultent d'une technique d'interrogatoire, étrangère à la notion française du procès, menée par les avocats des parties hors la présence d'un magistrat avec des objections et qui comporte ainsi des éléments qui pourraient être écartés des débats au fond, qui ont été suspendus devant la juridiction canadienne, et que ces interrogatoires ont été effectués dans le cadre d'une procédure sans lien avec la présente instance.
Pour autant aucune disposition ne s'oppose à la recevabilité dans la procédure engagée en France de pièces recueillies dans un pays étranger présentées par la société Choisy comme susceptibles de conforter ses assertions et dont il n'est pas contesté qu'elles sont authentifiées par un officier public compétent en vertu de la loi de ce pays et non soumises à confidentialité.
Il ne saurait résulter de cette communication de pièces une quelconque déloyauté dans l'administration de la preuve dès lors qu'elles ont été régulièrement communiquées dans la présente instance et soumises au débat contradictoire des parties qui ont pu s'en expliquer, sauf à en apprécier au fond la portée probatoire.
Il n'y a donc pas lieu d'écarter ces pièces des débats et la demande de ce chef sera rejetée.
Sur le brevet
La société Choisy incrimine la fabrication et la commercialisation des versions 1, 2 et 3 du produit Takeo protection VCE comme constituant une contrefaçon des revendications de produit 1 à 8, 10 et 14 de la partie française du brevet EP 640 précité ainsi que des paragraphes 14,15, 18, 30 à 34, des exemples développés aux paragraphes 57 et 60, et du tableau figurant au paragraphe 64 de la description.
Les intimés sollicitent cependant la confirmation de la décision entreprise qui a annulé lesdites revendications pour insuffisance de description. Les premiers juges ont en particulier retenu une absence de précision quant à la nature et aux proportions des éléments de la revendication principale (revendication 1), notamment du stabilisant UV et/ou antioxydant et quant aux éléments factuels et concrets de nature à rendre plausible la démonstration de l'effet technique revendiqué relativement aux ajouts d'un agent stabilisant aux UV et/ou antioxydant et d'un tampon pour maintenir le pH de la composition entre 7,2 et 10,5.
Il n'est pas discuté que l'invention doit être suffisamment décrite pour pouvoir être reproduite par l'homme du métier, ni que celui-ci est en l'espèce un chimiste spécialisé dans les revêtements de sol contenant un senseur, à savoir un capteur ou détecteur chimique.
Il appartient par ailleurs aux demandeurs en annulation de rapporter la preuve que le brevet ne remplit pas les conditions de validité invoquées et, à cet égard, la société Orapi maintient que l'invention revendiquée ne fonctionne pas, au moins pour un senseur, que la revendication 1 couvre une infinité de compositions dont une concentration en stabilisant UV/anti oxydant, y compris selon la revendication 5, impropre à former un revêtement brillant pour sols. Elle ajoute que l'exemple 3 de la description ne montre pas d'effet technique en termes de brillance et de stabilité, que le brevet se réfère à des notions subjectives ou confuses telles celles de stabilité et brillance à long terme, ou de couleur rouge complètement active, d'apparence très mauvaise, de belle apparence ou encore de senseur chimiquement dégradé, sans référence de comparaison, et que ne sont pas plus précisées les conditions des tests ayant permis l'établissement du tableau susvisé.
