ADLC, 19 décembre 2019, n° 19-D-26
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Mathieu Guennec, Mme Laure Dosogne Varaire, rapporteurs, l'intervention de M. Nicolas Deffieux, rapporteur général adjoint, par M. Henri Piffaut, vice-président, président de séance, M. Savinien Grignon Dumoulin, M. Alexandre Menais, M. Jerôme Pouyet, M. Christophe Strassel, membres. la concurrence
L'Autorité de la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le 6 mars 2015 sous le numéro 15/0019 F, par laquelle la société Gibmedia a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Google Inc. (devenue Google LLC) et Google Ireland Ltd ; Vu l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; Vu le livre IV du Code de commerce et notamment son article L. 420-2 ; Vu la décision n° 15-D-13 du 9 septembre 2015 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Gibmedia ; Vu les décisions de secret d'affaires n° 16-DSA-189 du 19 juillet 2016, n° 19-DSADEC-193 du 29 mai 2019, n° 16-DSA-193 du 20 juillet 2016, n° 18-DSA-074 du 09 mars 2018, n° 16-DSA-195 du 21 juillet 2016, n° 16-DSA-91 du 13 avril 2016, n° 16-DSA-124 du 03 juin 2016, n° 16-DSA-125 du 03 juin 2016, n° 16-DSA-126 du 03 juin 2016, n° 18-DEC-078 du 12 mars 2018, n° 17-DSA-214 du 18 mai 2017, n° 16-DSA-05 du 07 janvier 2016, n° 17-DSA-058 du 08 février 2017, n° 16-DSA-198 du 25 juillet 2016, n° 16-DSA-199 du 25 juillet 2016, n° 16-DSA-200 du 25 juillet 2016, n° 15-DSA-385 du 20 novembre 2015, n° 16-DSA-127 du 06 juin 2016, n° 16-DSA-128 du 06 juin 2016, n° 16-DSA-129 du 06 juin 2016, n° 16-DSA-130 du 06 juin 2016, n° 16-DSA-131 du 06 juin 2016, n° 16-DSA-99 du 18 avril 2016, n° 16-DSA-203 du 27 juillet 2016, n° 16-DSA-132 du 08 juin 2016, n° 16-DSA-133 du 08 juin 2016, n° 16-DSA-134 du 08 juin 2016, n° 16-DSA-206 du 28 juillet 2016, n° 17-DSA-218 du 23 mai 2017, n° 16-DSA-60 du 04 mars 2016, n° 16-DSADEC-01 du 23 mars 2016, n° 18-DSA-086 du 21 mars 2018, n° 16-DSA-136 du 13 juin 2016, n° 16-DSA-141 du 13 juin 2016, n° 16-DSA-207 du 02 août 2016, n° 17-DSA-227 du 30 mai 2017, n° 17-DSA-228 du 30 mai 2017, n° 17-DSA-229 du 30 mai 2017, n° 17-DSA-230 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-231 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-232 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-233 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-234 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-235 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-236 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-237 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-238 du 31 mai 2017, n° 17-DSA-297 du 20 juillet 2017, n° 18-DECR-338 du 17 octobre 2018, n° 18-DEC-339 du 11 octobre 2018, n° 18-DECR-340 du 11 octobre 2018, n° 18-DECR-341 du 11 octobre 2018, n° 18-DECR-342 du 11 octobre 2018, n° 18-DECR-343 du 11 octobre 2018, n° 18-DECR-344 du 11 octobre 2018, n° 18-DEC-345 du 15 octobre 2018, n° 18-DECR-346 du 11 octobre 2018, n° 18-DEC-347 du 11 octobre 2018, n° 18-DECR-348 du 11 octobre 2018, n° 17-DSA-241 du 1er juin 2017, n° 17-DSA-242 du 01 juin 2017, n° 17-DSA-085 du 22 février 2017, n° 19-DSA-533 du 25 septembre 2019, n° 17-DSA-002 du 04 janvier 2017, n° 18-DEC-353 du 15 octobre 2018, n° 18-DEC-360 du 16octobre 2018, n° 19-DSA-098 du 14 mars 2019, n° 18-DECR-357 du 17 octobre 2018, n° 18-DSA-361 du 17 octobre 2018, n° 16-DSA-29 du 02 février 2016, n° 16-DSA-32 du 04 février 2016, n° 16-DSA-40 du 11 février 2016, n° 16-DSA-177 du 08 juillet 2016, n° 16-DSA-178 du 08 juillet 2016, n° 16-DSA-237 du 22 août 2016, n° 16-DSA-240 du 22 août 2016, n° 16-DSA-244 du 22 août 2016, n° 16-DSA-246 du 22 août 2016, n° 16-DSA-247 du 22 août 2016, n° 16-DSA-337 du 10 octobre 2016, n° 16-DSA-339 du 12 octobre 2016, n° 16-DSA-342 du 17 octobre 2016, n° 16-DSA-363 du 26 octobre 2016, n° 17-DSA-110 du 13 mars 2017, n° 17-DSA-121 du 17 mars 2017, n 17-DSA-193 du 10 mai 2017, n° 17-DSA-203 du 11 mai 2017, n° 17-DSA-253 du 13 juin 2017, n° 17-DSA-254 du 13 juin 2017 ; Vu les observations présentées par les sociétés Gibmedia, Alphabet Inc, Google LLC, Google Ireland Ltd, Google France et le commissaire du Gouvernement ; Vu la note en délibéré du 30 octobre 2019 transmise par les sociétés Google ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Gibmedia, Alphabet Inc., Google LLC, Google Ireland Ltd, Google France, entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 18 octobre 2019, Adopte la décision suivante :
Résumé (1)
Aux termes de la présente décision, l'Autorité de la concurrence sanctionne Google pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, en violation de l'article L. 420-2 du Code de commerce et l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Cette décision fait suite à une saisine de la société Gibmedia. L'instruction menée a conduit à la notification d'un grief portant sur la mise en œuvre non transparente, non objective et discriminatoire des règles du service de publicité en ligne liée aux recherches de Google, appelé " AdWords ", puis rebaptisé " Google Ads " en juillet 2018.
Sur le marché français de la publicité en ligne liée aux recherches, Google détient une position dominante qui présente, à bien des égards, des caractéristiques " extraordinaires ". Son moteur de recherches totalise aujourd'hui plus de 90 % des recherches effectuées en France et sa part de marché sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches est probablement supérieure à 90 %. Mais surtout, cette dominance bénéficie d'une dynamique forte qui rend les prestations de Google Ads particulièrement attractives pour les annonceurs. Ainsi, le nombre massif de requêtes sur le moteur de recherches de Google renforce l'attractivité de ce moteur du point de vue des internautes, mais également celle des services de Google Ads du point de vue des annonceurs, qui ont intérêt à ce que leur publicité s'adresse à une audience très importante. Ce pouvoir d'attraction et d'accumulation, lié à la nature biface de la plateforme Google Ads et à sa position ultra- dominante, assure une dynamique de croissance constante de Google.
Google définit et publie des règles associées au service publicitaire Google Ads qui précisent les conditions dans lesquelles un annonceur peut diffuser de la publicité sur le réseau Google (les " Règles "). Ces Règles servent à réguler les interactions entre internautes et annonceurs au sein de la plateforme biface que Google Ads représente.
Ce niveau de dominance de Google sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches fait peser sur Google une responsabilité particulière en matière de respect des règles de concurrence, notamment dans la mise en œuvre edes Règles qu'elle édicte et qui, de fait, influencent les modèles économiques des annonceurs et régulent les interactions entre internautes et annonceurs.
La position des annonceurs à l'égard de l'offre de Google est, ainsi, particulièrement contrainte. Ils n'ont d'autre choix que d'accepter les Règles ou de renoncer aux services de Google Ads, alors qu'ils représentent la quasi-totalité de l'offre sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches en France.
Certaines de ces Règles poursuivent l'objectif d'empêcher l'exposition des internautes à des sites malveillants qui peuvent porter atteinte à leurs intérêts. L'édiction de telles Règles n'est en rien critiquable dans son principe. Toutefois, les Règles en cause doivent être définies et appliquées de manière objective, transparente et non-discriminatoire, compte tenu de leur impact tant sur l'activité des annonceurs et des sites et produits qu'ils promeuvent, que de leurs effets plus généraux sur les internautes et l'ensemble de l'écosystème.
Or, l'appréciation de la portée précise de chaque Règle se heurte à leur manque de clarté et à l'absence, parfois, de distinction nette entre elles, alors qu'elles sont nombreuses.
Le manque d'objectivité et de transparence des Règles rend très difficile l'anticipation par les opérateurs de la conformité de leurs annonces, produits et services avec les Règles Google Ads. Il laisse en outre, de ce fait, la vérification de leur respect et la possibilité de les modifier à la discrétion entière de Google.
L'examen des conditions d'application des Règles montre que Google a précisément utilisé ce pouvoir discrétionnaire de manière aléatoire et inéquitable, en établissant des différences de traitement entre des opérateurs similaires et en adoptant, à l'égard des mêmes annonceurs, des revirements de position renforçant l'opacité des Règles.
De plus, Google a adopté, à l'égard de certains annonceurs, un comportement incohérent qui aggravait le manque de lisibilité des Règles. Les équipes commerciales de Google ont ainsi pu intervenir de manière proactive auprès de certains annonceurs, en leur proposant un " accompagnement personnalisé " destiné à permettre le développement de leurs sites grâce aux services de Google Ads. Pourtant, parmi les sites démarchés, figurent des sites qui avaient été suspendus préalablement pour des manquements aux Règles, notamment celles destinées à protéger les internautes.
En définitive, les Règles de Google et l'application qui en est faite outrepassent ce qui devrait être un usage proportionné à l'objectif légitime de protection du consommateur de Google.
Outre les effets directs sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, cette situation a pour effet, au moins potentiel, de perturber le fonctionnement de la concurrence sur les marchés aval sur lesquels les annonceurs opèrent. La formulation des Règles et leur application, inéquitable et discriminatoire, sont de nature à désinciter l'entrée de sites innovants tout en ne permettant pas d'éviter le maintien de sites potentiellement nocifs pour le consommateur. Au contraire, certains bénéficient parfois d'un accompagnement personnalisé des équipes commerciales de Google pour se développer sur Google Ads.
L'Autorité a décidé d'infliger des sanctions pécuniaires et non pécuniaires. Outre une amende de 150 000 000 euros infligées aux entités de Google concernées par la pratique, l'Autorité a prononcé des injonctions pour une durée de cinq ans imposant à Google de : (i) clarifier les règles Google Ads, (ii) de clarifier les procédures de suspension afin d'éviter que celles-ci ne revêtent un caractère brutal et injustifié, et (iii) de mettre en place de mesures de prévention, de détection et de traitement des violations aux Règles Google Ads. Enfin, l'Autorité enjoint de publier le résumé de la décision, accessible par un lien html intitulé " Google condamnée par l'Autorité de la concurrence française " sur la page d'accueil des sites internet www.google.fr, www.google.com et www.ads.google.com accessibles de France, pendant une durée de 7 jours consécutifs ".
I. Les constatations
A. RAPPEL DE LA PROCEDURE
1. Par lettre du 6 mars 2015, la société Gibmedia a saisi l'Autorité de la concurrence (l' " Autorité ") de pratiques mises en œuvre par les sociétés Google Ireland et Google Inc. sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches.
2. Le 7 janvier 2015, Google a envoyé à Gibmedia des courriers électroniques lui notifiant la suspension des annonces vers quatre sites internet qu'elle édite, puis, le 8 janvier 2015, un courrier électronique l'informant de la suspension définitive de ses deux comptes AdWords. Ces courriers indiquent que les règles relatives aux " promotions indignes de confiance " n'ont pas été respectées par Gibmedia.
3. Dans sa saisine, Gibmedia soutient que Google dispose d'une position dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches et qu'elle a mis en œuvre des pratiques abusives lors de la suspension de ses comptes au mois de janvier 2015.
4. Accessoirement à sa saisine au fond, Gibmedia a formulé une demande de mesures conservatoires, enregistrée sous le numéro 15/0020 M, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce.
5. Par décision du 9 septembre 2015, l'Autorité a rejeté la demande de mesures conservatoires en raison de l'absence d'atteinte grave et immédiate à l'économie, aux secteurs concernés et aux intérêts du plaignant, et a considéré qu'il convenait de poursuivre l'instruction au fond (2).
B. LES ENTREPRISES CONCERNEES
1. GOOGLE
a) L'entreprise
6. Google est une entreprise créée en 1998, dont les fondateurs ont inventé le moteur de recherche éponyme, le plus utilisé dans le monde et en France. Les activités de Google sont aujourd'hui concentrées sur quatre domaines principaux : la fourniture de services de recherche en ligne, l'offre de plateformes et de systèmes d'exploitation (3), la publicité en ligne et le matériel informatique.
7. En 2018, son chiffre d'affaires mondial s'est élevé à environ 116 milliards d'euros, dont [...]milliards d'euros en France (4).
8. En août 2015, Google a annoncé son intention de créer une nouvelle société de portefeuille, Alphabet Inc. À compter de la réorganisation, achevée le 2 octobre 2015, la société Alphabet Inc. a remplacé Google Inc. en tant qu'entité consolidante du groupe Google, et Google Inc. est devenue une filiale exclusive d'Alphabet Inc.
9. Le 30 septembre 2017, Google Inc. a changé de forme sociale pour devenir la société Google LLC.
10. Google Ireland Ltd est une filiale de Google Ireland Holdings, dont la société mère ultime est Alphabet Inc. La très grande majorité des revenus de Google en France sont générés par [...] (5).
11. Fondée en 2002, la société Google France est une société à responsabilité limitée, dont le siège social se situe à Paris. Cette entreprise est une filiale de Google Inc. spécialisée dans le secteur d'activité de la régie publicitaire de médias.
12. Les sociétés Alphabet Inc., Google Inc. (devenue Google LLC), Google Ireland et Google France seront désignées, ensemble ou séparément, dans la suite de la décision par l'emploi du terme " Google ".
b) Présentation générale des activités de Google
13. Le modèle économique de Google repose principalement sur l'interaction entre des services fournis aux utilisateurs sans contrepartie financière, mais qui lui permettent d'accéder aux données personnelles des utilisateurs, et les services de publicité en ligne, dont elle tire l'essentiel de ses revenus.
Google Search : service gratuit de moteur de recherche en ligne
14. Le service de moteur de recherche en ligne, Google Search, est le service phare de Google, accessible via le site internet www.google.com ou ses déclinaisons locales (en France www.google.fr).
15. Google Search permet aux utilisateurs de chercher une information sur internet. Lorsqu'un utilisateur entre un mot clé ou une série de mots clés (qui constituent une " requête ") dans Google Search, celui-ci lui propose différentes catégories de résultats, qui sont issus d'un référencement qui peut être généraliste ou spécialisé.
16. Dans le cas du référencement généraliste, référencement dit " naturel ", les résultats procèdent de l'application des algorithmes élaborés par Google, qui ont pour but d'identifier les sites internet les plus pertinents pour la recherche considérée, à partir de différents critères (comme la fréquence de consultation des sites ou celle d'autres sites dans lesquels ils apparaissent en lien, etc.).
17. Dans le cas du référencement spécialisé, Google propose directement des services répondant aux recherches portant sur l'actualité (Google Actualités), les comparateurs de prix (Google Shopping), la cartographie (Google Maps, enrichi par le développement de Google Street View, service qui fournit des photographies en 3D des rues), les vidéos (via le site Youtube qui a été racheté en octobre 2006). Ces recherches, qui orientent les internautes vers des services gérés par Google, sont également désignées sous le terme de " recherches verticales ".
L'offre de publicité de Google proposée aux annonceurs
Google Ads : un service payant de publicité en ligne liée aux recherches
18. Au-delà du référencement naturel, les éditeurs de sites internet et applications mobiles peuvent acheter des espaces auprès de Google. Un utilisateur qui fait une recherche à partir de mots clés aura donc deux types de résultats : des liens vers des sites classés par pertinence et d'autres inclus dans des bannières publicitaires, dont la présence est liée à un paiement à Google. Les annonceurs bénéficient ainsi d'un autre moyen de mise en relation avec les utilisateurs. Les sites qui figurent dans cette catégorie d'espace ne sont pas seulement sélectionnés en fonction de critères de pertinence - comme c'est le cas pour les résultats du moteur de recherche généraliste - mais aussi du versement par le site en question d'une rémunération correspondant à la prestation publicitaire.
19. À titre liminaire, il convient de noter que Google a renommé en août 2018 son service publicitaire de publicité en ligne liée aux recherches " AdWords ", désormais désigné sous le nom commercial " Google Ads ". L'emploi du terme " Google Ads " dans le corps de la décision ci-après fera référence à la plateforme publicitaire de Google, quelle que soit son appellation à l'époque des faits (" Adwords " ou " Google Ads ").
20. Les sites référencés par Google Ads apparaissent dans les résultats de recherche comme étant des " annonces ". Celles-ci ne sont pas limitées à des catégories spécifiques de produits, de services ou d'informations (6) et apparaissent typiquement au-dessus ou à côté des résultats issus du référencement naturel. Un label visant à informer les utilisateurs de leur caractère publicitaire les accompagne.
21. La sélection des résultats affichés est très différente de celle procédant du référencement naturel. La liste des annonces affichées dépend d'un processus d'enchères sur des mots clés, organisé par Google Ads et auquel participent les annonceurs intéressés. Les annonces apparaissent avec un lien commercial ou " sponsorisé " si les mots clés sont soumis à enchères. Si un internaute tape " voyage ski ", cette combinaison de mots pourra faire l'objet d'enchères de la part de voyagistes souhaitant mettre en avant leurs prestations. Il en est de même avec les mots clés correspondant à des hôtels, qui pourront faire l'objet d'enchères de la part d'hôtels individuels comme de sites de réservation hôtelière en ligne.
