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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 27 janvier 2020, n° 17-03571

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Coatinc Becker GmbH (Sté)

Défendeur :

Semak (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roublot

Conseillers :

Mme Harrivelle, M. Frey

Avocats :

Mes Heichelbech, Spieser

TGI Strasbourg, ch. com., du 10 mars 201…

10 mars 2017

La SARL Semak a passé commande le 10 janvier 2012 à la société de droit allemand Coatinc Becker GmbH, de travaux de galvanisation et de thermo laquage de diverses pièces métalliques à destination de la société X, suivant la norme ISO DIN EN 1461 et au prix de 590 euros la tonne.

Les pièces ont été livrées à la société X Y le 5 avril 2012.

Par acte d'huissier du 12 novembre 2014, la société Coatinc Becker GmbH a saisi la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg d'une action dirigée contre la SARL Semak aux fins d'obtenir sa condamnation outre aux entiers frais et dépens, à lui verser une somme de 13 549,80 euros en paiement du solde de sa facture et une indemnité de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Reconventionnellement la SARL Semak a fait valoir que des défauts conséquents affectant les pièces livrées, elle sollicitait la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 20 491,16 euros en réparation de ses préjudices, outre une indemnité de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 10 mars 2017 le tribunal de grande instance de Strasbourg a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

Débouté la société Coatinc Becker GmbH de l'intégralité de ses demandes, l'a condamnée à verser à la SARL Semak la somme de 20 491,16 euros à titre de dommages et intérêts,

L'a condamnée outre aux entiers frais et dépens, à verser à la SARL Semak la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par acte du 2 août 2017, la société Coatinc Becker GmbH a interjeté appel de cette décision.

L'intimée a constitué avocat le 19 octobre 2017.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 juin 2018, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé de l'intégralité de ses moyens et prétentions, la société Coatinc Becker GmbH entend voir :

Infirmer le jugement attaqué, condamner la SARL Semak à lui verser la somme de 13 459,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation,

Rejeter toute autre conclusion plus ample et contraire, condamner la SARL Semak outre aux entiers frais et dépens, à lui verser une indemnité de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions elle entend faire valoir qu'un bon de livraison a été accepté sans réserve par la société X Y ce qui ferait obstacle à ce que la SARL Semak se prévale d'un quelconque défaut de conformité.

Elle soutient que les défauts allégués affectant le matériel livré sont minimes et d'ordre esthétique et en tout état de cause ne le rendent pas impropre à sa destination. Elle précise que si elle a reconnu l'existence à quelques endroits des problèmes liés à la qualité esthétique de la mise en peinture, elle n'a jamais reconnu l'existence de défaut de conformité des pièces livrées, affirmant que la norme contractuelle ISO DIN EN 1461 a bien été respecté.

Par tant elle soutient que le matériel livré est conforme à la commande.

Enfin elle précise qu'aucune preuve du paiement par la SARL Semak des factures éditées par les sociétés CASAL SPORT (frais engendrés) et Dilatek (remise en laquage après ponçage) n'est produite.

Dans ses dernières conclusions en date du 18 décembre 2017, auxquelles il est expressément référé pour l'exposé de l'intégralité de ses moyens et prétentions, la SARL Semak Entend voir :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, condamner la société Coatinc Becker GmbH outre aux entiers frais et dépens, à lui verser une indemnité de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle entend faire valoir l'importance des défauts de conformité affectant les pièces livrées par Coatinc Becker GmbH, lesquels ont conduit sa cliente, la société X Y, à lui retourner l'ensemble de la commande et à lui présenter une facture des frais engendrés de ce fait. Elle souligne que les pièces en litige ont dû être reprises et repeintes avant de pouvoir, à nouveau être livrées, à sa cliente, avec un retard conséquent.

Elle précise avoir immédiatement signalé les défauts en litige à la société Coatinc Becker GmbH, à type de sur épaisseur de galvanisation, entravant le bon emboîtement des pièces et d'un aspect " peau d'orange " de la peinture par ailleurs mate et non brillante. Elle affirme que cette dernière aurait reconnu cet état de fait mais n'aurait jamais engagé l'indemnisation de ses conséquences, se bornant à lui adresser sa propre facture.

Elle rappelle que la société Coatinc Becker GmbH supporte une obligation de délivrance conforme à la commande et ne peut se retrancher derrière le respect d'une norme ISO pour s'en exonérer.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 26 juin 2019.

A l'audience du 6 novembre 2019 les parties ont soutenu leurs écritures et déposé leurs pièces.