Il sera rappelé que l'invention revendiquée a pour objet une composition améliorée pour le recouvrement ou le scellage d'un substrat (spécialement un sol) présentant un haut degré de stabilité durant son entreposage et son utilisation en tant que revêtement ou scellant. Le brevet se propose en particulier de résoudre l'inconvénient de l'art antérieur consistant à avoir une mauvaise stabilité pendant la période d'utilisation du revêtement ou du scellant avec détérioration de leurs propriétés optiques et des senseurs qui deviennent colorés ou fluorescents. Il s'agissait d'obtenir une composition ayant des propriétés optiques stables, durant sa conservation et son utilisation, capable dès lors qu'elle inclut des senseurs de changer de couleur quand cela est nécessaire selon la revendication 1 qui protège :
" Une composition pour le revêtement ou le scellage d'un sol contenant un senseur et montrant une stabilité et une brillance à long terme, dans laquelle le senseur ne se dégrade pas chimiquement après un an, ladite composition comprenant :
(a) au moins un agent formant un revêtement ou un scellant une fois appliqué sur un substrat ;
(b) au moins un senseur révélant la présence du revêtement ou du scellant sous des conditions déterminées ;
(c) un excipient volatile dans lequel les autres ingrédients de la composition sont dispersés ou dissous, l'excipient volatile est choisi dans le groupe constitué de l'eau, de mélanges coalescents de solvants et de mélanges azéotropiques de solvants ;
(d) au moins un stabilisant UV et/ou antioxydant ; et (e) au moins un tampon pour maintenir le pH de la composition entre 7,2 et 10,5. "
Les revendications 2 à 8, 10 et 14, par ailleurs invoquées au soutien de l'action en contrefaçon, dont l'énoncé est rappelé dans le jugement dont appel, sont toutes des revendications dépendantes de la revendication 1, et les revendications 3 et 5 portent respectivement sur le groupe dans lequel est sélectionné un des stabilisants UV et/ou antioxydant, et sur la quanti té par litre de ditertbutyl paracrésol et de résorcinol lorsque ce mélange est un des stabilisants UV et/ou antioxydant de la composition.
La description de l'invention, telle que caractérisée par la revendication 1, dont dépendent toutes les autres revendications de produit du brevet, doit permettre à l'homme du métier de fabriquer une composition conforme au dit brevet à l'aide de ses connaissances générales et par de simples opérations d'exécution. Même si des imprécisions ne rendent pas nécessairement insuffisant l'exposé de l'invention, il importe qu'il puisse y remédier sans effort notamment à raison de ses aptitudes ou connaissances techniques, théoriques ou pratiques au jour du dépôt de la demande de brevet, et reproduire le résultat revendiqué, sans lui-même faire œuvre inventive.
En l'espèce, il est notamment précisé dans la description que la stabilité pour au moins un an d'un revêtement stable se réalise grâce à l'incorporation dans la composition brevetée d'au moins un agent chimique et/ou un stabilisateur UV et/ou un antioxydant, que l'additif en tant que stabilisateur UV et/ou antioxydant peut au moins comprendre un mélange de ditertbutyl paracrésol et de résorcinol lesquels sont respectivement présents en une quantité de 0,00001 à 150 g par litre de la composition formée sans le stabilisateur, ce qui est repris dans la revendication 5 du brevet.
Il est aussi indiqué que des additifs peuvent comprendre au moins un senseur tel qu'une charge transparente et la quantité en poids de cette charge définissant un précurseur de couleur du poids total de la composition à obtenir. Il est ajouté qu'un tampon peut également être présent afin de contrôler le pH du revêtement ou du scellant ainsi que la composition, avec la quantité préférentielle de ce tampon par litre de la composition résultante de revêtement ou scellant sans tenir compte de la présence du tampon et du stabilisateur UV et/ou de l'antioxydant et de la charge transparente.
Il est enfin donné une description des éléments préférés à la lumière de trois exemples de formulation mentionnant notamment le pourcentage en poids des ingrédients utilisés et d'un tableau comparatif de ces trois exemples qui indique en particulier la couleur apparente après 30 jours et l'activité du senseur (un an), étant précisé que l'exemple 1 ne comprend pas de Ditertbutyl paracrésol et que l'exemple 2 ne comprend pas de tampon de Borax pH ajusté à 8,2, ces deux ingrédients qui caractérisent le produit selon la revendication 1 n'étant présents que dans l'exemple 3. Ce dernier exemple constitue ainsi seul, comme relevé par le tribunal, une composition selon l'invention. Il est conclu dans l'exposé du brevet que les résultats de ces exemples montrent une stabilisation double à la fois par le tampon et l'antioxydant, plus efficace, et que peut même être constatée une plus grande brillance en ce qui concerne les valeurs obtenues dans l'exemple 3, que plus particulièrement cet exemple rencontre réellement les critères mentionnés et que l'apparence d'usure générée par la dégradation du senseur chimique de l'exemple 1, correspondant à l'art antérieur comme rappelé par les premiers juges, fait en sorte que le fini du sol pour cet exemple n'a aucune valeur commerciale.