22. L'affichage des annonces Google Ads en réponse à la requête d'un utilisateur dépend, plus particulièrement, de deux paramètres :
- dans un premier temps, Google Ads identifie un ensemble d'annonces pertinentes, en associant les mots-clés sur lesquels les annonceurs ont enchéri avec ceux utilisés dans la requête de l'utilisateur. Ce filtre correspond à la recherche d'un résultat pertinent par rapport aux souhaits de l'internaute ;
- dans un second temps, Google Ads classe les annonces pertinentes selon leur " Ad Rank " (" Classement d'annonce "). Le classement d'une annonce dépend du prix maximum indiqué par un annonceur pour chaque clic sur son annonce dans une enchère, et du classement qualitatif de cette annonce (le " Quality Score " ou score qualité). Les annonces Google Ads qui sont affichées de la façon la plus apparente sont celles qui disposent de l' " Ad Rank ", ou classement, le plus élevé.
23. Lorsqu'un utilisateur clique sur une annonce Google Ads, l'éditeur du site vers lequel l'utilisateur est dirigé verse une rémunération à Google correspondant à ce clic. L'annonceur ne paye ainsi pour son annonce qu'en fonction des clics effectués par les internautes. La rémunération versée dans ce cas de figure est appelée " CPC " ou coût par clic.
24. Les annonces Google Ads permettent ainsi aux annonceurs d'orienter les utilisateurs de Google Search vers leur site internet, y compris dans l'hypothèse où leur classement dans les résultats issus du référencement naturel n'est pas élevé. De plus, lorsque les utilisateurs sont connectés au moyen d'un téléphone mobile intelligent (en anglais, smartphone), les annonceurs peuvent également intégrer à leurs annonces une " extension d'appel " afin de les rediriger directement vers un appel téléphonique au lieu d'une page internet.
25. Lorsqu'un internaute introduit une requête pour une recherche, il reçoit en réponse deux types d'informations : les référencements naturels (classés par pertinence) et les annonces (dont le classement résulte d'une mise aux enchères, qui reflète les préférences des annonceurs en termes de pertinence). L'activité de moteur de recherche en ligne et celle de fourniture d'espaces publicitaires en ligne liée aux recherches sur internet de Google se caractérisent par une forte interdépendance, la réussite de la première conditionnant l'attractivité de la seconde. À l'instar de ce que décrit la Commission dans sa décision Google (Shopping) sur le fonctionnement du moteur de recherche en ligne (7), il existe des effets de réseau positifs entre la face " utilisateurs " et la face " annonceurs ", l'utilité des services de Google Ads dépendant de la quantité des utilisateurs du moteur de recherche. Plus il y a d'utilisateurs, plus le service d'annonces est attrayant. Inversement, plus il y a d'annonceurs (pertinents) plus le service du moteur de recherche est attrayant pour les utilisateurs. Par ailleurs, plus il y a d'annonceurs dans un secteur d'activité donné, plus les autres entreprises actives sur ce secteur peuvent avoir intérêt à faire aussi des annonces, afin notamment de préserver un rang acceptable dans l'ordre des recherches.
26. Ce système a les caractéristiques d'une activité multiface et, en l'espèce, biface. En effet, le moteur de recherche sert d'intermédiaire entre l'internaute et l'annonceur. Si l'internaute trouve l'annonce pertinente, il établit, en cliquant sur le lien, une interaction avec l'annonceur, avec éventuellement une transaction à la clef. La qualité du service offert par le moteur de recherche aux utilisateurs dépend à la fois de la pertinence des résultats par référencement mais aussi de la pertinence et de la valeur des annonces payantes affichées. Dans un marché concurrentiel, un moteur de recherche est donc naturellement incité à s'assurer de la qualité des sites qui réalisent des annonces.
27. La figure ci-après illustre les résultats qui s'affichent sur le haut de la première page du moteur de recherche Google, lorsque l'internaute tape le mot clé " covoiturage ".
Figure 1 - affichage de la page de recherche du site Google avec la requête " covoiturage ".
[SCHEMA]
28. La figure ci-dessous synthétise la combinaison des activités de moteur de recherche en ligne et de fourniture de services de publicité en ligne liée aux recherches.
Figure 2 - La combinaison de services de Google Ads et des services de recherche (source : Autorité)
[SCHEMA]
29. Google diversifie ses activités afin de renforcer l'exhaustivité et l'attractivité de son moteur de recherche, en proposant notamment des services de recherche verticale. Plutôt que d'offrir des résultats de recherches vers des sites, le moteur de recherche Google Search fournit ainsi directement des informations sans contrepartie financière de la part de l'utilisateur. Par exemple, dans le secteur des prévisions météorologiques et des annuaires, l'internaute accède aux informations de Google sur ce sujet sans transiter par des sites tiers. Ces services sont aussi fournis pour des offres de traduction (Google Translate), l'offre d'informations d'actualités (Google Actualités), la diffusion d'extraits de livres (Google Books), etc.
30. Par exemple, les services de prévisions météorologiques de Google apparaissent dans les résultats de recherche (8), via un type de présentation appelé OneBox. Figure 3 -Capture d'Écran du site Internet Google
[SCHEMA]
31. Afin de fournir ces prévisions météorologiques, Google a conclu un accord en [...] avec la société [...], une filiale du groupe [...], qui lui permet d'utiliser les informations sur ses différents sites et services (9).
32. Google a indiqué qu'en France, le nombre d' " impressions " (ou affichage) de la OneBox météo était d'environ [...]millions en 2015. Environ [...] millions d'impressions n'ont pas été suivies de clics vers des sites tiers, via des liens de recherche naturelle ou des liens commerciaux (10).
33. Google a également développé des fonctionnalités d'annuaire et de mise en relation téléphonique des utilisateurs vers les coordonnées de professionnels.
34. Afin de pouvoir fournir les coordonnées d'une personne morale, Google a conclu un accord avec la société [...] pour l'acquisition de données annuaires (11). [...] (12).
35. Les services de Google qui sont susceptibles de faire apparaître des numéros de téléphone de personnes morales issus de la base de données locales de Google incluent Google Search, Voice Search, Google Now, les Knowledge Panels, Google Maps et Google + (13). Sur les pages de résultats du moteur de recherche, les coordonnées téléphoniques d'une entreprise peuvent être présentées au sein d'un service dénommé le " pack local ".
36. Depuis 2010, Google combine ses services de recherche verticale avec la monétisation du service d'extension d'appel sur certaines annonces. Dans ce cas, les annonceurs peuvent acheter la possibilité, pour un internaute, d'appeler directement le numéro de contact indiqué sur le site (extensions d'appels ou annonces Click-to-call). Lorsqu'un utilisateur clique sur le bouton d'appel de l'annonce, le clic est facturé par Google à l'annonceur (14).
37. En 2013, Google avait précisé que [50 - 100] % des personnes qui font des recherches sur leur téléphone utilisent la fonction Click-to-Call (ou " cliquer pour appeler "). Google a indiqué que les annonces dites Click to call ont généré en 2016 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros dans le monde et de [...] millions d'euros en France. La croissance de ce service est en nette augmentation : en 2014, les chiffres d'affaires français et mondial étaient respectivement de 3 millions d'euros et 358 millions d'euros (15). Selon Google, lorsqu'un annonceur utilise des annonces avec des boutons d'appel, le taux de clic est susceptible d'augmenter (16). Ces fonctionnalités d'annuaire et de mise en relation téléphonique font l'objet d'innovations et d'améliorations régulières. En 2015, Google a lancé les annonces " Call Only " (ou " appeler uniquement "), afin de répondre plus particulièrement aux besoins des entreprises cherchant à encourager les utilisateurs à les contacter. En 2016, Google a mis à disposition des annonceurs les extensions SMS, qui permettent aux internautes, intéressés par une annonce Google Ads, de cliquer sur une icône permettant de contacter un annonceur directement.
Les autres services publicitaires proposés par Google
38. Google offre un service d'intermédiation de publicité en ligne, appelé AdSense for Search (ci-après " AFS ") qui permet d'afficher des publicités sur les sites internet quand les utilisateurs effectuent une requête dans la barre de recherche du site concerné. Google propose également des services d'intermédiation sur le marché de la publicité en ligne. Dans sa décision Google Search (Adsense), la Commission a considéré que Google détenait une position dominante sur ce marché (17), via sa plateforme publicitaire AdSense. Ce service permet aux éditeurs de sites de commercialiser des espaces publicitaires sur les pages de leurs sites et de générer des revenus. Du côté des annonceurs, ceux-ci achètent des espaces publicitaires via le réseau display (18) de Google ou le réseau de recherche Google Ads (19).
Les services proposés aux internautes
Les services payants de réduction ou de suppression de publicité
39. À l'égard des internautes, si les services de Google sont généralement accessibles sans contrepartie financière et financés par de la publicité, ils peuvent à l'inverse être payants en contrepartie d'une réduction ou de la suppression des publicités.
40. YouTube propose ainsi, sans contrepartie financière, un très grand nombre de vidéos. Si la source principale de revenus de la plateforme est historiquement la publicité, son modèle de revenus s'est diversifié avec le lancement, aux États-Unis, de l'offre payante YouTube Red/Premium, qui garantit notamment l'absence de publicités, en contrepartie d'un abonnement mensuel de 9,99 dollars et qui est aujourd'hui disponible en France. Google indique que le caractère payant de son offre est la contrepartie de la faculté " de profiter d'une meilleure expérience de visionnage " (20). Elle estime que l'absence de publicité constitue une " fonctionnalité supplémentaire ", qui représente une partie de la valeur ajoutée par le paiement des internautes. YouTube Red/Premium offre d'autres fonctionnalités supplémentaires par rapport à la version gratuite, en particulier le " téléchargement de vidéos et de playlists à regarder hors connexion " (21).
41. De façon plus générale, et dans un contexte marqué par le développement des bloqueurs de publicité, dont certains gratuits, Google a lancé en 2014 aux Etats-Unis le service Google Contributor. Depuis le mois de mai 2018, une nouvelle version de ce service est disponible dans une trentaine de pays, dont la France. Il s'agit d'un service payant qui permet aux internautes d'afficher moins de publicités sur les sites consultés, en contrepartie d'un paiement à Google, sous forme d'abonnement mensuel. Google présente ainsi le fonctionnement du service : " Vous chargez votre abonnement avec un montant de 5 . Chaque fois que vous consultez une page sans annonce, des frais par page sont déduits de votre abonnement afin de payer les créateurs du site Web (après qu'une petite somme a été retenue par Google pour couvrir les coûts de fonctionnement du service). Le prix par page est défini par le créateur du site. Si un créateur de site modifie ce prix par page, vous en serez averti à l'avance. La mise à jour de Contributor est aisée : vous pouvez modifier vos paramètres, ou ajouter ou supprimer des sites de votre abonnement à tout moment " (22).
42. Google justifie le lancement de son service et son positionnement concurrentiel de la manière suivante : " La gestion d'abonnements individuels pour chaque site Web peut s'avérer coûteuse et fastidieuse. En association avec votre compte Google, l'abonnement Contributor permet de supprimer les annonces des sites participants que vous avez sélectionnés. Il vous suffit de vous connecter, puis de parcourir le Web comme vous le faites d'habitude. Vous ne payez que pour les pages sans annonce que vous consultez " (23).
43. Enfin, dans le magasin d'applications Google Play, Google permet aux éditeurs d'applications mobiles de facturer des frais aux utilisateurs, en contrepartie de l'absence de publicité.
Les autres services
44. Depuis 2008, Google exploite le magasin d'applications Play Store, où les utilisateurs peuvent télécharger des applications proposant des thématiques variées. Son modèle de revenus est fondé sur la commercialisation de services publicitaires, notamment via la plateforme AdMob, et sur le prélèvement d'une commission sur chaque achat effectué par les utilisateurs, d'un montant généralement équivalent à 30 %. Certaines applications sont téléchargeables en contrepartie du paiement d'un prix, dont le montant est choisi par l'éditeur de l'application. Certaines applications permettent à l'internaute de réaliser des achats intégrés en leur sein (" in-app ") et d'accéder à certains contenus et fonctionnalités supplémentaires, tels que l'absence de publicité.
2. GIBMEDIA
45. Gibmedia a été créée en 2005. Son capital est détenu à 100 % par la société BJ Invest. Celle-ci est contrôlée par Monsieur X..., qui détient 99,99 % de son capital. À la date du 31 décembre 2014, BJ Invest contrôlait d'autres sociétés actives dans le secteur du commerce électronique : JTM Web, Nomao, SND, Telemaque, Webdevin, Ameliste, Agence 73, Ecométrie, Edimat, FD2J, BJ Immo et SAS 16h10 (24).
46. Gibmedia a deux activités principales, l'édition de sites sur internet et d'applications mobiles, ainsi que la mise à disposition des éditeurs de sites de solutions de paiement sur internet, dans le cadre d'une activité d'agrégation de solutions fournies notamment par les principaux opérateurs de communications électroniques français. En 2014, elle a réalisé un chiffre d'affaires de 15,2 millions d'euros (25).
47. À la date de la saisine, Gibmedia éditait plusieurs sites qui fournissent de " l'information payante sans publicité " (26) : annuaires téléphoniques (pages-annuaire.net et annuaires- inverse.net) ; prévisions météorologiques (info-meteo.fr) ; informations juridiques et financières sur les entreprises (info-societe.com) ; envoi de SMS depuis un ordinateur (easy-sms.fr) ; calcul d'impôt (impot-calcul.fr) ; résultats d'examens (mes-resultats- examens.fr) et programmes télévisuels (mon-programme.tv).
48. Les services de Gibmedia sont facturés grâce à des solutions de paiement mises à disposition par les principaux opérateurs de communications électroniques français, Orange, Free, Bouygues Telecom et SFR. Ces solutions, qui sont par ailleurs commercialisées auprès d'autres éditeurs, sont les suivantes : - Appel Premium (anciennement Audiotel) : l'utilisateur est facturé par l'opérateur téléphonique dans le cadre d'un appel via un numéro surtaxé affiché sur le site qu'il consulte ;
- SMS+ : cette solution permet aux éditeurs et aux annonceurs de proposer des services, facturés via SMS ou MMS par les opérateurs mobiles ;
- Internet+ Box : ce service est proposé par Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR à leurs abonnés. Il permet des achats à l'acte ou par abonnement. Les paiements sont reportés sur la facture établie par l'opérateur ;
- Internet+ Mobile : ce service, accessible sur les terminaux mobiles, revêt les mêmes caractéristiques que l'offre Internet+ Box et est accessible aux abonnés de Bouygues Telecom, Orange et SFR ;
- Contact+ (jusqu'au 16 juillet 2016) : ce service était proposé par Orange à ses abonnés et était également activé par défaut. Il permet de réaliser des achats sur internet, qui sont reportés sur la facture établie par Orange, dans le cadre d'une facturation à l'acte et au temps passé.
49. Dans le cadre de son activité d'agrégateur de solutions de paiement, Gibmedia, moyennant paiement, met à disposition des éditeurs de sites les différentes solutions de paiement, et leur fournit une licence d'exploitation de son interface logicielle ainsi que des services d'assistance technique.
50. Gibmedia commercialise également des espaces publicitaires via quatre régies : AdSense de Google, HiMedia, Teads et Yahoo. Cette source de revenus est beaucoup moins importante que celle générée par les services payants (plus de vingt fois inférieure en 2014).
51. Le modèle de revenus de ses offres varie en fonction du terminal de l'internaute, du réseau et de l'opérateur de communications électroniques utilisés.
52. Ainsi, il n'y a pas d'affichage de publicités sur le site info-meteo.fr lorsque les internautes paient pour accéder au service (27). L'accès gratuit à info-meteo.fr via une offre d'accès à internet non résidentielle sur ordinateur de bureau et tablette est en revanche financé par de la publicité (28). De même, l'accès gratuit aux informations des sites annuaires-inverse.net et pages-annuaires.net s'accompagne d'annonces publicitaires.
53. Les services payants des sites concernés couvrent également d'autres fonctionnalités, comme l'écoute anonyme des messageries des terminaux mobiles sans le faire sonner, qui ne sont pas disponibles dans d'autres offres d'annuaires sur internet, telles que pagesjaunes.fr et 118712.fr.
54. Enfin, l'offre d'informations juridiques et économiques du site de Gibmedia, info-societe.com, repose à titre principal sur la facturation de services aux internautes. Seuls les abonnés d'Orange qui utilisent ce site ne sont pas exposés à des annonces publicitaires. Les abonnés des autres fournisseurs d'accès à internet paient l'utilisation du service et peuvent donc être exposés à des annonces publicitaires (29), comme c'est le cas sur les sites concurrents.
C. PRESENTATION DES MODELES ECONOMIQUES DES SITES INTERNET OPERANT DANS LES SECTEURS CONCERNES PAR LA SAISINE
1. INTRODUCTION
55. Les éditeurs de sites internet peuvent financer leur activité soit exclusivement par la publicité, en proposant une offre entièrement gratuite à l'internaute, soit exclusivement par les paiements des internautes, soit enfin de manière hybride, en combinant les deux sources de revenus. Les revenus des sites de Gibmedia proviennent par exemple, dans leur grande majorité, de la vente de services numériques aux internautes et, de manière plus limitée, de la vente d'espaces publicitaires.
56. Les modes d'accès à un site comprennent typiquement l'entrée directe dans la barre du navigateur, le renvoi par un autre site, les résultats d'une recherche sur un moteur, les publicités achetées sur la base de mots clés et les publicités en général. Lorsqu'un site se lance sur le marché, il lui faut générer une masse critique d'utilisateurs et le recours à la publicité joue le plus souvent un rôle essentiel pour lancer ce trafic. Une fois un site établi, à condition qu'il ait acquis une certaine réputation, une partie de son trafic est générée par les autres modes d'accès (voir paragraphes 443 et suivants).
57. C'est ainsi que les sites diffusent publiquement de l'information afin d'être référencés par le moteur de recherche et rétribuent le moteur de recherche pour que leurs publicités figurent sur les pages de résultat des recherches.
