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Cass. 1re civ., 29 janvier 2020, n° 18-20.300

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

HDI Global SE (Sté), TÜV Rheinland LGA Products GmbH (Sté)

Défendeur :

Eikendal, Van Oeijen, Entressangle, Gandubert, Prosolair (SARL), Soleil et Habitat (Sasu), Becen (Sté), MAAF Assurances (SA), AIG Europe (SA), Alrack BV (Sté), Allianz Benelux (Sté), Kostal Industrie Elektrik GmbH (Sté), HDI Global SE (Sté), Espace Confort Maison (SARL), Abonneau Morange (SARL), ACS Energie Solaire (Sté), Actevert (SARL), AMG (SARL), Arkensol (Sté), Elec'solair (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

M. Hascher

Avocats :

SCP L. Poulet-Odent, Me Le Prado, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer, associés

Limoges, ch. civ., du 11 janv. 2018

11 janvier 2018

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 11 janvier 2018), que la société allemande TÜV Rheinland LGA Products, assurée par la société HDI Global, a certifié des boîtiers de connexion fabriqués par la société allemande Kostal Industrie Elektrik ou par la société néerlandaise Alrack, respectivement assurées par les sociétés HDI Global et Allianz Benelux, et destinés à être installés sur des panneaux photovoltaïques fabriqués par la société néerlandaise Scheuten Solar et ses filiales, assurées auprès de la société AIG Europe et aujourd'hui représentées par leur liquidateur, M. Eikendal ; que douze autres sociétés et leur assureur, la MAAF, ont, par actes des 3 et 4 juin 2015, assigné ces sociétés en réparation des désordres constatés chez les clients sur les panneaux commandés ;

Attendu que les sociétés HDI Global et TÜV Rheinland LGA Products font grief à l'arrêt de rejeter leur exception d'incompétence territoriale, alors, selon le moyen : 1°) que le lieu du fait dommageable, au sens de l'article 7-2 du Règlement de Bruxelles I bis, s'entend du lieu du dommage initial et non du dommage induit, lequel lieu est localisé, s'agissant d'un manquement reproché à un certificateur, au lieu d'exécution prétendument défectueuse de la prestation de service de certification ; qu'en ayant jugé que le fait dommageable pertinent, à la fois initial, direct et immédiat, subi par les demandeurs, soit les risques d'échauffement et de départ de feu présentés par les boîtiers de jonction, était localisé dans le ressort du tribunal de grande instance de Limoges, quand, concernant la société TÜV Rheinland exposante, intervenue uniquement pour certifier le modèle des boîtiers défectueux (soit pour procéder à des essais type sur échantillons, en fonction de normes prédéfinies), le dommage initial, subi par les seules sociétés Kostal et Alrack fabricantes, consistait dans l'exécution prétendument défectueuse de la mission confiée au certificateur, ce dont il résultait que les tribunaux compétents étaient ceux d'Allemagne et non les juridictions françaises, lieu du dommage induit subi par les demandeurs qui avaient installé des panneaux photovoltaïques équipés des boîtiers défectueux, la cour d'appel a violé l'article 7-2 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; 2°) que le dommage initial subi par les victimes directes, et non par les victimes médiates d'un dommage induit du dommage initial, fonde seul la compétence internationale des tribunaux français en matière délictuelle ; qu'en ayant jugé que les demandeurs étaient les victimes directes du manquement reproché à la société TÜV Rheinland, quand ils n'en étaient que les victimes induites, les victimes immédiates et directes de cette faute étant les seules sociétés Kostal et Alrack, la cour d'appel a violé l'article 7-2 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; 3°) que les impératifs de bonne administration de la justice et d'organisation utile du procès, au regard des données factuelles du litige et des prétentions et moyens des demandeurs à l'action, en vue d'éviter la multiplication des fors compétents, ne peut fonder la compétence internationale du juge français, telle que fixée en matière délictuelle par le Règlement de Bruxelles I bis ; qu'en ayant jugé le contraire, pour élire le forum actoris, la cour d'appel a violé l'article 7-2 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; 4°) que le lien de causalité requis pour fonder la compétence du juge du lieu du fait dommageable s'entend de chaque fait générateur et de chaque dommage pris séparément ; qu'en ayant jugé qu'il y avait un lien de causalité susceptible d'être retenu entre l'omission reprochée à la société TÜV Rheinland et le risque d'échauffement et de départ d'incendie affectant les boîtiers de jonction litigieux, la cour d'appel a violé l'article 7-2 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; 5°) que le lieu du fait dommageable ne s'entend pas du lieu du préjudice financier qui en est résulté ; qu'en ayant jugé que les douze sociétés demanderesses étaient les victimes directes de la société TÜV Rheinland, ensuite de la certification erronée qui était reprochée à cette dernière, au motif qu'elles avait dû préventivement remplacer les panneaux photovoltaïques et les cartes des boîtiers défectueux et que leur assureur, la MAAF, avait pris en charge en France le coût de ces opérations, la cour d'appel a violé l'article 7-2 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; 6°) que l'application des règles de compétence issues du Règlement de Bruxelles I Bis est exclusive des règles de compétence interne ; qu'en ayant fondé la compétence du tribunal de grande instance de Limoges sur l'article 46 du Code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 7-2 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ; 7°) que l'existence de dommages sériels ne justifie pas à elle seule la prorogation de compétence accordée à un tribunal ; qu'en ayant jugé que le tribunal de grande instance de Limoges était compétent pour connaître de l'ensemble des demandes dont il avait été saisi, quand seulement vingt-six des cent quatre-vingt treize chantiers d'installation de panneaux photovoltaïques concernés se trouvaient dans le ressort du tribunal de grande instance de Limoges, prétexte pris de " litiges sériels caractérisés par une unicité de la configuration procédurale et des moyens de preuve et de fond ", la cour d'appel a violé l'article 46 du Code de procédure civile, ensemble l'article 7-2 du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 7, point 2, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire ; qu'après avoir relevé que la responsabilité délictuelle de la société TÜV Rheinland LGA Products était recherchée pour avoir certifié des boîtiers de connexion équipant les panneaux photovoltaïques vendus aux sociétés installatrices sans déceler leur risque d'échauffement et que les dommages matériels et immatériels et indemnisation des préjudices invoqués par celles-ci tenaient à ce risque et au départ de feu chez leurs clients, la cour d'appel, qui a exactement énoncé que l'article 7-2 du règlement repose sur l'idée de proximité du juge avec le litige, en a exactement déduit que le lieu de survenance du dommage initial, subi par les sociétés installatrices et leur assureur en tant que victimes directes du fait de l'utilisation normale des panneaux, était localisé en France ;

Et attendu qu'après avoir justement énoncé que l'article 46 du Code de procédure civile attribue la compétence territoriale en matière délictuelle dans l'ordre interne, la cour d'appel, qui a relevé qu'un nombre conséquent de dommages avaient, sur vingt-six des cent quatre-vingt treize chantiers d'installation de panneaux, été révélés de manière identique en plusieurs lieux situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Limoges, a souverainement estimé que cette juridiction avait été valablement saisie de l'ensemble des litiges ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de la disposition susvisée, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

Par ces motifs, LA COUR : Rejette le pourvoi.