Compte tenu de cette analyse qui figure sous le tableau comparatif précité, l'homme du métier peut facilement comprendre que la mention 'NON' pour la valeur commerciale du produit selon l'exemple 3 du brevet ressort d'une erreur. Il sait par ailleurs que l'effet technique revendiqué est une composition montrant une stabilité et brillance à long terme dans laquelle le senseur ne se dégrade pas chimiquement. Force est cependant de constater que divers éléments permettent sérieusement de douter qu'il puisse reproduire une telle composition sans recherches complémentaires faute de précisions suffisantes.
En effet, ainsi que rappelé par les premiers juges, du rapport d'essai du laboratoire Abl du 19 mars 2014 produit aux débats par la société Argos devenue Orapi, qu'il existe une précipitation dans les émulsions à partir d'une concentration de 1 % en BHT correspondant à l'un des stabilisants UV et/ou antioxydant proposé par le brevet, qui par ailleurs n'agit pas sur la brillance.
Le conseil en propriété industrielle de la société Argos explique que cette précipitation constitue la formation d'un solide blanc et que les quantités de 150 g/litre de ce stabilisant entraînent aussi un précipité de la composition
Une note additive établie à la demande des sociétés Argos et Copak du 16 janvier 2015 par un professeur de chimie confirme qu'une teneur croissante du BHT peut conduire à une déstabilisation des émulsions.
Il en résulte que la fourchette de concentration donnée dans la revendication 5 est trop étendue, pouvant conduire à une impasse au plan technique, la concentration maximale prévue rendant impossible le résultat recherché d'une composition permettant notamment l'obtention d'un revêtement brillant.
Certes la description indique que préférentiellement l'additif en tant que stabilisateur UV et/ou antioxydant peut représenter de 0,0005 % à 0,2 % et plus préférentiellement encore de 0,005 % à 0,1 % en poids par rapport au poids total de la composition et l'exemple 3 susvisé mentionne sa présence à raison de 0,01 % en poids.
Toutefois, si l'homme du métier peut ainsi être alerté sur le pourcentage de BHT à utiliser, il peut être dérouté par des éléments inclus dans le brevet qui ne permettent pas de réaliser l'invention ou d'obtenir les résultats attendus de la composition revendiquée, étant ajouté que le conseil en propriété industrielle de la société Argos précise que dans l'intervalle de pH visé par la revendication 1 un senseur vert de malachite couvert par cette revendication est coloré.
Enfin la société Orapi fait valoir que les exemples fournis dans le brevet ne visent pas la composition liquide, alors que la stabilité et la brillance à long terme de la composition, de même que la non-dégradation chimique après un an du senseur de la revendication 1 ne devraient pas seulement s'entendre pour l'état solide après utilisation.
Certes la société Choisy a produit en appel une analyse du laboratoire Campeau réalisée le 14 décembre 2018 par deux chimistes tendant à montrer qu'avec leur expérience en formulation ils ont pu reproduire les exemples 2 et 3 du brevet, suivant l'ordre indiqué, sauf pour un ingrédient (l'anti mousse) pour le rendre plus facile à intégrer dans la formule. Ils indiquent avoir pu constater, tant sur les produits sous forme liquide qu'appliqués sur des tuiles, que la brillance demeure commercialement acceptable et que le fonctionnement du senseur est maintenu après 3 mois de vieillissement à l'étuve, ce qui permettrait de reproduire les conditions de vieillissement à un an du brevet.
Il convient cependant de rappeler qu'il y a lieu de se placer à la date du dépôt de la demande pour apprécier ce que l'homme du métier est en mesure de réaliser au vu du brevet, lequel n'explique pas, autrement qu'en termes de stabilité et de brillance à long terme et de non-dégradation chimique du senseur après un an, le vieillissement pouvant être supporté par la composition. Par ailleurs, le brevet ne protège pas l'exemple 2 qui est dépourvu de tampon, seul l'exemple 3 correspondant par sa liste d'ingrédients à la composition revendiquée et la reproduction de cet exemple telle que résultant de l'analyse précitée donne des résultats largement inférieurs à ceux visés dans le brevet en particulier pour la 'lecture 60°' qui constituerait, selon sa description, la mesure de brillance perçue dans un hall. Par ailleurs, le troisième exemple du brevet fait état d'une 'couleur rouge complètement active du senseur' après un an alors que le laboratoire missionné par la société Choisy parvient à une couleur qu'il qualifie de 'rouge plus pâle (rose)'.