58. Le fonctionnement efficace de ce type de modèle multiface, en l'espèce biface, où un moteur de recherche met en relation utilisateurs et annonceurs, nécessite que le moteur de recherche définisse et applique des règles qui permettent aux différentes faces d'interagir en confiance. Les utilisateurs souhaitent généralement voir leurs données personnelles protégées ou, lorsqu'ils cliquent sur un lien présenté par le moteur, ne pas être exposés à une situation où ils risqueraient d'être victimes d'abus. De même, les annonceurs sont prêts à payer pour leurs annonces, à condition qu'elles soient présentées de façon pertinente aux utilisateurs. En retour, la définition et l'application de ces règles auront un effet sur les modèles économiques des sites.
59. Parmi les sites référencés ou clients annonceurs, figure une catégorie qui offre des informations et des services en lien avec celles-ci. Les sections qui suivent présentent trois exemples : les services d'informations juridiques et économiques, les services d'annuaires et de renseignements téléphoniques et les services d'informations météorologiques. Ces trois secteurs correspondent à ceux concernés par la saisine, mais les constats énoncés ci-avant s'appliquent à de nombreux autres secteurs.
2. LES SERVICES D'INFORMATIONS JURIDIQUES ET ECONOMIQUES SUR LES ENTREPRISES
60. Dans le secteur de l'information juridique et économique sur les entreprises, des services sont fournis contre rémunération, combinés, ou non, avec des services disponibles gratuitement. Dans ce cas, les éditeurs ont un modèle de revenus mixte, fondé sur la rémunération des services et la commercialisation d'espaces publicitaires.
61. Le modèle du site info-societe.com édité par Gibmedia depuis 2007 (30) est principalement fondé sur la vente de documents officiels (statuts, bilans, comptes de résultats, fiches d'identité, numéros de TVA). Les abonnés aux offres d'Orange peuvent utiliser Contact+, pour être facturés au temps passé, ou Internet+ pour souscrire à un abonnement. Internet+ est également proposé aux clients de Bouygues Telecom, Free et SFR. Les internautes peuvent également payer à l'acte par carte bancaire (31). Le modèle de revenus d'info- societe.com repose de façon marginale sur la commercialisation d'espaces publicitaires, via les services AdSense de Google et ceux de HiMedia, une régie publicitaire concurrente de Google.
62. Les autres sites du secteur incluent les sites d'Infogreffe (infogreffe.fr), de Société SAS (societe.com, fichier.com, dirigeant.com), de Manageo/Les Echos (manageo.fr, bilansgratuits.fr), et de Nextradio TV (verif.com). Ces entreprises ont mis en œuvre des modèles de revenus qui reposent, en tout ou partie, sur la fourniture de services payants.
63. Infogreffe a mis en place un modèle de revenus fondé sur le paiement de frais d'accès sous forme d'abonnement et sur le paiement à l'acte de documents, aux tarifs fixés par le décret n° 2007-812 du 10 mai 2007 (32). Aucun des sites édités par le GIE Infogreffe ne " diffuse de la publicité, ni ne fournit des services adossés à la publicité " (33).
64. Le groupe La Poste édite, via la société filiale Société SAS, le site et l'application mobile societe.com. Ils permettent d'accéder à certaines informations gratuites telles que les immatriculations, les modifications et les radiations au RNCS et à l'INSEE, ainsi que les chiffres clés des comptes annuels. Les documents payants téléchargeables sont les bilans simplifiés, les comptes complets, les actes et statuts, les annonces Bodacc ainsi que les documents relatifs aux liens capitalistiques (34). La Poste a indiqué que societe.com fournit également des services par abonnement de cartographie des dirigeants. Les solutions de paiement du site sont la carte bancaire et les numéros surtaxés (35). L'application mobile societe.com utilise, quant à elle, les systèmes de paiement des magasins d'applications App Store et Google Play, qui prélèvent une commission sur les ventes réalisées via les Applications (36).
65. Manageo édite les sites manageo.fr et checknbiz.manageo.fr. Elle coédite également avec le groupe les Echos le site bilansgratuits.fr. Ces trois sites ont des modèles de revenus présentant des différences mais aucun n'a un modèle reposant exclusivement sur la publicité. Ils offrent généralement plusieurs formules et solutions de paiement. Manageo.fr propose des services payants qui sont facturés à l'acte, dans le cadre d'abonnements et d'une facturation à la durée (37). Les solutions de paiement proposées sont la carte bancaire, le paiement sur la facture des fournisseurs d'accès à internet (Internet+ et Internet+ mobile) et les appels téléphoniques surtaxés (SVA+, SMS+). Le site bilansgratuits.fr offre également plusieurs formules tarifaires et solutions de paiement (38). Le chiffre d'affaires de bilansgratuits.fr est constitué en majorité de revenus publicitaires, la vente de produits ne représentant qu'environ un quart des revenus du site. En revanche, la totalité des revenus de checknbiz.manageo.fr, qui propose une offre d'accès par abonnement à " toute l'information sur les sociétés françaises " (39), provient de la vente de services payants (40).
66. NextRadio TV édite, via la société Nextinteractive, le site verif.com. Il offre à la fois des données et services accessibles sans rémunération (données identitaires, bilans, établissements secondaires, dirigeants, alertes sur les sociétés...) et d'autres en contrepartie d'une rémunération (mise en relation téléphonique, annonces légales, comptes sociaux, actes numérisés...) (41).
67. Les sites qui disposent des meilleurs positionnements dans les résultats de recherche naturelle voient une partie limitée de leur trafic être générée par le référencement Google Ads. Le Groupe La Poste a ainsi indiqué que 1 % du trafic du site societe.com provenait de Google Ads (42). S'agissant de bilansgratuits.fr édités par la société Manageo, seulement 1,25 % du trafic du site provenait de Google Ads en 2015 (43). Ces deux acteurs occupaient les meilleures places en termes de référencement naturel de Google Search sur la requête " bilan entreprise gratuit " le 19 juillet 2018, avec le site Infogreffe.fr (44).
68. En revanche, Google Ads peut représenter une partie très importante du trafic de certains sites, en particulier ceux qui ne disposent pas d'une forte notoriété auprès du grand public. Tel est notamment le cas du site édité par Gibmedia, dont la part de trafic provenant de liens commerciaux Google Ads s'est élevée à 82 % en 2013, 91 % en 2014 et 84 % en 2015 (45).
3. LES SERVICES D'ANNUAIRES ET DE RENSEIGNEMENTS TELEPHONIQUES
69. Avant la libéralisation du marché en 2005, la fourniture de services d'annuaires et de renseignements téléphoniques via des réseaux de communications électroniques était payante. Après l'ouverture du marché à la concurrence, les fournisseurs de services d'annuaires par voie électronique ont également choisi des modèles de revenus fondés sur des services payants. Pendant plusieurs années, parallèlement à l'exploitation des services de renseignements téléphoniques de type 118 XYZ, des entreprises telles que Pages Jaunes et Orange ont mis en œuvre sur internet des modèles de revenus fondés sur des services payants, qui ont perduré plusieurs années après l'entrée sur le marché des sites d'annuaires de Gibmedia.
70. Solocal a indiqué que son service QuiDonc " est devenu gratuit sur internet en avril 2008 lorsqu'il était accessible depuis pagesjaunes.fr mais est resté payant pour l'internaute lorsqu'il y accédait par les sites d'audience en fonction du choix de l'éditeur du site sur lequel il était proposé. [...] L'intégralité des revenus de QuiDonc provenait du paiement effectué par les utilisateurs " (46). Iliad a pour sa part indiqué avoir cessé de facturer ce service en 2012 (47), quatre années après le lancement du site pages-annuaire.net par Gibmedia.
71. Actuellement, Orange et Solocal éditent des services d'annuaire, via internet et des applications mobiles, dont le modèle de revenus repose sur la commercialisation d'espaces publicitaires (48). Ces services se sont enrichis et incorporent notamment les fonctionnalités dites " Click to Call " dans leurs versions mobiles ainsi que des services de cartographie, qui incluent notamment les coordonnées de personnes morales. Ces deux entreprises continuent également de percevoir des revenus provenant des services de renseignements téléphoniques par voie électronique.
72. Une part importante des offres d'annuaires par voie électronique repose sur l'utilisation combinée du réseau téléphonique et d'internet. Cette évolution s'inscrit dans le contexte du développement des fonctionnalités dites " Click to call " décrites précédemment. Les fournisseurs de renseignements téléphoniques qui utilisent des numéros courts de type 118 XYZ, et dont les services payants (49) sont facturés à l'acte et au temps passé dans le cadre d'appels téléphoniques surtaxés, font également une utilisation combinée du réseau téléphonique et d'internet.
73. Ainsi, l'entreprise 118218 Le Numéro, qui édite le service de renseignements téléphoniques 118 218, commercialise une application mobile, disponible sur Google Play (50), qui permet, en contrepartie d'un paiement, de bénéficier d'un accès illimité aux renseignements et au service d'annuaire inversé, de l'envoi des contacts par SMS et de notifications. Ces offres sont accessibles dans le cadre de deux abonnements mensuels (51). De même, d'autres acteurs tels que Solocal et Orange, combinent l'utilisation du réseau téléphonique pour la formulation des requêtes et la facturation, et celle d'internet pour communiquer les résultats de la recherche, essentiellement par courrier électronique (52). D'autres fournisseurs, tels que Somnus (118 711) utilisent leur site (cquicenumero.com) pour la formulation des requêtes d'annuaire inversé et le départ d'appel surtaxé vers un numéro de type 118 XYZ. C'est le cas également des sites d'annuaire de Gibmedia et de plusieurs de ses concurrents. Ils proposent des services d'annuaire payants qui peuvent être facturés notamment via des appels de numéros surtaxés de type 08 XY. Les appels vers des numéros surtaxés permettent d'accéder aux résultats des requêtes.
74. Par ailleurs, il existe également plusieurs sites d'annuaire qui fournissent des services payants portant sur des fonctionnalités qui ne sont pas proposées dans les offres de services d'annuaires des sites d'acteurs tels que Solocal ou Orange. Ces fonctionnalités supplémentaires permettent, en particulier, d'obtenir des informations sur des numéros qui ne figurent pas dans les bases de données annuaires pour une recherche inversée. Afin d'identifier le titulaire d'une ligne mobile sans appeler le numéro qui lui est attaché directement, l'internaute peut écouter de manière anonyme sa messagerie d'accueil sans faire sonner le mobile. S'agissant des numéros fixes, l'internaute peut géolocaliser l'appel et obtenir des informations sur les lignes fixes d'entreprises, avec des numéros approchants.
75. Ainsi, les offres de services des sites d'annuaires de Gibmedia (annuaires-inverse.net ou pages-annuaire.net) comprennent un annuaire, un annuaire inversé, des fonctionnalités permettant d'identifier un abonné dont le numéro ne figure pas dans les bases de données annuaires, ainsi que l'absence de publicités, lorsque l'internaute paie le service. Le périmètre de l'offre payante de services peut varier en fonction du site, de l'opérateur de communications électroniques de l'abonné et des solutions de paiement disponibles. Par exemple, Gibmedia a indiqué qu'aucune information n'était accessible gratuitement pour les abonnés " Orange Box " utilisant le site pages-annuaire.net.
76. Les fonctionnalités proposées sur les sites de Gibmedia sont également incluses dans le périmètre des offres de plusieurs concurrents. Ces entreprises utilisent généralement plusieurs solutions de paiement, y compris Internet+ et Contact+. Plusieurs d'entre elles fournissent un service qui repose sur l'utilisation combinée d'un site internet ou d'une application mobile d'une part, et, d'autre part, d'appels vers des numéros surtaxés, y compris des numéros de type 118 XYZ. Le site est utilisé pour formuler la requête et l'appel téléphonique, qui peut être déclenché depuis le site, permet d'accéder aux résultats et de facturer le service. Le modèle de revenus de ces entreprises peut également, de manière complémentaire, être fondé sur la commercialisation d'espaces publicitaires. Certaines de ces entreprises peuvent fournir des informations sans contrepartie financière. Elles peuvent fournir gratuitement les numéros de téléphone lorsque le numéro demandé figure dans leur base de données et proposent des services payants d'écoute de messagerie lorsque le numéro n'y figure pas.
77. Ces entreprises sont les suivantes :
Ace Telecom (discretel.fr et inverseannuaire.com) a expliqué aux services d'instruction que ses " sites d'annuaire inversé offrent à la fois des informations accessibles gratuitement et des informations accessibles contre un paiement : -une information accessible gratuitement en ce qui concerne les recherches inversées du titulaire d'un numéro de fixe - une information accessible contre un paiement de l'utilisateur en ce qui concerne les recherches inversées du titulaire d'un numéro de mobile " (53).
Dispobiz, qui édite le site quipage.fr depuis 2014, fournit gratuitement " les recherches nominatives des Particuliers et/ou Professionnels " et des services payants (54), portant notamment sur des fonctionnalités d'écoute anonyme des messageries mobiles (voir paragraphe 74) (55).
Le groupe Pratique, qui édite le site 118000.fr, a indiqué que " l'accès aux professionnels se fait par numéros de téléphone surtaxés sauf pour les internautes ayant créé un compte sur le site. Quant à l'accès aux particuliers, il se fait sans numéro de téléphone surtaxé " (56). Le modèle de revenus du site repose également, à titre principal, sur les services payants (57).
Le groupe La Poste, qui édite le site annuaire.com, a indiqué que son site est passé " d'un modèle économique fortement orienté sur la mise en relation payante à un modèle sur la vente d'abonnement aux professionnels " (58).
Opendoo, qui édite le site ctqui.com et une application mobile, a également indiqué qu'elle fournissait des informations gratuitement, notamment lorsque les numéros de téléphone figurent dans la base de données des opérateurs avec qui elle a conclu des contrats et des services payants. En 2015, plus de la moitié de son chiffre d'affaires provenait des services payants, et 10 % de la publicité (59). Elle fournit également des services d'annuaire payants via son application mobile, et procède alors à un partage de revenus avec les magasins d'application, dont Google Play (60).
Somnus, qui édite trois sites d'annuaire inversé (cquicenumero.com, annuaire-- inverse.com et a-qui-annuaire-inverse.fr) et un site d'appel des répondeurs des terminaux mobiles (3690.fr), a indiqué aux services d'instruction que ses sites d'annuaire inversé " offrent des informations gratuites variables selon les sites : nom de l'opérateur propriétaire de la tranche du numéro, date d'attribution du numéro à l'opérateur, département et villes (pour les numéros géographiques), nom et adresse du titulaire quand présent dans l'annuaire, commentaires laissés par des internautes sur le numéro. Ils proposent par ailleurs l'accès à un numéro Audiotel payant qui permet en plus d'accéder directement à la messagerie vocale des numéros pour identifier le titulaire ou de formuler une demande d'identification directe auprès du titulaire " (61). Somnus exploite plusieurs numéros de type 118 XYZ. Le modèle économique de ces sites repose principalement sur la fourniture de services payants.
Audivox édite le site les-pages.com, un service d'annuaire et d'annuaire inversé, qui permet également d'écouter les répondeurs de manière anonyme sans faire sonner les terminaux mobiles. Le site utilise également le service AdSense de Google, mais les revenus générés par ce service ne représentent que 5 % du chiffre d'affaires du site, l'essentiel provenant de services payants (62).
78. La part de Google Ads dans le trafic du site pages-jaunes.fr est très limitée sur la période allant de janvier 2014 à avril 2017, ce site bénéficiant de la notoriété de l'ancien service d'annuaires officiel avant que le secteur soit libéralisé en 2005 (63).
79. En revanche, l'importance de Google Ads dans le trafic est parfois très significative pour certains éditeurs de sites qui ne sont pas connus du grand public. À titre d'exemple, le tableau ci-dessous indique la part du trafic de Google Ads dans le trafic total des sites de Gibmedia qui ont été suspendus (64).
[TABLEAU]
Figure 4 -Parts de Google Ads dans le trafic des sites deGibmedia présents dans le secteur d'annuaire et de renseignements téléphoniques
80. Audivox a indiqué que 82 % des visiteurs du site " les-pages.fr " provenaient de Google Ads en 2014 et 70 % en 2015, année de la suspension de son compte (65). Ace Telecom a indiqué qu'en 2013 et jusqu'au 30 juin 2014, plus de 70 % du trafic de discretel.fr provenait des annonces de Google Ads (66).
81. Ecométrie a déclaré que, pour apprécier le trafic de son site annuaire-inverse-france.com, il convenait de distinguer deux types de profils de visiteurs : les utilisateurs souhaitant identifier un numéro de téléphone inconnu, qui constituent le " cœur d'activité " du site, et ceux qui parcourent les " différentes rubriques du site (actualités, forum...parcours qui ne vise pas une recherche dans l'annuaire inversé " (67). Elle a également indiqué que pour le premier profil, 88 % du trafic était généré via Google Ads en 2015. En 2013 et 2014, 82 % et 79 % des visites provenaient de clics sur des annonces Google Ads (68). Ecométrie édite également un autre site, pages-tel.com, dont l'audience est bien inférieure au site annuaire- inverse-france.com. Elle a indiqué qu'en 2015, 99 % du trafic du site provenait de Google Ads (69).
82. De manière comparable, plus de 80 % du trafic du site cquicenumero.com (Somnus) provient de Google Ads : 83 % en 2013, 82 % en 2014, 94,4 % en 2015 et 90,7 % en 2016 (70). Parallèlement, le nombre de visiteurs de ce site a été multiplié par cinq entre 2013 (714 815 visiteurs) et 2016 (3 546 885 visiteurs) (71). S'agissant de Links Lab, sur la période allant de septembre 2014 à décembre 2015, plus de 90 % du trafic d'allo-pages.fr provenait de Google Ads (72).
4. LES SERVICES D'INFORMATIONS METEOROLOGIQUES
83. Le site de Gibmedia, info-meteo.fr, est une offre de services payants sans publicité lancée en 2008 (73). Le site ne présente des espaces publicitaires que pour les internautes qui y accèdent par un accès fixe et non résidentiel (74). Son exploitation repose sur l'achat de données météorologiques à des entreprises telles qu'Accuweather, Meteo Consult et Previmeteo (75). Selon Gibmedia, ce site offre de " nombreuses fonctionnalités telles que des bulletins météo détaillés, des prévisions météo pour toutes les villes de France, des cartes météo avec un degré de précision à la demande (carte nationale, régionale ou départementale, avec ou sans l'affichage des degrés, des rafales et des icônes temps), des données météo précises comme la température réelle et ressentie, le temps sous forme d'icône, les risques de précipitations et les données de vent (force et direction) [...] " (76).