MOTIFS :

Conformément aux articles 6 et 9 du Code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer et de prouver les faits nécessaires au succès de leur prétention. L'article 1353 du Code civil fait peser la charge de la preuve d'une obligation sur celui qui s'en prévaut. Réciproquement celui qui se prétend libéré de cette obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de cette obligation.

En outre et de manière générale l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable au litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

A titre liminaire il convient de rappeler que le présent litige s'inscrit dans un contexte de défaut de conformité à la commande de la chose livrée. Comme le rappelait le premier juge, la chose délivrée doit être conforme à la commande ainsi qu'il est dit à l'article 1604 du Code civil et non pas comme indiqué, vraisemblablement à la suite d'une erreur de plume, l'article 1641.

Par suite la question d'une nécessaire impropriété de la chose livrée à sa destination est hors débat, seules étant alléguées les non-conformités du matériel livré au regard des caractéristiques convenues entre les parties.

Il est constant entre les parties et ressort de leurs échanges de courriels, bien que les factures de la société Coatinc Becker GmbH soient produites en langue allemande, que la SARL Semak lui a passé commande de travaux de galvanisation à chaud et de peinture de pièces métalliques destinées à la construction d'agrès et de clôture d'un terrain de jeu de type " city stade " à Mens (38) par la société X Z

Cette dernière société prenant livraison du matériel le 5 avril 2012, l'a retourné à Semak dans son intégralité et fera valoir, au terme d'une facture adressée le 11 juin 2012, le surcoût financier engendré (déplacement de ses personnels et locations d'engins inutiles en Isère, pour un chantier qui devait se dérouler sur une semaine mais qui en prendra finalement trois...) ; la société Semak relève avoir pour sa part assumé tant le coût de la préparation des tubes à une nouvelle mise en peinture qui sera réalisé par la société Dilatek industrie que celui de ces travaux, d'une nouvelle livraison et de l'indemnisation de la société X Z

La SARL Semak justifie avoir dès le 25 mai 2012, averti la société Coatinc Becker de ce que X lui retournait l'ensemble du matériel, lequel présentait des " surépaisseurs de galva ", un aspect de finition en peau d'orange, une peinture dans l'ensemble mate au lieu d'être brillante. La société Semak soulignait l'urgence de réaliser la reprise des tubes " car il faut que mardi matin ils repartent sur le chantier ".

Le même jour la société Coatinc Becker répondait qu'au vu des photographies transmises il lui semblait évident qu'il y ait à quelques endroits des problèmes liés à la qualité esthétique de la mise en peinture. Elle soulignait que le peintre procède à un nettoyage décoratif ce qu'il n'a pas apparemment reproduit aux endroits où la peinture présente un aspect de " peau d'orange " ; les photographies versées aux débats illustrent cet état de fait.

En outre elle relevait que le surplus de galva à l'intérieur des tubes empêchant leur emmanchement facile était lié à un problème de découpe, en l'espèce à l'absence d'un chanfrein, qui devait permettre l'écoulement du galva. Cette difficulté technique était apparemment connue des parties et aurait déjà été signalée. Toutefois il est certain que la société Coatinc Becker a accepté en pleine connaissance de cause de leur destination contractuellement attendue les supports fournis en cet état par Semak.

Dans un courriel du 29 mai 2012 la société Coatinc Becker affirmait " concernant les différentes non-conformités des affaires city stade, nous devons absolument vous envoyer un représentant thermolaqueur pour qu'il constate par lui-même officiellement en vos locaux les différents problèmes liés à la mise en peinture mais également au refus de X d'avoir accepté la marchandise en l'état ". Dans un second courriel du même jour elle exigeait le " maximum de photos qui seraient susceptibles de mettre au mieux en valeur les différentes non-conformités rencontrées sur le chantier ". Chacun de ces courriels s'achevait sur la promesse par la société Coatinc Becker d'une solution prochaine en lien avec son prestataire peinture ou encore avec sa direction.

Dès le 30 mai 2012 la SARL Semak procédera à l'envoi de plusieurs photographies qu'elle verse également aux débats, puis à une mise en demeure de l'indemniser des surcoûts engendrés par la reprise nécessaire des tubes, réceptionnée le 19 juin 2012 et renouvelée par lettre recommandée réceptionnée le 25 juillet 2012.

Pour seule réponse au vu des pièces produites, la société Coatinc Becker adressera un rappel de ses factures pour un montant de 13 564,80 euros.