Comme relevé dans la dernière consultation du conseil en propriété industrielle de la société Orapi du 7 juin 2019 il n'est ainsi fourni qu'un seul exemple illustrant la composition brevetée sans qu'apparaisse, ni qu'il puisse être strictement reproduit, ni que son résultat corresponde à celui attendu selon la revendication principale du brevet.
Sont ainsi démontrées les limites de la reproduction de cet unique exemple de réalisation de la composition, ce qui ne peut qu'inciter l'homme du métier à procéder à une démarche inventive notamment quant à la nature et aux proportions des ingrédients devant être compris dans la composition revendiquée contenant un senseur avec l'ajout notamment d'au moins un stabilisant UV et/ou un antioxydant et d'au moins un tampon.
Il en résulte que l'exposé de l'invention n'apparaît pas être suffisamment clair et complet pour permettre à l'homme du métier de réaliser avec ses connaissances professionnelles normales théoriques et pratiques, notamment sur les réactions chimiques prévisibles, en faisant un effort raisonnable de réflexion tels la réalisation d'essais ou tâtonnements chimiques habituels, la composition définie par la revendication 1 du brevet 'contenant un senseur et montrant une stabilité et une brillance à long terme, dans laquelle le senseur ne se dégrade pas chimiquement après un an'.
Dès lors c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu une insuffisance de description de l'invention et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a annulé de ce chef les revendications de produits de la partie française du brevet opposées par la société Choisy sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de nullité opposés, ni la contrefaçon du brevet invoquée.
Compte tenu de l'effet rétroactif de l'annulation de ce titre de propriété au jour de la demande de brevet, il convient, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de nullité opposés, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé par voie de conséquence :
- les opérations de saisie de contrefaçon diligentées les 23 février et 31 mars 2011 dès lors qu'elles ont été autorisées par ordonnances des 15 février et 22 mars 2011 sur le fondement exclusivement des textes du Code de la propriété intellectuelle et aucunement sur les dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, à raison de produits argués de contrefaçon même si était également alléguée un transfert de 'K I' ou savoir faire les concernant,
- ainsi que le rapport du 13 novembre 2011 des opérations d'expertise judiciaire dans la mesure où elles ont consisté à analyser les produits ainsi saisis.
La restitution des éléments saisis sera également ordonnée.
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
La société Choisy soutient, à titre subsidiaire dans les motifs de ses écritures, que l'imitation par le produit Takteo Protection VCE de son produit S 3000, ou, selon le tableau inclus dans ses conclusions, des quatre versions S 500, 1000 2000 et 3000, constituerait un acte de concurrence déloyale et de parasitisme.
Toutefois cette prétention subsidiaire n'apparaît pas reprise comme telle dans le dispositif des dites écritures qui seul saisit la cour. Elle n'est en tout état de cause pas caractérisée dès lors qu'elle est expressément fondée sur le rapport d'expertise judiciaire qui est annulé et sur l'analyse des formules saisies qui n'auraient pas été examinées par l'expert judiciaire mais qui, compte tenu de son objet, ne peut pas plus être valablement retenue.
La société Choisy invoque, à titre principal, dans le dispositif de ses conclusions des actes de concurrence déloyale et de parasitisme au travers notamment de la divulgation et de l'utilisation frauduleuses des secrets de fabrication des produits de sa gamme S et S ZZ.
Elle fait en particulier valoir qu'au total 21 produits Takteo/VCE, dont en fait 20 ne relevant pas du brevet, copieraient servilement l'intégralité de sa gamme de produits sans nécessité, que son savoir-faire aurait été fautivement repris, et que les intimés ont profité indûment de ses investissements ainsi que de sa notoriété.
Les premiers juges ont estimé qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un risque de confusion, qu'elle n'identifiait pas les éléments secrets et substantiels qui caractériseraient son savoir-faire, et qu'elle ne démontrait aucune faute de nature à engager la responsabilité délictuelle des sociétés Argos, Copak et Tri Tex, étant précisé qu'en cause d'appel les demandes de la société Choisy à l'encontre de ces sociétés et de M. A sont fondées sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, actuellement 1240 dudit Code.