84. Au moment du lancement d'info-meteo.fr en 2008, seules les prévisions à trois jours sur meteo-france.fr étaient accessibles sans contrepartie financière, Météo France proposant des services de prévisions à 4 jours et à 7 jours payants. Dès novembre 2008, Météo-France est toutefois revenu sur ce modèle et a rendu gratuites les prévisions au-delà de 3 jours.
85. À l'heure actuelle, le modèle de revenus du site et de l'application mobile de Météo France est fondé sur la commercialisation d'annonces publicitaires, mais aussi sur la fourniture de services payants. L'achat à l'acte et l'abonnement sont les deux principaux modes de paiement. Ces services sont fournis via plusieurs réseaux et services de communications électroniques : fax, internet (espace abonné ou courrier électronique) ou sms (77). En 2014, les recettes issues de la publicité sur internet constituaient une source de revenus minoritaire pour Météo France, inférieure aux recettes issues des services " Audiotel & Mobiles vocaux " qui sont des services payants.
86. De même, Meteo Consult, société du groupe Le Figaro, qui édite la chaîne de télévision la Chaîne Météo, les sites lachainemeteo.fr et meteoconsult.fr ainsi que l'application mobile La Chaîne Météo, a également un modèle de revenus reposant sur la fourniture de services gratuits et de services payants. D'une part, sur son site lachainemeteo.fr, Meteo Consult met à disposition des prévisions gratuites qui sont monétisées par de la publicité. D'autre part, le site lachainemeteo.fr fait la promotion de plusieurs offres de services payants, qui sont accessibles directement sur le site meteoconsult.fr. Ainsi, sur ce site, " seule la météo du jour est accessible gratuitement " (78). Un " abonnement est nécessaire pour consulter les échéances suivantes " (79), via l'offre Arc-en-ciel, un service qui garantit l'absence de publicités (80). Meteo Consult a également proposé cette offre dans le cadre d'une facturation au temps passé, via le service d'Orange Contact + (81). Par ailleurs, sur meteoconsult.fr, les internautes peuvent s'abonner à des offres payantes de météorologie marine (82). Par rapport à la version gratuite, ces offres permettent donc de ne pas avoir de publicités et d'accéder à des informations (ex : prévisions Grand Large pour l'offre Phare) et des fonctionnalités spécifiques (ex : bulletins pdf imprimables). Enfin, les sites lachainemeteo.fr et meteoconsult.fr font la promotion de l'application mobile La Chaine Météo. Son téléchargement est gratuit mais les internautes peuvent souscrire à l'offre VIP (83), une offre payante par abonnement qui permet à ses utilisateurs de ne pas recevoir de publicités. Cette application est également éditée en langue anglaise sous le nom de Weather Crave (84).
87. Parmi les autres acteurs français présents sur internet, il convient également de citer la société Previmeteo, éditrice de previmeteo.com, et qui fournit notamment à Gibmedia des informations et des prévisions météorologiques. L'offre de ce site " était principalement par abonnement " (85) et a " évolué progressivement vers du freemium " (86). Le terme " freemium " désigne un modèle économique mixte associant une version gratuite de base dont certaines fonctions peuvent être réduites, inexistantes ou volontairement dégradées et une version payante, proposant aux internautes des fonctionnalités avancées.
88. Comme mentionné plus haut, Google est également active dans le secteur des prévisions météorologiques par voie électronique.
89. D'une part, Google met à disposition des informations météorologiques via la " Weather One Box ", qui est accessible sur les pages de résultats de son moteur de recherche. Google a conclu dans ce cadre un accord avec la société [...], au terme duquel elle achète un flux d'informations météorologiques qu'elle affiche sur sa page de résultats en réponse à certaines requêtes. Google estime qu'elle " n'exploite pas un " service d'information météorologique " (87) et que les One Boxes " sont un des types de présentation des résultats de recherche. Les One Boxes fournissent des réponses factuelles aux requêtes des utilisateurs " (88). Google a indiqué qu'elle ne générait " pas de revenus publicitaires liés à la fourniture des informations météorologiques qui font l'objet du contrat de licence " (89).
90. D'autre part, Google référence dans son magasin d'applications " Google Play Store " plusieurs milliers d'applications mobiles d'informations météorologiques, gratuites et payantes. S'agissant des transactions payantes, les éditeurs d'applications mobiles rétrocèdent à Google une commission sur chacune des ventes qu'ils réalisent à partir de " Google Play Store ". Google obtient donc des revenus issus de la vente de services payants d'informations météorologiques réalisées à partir de son magasin d'applications. Parmi les applications payantes, il y a lieu de distinguer les applications dont le téléchargement est payant des applications dont le téléchargement est gratuit mais qui proposent des achats intégrés en leur sein. Parmi les dix applications les plus populaires en France, dont le téléchargement est gratuit, trois d'entre elles proposent des achats intégrés sur Google Play : [...] (90). Google a également fourni la liste des dix applications de prévisions météorologiques les plus populaires et dont le téléchargement est payant. Certaines d'entre elles offrent également la possibilité de procéder à des achats intégrés. C'est le cas de [...], qui est la plus téléchargée dans le magasin Google Play (91).
91. Dans ce secteur, les sites disposant des meilleurs positionnements dans les résultats naturels de recherche de Google utilisent Google Ads de manière ponctuelle. Tel est le cas de sites, comme ceux édités par Météo France, qui bénéficient d'une importante notoriété. Tel est également le cas des sites de Meteo Consult, susceptibles de bénéficier de l'adossement au groupe Le Figaro, qui fait notamment la promotion de lachainemeteo.fr sur lefigaro.fr, la 15e marque la plus visitée en France au mois de juillet 2017 (92). En revanche, Google Ads représente une part très importante du trafic du site info-meteo.fr édité par Gibmedia (82 % en2012, 90 % en 2013, 84 % en 2013) qui n'est pas connu du grand public (93).
92. En conclusion, l'examen des trois activités concernées par la saisine de Gibmediapermet de constater, d'une part, que les modèles économiques (modèle de gratuité ou payant pour les internautes) des sites actifs sur une même activité sont très variés, et d'autre part, que l'importance de Google Ads pour chacun des sites dépend essentiellement de leur niveau de notoriété. Il apparaît à cet égard que Google Ads représente une part importante du trafic généré par plusieurs entreprises, dont Gibmedia, qui sont entrées sur leurs marchés respectifs après des acteurs de taille significative, qui peuvent être des acteurs historiques (Infogreffe, Solocal, Orange) ou des entreprises adossées à des groupes de média (La Chaîne Météo). Pour celles-ci, la notoriété et l'antériorité constituent des avantages, en termes de position de marché, pour acquérir du trafic.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
93. Dans sa saisine, Gibmedia reproche à Google d'avoir suspendu le compte Google Ads utilisé par ses sites de manière brutale et dans des conditions qui ne seraient pas objectives, transparentes et non discriminatoires. Dans ce cadre, elle conteste la définition et les conditions d'application par Google des règles relatives à la publicité, ainsi que celles portant sur la suspension des comptes.
94. Ces questions seront examinées successivement sous l'angle de l'examen des règles Google Ads (1), des moyens mis en œuvre par Google pour que les annonceurs s'y conforment (2) et de la mise en œuvre des procédures de suspension par Google (3).
1. LES REGLES GOOGLE ADS (ANCIENNEMENT ADWORDS)
95. Les règlesGoogle Ads (anciennement AdWords, ci-après : " les Règles ") concernent, d'une part, la teneur des Règles à respecter par les annonceurs pour être éligibles aux services publicitaires Google Ads proposés par Google (a), et, d'autre part, les Règles applicables en cas de suspension d'annonces, de site internet et de compteGoogle Ads associé (b).
a) LA DEFINITION DES REGLES
96. Google définit et publie des Règles qui précisent les conditions dans lesquelles un annonceur peut diffuser de la publicité sur le " réseau Google ". Pour ouvrir un compte Google Ads, chaque annonceur doit expressément s'engager à respecter les règles associées, qui font partie intégrante des conditions générales que tout annonceur doit lire et accepter, et qui déterminent les termes des relations contractuelles liant Google à l'annonceur.
97. Obligatoires pour les annonceurs, ces Règles font cependant l'objet de modifications fréquentes par Google. L'historique des modifications accessibles sur le centre d'aide Google Ads révèle par exemple une liste de 18 modifications en 2018, étant précisé qu'une même catégorie de Règles peut évoluer plusieurs fois dans l'année (par exemple, la catégorie " Autres activités soumise à restriction " a évolué à quatre reprises en 2018). Les Règles sont donc affectées d'une grande instabilité, ce qui les rend difficiles à suivre dans le temps.
98. Les Règles ont notamment pour finalité de protéger l'internaute qui recourt au moteur de recherche Google Search, afin de lui éviter d'être exposé à des annonces le renvoyant vers des sites susceptibles de porter atteinte à ses intérêts.
99. Les Règles successives sur lesquelles Google s'est fondée pour suspendre les comptes de Gibmedia, et d'autres sites similaires, seront présentées sur les quatre périodes suivantes : (i) les Règles en vigueur de juillet 2012 jusqu'au mois d'août 2014, (ii) la refonte des Règles en septembre 2014, (iii) les changements apportés aux Règles en mars 2018 et (iv) les changements apportés aux Règles en mars 2019.
100. Toutefois, compte tenu de la complexité et de l'instabilité des Règles, les descriptions qui suivent retiennent les descriptions des versions successives des Règles qui sont pertinentes pour l'examen du bien-fondé de la saisine, sans reprendre l'intégralité des Règles en vigueur.
Les Règles en vigueur de juillet 2012 jusqu'au mois d'août 2014
101. Avant septembre 2014, la Règle sur les " promotions indignes de confiance "n'existait pas. Selon Google, cette pratique était néanmoins couverte par un ensemble de Règles comprenant notamment les trois Règles suivantes : la " vente d'articles gratuits ", les " pratiques de facturation douteuses ", et les " pratiques de dissimulation " (94).
102. Google a détaillé le contenu de chacune de ces Règles de la manière suivante (95).
La Règle relative à la " vente d'articles gratuits " était définie comme suit : " Google AdWords n'autorise pas la promotion de la vente d'articles ou de services qui sont disponibles gratuitement ailleurs. Nous n'autorisons pas non plus la vente de formulaires ou de services gouvernementaux qui sont disponibles gratuitement ou à moindre coût sur un site officiel ou gouvernemental. Nous avons créé cette règle afin d'empêcher que nos utilisateurs soient trompés ". Plusieurs exemples accompagnaient cette définition pour illustrer la manière dont Google appliquait la Règle.
La Règle relative à la " dissimulation (cloaking) " était définie comme suit : " Google AdWords n'autorise pas les techniques de dissimulation (cloaking) ni la manipulation du système (techniques permettant de présenter un contenu différent aux internautes et à Google). Google utilise des outils automatisés qui explorent le site Web d'un annonceur et fournissent des données pertinentes pour le programme AdWords. Si les annonceurs ne présentent pas le même contenu à Google et aux internautes ces derniers peuvent se retrouver sur un autre site que prévu, entraînant ainsi une expérience utilisateur trompeuse. Nous avons créé cette règle pour garantir la sécurité de nos utilisateurs ".
Les Règles précisaient aux annonceurs les éléments suivants : " si vous adoptez cette pratique, votre site peut être considéré comme trompeur ".
Cette définition de la Règle relative à la dissimulation est proche de celle retenue par Google dans les " Consignes aux webmasters ", applicables au référencement naturel, et auxquelles les Règles Google Ads faisaient expressément référence avant septembre 2014. Le " cloaking " y est défini comme une pratique " consistant à présenter aux internautes des URL ou un contenu différents de ceux destinés aux moteurs de recherche " (96).
La Règle relative aux pratiques de " facturations douteuses " était définie comme suit : " Google AdWords interdit les modèles de facturation ou de tarification qui ne sont pas transparents pour l'internaute. En d'autres termes, le processus de paiement doit être transparent et vous devez clairement indiquer aux internautes comment les frais leur seront facturés ".
103. Ces trois Règles sont synthétisées dans le tableau ci-dessous : [TABLEAU]
Figure 5- Règles en vigueur avant septembre 2014
La refonte des Règles en vigueur en septembre 2014
104. Les Règles applicables lors de la suspension du compte de Gibmedia, au mois de janvier 2015, étaient celles entrées en vigueur en septembre 2014. Elles portaient sur quatre catégories de pratiques : les " contenus interdits ", les " pratiques interdites ", le " contenu à diffusion contrôlée " et les " exigences rédactionnelles et techniques ".
105. La catégorie des " pratiques interdites " comprenait elle-même trois sous-catégories : " utilisation abusive du réseau publicitaire " ; " collecte et utilisation irresponsables de données " ; et " fausse déclaration concernant une personne, un produit ou un service ".
106. Cette dernière sous-catégorie, également désignée comme " déclarations trompeuses vous concernant, ou concernant un produit ou service ", était présentée de la façon suivante par Google : " Les utilisateurs ne doivent en aucun cas douter de la véracité et de la bonne foi des annonces que nous diffusons. Nous devons par conséquent faire preuve de franchise et d'honnêteté, et leur fournir les informations dont ils ont besoin pour pouvoir prendre des décisions éclairées. Ainsi :
Nous n'autorisons pas les promotions qui incitent les utilisateurs àeffectuer un achat ou un téléchargement, ou à s'engager de toute autre manière sans fournir au préalable toutes les informations pertinentes ni obtenir le consentement explicite de l'utilisateur.
Nous autorisons uniquement les promotions qui décrivent votre entreprise, vos produits ou vos services de manière exacte, réaliste et honnête. " (97)
107. Cette sous-catégorie était illustrée par " quelques exemples de pratiques ", à savoir : " omission d'informations pertinentes ", " promotions non disponibles ", " promotions trompeuses ou irréalistes " et, enfin, " promotions indignes de confiance ".
108. La Règle relative aux " promotions indignes de confiance " applicable en septembre 2014 était définie comme suit : " cacher ou déformer des informations à propos d'une entreprise, d'un produit ou d'un service. Exemples : inciter les utilisateurs à donner de l'argent ou à fournir des informations sous un prétexte équivoque ou mensonger, mentir sur son identité, fournir un faux nom d'entreprise ou des coordonnées factices, facturer des frais aux utilisateurs pour des produits ou services qui sont normalement gratuits, ou encore créer un site de type " hameçonnage " pour récupérer les informations des utilisateurs " (98). Ainsi, à compter de septembre 2014, la Règle relative à la facturation d'articles normalement gratuits est devenue un exemple d'une autre Règle désignée sous le terme de " promotions indignes de confiance ".
109. Les " promotions indignes de confiance " constituent " une sévère infraction " justifiant que les annonceurs ne soient plus autorisés à utiliser les programmes publicitaires de Google Ads (99). La qualification de " sévère infraction " doit être rapprochée de l'article 12 des conditions générales en vigueur en septembre 2014 aux termes duquel " Chaque partie peut résilier les présentes Conditions à tout moment, de plein droit, en notifiant l'autre partie moyennant un préavis (sauf en cas de manquement contractuel répété ou grave, notamment à une Politique) " (100).
110. Selon Google, la combinaison de ces deux types de stipulations lui permettait de suspendre sans préavis le compte d'un annonceur se livrant à des " promotions indignes de confiance ". Dans le cadre de l'instruction de la demande de mesures conservatoires, Google a ainsi déclaré que " la suspension du compte AdWords de Gibmedia résulte uniquement des infractions graves aux Règles AdWords commises par la société " (101). Elle aurait " suspendu les comptes de Gibmedia en raison d'une infraction grave, comme l'indiquent clairement les emails envoyés les 7 et 8 janvier 2015, qui rappellent que Google considère les pratiques de Gibmedia " comme une sévère infraction " entraînant une suspension immédiate de ses comptes AdWords " (102).
111. La Règle relative aux " promotions indignes de confiance ", qui a été rebaptisée par la suite " comportements non fiables ", n'a pas connu d'évolution majeure jusqu'en mars 2018.
112. La Règle relative aux " omissions d'informations pertinentes " applicable en janvier 2015 fournissait une liste d'une série de comportements prohibés dont celui de : " Ne pas mettre clairement en évidence le modèle de paiement et l'ensemble des frais à la charge de l'utilisateur ". Cette Règle fournissait une série d'exemples concernant les conditions de facturation qui devaient être portées à la connaissance du consommateur : " Le prix, les frais de port et d'autres informations liées à la facturation, les taux d'intérêt, les pénalités en cas de retard de paiement ou les coûts récurrents liés à un abonnement, ou encore l'utilisation de numéros de téléphone surtaxés dans les extensions d'appel ".
113. La Règle relative aux " omissions d'informations pertinentes ", rebaptisée par la suite " informations manquantes ", n'a pas connu d'évolution majeure jusqu'en mars 2019. 114. La sous-catégorie " utilisation abusive du réseau publicitaire " était illustrée d'une série d'exemples, en particulier la " manipulation du réseau Google "qui était définie comme des " Pratiques visant à contourner ou entraver les processus et systèmes de publicité de Google. Exemples ; Techniques de dissimulation (cloaking), utilisation de DNS dynamiques pour changer le contenu d'une page ou d'une annonce, manipulation du texte d'annonce ou du contenu d'un site dans le but d'éviter les vérifications automatiques effectuées par notre système, interdiction pour le robot d'exploration AdsBot d'accéder à un nombre si important de pages de destination qu'il n'est pas en mesure d'examiner correctement votre annonce, site ou compte ".
115. La Règle relative aux " manipulations du réseau Google " n'a pas connu d'évolution majeure jusqu'en mars 2019.
116. Le contenu de ces trois dernières Règles est synthétisé dans le tableau suivant :
[TABLEAU]
Figure 6 - Règles en vigueur en septembre 2014
Les changements apportés aux Règles en mars 2018
117. À compter de mars 2018, Google a changé ses Règles sur l'un des points en débat dans la présente affaire. Cette modification a consisté à extraire la prohibition de la " vente d'articles gratuits " de la catégorie " comportement non fiable ", elle-même concomitamment renommée " pratique commerciale inacceptable ". La Règle relative à la " vente d'articles gratuits " a été intégrée aux Règles relatives aux " contenus interdits " dans la section " autres activités soumises à restriction ". Or, seule la violation de cette catégorie de Règles (" comportement non fiable " devenue " pratique commerciale inacceptable ") est explicitement visée comme pouvant donner lieu à une suspension immédiate du compte Google Ads (voir paragraphe 129).