La preuve des désordres évoqués par la SARL Semak est ainsi rapportée et bien que minimisés, n'apparaissent pas contestés par Coatinc Becker. Les conditions contractuelles ressortent des échanges de courriels précités alors que les tubes en litige étaient assurément destinés à la construction d'un city stade et devaient s'emboîter. Il ne peut être raisonnablement soutenu que les défauts d'aspect flagrants, s'agissant des tubes soient minimes et purement esthétiques alors que leurs surépaisseurs entravent leur assemblage. Ils constituent bien des défauts de conformité relativement au matériel commandé, étant rappelé que les tubes livrés par Semak ont été acceptés en l'état avant travaux de galvanisation, sans qu'aucune réserve ne soit formulée quant à l'absence d'un chanfrein.

La société Coatinc Becker ne saurait se retrancher pour s'exonérer de son obligation de délivrance derrière le respect d'une norme ISO 1461, laquelle n'est en tout état de cause relative qu'aux seuls travaux de galvanisation à chaud des tubes et ne concerne pas leur mise en peinture. En tout état cause elle ne produit aucun bon de livraison à même de démontrer que la commande aurait été acceptée sans réserve par Semak et il apparaît constant au vu des pièces produites que cette livraison s'est effectuée directement auprès de X Y en Isère, avant que cette dernière société ne retourne l'intégralité du matériel à Semak.

Partant, et ainsi que le relevait justement le premier juge, la SARL Semak est bien fondée à obtenir réparation de l'entier préjudice résultant des défauts de conformité imputables à Coatinc Becker.

Semak a produit sur ce point la facture de la société Dilatek relative au coût du laquage de l'ensemble pour un montant de 3 055,08 euros HT, sa propre facture correspondant au coût du ponçage avant peinture de l'ensemble pour 1 500 euros HT. Ces factures seront retenues en l'état.

Elle produit également une facture de la société X Y pour la somme de 12 578 euros HT précisant qu'elle concerne les coûts de transport du matériel, des locations nécessaires d'engin de chantier et le surcoût de main d'œuvre. Si cette facture peut être retenue sur les points précités, aucun élément ne vient justifier le " forfait " mis en compte par X Y pour 2 000 euros au titre d'autres " frais et préjudice commercial " ; ces postes non justifiés ne seront pas retenus.

En conséquence la société Coatinc Becker GmbH se doit d'indemniser la SARL Semak, sa cocontractante d'un montant de 18 099,16 euros, correspondant à :

Ponçage de l'ensemble : 1 500 euros HT, remise en peinture : 3 055,08 euros HT, préjudice indemnisable pour X Y : 10 578 euros HT, TVA à 19,6 % : 2 966,08 euros

Le jugement entrepris sera confirmé pour ce montant, la circonstance que Semak ne démontre pas s'être d'ores et déjà acquittée du paiement de ces factures est sans emport, alors qu'elles sont régulières en leurs formes et constituent pour leurs rédacteurs un titre de créance valable à son encontre, en matière commerciale et par tant établissent l'étendue de son préjudice.

En revanche aucun élément ne vient justifier que Semak, intégralement indemnisée des conséquences des défauts de conformité précités, soit dispensée du paiement de la facture des prestations même imparfaitement réalisées par Coatinc Becker.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement présentées par Coatinc Becker et de condamner la SARL Semak à lui verser la somme de 13 549,80 euros au titre de ses factures. Toutefois aucun élément du dossier ne vient justifier en l'absence de toute mise en demeure préalable que les intérêts au taux légal assortissant de droit le montant de cette condamnation soit fixés antérieurement à la date du présent arrêt.

En outre il y a lieu de dire que les sommes restantes dues ainsi réciproquement se compenseront à due concurrence.

Au regard de la solution du présent litige l'équité ne commande pas de faire une nouvelle application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, la décision de première instance devant être en équité confirmée sur ce point ainsi que sur la mise à la charge de la société Coatinc Becker des dépens de première instance.

A ce stade toutefois chacune des parties succombant en une part de ses prétentions, il y a lieu de dire qu'elles conserveront la charge de leurs propres dépens.

Par ces motifs LA COUR, Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 10 mars 2017, sauf en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau dans cette limite : Condamne la société Coatinc Becker GmbH à verser à la SARL Semak la somme de 18 099,16 euros (dix-huit mille quatre-vingt-dix-neuf euros et seize centimes), Condamne la SARL Semak à verser à la société Coatinc Becker GmbH la somme de 13 549,80 euros (treize mille cinq cent quarante-neuf euros et quatre-vingt centimes), Ordonne la compensation entre ces montants, Confirme le jugement entrepris pour le surplus, Condamne chaque partie à supporter la charge de ses propres dépens d'appel, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.