Sur la concurrence déloyale
Il incombe à celui qui se prévaut d'actes de concurrence déloyale ou parasitaire d'établir l'existence d'actes constitutifs d'une faute préjudiciable.
La société Choisy prétend que la concurrence déloyale pourrait être établie indépendamment de tout risque de confusion en cas de copie servile, sans nécessité technique, d'une gamme complète de produits en utilisant le savoir-faire d'autrui, étant observé qu'en réalité par nature une telle reproduction, si elle était établie, serait susceptible de créer un risque de confusion.
Elle invoque plus particulièrement la copie de quatre produits (S 3000 précité, S T, P E et décapant EXCELSOL) de la technologie dite ZZ, laquelle ne se réduirait pas à l'existence d'un indicateur coloré, se prévalant notamment des constatations effectuées par le directeur d'un laboratoire de Chimie de Lorraine qui a procédé à une comparaison des compositions avec les produits incriminés.
Toutefois, il a été admis que la concurrence déloyale ne pouvait être retenue s'agissant du produit S 3000, et pour les autres produits ZZ les comparaisons opposées à partir de compositions ou formules saisies pour les produits Takteo, ne sauraient permettre d'établir valablement de correspondance avec les produits de la société Choisy ou des similitudes entre deux gammes de produits par ailleurs formellement contestées dès lors que les opérations de saisie contrefaçon ont été annulées.
Il ne peut ainsi être considéré que l'appelante rapporte la preuve d'une copie servile de ses produits de nettoyage de sols, ni d'une gamme complète de produits étant observé qu'il n'est pas sérieusement dénié qu'elle commercialise environ 3 000 références de produits dont plus de 100 produits d'entretien.
Certes la société Argos avant de distribuer les produits incriminés s'approvisionnait auprès de la société Choisy et lorsqu'elle a changé de fournisseur elle a établi un tableau de concordance pour le lancement de sa nouvelle gamme de produits d'hygiène des sols.
Il ressort de ce tableau tel qu'incriminé par la société Choisy que pour 11 produits de la gamme sols de la société Argos la correspondance entre les produits de la gamme 'actuelle' avec ceux 'à venir' est matérialisée pour chacun d'eux par une flèche sous laquelle apparaît la mention 'même formulation même qualité'.
Pour autant cette pièce ne saurait s'analyser en un aveu judiciaire, ce qui est formellement contesté par la société Orapi anciennement Argos qui fait valoir que cette fiche de correspondance était destinée à permettre à ses commerciaux de comprendre que les fonctions des nouveaux produits proposés étaient similaires à celles des anciens produits par de mêmes substances de base, comme elle l'avait déjà fait en 1994 lorsque la société Choisy était devenue son fournisseur. Ce tableau ne saurait suffire à caractériser un acte de concurrence déloyale.
La société Orapi anciennement Argos souligne qu'elle a par ailleurs opéré des modifications importantes de présentation pour ces nouveaux produits qui excluent tout risque de confusion avec ceux de la société Choisy, commercialisant en particulier sa nouvelle gamme dite VCE sous une nouvelle dénomination Takteo, ce qui n'est pas discuté et en modifiant le packaging antérieur (étiquettes et formes des bidons de produits : carrés et non plus rectangulaires) ce qui est immédiatement perceptible par sa clientèle qu'elle soit ou non professionnelle.
Il en résulte que les premiers juges ont pu relever qu'il n'était pas démontré de risque de confusion entre les produits que la société Argos devenue Orapi a commercialisé sous ses propres marques en modifiant leur nom et la forme de leur contenant lors du changement de fournisseur et en utilisant le signe VCE, et non le signe ZZ de la société Choisy.
Il sera ajouté que la société Orapi produit un tableau comparatif des similitudes entre les produits Argos résultant de la gamme de la société Choisy et de ceux fournis par la société Copak ainsi qu'avec des produits concurrents d'autres sociétés et en particulier avec ceux figurant sur un catalogue de produits d'une société distributrice PLG, tendant à montrer que seules sont reprises des caractéristiques banales pour le type de produits concernés (décapant, nettoyant ou détartrant) ou résultant d'enseignements de brevets tels les brevets américains Kahn de 1978 qui sont du domaine public et qu'en particulier des produits de nettoyage de sols contenant un indicateur coloré existaient chez d'autres fabricants.