118. Cette modification devrait donc, en principe, avoir une incidence sur les mesures que Google peut adopter en cas de violation. Comme expliqué ci-dessous, dès lors que la Règle sur la " vente d'articles gratuits " n'est plus dans la catégorie des manquements pouvant donner lieu à une suspension immédiate du compte Google Ads, la violation non répétée de la Règle sur la " vente d'articles gratuits " ne peut entraîner des refus d'annonces ou la suspension d'un compte que dans le respect de la procédure avec préavis.
119. La nouvelle Règle sur la " vente d'articles gratuits " stipule que les annonceurs ne sont pas autorisés à " facturer des produits ou services alors que l'offre principale est disponible gratuitement, ou à prix réduit, auprès d'une source gouvernementale ou publique "et précise que : " Vous pouvez regrouper une offre gratuite avec un produit ou un service que vous fournissez. Par exemple, un prestataire de services de télévision peut associer du contenu accessible au public à du contenu payant, ou encore une agence de voyages peut regrouper un service de demande de visa avec un forfait-vacances. Toutefois, le produit ou le service gratuit ne peuvent pas faire l'objet de l'offre principale " (103).
Les changements apportés aux Règles au mois de mars 2019
120. Au mois de mars 2019 (104), à la suite de la décision n° 19-MC-01 du 31 janvier 2019 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Amadeus, confirmée pour l'essentiel par la cour d'appel de Paris (105), par laquelle l'Autorité a enjoint à Google, à titre conservatoire, de clarifier le contenu de ses Règles relatives aux services de renseignements téléphoniques payants et de modifier la procédure de suspension des comptes, afin d'éviter que celle-ci soit brutale et insuffisamment motivée, Google a apporté de nouvelles modifications aux Règles.
121. Google a ainsi précisé la Règle relative à la " vente d'articles gratuits " en ajoutant une liste non-exhaustive d'exemples de comportements prohibés et a intégré dans cette Règle un outil de dépannage dédié aux services de renseignements téléphoniques payants. Cet outil de dépannage donne aux opérateurs de services de renseignements téléphoniques des exemples de comportements interdits sur Google Ads dans le cadre de la promotion de leurs activités. Parmi ces exemples figurent les " services payants de renseignements téléphoniques/de mise en relation téléphonique/d'enregistrements d'appels diffusant les coordonnées d'entreprises auxquelles ils ne sont pas affiliés (au sein d'annonces et/ou de mots clés) au lieu de leurs propres services de renseignements téléphoniques/de mise en relation ".
122. Google a également précisé la Règle " informations manquantes ", en mettant à jour un document appelé " outil de dépannage ". Cet outil de dépannage comprend des explications sur les critères utilisés par Google pour déterminer si une annonce est ou non conforme à la Règle " informations manquantes " et intègre un encadré spécifique contenant un exemple de l'application de cette Règle aux services de renseignements téléphoniques payants.
123. Enfin, Google a précisé la Règle relative au " contournement des systèmes " contenue dans la section des Règles relative à l' " utilisation abusive du réseau publicitaire " en (i) intégrant des exemples relatifs aux techniques de dissimulation ou " cloaking ", notamment par l'ajout d'un encadré spécifique concernant les services de renseignements téléphoniques payants, (ii) précisant que les pratiques de " contournement des systèmes " couvrent également les violations répétées des Règles sur l'ensemble des comptes d'un annonceur et (iii) soulignant les risques graves que le non-respect de cette Règle pose pour les utilisateurs.
Figure 7 - Règles en vigueur au mois de mars 2019
[TABLEAU]
124. Enfin, il convient d'observer qu'en septembre 2019, Google a annoncé une mise à jour de la catégorie des " Autres activités soumises à restrictions " qui comprend la Règle relative à la " vente d'articles gratuits "à compter du mois de décembre 2019 en vue de ne plus autoriser les annonces pour les services de renseignements téléphoniques, de transfert et d'enregistrement des appels (106).
b) LES REGLES RELATIVES AUX PROCEDURES DE MISES EN GARDE ET DE SUSPENSION
125. Dans les Règles en vigueur en 2015, trois types de décisions peuvent être prises par Google, selon que la violation des Règles par ses clients concerne une annonce ou un site internet. Dans ce dernier cas, il existe une distinction selon que la violation commise est répétée ou grave, ou non.
" Que se passe-t-il si vous ne respectez pas ces règles ?
Refus d'une annonce : les annonces qui ne respectent pas ces règles sont susceptibles d'être refusées. Lorsqu'une annonce est refusée, elle ne peut pas être diffusée tant que le problème de non-conformité n'a pas été résolu, et tant qu'elle n'a pas été approuvée.
Désactivation du domaine : nous pouvons suspendre les sites Web qui ne respectent pas ces règles. En d'autres termes, le site Web ne peut plus faire l'objet d'une publicité tant que le problème n'a pas été résolu.
Suspension du compte : votre compte peut être suspendu si vous enfreignez nos règles à plusieurs reprises ou de façon particulièrement grave. Dans ce cas, nous cessons la diffusion de toutes les annonces du compte concerné et il se peut que nous n'acceptions plus aucune publicité de votre part. Tous les comptes associés peuvent être également suspendus de façon définitive. En outre, si vous créez un autre compte, il pourra être suspendu dès son ouverture. En savoir plus sur la suspension des comptes " (107).
126. La désactivation du domaine, dénommée plus communément " suspension de site ", correspond à la situation dans laquelle Google suspend toutes les annonces vers un site donné qui ne respecte pas les Règles. La désactivation concerne alors le site internet, et non le compte de l'éditeur. En pratique, si un annonceur a ouvert un compte pour la promotion de plusieurs sites internet, une désactivation du domaine entraînera la suspension des annonces vers le seul site qui ne respecte pas les Règles, tandis que les sites conformes pourront continuer à être promus sur la plateforme publicitaire de Google.
127. La suspension de compte correspond à la situation dans laquelle Google suspend les annonces de tous les sites associés à un même compte. En pratique, si un annonceur a ouvert un compte pour la promotion de plusieurs sites internet, une suspension de compte entraînera la suspension des annonces vers la totalité des sites associés à ce compte, même si certains d'entre eux sont en conformité avec les Règles.
128. En cas de violation non-grave constatée sur un site donné, Google suspend d'abord le site concerné de l'annonceur. Par la suite, Google envoie une ou plusieurs notifications informant l'annonceur du fait que le contenu de son site n'est plus conforme et ne peut être diffusé sur Google Ads. À défaut de correction par l'annonceur du contenu de son site, son compte risque d'être désactivé : " La politique de Google est d'envoyer plusieurs notifications aux annonceurs avant de suspendre leurs comptes pour violations non graves des Règles AdWords. La première notification est envoyée lorsque l'annonce ou le site web de l'annonceur est désactivé à la suite d'une violation. Si l'annonceur persiste à violer les règles de Google, il reçoit d'autres notifications (...). L'objectif premier de ces notifications est d'informer l'annonceur du fait que son contenu n'est plus conforme et ne peut dès lors être diffusé sur AdWords. Un avertissement final est envoyé si l'annonceur continue à commettre des violations des règles AdWords, et ne corrige pas ses violations antérieures. Cet avertissement final précise que le compte de l'annonceur court un risque sérieux d'être suspendu si les violations continuent " (108).
129. En cas de violation grave ou répétée, le compte de l'annonceur peut être suspendu sans préavis par Google. Cette faculté résulte de l'article 12 des conditions générales d'utilisation qui stipule que : " Chaque partie peut résilier les présentes Conditions à tout moment, de plein droit, en notifiant l'autre partie moyennant un préavis (sauf en cas de manquement contractuel répété ou grave, notamment à une Politique [Règle]) " (109).
130. Le caractère grave d'une violation n'est cependant défini, ni dans les conditions générales ni dans les Règles. Toutefois, lors de l'instruction, Google a fourni la liste des Règles Google Ads dont la violation serait considérée comme " non grave ", en précisant que " les violations graves et non graves sont des catégories dynamiques ; la liste de l'annexe 2.1 [annexe relative " aux violations de règles AdWords considérées comme non graves "] est susceptible d'évoluer afin de répondre aux comportements changeants des annonceurs " (110).
131. S'agissant de l'évolution de la Règle sur la " vente d'articles gratuits ", il convient de relever qu'en mars 2018, Google a " modifié ses Règles de façon à ce que l'interdiction de la Vente d'articles gratuits ne soit plus considérée comme une infraction grave susceptible d'entraîner la suspension immédiate du compte de l'annonceur " (111).
132. Selon Google, certaines pratiques en violation des Règles peuvent, par ailleurs, être considérées comme des circonstances aggravantes, sans cependant qu'une incidence sur les délais de préavis soit clairement indiquée. À cet égard, dans ses observations du 23 juin 2015, déposées dans le cadre de l'instruction de la demande de mesures conservatoires, Google a indiqué que " la dissimulation est également une violation en soi, qui relève de la règle AdWords relative à l'utilisation abusive du réseau publicitaire. Cependant, Google considère toutes les pratiques de dissimulation qui peuvent être employées par l'annonceur comme une circonstance aggravante en cas de violation de la règle relative aux Promotions indignes de confiance " (112).
133. En conclusion, on constate, à tout le moins depuis 2012, un changement très fréquent des Règles par Google, qui a un effet sur la définition des Règles, leur statut et leur importance. La " vente d'articles gratuits " est une illustration des Règles faisant l'objet de changements fréquents. Cette pratique interdite par Google était, avant septembre 2014, une Règle assortie d'une définition générale et illustrée par des exemples. Elle est devenue ensuite un des exemples permettant de comprendre les cas de violations d'une autre Règle, relative aux " promotions indignes de confiance ". En mars 2018, cette Règle a été insérée au sein d'une autre catégorie de Règles, moins importantes, et sa violation non répétée ne devait donc plus être considérée comme grave. De surcroît, ces Règles apparaissent peu claires, ce qui nuit à la capacité des annonceurs de bien les comprendre et d'identifier la façon dont elles seront appliquées en pratique.
134. L'examen détaillé de l'évolution des Règles permet néanmoins de distinguer, malgré ces changements réguliers de présentation, une certaine constance de Google à faire respecter certaines Règles. Il s'agit de celles concernant, d'une part, l'interdiction de vendre des services disponibles gratuitement ailleurs sur internet, et, d'autre part, les obligations d'informations sur les conditions de facturation que doivent respecter les sites internet qui proposent des services payants au consommateur. La Règle sur la manipulation du réseau (" cloaking ") a également toujours fait l'objet d'une Règle distincte. Leur libellé, leur contenu et les sanctions qui s'attachent à leur violation peuvent néanmoins varier.
2. LES MOYENS MIS EN OEUVRE EPAR GOOGLE POUR FAIRE APPLIQUER LES REGLES
a) Les moyens mis en œuvre par Google pour informer les annonceurs de la teneur des Règles et de leurs modifications
135. Google a indiqué que les annonceurs peuvent accéder au contenu des Règles et à un centre d'aide depuis leur compte Google Ads. S'agissant des modifications apportées aux conditions générales, les annonceurs sont informés par l'intermédiaire de leur compte. Ils doivent à nouveau accepter les conditions générales pour continuer d'utiliser Google Ads. S'agissant des modifications apportées aux Règles, Google a également indiqué que les annonceurs sont informés par le biais du " journal des modifications ", qui est disponible sur le centre d'aide du site Google Ads, qui énumère de façon chronologique les annonces des modifications successives apportées aux Règles (113).
136. L'examen du journal des modifications montre qu'au moins deux changements de la Règle sur la " vente d'articles gratuits " ont été annoncés, avant que cette pratique soit intégrée dans la Règle sur les " promotions indignes de confiance " en septembre 2014.
Un message publié le 5 juin 2012 dans le centre d'aide indique : " Les règles Google Ads relatives à la vente d'articles gratuits seront modifiées vers la mi- juin 2012. Cette modification améliorera la transparence et l'expérience utilisateur pour les types de sites suivants : - Sites vendant des services en rapport avec des formulaires ou services officiels - Sites vendant des services en rapport avec des produits ou services gratuits. Elle s'appliquera à tous les pays. Nous avons pris cette décision afin de renforcer la protection des utilisateurs. Nous enverrons des notifications aux annonceurs concernés. Lorsque ces nouvelles règles entreront en vigueur, la description des règles sera mise à jour pour refléter cette modification " (114).
Un message publié le 19 mars 2013 dans le centre d'aide indique : " La règle Google Ads concernant la vente de services gouvernementaux et d'articles gratuits sera modifiée vers le 19 avril 2013. Nous effectuons cette mise à jour afin d'interdire les annonces qui trompent les utilisateurs en faisant la promotion de la vente de services gouvernementaux ou d'articles gratuits. Cette modification s'appliquera à tous les pays. Nous avons pris cette décision afin de protéger les utilisateurs contre la vente trompeuse de services gouvernementaux ou d'articles gratuits. Découvrez un aperçu de la version mise à jour de la règle " Vente de services gouvernementaux et d'articles gratuits ", qui remplacera la règle actuelle à compter du 19 avril " (115).
137. Google n'a pas publié de message spécifique concernant la Règle sur les " promotions indignes de confiance ". La mise en place de cette Règle en septembre 2014 s'inscrit dans une refonte plus générale de l'ensemble des Règles qui a été annoncée par un message au mois de juin 2014, et dont le contenu est reproduit ci-après :
" En septembre 2014, nous lançons un nouveau centre de règles AdWords optimisé.
Objectif de ces modifications : nous souhaitons rendre les règles AdWords plus conviviales, accessibles et incitatives pour les annonceurs comme pour les utilisateurs. Nous espérons qu'elles vous donneront une image plus claire des intentions et des motivations de Google.
Voici ce à quoi vous pouvez vous attendre :
Des règles AdWords simplifiées et moins nombreuses
Une plus grande transparence vis-à-vis de l'objectif de chaque règle.
Une meilleure compréhension de l'impact potentiel de chaque règle sur vos annonces À retenir : pour la quasi-totalité des annonceurs, si leur compte est conforme à nos règles actuelles, il le sera également pour les nouvelles règles. Nous vous invitons à les consulter au cours des mois à venir afin de vérifier si vous devez apporter des modifications à votre compte. Par exemple, nous introduirons des restrictions concernant les armes, le tabac et les feux d'artifice, qui seront reprises dans notre nouvelle règle sur les produits ou services dangereux.
Marche à suivre : consultez le nouveau centre d'informations sur les règles, et assurez-vous que vos annonces, votre site Web et vos activités seront conformes aux nouvelles exigences lors de l'entrée en vigueur des règles au cours du mois de septembre de cette année.
Google exige que les annonceurs respectent constamment l'ensemble des lois et réglementations applicables, ainsi que les règles AdWords. Vous devez donc rester informé en permanence des conditions à respecter dans les pays où votre entreprise exerce ses activités et tous ceux dans lesquels vos annonces sont diffusées. (Publié en juin 2014) " (116).
138. L'annonce de l'incorporation de la Règle sur la " vente d'articles gratuits "dans la catégorie " autres activités soumises à restriction " en mars 2018 a fait l'objet d'un message publié dans la rubrique du " journal des modifications " en novembre 2017 : " En mars 2018, nous allons renommer et réorganiser certaines de nos règles et pages GoogleAds afin qu'elles soient plus faciles à lire et à comprendre. Les nouveaux noms de règles apparaîtront avec toutes les mesures concernées, ainsi que sur les messages associés envoyés aux annonceurs GoogleAds. Notez que ces modifications n'auront aucune incidence sur les restrictions ou les interdictions énoncées dans les règles actuelles.
Quelques exemples de nouveautés :
Suite à la réorganisation, les annonceurs constateront que certaines de nos règles feront désormais partie de la règle " Autres activités soumises à restriction ". C'est le cas par exemple d'une règle concernant la facturation de produits normalement gratuits, actuellement classée dans la catégorie "Comportement non fiable" dans la règle relative aux déclarations trompeuses.
Nous remplacerons également l'intitulé " Comportement non fiable " par " Pratiques commerciales inacceptables " (publié en novembre 2017) " (117).
139. Enfin, Google a annoncé une modification de la Règle sur les autres activités soumises à restriction en décembre 2019 par un message publié en septembre 2019 : " En décembre 2019, nous allons mettre à jour notre Règlement sur les autres activités soumises à restriction en vue de ne plus autoriser les annonces pour les services de renseignements téléphoniques, de transfert et d'enregistrement des appels. Ces services consistent généralement à appeler un numéro de téléphone pour en obtenir un autre (ou pour obtenir des informations sur un établissement, comme son adresse) ou pour être mis en relation avec un autre service. Ce règlement ne s'appliquera pas aux annonces pour les services d'annuaires en ligne ou les logiciels d'enregistrement des appels. " (118).
b) Les moyens mis en œuvre par Google pour détecter les violations aux Règles 140. Google emploie une équipe internationale de 1 000 personnes au niveau mondial, dénommée Trust & Safety, soit Confiance et Sécurité, (anciennement " Policy "), afin de faire gérer, d'appliquer et de faire respecter les Règles de Google en matière de publicité (119). Interrogée en séance sur le nombre de salariés de Google dédiés au contrôle de la conformité des sites français (ou en langue française) avec les Règles Google Ads, Google n'a pas été en mesure d'apporter de réponse précise. Il résulte du dossier que la nature des contrôles (humains ou automatisés) est variable, de même que le territoire, français ou irlandais, depuis lequel ils sont effectués.
Des contrôles qui peuvent être automatisés
141. Au cours de l'instruction, Google a expliqué qu'elle procède à des contrôles " automatiques " et à des contrôles " manuels " de l'activité de ses clients, qui sont effectués au niveau des annonces, des pages, des sites et des comptes.