Si la société Choisy soutient qu'il s'agit d'une comparaison tronquée ou trompeuse il n'en demeure pas moins qu'elle ne démontre pas que des spécificités propres qui permettraient de l'identifier ont été reprises dans les produits incriminés, et le tribunal a pu justement retenir qu'il n'était pas établi que des constituants qui se retrouvent de façon similaire dans les produits de la société Orapi ne se retrouvent pas de façon commune et banale dans d'autres produits de concurrents du marché des produits de sol, étant rappelé que la liberté du commerce suppose que peuvent être commercialisés licitement des produits similaires non protégés, notamment par un titre de propriété, dès lors qu'il n'en résulte comme en la cause aucun risque de confusion dans l'esprit de la clientèle concernée.
La société Choisy qui se présente comme le leader nord-américain des produits de nettoyage reconnue internationalement pour son savoir-faire innovant notamment par l'attribution en 1997 d'un prix Europropre, maintient néanmoins qu'il existe un transfert illicite pour les 21 produits de sa gamme de ce savoir-faire, élaboré en interne par son personnel scientifique, selon des procédés de fabrication intégrés de ses produits, faisant notamment valoir que l'utilisation d'éléments chimiques connus n'exclut pas l'existence de modalités particulières de sélection et de combinaison de substances très diverses.
Le savoir-faire susceptible d'être protégé se définit cependant, ainsi que rapelé par les premiers juges, comme un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations de nature technique, industrielle ou commerciale, pratiques non brevetées, résultant de l'expérience et testées.
Pour montrer les choix réalisés dans l'utilisation d'éléments chimiques pour mettre au point ses produits, la société Choisy produit en cause d'appel en pièce 165, pour chacun des 21 produits en cause, les formules et méthodes de travail y afférents avec une note synthétique de leur particularité établie en mai 2018 par son directeur de recherche.
Toutefois le caractère secret excluant toute connaissance ayant fait l'objet d'une publication, telle que le brevet objet du présent litige, son annulation rétractive n'excluant nullement que le public y ait eu accès, la société Choisy ne peut valablement se prévaloir d'un savoir-faire protégeable pour les produits S 500, 1000, 2000 et 3000 dont elle a soutenu qu'ils étaient composés selon cette publication.
Par ailleurs si elle fait valoir que les produits ZZ non protégés par le brevet n'auraient fait l'objet d'aucune publication, sa pièce 165 précitée, qui est au demeurant critiquée de manière détaillée par M. A et les sociétés Orapi et Copak dans leurs écritures, ne suffit pas à démontrer que les produits en cause relèveraient d'un savoir-faire au sens de la définition susvisée.
La société Choisy n'établit pas plus le caractère substantiel d'informations concernant la fabrication de ces produits qui représenteraient un avantage concurrentiel fautivement repris.
Si elle maintient en particulier que serait reprise une concentration de phénol phtaléine moindre que celle revendiquée dans l'art antérieur (brevets Kahn précités) il n'est pas pour autant démontré qu'il s'agit d'un savoir-faire non facilement identifiable.
De même le seul fait que M. A, qui aurait conclu le 8 janvier 1992 une entente de confidentialité en litige devant les juridictions canadiennes, ait quitté la société Choisy ne permet pas de considérer que les 6 tests de contrôle de la qualité des produits ZZ développés par ses chimistes, ce qui serait conforté par une note de M. A du 31 janvier 1997 indiquant que l'analyse du R J a été particulièrement difficile à élaborer, auraient été fautivement repris. M. A qui apparaît avoir approuvé ces tests le 18 février 1997 explique au surplus pour chacun d'eux qu'ils relèvent de principes connus ou appartenant au domaine public.
La société Choisy soutient encore que l'association de la triéthanolamine ou d'un mélange de senseurs associés à un antioxydant serait substantielle. Si elle produit à cet égard une analyse de la solution S J du 26 août 2010 réalisée par un professeur de chimie (M. D) il sera observé que ce dernier indique que l'utilisation de deux produits spécialisés dans les mêmes proportions laisse supposer un transfert de connaissances acquises lors du développement de la solution de la société Choisy, ce qui ne relève pas nécessairement d'un secret de fabrication.