142. Afin de contrôler des pages de destination, elle utilise un système d'indexation dédié à l'examen du contenu des pages (120) qui permet d'établir quelle est la probabilité qu'une page de destination appartienne à une catégorie de sites que Google considère comme violant les Règles (121). [...] (122). [...] (123). [...] (124).
143. S'agissant des contrôles manuels, Google a précisé que la procédure peut inclure l'examen d'informations provenant de diverses sources, telles que l'annonce, le site internet et le compte de l'annonceur, ainsi que des sources tierces (125). [...] (126), [...] (127), [...] (128), [...] (129).
Des contrôles qui peuvent être effectués en dehors du territoire français
144. Au cours de l'instruction, Google a précisé qu'elle réalisait des contrôles de sites français en dehors de France, notamment à partir de la République d'Irlande. S'agissant des annonceurs susceptibles d'avoir des pages de destination différentes en fonction des pays, des fournisseurs d'accès à internet ou des appareils (ou une combinaison de ceux-ci), Google peut utiliser des [outils à distance] (130).
145. Depuis le début de l'année 2015, l'examen manuel de Google peut couvrir à la fois Orange et SFR en France. Google peut ainsi examiner les versions de sites, selon l'un ou l'autre fournisseur, depuis l'Irlande. Auparavant, l'examen manuel à distance était organisé ad hoc et ne couvrait généralement pas diverses versions en fonction du fournisseur internet (131).
146. Or, il s'avère que l'identité du fournisseur internet de l'entité de contrôle n'est pas toujours neutre. Ainsi, Google a reproché à Gibmedia de lui avoir donné accès à une version d'un site, qui serait en conformité avec les Règles mais différente de la version accessible par les internautes (132).
147. Google constate que " les sites Gibmedia offraient un contenu différent (gratuit ou payant) aux utilisateurs suivant qu'ils se trouvaient en Irlande (comme les équipes de Google en charge des contrôles) ou en France, afin que les violations échappent aux systèmes automatiques de Google et à ses analystes " (133). S'agissant de la solution Contact+, Google constate que " les membres de l'équipe AdWords n'avaient pas accès à la version Contact+ des sites de Gibmedia visibles uniquement par les abonnés d'Orange. Les équipes AdWords étaient redirigées sur une autre version des sites Gibmedia, indiquant soit un paiement par appel à un numéro surtaxé (qui permet au client d'être informé clairement du mode de paiement - par exemple pour le site www.annuaires-inverse.net), soit proposant des informations apparemment gratuites mais en réalité inaccessibles sans l'option Contact+ (par exemple www.info-societe.com) " (134).
148. Il apparaît cependant que les personnes impliquées dans la procédure de contrôle des comptes Google Ads ne sont pas toutes localisées sur le même territoire. Certaines d'entre elles sont localisées sur le territoire français. Seules ces équipes, à la différence des équipes de contrôle en Irlande, pouvaient accéder aux sites de Gibmedia dans des conditions analogues à celles des abonnés d'Orange, à la condition de souscrire à un abonnement résidentiel pour accéder à Contact+.
149. Après la suspension des comptes de la société Interactiv et de sa filiale Digi-Media, dont les circonstances sont détaillées ci-dessous, Interactiva, ainsi, évoqué la disponibilité limitée de Contact+ pour les abonnés d'Orange, et l'impossibilité pour Google d'accéder à certaines versions de ses sites. Elle a écrit le 17 avril 2015 que ses " comptes sont actuellement suspendus pour le motif " Promotions indignes de confiance ", et ce depuis le 07/01/15. Nous n'avons jamais pu obtenir (via le support tél/mail/web) une quelconque précision à ce sujet. Ceci est d'autant plus étonnant que nous avons dépensé autour de 3 000 000 sur ces comptes en 2014. La raison que nous envisageons, sans en avoir confirmation, est la suivante : nous monétisons nos services avec des moyens de paiement en ligne qui dépendent du FAI, par exemple pour les clients Orange nous monétisons en Contact+ qui n'est pas dispo chez les autres FAI. Lorsque nous avons [un] client d'un FAI que nous ne pouvons pas facturer ainsi, nous proposons une version " dégradée " du service : gratuite mais avec de la publicité. Le problème est que vos équipes de contrôle éditorial, ou bien vos robots de crawling (135), voient toujours la version gratuite. Il pourrait donc y avoir un soupçon de paiement dissimulé. Nous avons été transparents dans nos échanges à ce sujet avec Google mais nous n'avons eu aucun retour. Par ailleurs vous pourrez noter que nous avons honoré tous nos paiements, mêmes ceux postérieurs à la suspension " (136).
c) Les moyens mis à la disposition des annonceurs par Google pour se conformer aux Règles
150. Dans le cadre de ses observations à la notification de grief, Google a indiqué que les annonceurs pouvaient contacter ses équipes par téléphone, courriel, messagerie instantanée ou via des forums pour les interroger quant à la portée ou à l'interprétation d'une Règle. En outre, certains annonceurs ont un gestionnaire de compte, qu'ils peuvent contacter directement (137).
151. Il convient toutefois de noter que les annonceurs n'ont pas accès aux équipes " Policy " de Google qui sont en charge de contrôler la conformité des sites avec les Règles. Les annonceurs peuvent uniquement dialoguer avec des services d'assistance de Google qui relaient les consignes données par ces équipes " Policy ". Par courriel du 28 mai 2013, Google a ainsi refusé d'accéder à la demande d'un annonceur qui souhaitait discuter directement avec les équipes de Google en charge de la conformité (138).
152. Les équipes " Policy " de Google sont désignées sous des dénominations variées par les services d'assistance dans leurs contacts avec les annonceurs, parfois sous le nom de " spécialistes " (139), d' " équipe éditoriale " (140), d' " équipe de vérification " (141) ou de " service policy ".
153. Les éléments figurant au dossier montrent que le service d'assistance de Google doit se rapprocher des équipes " Policy " de Google pour expliquer à un annonceur les raisons qui justifient les suspensions de sites. Un courriel adressé par Google à La Poste le 22 novembre 2012 après une suspension de son site intervenue en novembre 2012 précise ainsi : " Votre site avait été réactivé le 12 octobre dernier, suite aux modifications effectuées et aux nombreuses consultations de l'équipe de spécialistes que j'avais effectuées (j'étais en contact avec Pierre-Henri et Guillaume). Suite à votre nouveau message, je me suis à nouveau rapprochée de notre équipe de spécialistes en charge de la révision des sites internet afin d'obtenir davantage d'informations. Les spécialistes devraient revenir vers moi sous 72 heures ouvrées, me permettant de vous tenir au courant rapidement. Je vous remercie pour votre patience et votre compréhension. Je m'excuse sincèrement pour tous les désagréments occasionnés " (142).
154. Le service d'assistance de Google n'est, ainsi, pas en mesure de garantir aux annonceurs que les modifications qu'il leur demande d'effectuer pour se mettre en conformité avec une Règle seront suffisantes pour qu'un site soit jugé conforme à ladite Règle par les équipes " Policy ". Dans certains cas, les services d'assistance s'engagent auprès des annonceurs à recommander une levée de suspension de leur site auprès des équipes de conformité de Google, mais se retrouvent déjugés par ces dernières, comme illustré par l'échange qui suit (143) :
Courriel adressé par Google à Audiovox le 21 février 2014 : " Je vous remercie pour les changements que vous avez effectués. Je vais maintenant soumettre votre site à l'équipe de vérification en recommandant d'enlever la suspension. Je vous tiens au courant dès que j'en sais plus (Mardi/Mercredi). Je vous remercie pour votre patience " (144).
Courriel adressé par Google à Audiovox le 25 février 2014 : " L'équipe de vérification vient de me contacter, et elle m'a indiquée que votre site ne peux [sic] malheureusement pas encore être diffusé, car il ne respecte pas encore à 100 % la règle suivante dans notre politique : Sécurité des utilisateurs- allégations trompeuses. [...]. Je vous invite à en apprendre plus sur cette politique, et de faire en sorte que votre site web respecte bien la politique d'une manière générale, et pas seulement concernant l'exemple que je partage avec vous. Une fois que c'est fait, je vous invite à me recontacter Je m'occupe de votre cas avec priorité. Je ne peux toujours pas garantir que cela suffira pour passer le test de vérification, car cela [sic] dépend pas de moi. Mais pour le moment, c'est le seul problème que l'équipe de vérification a signalé " (145).
155. Certains annonceurs peuvent être suivis par des gestionnaires de comptes de Google. Ces derniers peuvent être amenés à formuler des demandes de réexamen auprès des équipes conformité de Google pour obtenir la levée de la suspension d'un site, sans que cela soit suivi d'effet comme illustré par l'échange qui suit : Courriel adressé par un " account Manager " de Google à Audiovox le 14 mai 2014 au sujet de la suspension de son site vos-demarches.com : " Monsieur, Je vous ai envoyé les informations à ma disposition qui m'ont été fournies par le service policy responsable de vérifier la conformité des sites. Il apparaît que votre site n'est pas en conformité avec ces règles. Je vous ai envoyé les règles en question (paiement pour le service administratif gratuit). En l'état actuel, je ne suis donc pas en mesure de faire réapprouver votre site. Et ce malgré trois demandes de réexamen " (146).
156. Dans des échanges en date des 22 et 23 octobre 2014, un gestionnaire de compte de Google a annoncé à Ecométrie que son compte allait être suivi par d'autres interlocuteurs au sein de Google à la suite d'une modification de son poste. Ecométrie a manifesté son inquiétude auprès de son gestionnaire de compte en précisant que seul ce dernier avait réussi à avoir un contact direct avec le service policy de Google : " [...] je m'inquiète aussi de ton départ car seul toi avait pu faire entendre raison à la Policy lors de nos déboires. [...] Ainsi, de devoir retisser un lien de confiance et ré-exposer notre valeur ajoutée m'inquiète quelque peu, à fortiori si cela devait être dans le cadre d'une éventuelle suspension de notre compte. De plus, tu m'indiquais avoir réussis à avoir un contact direct avec un membre de la Policy, ce qui était extrêmement rassurant. Penses-tu pouvoir transmettre " toute ta valeur ajoutée " à Léah et Mehdi " (147).
157. En réponse, le gestionnaire de compte a indiqué qu'il conserverait une ligne directe avec le service Policy dans le cadre de son nouveau poste et a proposé à Ecométrie d'organiser une " war room " avec ses nouveaux gestionnaires de compte en cas de suspension de son site : " Ne vous inquiétez pas j'ai mes quartiers un étage en dessous de Mehdi et une ligne directe avec Leah (en plus de celle que je conserve avec Policy). Si le moindre souci advient je organise [sic] une " war room " avec eux. Ce sera comme si j'étais là ! " (148).
158. En conclusion, les moyens mis à la disposition des annonceurs par Google pour se conformer aux Règles n'apparaissent pas suffisants. Les annonceurs ne sont pas en mesure de dialoguer avec des personnes en charge d'appliquer les Règles et de traiter leur cas et leurs demandes de manière effective. De plus, si les changements des Règles transitent généralement par " le journal des modifications " disponible sur le centre d'aide de Google, les moyens de détection de violations et de garantie de la conformité n'apparaissent pas, au vu des éléments qui précèdent, uniformes.
3. MISE EN OEUVRE DES PROCEDURES DE SUSPENSION PAR GOOGLE
a) Rappel du contexte dans lequel la saisine est intervenue
159. Au moment de la saisine, Gibmedia éditait plusieurs sites : annuaires téléphoniques (pages-annuaire.net et annuaires-inverse.net) ; prévisions météorologiques (info-meteo.fr) ; informations juridiques et financières sur les entreprises (info-societe.com) ; envoi de SMS depuis un ordinateur (easy-sms.fr) ; calcul d'impôt (impot-calcul.fr) ; résultats d'examens (mes-resultats-examens.fr) et programmes télévisuels (mon-programme.tv).
160. Gibmedia a conclu en 2010 un premier contrat avec Google en ouvrant un compte (n° 378-811-0123) pour la promotion des sites pages-annuaire.net, annuaires-inverse.net, info-societe.com et info-meteo.fr. Au mois de juillet 2011, elle a ouvert un deuxième compte (n° 565-283-8911), également utilisé pour la promotion de ces sites.
161. Au cours des quatre années durant lesquelles Gibmedia a utilisé le service Google Ads (anciennement AdWords), Google a temporairement suspendu le(s) site(s) en question ou le compte de Gibmedia à six reprises, avant la dernière suspension de janvier 2015 :
- En janvier 2011, Google a suspendu le site annuaire-inverse.net pour violation des Règles sur la " qualité du site et de la page de destination ", ainsi que pour avoir affiché une URL inexacte (149) ;
- En mai 2011, Google a suspendu le site info-meteo.fr pour violation des Règles sur les pratiques de " facturation douteuses "et la " qualité du site " (150) ;
- En février 2013, Google a suspendu le site annuaires-inverse.net pour violation de la Règle relative à la " qualité du site " (151) ;
- En avril 2013, Google a suspendu le site info-meteo.fr pour violation des Règles sur les pratiques de " facturation douteuses " (152) ;
- En juin 2014, Google a suspendu les annonces vers le site annuaires-inverse.net pour violation des Règles sur la " sécurité des utilisateurs " (153) ;
- En août 2014, Google a suspendu les sites www.impot-calcul.fr et www.annuaires- inverse.net, ainsi que le compte n° 565-283-8911 de Gibmedia pour violation de la Règle sur la " vente d'articles gratuits " (154).
162. Au cours des échanges qui ont eu lieu entre Google et Gibmedia à la suite de la dernière suspension de compte (en août 2014), Google a demandé à Gibmedia, par courriel du 5 septembre 2014, quel était le prix de ses services payants et quelles méthodes de facturation Gibmedia utilisait sur ses sites www.impot-calcul.fr et www.annuaires- inverse.net (155). Le même jour, Gibmedia a répondu à Google que " la plupart du service [était] gratuit " et que, pour les services payants, Gibmedia offrait des services accessibles aux utilisateurs " par le biais d'un numéro payant ou d'un service SMS " (156). Au cours de cet échange, Gibmedia n'a pas mentionné qu'elle utilisait la solution de paiement " Contact+ " pour facturer les utilisateurs d'Orange, alors que cette solution de paiement est associée à la majorité de ses revenus (157).
163. Google indique avoir lancé une large enquête au cours de l'été 2014 sur des pratiques susceptibles de tromper le consommateur en violation de la Règle sur les " promotions indignes de confiance ", qui aurait inclus Gibmedia après la constatation de la violation des Règles en juin 2014 sur la " sécurité des utilisateurs " (158). Selon Google, c'est au cours de cette enquête que Google aurait découvert des plaintes d'utilisateurs publiées sur des forums et des blogs, ainsi que des articles publiés par des associations de protection des consommateurs dénonçant les pratiques de Gibmedia. Au cours de cette enquête, Google aurait également découvert que Gibmedia facturait les utilisateurs Orange grâce à l'option Contact+.
164. [...] (159). Google disposait déjà de constats d'huissiers de 2010 et 2013, recensant des plaintes de consommateurs liées à des pratiques de téléchargement de logiciels indésirables provenant de sites exploités par Gibmedia (160).
165. Malgré ces suspicions de fraude, Google annonce à Gibmedia, dans un courrier électronique du 10 septembre 2014, la fin de la mesure de suspension. Elle avertit toutefois Gibmedia qu'à l'avenir, elle n'acceptera peut-être pas de nouvelles contestations de Gibmedia si son compte est de nouveau suspendu (161).
166. [...] (162).
167. Le 7 janvier 2015 à 17h55, Google envoie à Gibmedia des courriers électroniques notifiant à Gibmedia la suspension des annonces vers les sites info-meteo.fr, pages-annuaire.net, annuaires-inverse.net et info-societe.com. Le motif de suspension invoqué dans chacun de ces courriers est le non-respect de la Règle sur les " promotions indignes de confiance ". Les courriers demandent par ailleurs à Gibmedia d'apporter " les modifications nécessaires au site qui ne respecte actuellement pas " les Règles établies par Google.
168. Quelques heures après la réception des courriers de suspension des quatre sites, Gibmedia a reçu, le 8 janvier 2015 à 00h18, deux courriers électroniques l'informant de la suspension, définitive cette fois, de ses deux comptes n° 378-811-0123 et n° 565-283-8911 (163). Ces courriers précisent que : " Cette mesure implique la suspension de tous les comptes associés à ce compte. Vous ne pouvez pas créer d'autres comptes et vos annonces ne seront plus diffusées sur Google, ni sur les sites partenaires du Réseau de Recherche, ni sur les emplacements du Réseau Display " (164).
b) Les traitements différenciés de sites internet comparables
169. Dans les observations qu'elle a formulées dans le cadre de l'instruction de la demande de mesures conservatoires, Google a indiqué que " Gibmedia fait partie d'un groupe de sociétés détenant ou opérant un grand nombre de sites, dont le modèle économique repose soit sur le fait de contraindre l'utilisateur à télécharger des logiciels sans son consentement, soit à lui facturer des services disponibles gratuitement en ligne " (165). Or, si Google a définitivement exclu Gibmedia de sa plateforme publicitaire en 2015, elle a continué à promouvoir sa société-sœur Ecométrie qui édite des sites d'annuaires inversés comparables à ceux de Gibmedia. D'autres différences de traitements de sites comparables par Google peuvent être observées dans le secteur des annuaires.
Le traitement différencié des sites d'annuaires édités et exploités par le groupe BJ Invest
170. La société BJ Invest est la société mère des sociétés Gibmedia et Ecométrie. Ces deux sociétés éditent chacune des sites internet proposant des services gratuits et payants d'annuaires inversés.
171. À la date de leur dernière suspension, les sites d'annuaires inversés de Gibmedia et d'Ecométrie proposaient des services gratuits et des services payants, en partie similaires. Lors de sa dernière réactivation en juin 2014, le site annuaires-inverse-France propose une offre gratuite et une offre payante de services, cette dernière catégorie de services permettant de localiser un numéro fixe inscrit sur liste rouge, ou d'écouter directement la messagerie téléphonique des numéros mobiles qui n'étaient pas répertoriés dans ses bases d'annuaire (166). Les services payants des sites d'annuaire édités par Gibmedia présentent des analogies certaines. Ils consistent ainsi à permettre l'écoute anonyme de la messagerie d'accueil des lignes mobiles non indexées dans les bases de données de Gibmedia, d'obtenir des indications sur la zone géographique où se trouve la personne qui appelle, ou de connaître la société détentrice de la ligne dans le cadre d'un numéro interne d'une entreprise.
172. En outre, les services payants des sites d'annuaires inversés de Gibmedia et d'Ecométrie sont facturés via plusieurs solutions similaires de paiement, dont Contact+. Au regard des informations communiquées par Google et Ecométrie, la solution de paiement Contact+ utilisée par le site annuaire-inverse-France.com n'a pas été évoquée par Ecométrie dans ses échanges avec Google en 2014. Plus encore, au mois de juillet 2015, les équipes de Google ont fourni des conseils à Ecométrie sur la façon de suivre les achats réalisés viaContact+ : " Comme vu ensemble au téléphone, tu as 2 solutions pour suivre les achats réalisés via Orange Contact+ " (167). Dans le cadre de son audition par les services d'instruction, le chargé de compte de Google responsable des relations avec Ecométrie a déclaré qu'il n'avait pas eu " d'alerte [en interne] sur Contact+ " (168).
173. Ainsi, alors même que le modèle économique des sites d'annuaires édités par Ecométrie et Gibmedia est proche et que ces sites avaient déjà enfreint la Règle sur la " vente d'articles gratuits " (169) entre 2011 et 2014, Google leur a appliqué un traitement différent en 2015.
174. Ainsi, s'agissant du site annuaires-inverse.net, Google annonce à Gibmedia, dans un courrier électronique du 10 septembre 2014, la fin de la mesure de suspension du site, tout en l'informant qu'à l'avenir, elle n'acceptera peut-être pas de nouvelles contestations si les sites sont de nouveau suspendus (170). En revanche, s'agissant du site annuaire-inverse-France.com, Google écrit le 27 juin 2014 à Ecométrie qu'elle bénéficiera d'un traitement particulier, afin de minimiser le risque d'une nouvelle suspension de compte : " Concernant la prévention des risques de suspension. Notre debrief avec Policy est le suivant : - Annuaire-inverse- france.com est considéré comme se situant en zone grise, c'est-à-dire proche des services de redirection téléphonique interdit par le règlement Google, bien que non assimilable. Afin de minimiser les probabilités que Annuaire-inverse-france.com soit à nouveau assimilé à ces services interdits, nous avons laissé une note descriptive de ce pourquoi le site est légal vis- à-vis du règlement aujourd'hui, dans la limite où le site ne modifie pas son service, ainsi que la non-modification du règlement. Cette note est très complète, et mentionne notamment le fait qu'il faudra maintenant contacter l'équipe qui a réactivé Annuaire-inversefrance.com mardi avant toute action de suspension. Cette équipe connaît l'historique du cas et peut à nouveau avancer les conclusions qui font qu'aujourd'hui Annuaire-inversefrance.com est actif sur AdWords " (171).
175. Le 8 janvier 2015, Google annoncera la suspension définitive des comptes associés aux sites d'annuaires inversés de Gibmedia (172), tandis qu'elle fera bénéficier le site d'annuaire d'Ecométrie d'un accompagnement personnalisé à partir de 2015, qui permettra à ce site d'enregistrer une " croissance exceptionnelle " de ses ventes via Google Ads (173).
176. Ces différences de traitement interviennent alors même que les équipes de contrôle apparaissent comme étant les mêmes, pour les deux éditeurs. En effet, à la suite de la suspension de son site discretel.fr au mois de juin 2014, Ace Telecom a demandé à Google d'appliquer un traitement équivalent à d'autres sites concurrents, dont ceux de Gibmedia et d'Ecométrie. Dans son courriel du 9 juin 2014, Ace Telecom écrit à Google : " [...] De plus, nous constatons que le site www.annuaire-inverse.net dont le service est identique au notre et ne présente pas les mentions requises pour nous, diffuse toujours des annonces sur AdWords. Nous vous demandons d'appliquer le même traitement à ce site " (174). Dans un courrier du 10 juin 2014 accompagné des copies d'écran d'annonces, Ace Telecom a également signalé la présence sur Google Ads du site annuaire-inverse-france.com, édité par la société Ecométrie (175). Le 13 juin 2014, Google confirme toutefois la suspension du site d'Ace Telecom en raison d'une violation de la Règle relative à la " vente d'articles gratuits " et indique que la liste des sites concurrents a été transmise aux " spécialistes " (176), sans autre précision.
177. Le tableau suivant présente les similitudes des sites d'annuaires inversés édités par les sociétés Ecométrie et Gibmedia, tenant à la nature des services payants qu'ils proposent aux internautes, les modes de facturation qu'ils utilisent et l'existence de suspensions préalables de ces sites pour des manquements aux Règles.
Figure 8-Présentation des services et modes de facturation des sites d'annuaires inversés édités par Ecométrie et Gibmedia et les suspensions préalables de ces sites
[TABLEAU] (177)
Le traitement différencié des autres sites identifiés lors de l'instruction
178. Outre les sites d'annuaires de Gibmedia et d'Ecométrie, d'autres différences de traitement ont été observées dans les secteurs visés par la saisine et pendant la période couverte par l'instruction.
Les sites d'annuaires inversés suspendus
179. D'autres sites que ceux de Gibmedia ne pouvaient plus avoir accès à Google Ads pour promouvoir des services payants d'annuaires, notamment le site les-pages.com, édité par Audivox, et le site discretel.fr, édité par Ace Telecom.
Discretel.fr
180. Comme indiqué précédemment, le site discretel.fr a fait l'objet d'une suspension de site le 26 mai 2014 par Google en raison d'une violation de la Règle relative à la " vente d'articles gratuits et de services officiels " (178). Ace Telecom avait reçu un avertissement de risque de suspension de compte le 8 avril 2014 pour des pratiques de " facturation douteuse " (179), puis un avertissement de risque de suspension de compte lié à des " pratiques de vente d'articles gratuits et de services officiels " le 16 juin 2014 (180). Au moment de la suspension du site, les solutions de paiement utilisées étaient les numéros surtaxés, SMS+, Internet+ Box et Internet+ Mobile. Contact+ n'a pas été utilisé sur ce site.
181. Ace Telecom avait, dans un premier temps, contesté la suspension de son site et fait réaliser des constats d'huissier visant notamment à établir la présence sur Google Ads de sites concurrents, ceux de Gibmedia et d'Ecométrie. Elle a écrit à Google le message suivant : " Votre argument de dire que notre service n'apporte pas de valeur ajoutée est faux. Notre service est un annuaire inversé pour téléphone fixe et portable. Il existe bien un service d'annuaire inversé officiel et gratuit pour les téléphones fixes, c'est pourquoi nous acceptons de fournir le même service gratuitement. Néanmoins, en ce qui concerne les mobiles, il n'existe pas de service officiel et gratuit. Le seul moyen de connaître le titulaire d'un mobile sans appeler le numéro directement, c'est d'écouter son répondeur sans faire sonner le mobile. Ce service n'est pas fourni par les Pages Jaunes (si c'est le service "officiel" que vous prenez comme référence) " (181). Google a communiqué des motifs de suspension le 11 juin 2014 : " la promotion de ce genre de sites d'annuaire en ligne n'est pas autorisée sur AdWords. Cela tient plus du business model qui n'apporte pas vraiment de valeur ajoutée par rapport à l'offre officielle existante (annuaire en ligne) que du contenu de votre site " (182). Ces motifs ont été contestés par Ace Telecom le même jour (183). En réponse, Google a indiqué le 13 juin 2014 qu'elle maintenait leur suspension et que sa décision était " sans appel ". Google a de nouveau indiqué que le " business model " du site n'était " pas en conformité avec le règlement " (184), sans préciser les Règles qui étaient enfreintes.
182. En dépit de sa contestation, Ace Telecom a décidé le 20 juin 2014 de modifier son modèle de revenus afin de maintenir son accès à Google Ads en abandonnant la fourniture de services payants (185). Toutefois, Ace Telecom a indiqué qu'elle est revenue rapidement à un modèle de revenus fondé sur des services payants dans la mesure où " ce nouveau business model ne s'est pas avéré rentable. Nous avons donc stoppé toute publicité AdWords pour ce site. En juillet 2014, le site n'étant plus annoncé sur le réseau Google AdWords, nous avons remis en place le paiement obligatoire pour les recherches inversées de numéros de mobiles afin de monétiser le trafic en provenance des résultats naturels des moteurs de recherche.
La solution de paiement utilisée est un numéro Audiotel surtaxé " (186).
183. Ace Télécom a déclaré héberger le site inverseannuaire.com (187) qui est édité par la société Nathacom depuis 2014 (188). À l'instar du site Discretel, le site inverseannuaire.com fournit un service d'annuaire inversé pour les téléphones mobiles. À son lancement, elle utilisait quatre solutions de paiement : Audiotel, Internet + Box, Internet + Mobile et SMS (189). Les solutions Paypal et Contact+ ont été respectivement proposées aux mois de mai et septembre 2015 (190). Ace Telecom a indiqué dans sa réponse que le site n'avait jamais fait l'objet d'une suspension sur Google Ads (191).
Les-pages.com
184. Le site les-pages.com, édité par la société Audivox, fournit des services d'annuaire et d'annuaire inversé. Il permet d'accéder gratuitement à des informations lorsque celles-ci figurent dans les bases de données annuaires et facture des frais aux utilisateurs si ceux-ci utilisent les fonctionnalités leur permettant de connaître l'identité de la personne qui appelle, lorsque les numéros ne sont pas accessibles dans ses bases.
185. Les deux solutions de paiement proposées sont Contact+ et les appels surtaxés. Les agrégateurs de solutions de paiement qui lui fournissent ces services sont SFR pour les appels surtaxés et Dispofi s'agissant de Contact+ (192). Audivox a indiqué que 82 % des visiteurs de son site les-pages.fr provenaient de Google Ads en 2014 et 70 % en 2015 (193).
186. Audivox a fait l'objet d'une suspension de son compte au mois de mars 2015. Le 3 mars 2015 à 18h30, Audivox a reçu deux courriels de suspension des annonces lui indiquant que le site ne respectait pas les Règles relatives à la " manipulation du réseau Google " (194) ni celles relatives aux " promotions indignes de confiance " (195). Seulement quelques heures après, le 4 mars 2015 à 00h21, Google a informé son client que son compte était suspendu en raison d'une violation des Règles relatives aux " promotions indignes de confiance " (196).
187. Audivox a déclaré éditer d'autres sites, via d'autres comptes, qui faisaient toujours l'objet d'une promotion sur Google Ads au moment de sa réponse aux demandes d'informations (197). Il s'agit des sites vos-demarches.com, calcul-impots.com, point-meteo.fr, recettes.net, wikimot.fr et slimness.fr. Certains de ces sites, tels que point-meteo.fr, fournissaient des services payants facturés via le service de paiement d'Orange Contact+ (198).
Les sites d'annuaires inversés présents sur GoogleAds
188. Certaines entreprises clientes de Google qui fournissent des services d'annuaire payants par voie électronique n'ont jamais fait l'objet d'une suspension de compte. D'autres clients ont fait l'objet d'une suspension, mais ont réussi à faire lever la décision de suspension par Google en intervenant auprès de ses équipes. Ces sites incluent quipage.fr (Publidia/Dispobiz), allo-pages.fr (Links Lab), inverseannuaire.com (Nathacom), cquicenumero.com (Somnus) et annuaire-inverse-france.com (Ecométrie).
Quipage.fr
189. Quipage.fr est édité par la société Publidia, qui est contrôlée par la société Dispobiz depuis 2013. Le site propose des services payants d'annuaire et d'annuaire inversé, facturés avec différentes solutions de paiement, dont Contact+. Les autres solutions sont les appels surtaxés, Internet+ et la carte bancaire. Dispobiz a indiqué que les " informations non payantes " concernaient les " recherches nominatives des particuliers et/ou professionnels " (199). La promotion du site sur Google Ads a été lancée le 16 décembre 2014 (200). La société a déclaré qu'elle avait cessé en 2016 de promouvoir son service d'annuaires sur Google Ads, et que cette décision ne résultait pas d'une mesure de suspension prise par Google (201). La société Dispobiz a indiqué que le produit annuaire était proposé, dans le cadre d'une activité d'édition déléguée, à deux partenaires utilisant Google Ads (Links Lab qui édite allo-pages et Audiovox qui édite les-pages.com) (202).
190. Dispobiz a déclaré que certains sites qu'elle édite également via sa filiale Publidia, concernés par la problématique de " ventes d'articles gratuits ", ont été suspendus par Google (impots-facile.com, résultat-bac-brevet.fr), mais que quipage.fr n'a jamais fait l'objet d'une Suspension (203). Le tableau suivant détaille la situation des sites en question.
[TABLEAU]
Figure 9 - Situation des sites édités par Dispobiz
Allo-pages.fr
191. Le site Allo-pages.fr est édité par Links Lab. Le site fournit des services d'annuaires payants pour les professionnels et les particuliers qui sont facturés via les services de paiement Contact+ et Audiotel. Il commercialise également des espaces publicitaires via le service d'intermédiation publicitaire AdSense de Google204. Links Lab a également précisé qu'en 2015, 80 % des revenus provenaient des paiements effectués via Contact+, alors que les revenus publicitaires ont généré 15 % du chiffre d'affaires205. Elle a indiqué que son site n'avait pas fait l'objet d'une décision de suspension de la part de Google. En 2017, allo-pages.fr était toujours promu sur Google Ads (206).
192. Links Lab a fourni les copies d'écran de la page d'accueil de la " demande de confirmation de paiement " s'agissant de la version Contact+ de son site en décembre 2015. Ces pages contiennent des informations similaires aux captures d'écran réalisées par Google sur les sites de Gibmedia en juillet 2015. Figure 10 - Copies d'écran du site allo-pages.fr (Links Lab) (207)
[SCHEMA]
Figure 11 - Copies d'écran des sites d'annuaires de Gibmedia (208)
[SCHEMA]
193. D'autres sites édités par cette société ont en revanche fait l'objet de suspensions de compte. Le site bilan-imc.fr a fait l'objet d'une suspension le 18 novembre 2015, qui a été levée le jour même, sans explication (209). Le site publi-examen.fr a fait l'objet d'une suspension de diffusion des annonces le 7 juillet 2015, en raison d'une violation des " règles relatives à la qualité du site " (210) ainsi que d'une violation de l'interdiction du recours aux techniques de dissimulation (cloaking) (211). Google a ajouté que le " business model de votre site est jugé peu clair et opaque pour les utilisateurs " (212). Le site itineraire.info, un service de cartographie et d'itinéraires, a fait l'objet d'une suspension mais Links Lab n'a reçu aucun courrier électronique de Google. Links Lab a déclaré qu'un salarié de Google lui avait indiqué que le site avait été suspendu car il utilisait l'API de Bing Maps et n'apportait pas de valeur ajoutée. La suspension aurait été levée après des changements visuels du site et l'ajout de pages de contenu (213).
Cquicenumero.com
194. Le compte du site cquicenumero.com, édité par la société Somnus, a été suspendu à deux reprises en 2014, mais ces suspensions ont été levées (214). Somnus a indiqué que les informations gratuites qui étaient " disponibles sur le site à ce moment-là " étaient le " nom de l'opérateur attributaire de la tranche de numéros à laquelle appartient le numéro demandé ", le " type de numéro (mobile, fixe géographique, fixe non-géographique, spécial) ", le " nombre de fois où le numéro a été demandé sur le site ", et les " nom et adresse du titulaire du numéro lorsque ces données sont disponibles gratuitement sur Internet " (215).
195. Ce site utilise quasiment exclusivement les solutions de paiement Audiotel et le service fourni repose sur l'utilisation combinée du site, qui sert à formuler les recherches, et de numéros surtaxés (118 711 ou 118718), qui permettent d'accéder aux résultats de la requête et de facturer le service. Enfin, les tarifs du service offert par les sites d'annuaires de Somnus (2,99 à la connexion + 2,99 /minute) sont significativement supérieurs à ceux des sites de Gibmedia via Contact+ (0,50 ttc à la connexion + 1,25 ttc/minute) et les numéros surtaxés (1,35 /appel puis 0,34 /minute) (216).
196. En outre, quelques secondes après l'affichage du résultat gratuit de la recherche inversée, apparaît une fenêtre demandant si l'information recherchée a été trouvée. Si l'internaute clique " non ", une seconde fenêtre apparaît. Elle invite alors à accéder à un autre site internet, a-qui-annuaire-inverse.fr, qui est également édité par la société Somnus et qui avait été suspendu par Google en 2014.
Figure 12 - Copie d'écran du site cquicenumero.com (avril 2019)
[SCHEMA]
Figure 13 - Copie d'écran du site cquicenumero.com (avril 2019)
[SCHEMA] 197. Le tableau ci-dessous permet de synthétiser les éléments précédemment décrits, qui mettent en évidence le traitement aléatoire et incohérent auquel se livre Google en matière de suspension de sites, en cas de violation alléguée de certaines de ses Règles par les annonceurs.
Figure 14 - Traitement différencié de certains sites présents dans le secteur d'annuaire et de renseignements téléphoniques
[TABLEAU]
c) L'instabilité des Règles et les changements d'interprétation de Google sur le sort du site annuaire.com
198. Le site annuaire.com, édité par Société SAS, une filiale de La Poste, a été suspendu à quatre reprises par Google pour violation des Règles relative aux " ventes d'articles gratuits "entre juillet 2012 et juin 2013 (217).
199. Les échanges produits par Google montrent que le caractère répété des violations du site annuaire.com résulte, non pas d'une réitération de manquements de ce site vis-à-vis d'une Règle qui serait demeurée inchangée, mais d'évolutions successives de cette Règle ou de variations de son interprétation par les équipes Google en l'espace d'une période inférieure à un an.