S'il doit être admis que la société Choisy est recevable à agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l'encontre de M. A, elle se prévaut d'une note interne du 21 mars 1997 signée par ce dernier, laquelle porte sur un projet ZZ S 50, composition non listée dans les 21 produits incriminés mentionnés en pièce 98 bis par la société Choisy mais dont les sociétés Orapi et Copak précisent, sans être contredites sur ce point, qu'elle visait le concept du brevet annulé. Cette pièce ne saurait dès lors établir le caractère secret d'un savoir-faire. La société Orapi anciennement Argos souligne par ailleurs qu'elle n'était tenue à aucune clause relative à un savoir-faire ou clause de confidentialité dans le cadre du contrat d'approvisionnement conclu avec la société Choisy.
Enfin celle-ci argue d'une désorganisation interne et externe à raison de la démission de M. A de son poste de directeur de son département recherche en 2005 et de la résiliation du contrat de distribution par la société Argos qui avait préalablement acquis la société Copak spécialisée dans la fabrication de produits concurrents des siens.
Toutefois il ne saurait résulter d'une attestation indiquant que certains 'M X' auraient été manquants ou incomplets après le départ de M. A preuve suffisante d'une faute formellement commise par ce dernier, et il n'est pas plus établi que l'attitude de la société Argos est constitutive d'un comportement fautif.
Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas démontré à suffisance que des secrets de fabrication des produits de la société Choisy ont été frauduleusement repris et le jugement dont appel ne peut qu'être approuvé en ce qu'il n'a pas retenu en particulier l'engagement de la responsabilité de M. A à ce titre.
Sur le parasitisme
Il importe peu que dans une autre instance la société Argos ait pu être condamnée pour s'être placée dans le sillage d'une société tierce, dès lors qu'il appartient à la société Choisy de démontrer l'existence d'actes parasitaires dans le présent litige.
La société Choisy en qualité de fabricant de produits de la gamme S, dont il n'est pas sérieusement contestable qu'elle est susceptible de constituer une valeur économique, soutient que le parasitisme résulte d'un ensemble d'éléments chronologiques à savoir l'acquisition par la société Argos de la société Copak, fabricant de produits chimiques en 1999-2000, suivie de l'échec d'une rencontre avec la société Argos pour la production de ses produits en septembre 2001, puis de la démission de M. A début 2005 et de son engagement la même année en qualité de consultant par la société Tri Tex qui aurait été son fournisseur et serait devenue le fournisseur des sociétés Argos et Copak et qui a développé le concept VCE (concernant 17 des 21 produits incriminés), et enfin de la résiliation du contrat de distribution par la société Argos le 21 octobre 2005 avec une commande d'un stock de produits pour 18 mois, les produits Takteo VCE étant commercialisés à compter du mois de juillet 2007.
Elle ajoute que le lancement de la gamme de produits Takteo serait intervenue en moins de deux ans, alors qu'elle a travaillé 5 ans sur sa technologie ZZ et que la société Argos ne dispose pas, contrairement à elle, d'un département de recherche.
Pour autant, ainsi que relevé par les premiers juges, le contrat de la société Argos n'était pas un contrat exclusif et il ne ressort pas des pièces produites, dont les courriels échangés, preuve d'une concertation frauduleuse en vue de la transmission et de l'utilisation d'informations confidentielles de la société Choisy.
La société Argos a pu normalement souhaiter mettre fin à son contrat avec la société Choisy et faire fabriquer les produits qu'elle entend commercialiser par une autre société. De même la société Tri tex, dont au surplus il n'est pas établi qu'elle a fourni à la société Choisy des produits en lien avec le présent litige, a pu sans faute faire travailler M. A ancien chimiste de la société Choisy dès lors qu'il n'est pas démontré que celui-ci ait transmis des secrets de fabrication et non pas seulement mis en œuvre, ce qu'il était en droit de faire, ses propres connaissances résultant de sa longue expérience professionnelle.
Le seul fait que la société Argos ait dans ce contexte avant la résiliation du contrat d'approvisionnement commandé un stock important et ait été en mesure ensuite de commercialiser de nouveaux produits en remplacement de ceux précédemment fournis par la société Choisy ne caractérise pas plus une volonté de profiter indûment des efforts de cette dernière.
S'il est encore argué de la reprise pour l'identification de 18 produits Takeo de deux des quatre numéros précédemment utilisés pour la gamme Choisy, celle-ci même prise globalement avec les éléments qui précèdent, ne saurait pas plus démontrer une volonté de se placer dans le sillage de la société Choisy, et l'utilisation d'un tableau de concordance, usuel en cas de changement de produits ne peut pas plus constituer, même établi comme précédemment rappelé, une appropriation indue des investissements d'autrui.
Enfin si la gamme de la société Choisy comprenait des produits d'appel ZZ ceux de la gamme Takteo comprenant des produits VCE il ne s'agit pas d'une idée publicitaire susceptible de caractériser un acte de parasitisme. Les produits d'appel sont en effet habituels et ainsi que relevé par les premiers juges les sigles ZZ et VCE sont très distincts. Ils correspondent à deux expressions anglaises différentes à savoir YY O U et YY C F, même s'ils ont une première lettre commune, correspondant à l'initiale du terme commun 'XX' et sont tous deux composés de 3 lettres.
Il s'infère de ces éléments pris dans leur ensemble que le parasitisme invoqué par la société Choisy ne s'avère pas à suffisance caractérisé et le jugement entrepris ne peut qu'être approuvé en ce qu'il n'a pas retenu d'actes de parasitisme.
Toutes les demandes (indemnités et subsidiairement expertise des bénéfices réalisés, mesures d'interdiction, de destruction et de publication) formées par la société Choisy au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ne peuvent en conséquence qu'être rejetées, et la décision dont appel confirmée en ce qu'elle a débouté la société Choisy de l'ensemble de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.
Sur la procédure abusive et les frais de procédure
Les premiers juges ont débouté les sociétés Orapi, Copak et Tri Texco de leur demande pour procédure abusive mais retenu que l'action intentée par la société Choisy à l'encontre de M. A présentait un caractère abusif.
Ce dernier maintient que sa mise en cause relèverait d'un harcèlement judiciaire et les sociétés intimées se prévalent également d'un abus du droit d'agir dans le cadre de cette instance qui a perduré et tend à des condamnations conséquentes.
Le seul fait de n'avoir pas pu établir de faute à l'encontre des intimés, ni l'existence d'une action concertée susceptible de justifier notamment leur condamnation in solidum, pas plus que le montant total de la demande qui s'établit à plus de 19 millions d'euros ne peut suffire à caractériser une intention de nuire, un harcèlement ou une volonté d'appropriation indue de données, ni une légèreté blâmable constitutive d'un abus du droit d'agir à l'encontre de l'un quelconque des intimés, y compris l'ancien salarié de la société Choisy, personne physique exerçant une activité de consultant.
La décision entreprise sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a condamné la société Choisy à payer des dommages et intérêts pour procédure abusive à M. A et confirmée en ce qu'elle a débouté les sociétés Orapi anciennement Argos, Copak et Tri tex de leurs demandes de ce chef.
L'équité commande de confirmer les condamnations prononcées à l'encontre de la société Choisy par les premiers juges sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'y ajouter, dans la limite des demandes, une somme complémentaire telle que fixée au présent dispositif pour les frais irrépétibles d'appel exposés par chacun des intimés.
Par ces motifs, Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société Laboratoires Choisy LTEE tirée de la prescription des demandes reconventionnelles en nullité de brevet, et par voie de conséquence, en nullité des procès-verbaux de saisies contrefaçon et du rapport d'expertise judiciaire, ainsi que de restitution des objets saisis ; Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les pièces n° 123 à 127 produites par la société Laboratoires Choisy LTEE ; Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a condamné la société Laboratoires Choisy LTEE à payer à M. A 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant, Ordonne la restitution de tous les éléments saisis ; Déboute la société Laboratoires Choisy LTEE de l'ensemble de ses demandes formées au titre du parasitisme ; Déboute M. A de sa demande pour procédure abusive ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne la société Laboratoires Choisy LTEE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et vu l'article 700 dudit Code, la condamne à verser à ce titre une somme complémentaire de 15 000 euros à M. A, de 10 000 euros à la société Tri Tex, et de 50 000 euros ensemble aux sociétés Orapi Hygiène et Copak.