La première suspension en juillet 2012
200. Par courriel du 19 juillet 2012, Google informe La Poste et Ad'Forall, son agence marketing sur internet, de la suspension des annonces Google Ads vers son site annuaire.com pour violation de la Règle sur la " vente d'articles gratuits et de services officiels " (218).
201. Après plusieurs échanges avec les équipes de Google, La Poste apporte des modifications au site annuaire.com. Elle propose notamment, sur chaque page où un numéro payant est proposé alors qu'il peut être obtenu gratuitement ailleurs, de rediriger l'internaute vers le service de cartographie Google Maps (219). Google a néanmoins constaté que les liens vers Google Maps " avec le numéro disponible gratuitement " n'étaient pas valides et a maintenu dans un premier temps la suspension du site (220). La Poste a indiqué qu'à la suite des modifications demandées par Google, le site annuaire.com a été réactivé en août 2012, bien qu'elle n'ait pas reçu de confirmation d'arrêt de la suspension de ce site de la part de Google (221).
La deuxième suspension en septembre 2012
202. Par courriel du 26 septembre 2012, le service d'assistance de Google informe de nouveau La Poste et Ad'Forall de la suspension des annonces Google Ads vers son site annuaire.com pour violation de la Règle sur la " vente d'articles gratuits et de services officiels " (222).
203. Ad'Forall écrit à Google pour lui faire part de son incompréhension, dans la mesure où le site est suspendu pour les mêmes raisons qu'en juillet 2012 et que des corrections avaient déjà été effectuées pour remédier à ce problème : " Bonjour, je ne comprends pas pourquoi vous avez suspendu à nouveau le compte adwords du site www.annuaire.com (822-828- 8736). Celui-ci a déjà fait l'objet d'une suspension pour la même raison il y a 2 mois. Nous avions apporté les corrections nécessaires. Après vérification, les règles n'ont pas changé depuis " (223).
204. Le 4 octobre 2012, le service d'assistance de Google écrit un message d'attente à La Poste dans lequel elle reconnaît que le site n'a pas été modifié depuis qu'il a été approuvé en août dernier : " Je reviens vers vous rapidement pour vous dire que j'ai consulté dans la journée l'équipe éditoriale et que je n'ai pas encore eu leur retour. Je leur ai précisé que vous n'avez rien changé à votre site et que celui-ci avait été approuvé en Août " (224).
205. Le 5 octobre 2012, le service d'assistance de Google indique avoir eu un retour des " spécialistes " et fournit plusieurs indications pour obtenir la levée de la suspension du site annuaire.com. Dans ce courriel, le service d'assistance de Google précise que : " seuls les spécialistes sont habilités à décider de la levée de suspension ou non de votre site internet www.annuaire.com " (225).
206. Le 9 octobre 2012, le service d'assistance de Google indique que le site annuaire.com est " presque en conformité " avec les Règles et demande de procéder à de nouvelles modifications du site en précisant : " Je suis vraiment désolée pour ces nouveaux changements à effectuer... Comme je vous le disais précédemment, seuls les spécialistes sont habilités à lever ou non la suspension de votre site. Et comme toujours, j'essaie d'argumenter en votre faveur auprès des spécialistes et essaie d'obtenir des remarques constructives afin de faire avancer votre dossier " (226).
207. Après cet échange avec le service d'assistance de Google, La Poste procède à de nouvelles modifications du site annuaire.com qui est réactivé par Google le 12 octobre 2012.
La troisième suspension en novembre 2012
208. Par courriel du 23 novembre 2012, Ad'Forall écrit à Google pour lui demander des explications concernant une nouvelle suspension du site annuaire.com " Vous nous avez coupé à nouveau les annonces pour le site annuaire.com compte adwords 737-329-8873 et 822-828-8736 Nous avons fait les modifications pour la règle "Facturation de frais pour des services associés à des produits ou services disponibles gratuitement ailleurs" demandée la dernière fois et le site ne CONTIENT PAS de numéros vers des services officiels (mairies, pôle emploi, etc...) ! Nous ne comprenons pas ce qui ne va pas cette fois, ça fait 2 coupures en 4 mois, et cela devient vraiment préjudiciable " (227).
209. Le même jour, le service d'assistance de Google écrit à Ad'Forall : " Votre site avait été réactivé le 12 octobre dernier, suite aux modifications effectuées et aux nombreuses consultations de l'équipe de spécialistes que j'avais effectuées [...]. Suite à votre nouveau message, je me suis à nouveau rapprochée de notre équipe de spécialistes en charge de la révision des sites internet afin d'obtenir davantage d'informations " (228).
210. Par courriel en date du 26 novembre 2012, Google écrit à Ad'Forall : " Les spécialistes sont finalement revenus vers moi et me confirment le maintien de la suspension de votre site internet http ://www.annuaire.com/. Je suis vraiment désolée. En effet, il y a eu un changement dans notre règlement : il est maintenant nécessaire que le lien (vers la page officielle de http ://www. 118000.fr) redirige exactement vers la page présentant le numéro de téléphone concerné " (229). Il convient néanmoins de relever que le journal des modifications du centre d'aide de Google ne mentionne pas un changement de Règles entre le 19 octobre 2012 (date de la dernière réactivation du site annuaire.com) et le 23 novembre 2012 (date de la 3ème suspension du site) (voir paragraphe 136).
211. En réponse à un courriel d'Ad'Forall, demandant s'il est possible d'être prévenu d'un changement des Règles et de bénéficier d'un délai d'une semaine avant qu'un site soit suspendu (230), le service d'assistance de Google répond : " Je comprends tout à fait votre frustration. Malheureusement, il n'est pas possible de prévenir tous les comptes AdWords des changements dans les règles Google AdWords " (231).
212. Par courriel en date du 3 décembre 2012, Ad'Forall indique que le site annuaire.com a apporté les modifications requises et demande à ce que le compte associé à ce site soit réactivé (232).
213. Le 17 décembre 2012, Google écrit au site annuaire.com pour lui confirmer que ses comptes ont été réactivés (233).
La quatrième suspension en juin 2013
214. Le 21 mai 2013, La Poste écrit à Google après une nouvelle suspension de son compte : " Veuillez me rappeler immédiatement, c'est la 3e fois cette année que nos comptes sont bloqués alors qu'aucun changement n'a été effectué de notre côté. Nous sommes en conformité avec vos policy depuis Août dernier, nous avons été approuvés " (234).
215. Le même jour, le service d'assistance écrit à La Poste que le site annuaire.com a été suspendu, du fait d'une nouvelle mise à jour de la Règle en matière de vente de services officiels et d'articles gratuits intervenu le mois précédent : " J'ai analysé l'historique de votre compte et votre site internet, et la raison pour laquelle il a été suspendu est que notre règlement en matière de Vente de services officiels et d'articles gratuits a été mis à jour le 19 Avril dernier. Ce nouveau règlement précise notamment que "Vos annonces et pages de destination ne peuvent pas promouvoir des services qui offrent peu ou pas de valeur ajoutée pour l'utilisateur par rapport au processus de demande d'origine, automatisé ou officiel en ligne." Les sites d'annuaires proposant des numéros payants par ailleurs disponible gratuitement sont ainsi tous concernés par cette nouvelle règle et ne seront plus autorisés à effectuer de la publicité sur AdWords " (235).
216. Lors de cette nouvelle suspension en juin 2013, La Poste a indiqué à Google qu'aucune information ne lui avait été notifiée et qu'aucun délai ne lui avait été accordé pour effectuer les modifications nécessaires sur son site (236). Google lui a répondu que la mise à jour du règlement a en fait été annoncée par le biais d'une annonce sur le Centre d'Aide effectuée un mois avant la mise en place du nouveau règlement (237).
217. Le 28 mai 2013, La Poste conteste cette nouvelle suspension en demandant à parler à une personne en charge de l'équipe éditoriale de Google et en faisant valoir son appartenance à l'association SVA+ (238) (voir ci-après paragraphe 218) : " Je voudrais pouvoir discuter avec une personne de votre équipe éditoriale en France. Je ne vois pas pourquoi l'ARCEP et SVA+ (l'association des services à valeur ajoutée) et enfin le GESTE (Groupement des éditeurs) ont considérés [sic] que nous avions une valeur ajoutée pour le consommateur et Google a décidé seul, sans prévenir que nous n'en n'avions pas " (239).
218. SVA+ est un organisme d'autorégulation créé à l'initiative des opérateurs de communication électronique et des éditeurs de services à valeur ajoutée. SVA+ est l'instance déontologique spécifique aux services à valeur ajoutée téléphoniques (" SVA ") qui définit les Règles d'usage légitime des SVA et porte les recommandations déontologiques auprès des acteurs du secteur. Selon le site de la Direction Générale des Entreprises, SVA+ a pour vocation de lutter contre les pratiques déloyales et de proposer des évolutions dans son secteur pour assurer une cohérence déontologique afin de garantir des services de qualité aux consommateurs en les informant de manière claire et en assurant la protection du consommateur et de la jeunesse (240).
219. En réponse à cette contestation, Google a indiqué qu'elle se réservait la possibilité d'appliquer des critères plus restrictifs que la loi et qu'elle ne tiendrait pas compte de l'appréciation des associations : " Les décisions de l'équipe éditoriale prises quant à l'élaboration de notre règlement sont le fruit de discussions faites à l'interne, et qui, si elles restent bien évidemment toujours dans le cadre de la loi, peuvent être même plus restrictives que la loi. Ainsi, même si des Associations et Groupements ont déterminé que votre site internet apportait de la valeur ajoutée, l'élaboration de notre règlement se fera indépendamment par notre équipe éditoriale. Il sera ainsi malheureusement impossible de discuter directement avec l'équipe éditoriale " (241).
220. Le 12 juin 2013, Google écrivait à La Poste que le contenu du site annuaire.com devait présenter de la valeur ajoutée afin que la suspension soit levée : " Afin que la suspension de votre site soit levée, il vous faudrait ainsi non seulement rajouter ces mentions, mais également que du contenu unique à valeur ajoutée soit également présent sur le site " (242).
221. Alors que le motif de suspension du site annuaire.com était à l'origine une violation de la Règle sur la " vente d'articles gratuits ", Google a dans le cadre d'échanges subséquents évoqué des difficultés liées aux pratiques de " facturation douteuses ".
222. Ainsi, le 20 juin 2013, Google a mentionné l'existence de deux problèmes distincts tenant au fait que " les informations de facturation pour les numéros surtaxés ne sont pour l'instant pas assez claires et visibles " et que le site n'apportait pas une " valeur ajoutée suffisante " pour justifier la surtaxation de numéros gratuits (243). S'agissant des conditions de facturation, Google a demandé qu'un lien dirigeant vers le numéro gratuit soit présenté de manière visible à côté du numéro surtaxé et que le coût de la mise en relation, afin que le site annuaire.com soit réexaminé par les équipes " Policy " (244). Après avoir entrepris les actions correctrices demandées pour améliorer la lisibilité de ses conditions de facturation, La Poste a reçu un message de Google lui indiquant : " votre site était toujours en violation de notre règlement en matière de vente d'articles et de services gratuits, le problème de Facturation Douteuse ayant lui été réglé. La suspension de votre site www.annuaire.com ne pourra donc être levée " (245).
223. Le 24 juin 2013, en réponse à une question de La Poste demandant pourquoi son site ne présentait pas de valeur ajoutée, Google écrit que la valeur ajoutée ne s'apprécie pas en fonction du contenu du site, mais de l'expérience du consommateur lorsqu'il compose un numéro de téléphone surtaxé par rapport à un numéro gratuit : " Ce n'est pas l'expérience du client sur votre site internet en général qui est prise en compte, mais celle proposée lorsque le numéro de téléphone est composé. Ainsi même si votre site propose des fiches d'information très complètes, informations financées entre autre par des numéros de téléphones surtaxés, lorsque je compare l'expérience de l'utilisateur lorsqu'il utilise un numéro gratuit et lorsqu'il utilise la version surtaxée, aucune valeur ajoutée n'est proposée " (246). Ce message est contradictoire avec celui que Google a envoyé à La Poste le 12 juin 2013, par lequel elle lui indiquait que sa suspension pourrait être levée si le contenu du site annuaire.com apportait de la valeur ajoutée (voir paragraphe 220).
d) Les services d'accompagnement et de promotion proposés par Google
Les services proposés aux sitesayant fait l'objet de suspensions préalables en raison de manquements aux Règles
224. Les équipes commerciales de Google, différentes de celles chargées du contrôle de respect des Règles, interviennent de manière proactive auprès de certains annonceurs, en leur proposant des services d'accompagnement par des chargés de compte. Parmi les sites démarchés par les équipes commerciales de Google figurent des sites d'annuaires inversés qui avaient été suspendus préalablement pour des manquements aux Règles, notamment celle relative à l'interdiction de la " vente d'articles gratuits "ou aux " promotions indignes de confiance ".
Les prestations d'accompagnement proposé par Google à Interactiv-DigiMedia
225. La société Interactiv a reçu des messages le 7 janvier 2015, annonçant la suspension des annonces de six sites édités par ses soins (mes-idees-recettes.com; infos-plans.com; traduction-rapide.net ; revisionCode.com; score-qi.com). Après avoir formulé une demande d'informations à Google, Interactiv a reçu six courriers de suspension de comptes, le 8 janvier 2015, motivés par une violation des Règles relatives aux " promotions indignes de confiance " (247). La société Interactiv a tenté de faire réactiver ses comptes en excipant des différences de traitement avec des sites non-suspendus qui proposaient des services similaires au sien dans le secteur de la cartographie, des recettes de cuisine, des résultats d'examens, des services de santé, des horaires de trains notamment (248).
226. La société Interactiv a indiqué qu'elle avait été démarchée le 17 avril 2015 par un commercial de Google qui n'était " visiblement pas informé "de la situation de ses comptes. D'après Interactiv, cet échange a duré plusieurs semaines sans aboutir à la réactivation de ses comptes, ni à un retour précis sur le motif de la suspension (249).
Les prestations d'accompagnement proposées par Google à Ecométrie
227. La société Ecométrie est une société sœur de Gibmedia. Elle est détenue à 100 % par le groupe BJ Invest, qui a acquis cette société le 6 octobre 2014 (250). Elle édite le site " annuaire-inverse-France " qui fournit des services de renseignement et de mise en relation téléphonique.
228. Ecométrie bénéficiait d'un service d'accompagnement personnalisé pour le site annuaire-inverse-France dès le mois de mars 2014. Par courriel du 3 mars 2014, Ecométrie a écrit à Google concernant ses besoins d'accompagnement : " Nous avons besoin, plus que jamais, d'optimiser nos campagnes, de recueillir l'avis de notre chargé de compte sur des problématiques précises, de partager notre environnement, d'établir une relation complice et une confiance réciproque " (251). Le 21 mai 2014, Google propose à Ecométrie un rendez-vous personnalisé dans les locaux de Google à Paris (252).
229. Parallèlement à cet accompagnement, annuaire-inverse-france.com a fait l'objet de trois suspensions de compte entre juillet 2012 et juin 2014, qui ont été levées par Google :
- le 10 juillet 2012, le site est suspendu pour " sécurité des utilisateurs ", puis réactivé le 12 juillet 2012 ;
- le 3 juin 2014, le site est suspendu pour " vente d'articles gratuits ", puis rétabli le 10 juin 2014 après qu'Ecométrie ait fourni des explications sur le fonctionnement de son site ;
- le 20 juin 2014, le site est de nouveau suspendu pour " vente d'articles gratuits ", puis rétabli le 24 juin 2014 (253).
230. Par courriel du 11 février 2015 intitulé " Récapitulatif + Reco Adwords ", Google a adressé à Ecométrie une liste de recommandations pour réduire le coût par clic moyen de ses campagnes (254). Par courriel du 2 juillet 2015, elle a proposé à Ecométrie des solutions pour suivre les achats réalisés par les internautes via la solution de paiement Contact+ (255). Enfin, par courriel du 5 octobre 2015, Google a réitéré une offre de service d'accompagnement en ces termes : " je vous contacte afin de vous aider dans l'optimisation de votre compte AdWords. [sic] est de vous apporter mon expertise et de vous conseiller au mieux possible en fonction de vos objectifs. Par exemple, je peux intervenir sur : L'optimisation de vos mots clés et annonces ; La mise en place de nouvelles fonctionnalités AdWords Le développement de votre stratégie " (256).
Les services d'accompagnement proposés par Google à la société Somnus
231. La société Somnus édite trois sites d'annuaires, cquicenumero.com, annuaire-inverse.com et a-qui-annuaire-inverse.fr (257) qui ont fait l'objet de plusieurs suspensions de Google Ads au cours de l'année 2014. Postérieurement à ces suspensions, Google a proposé des services d'accompagnement à deux de ces sites, afin de leur permettre de développer leurs ventes sur Google Ads.
232. Tout d'abord, le site a-qui-annuaire-inverse.fr a été suspendu pour violation de la Règle relative à la " vente d'articles gratuits et de services officiels " le 2 juin 2014 (258).
233. Le 13 juin 2014, soit quelques jours après cette suspension, Google a proposé au site a-qui- annuaire-inverse.fr, un service d'accompagnement pour accroître ses ventes en ligne via le service publicitaire de Google Ads dans les termes suivants : " Bonjour, Nous avons récemment essayé de vous contacter à plusieurs reprises par email et téléphone, mais nous ne sommes pas parvenus à vous joindre. C'est la dernière fois que nous vous contactons, car nous ne souhaitons pas inonder votre boîte de réception. Toutefois, nous aimerions que votre entreprise puisse réellement saisir cette opportunité afin de développer ses activités en ligne. Si vous souhaitez générer des ventes supplémentaires par le biais de votre site Web et développer vos activités en ligne, n'hésitez pas à nous contacter " (259). Somnus a toutefois déclaré qu'elle n'utilisait plus Google Ads pour faire la promotion de ce site (260).
234. Ensuite, le compte de cquicenumero.com a été suspendu à deux reprises en 2014. La première suspension est intervenue du 9 avril 2014 au 23 avril 2014, pour pratiques de facturation douteuses. La deuxième suspension est intervenue du 27 mai 2014 au 2 juillet 2014, pour la vente d'articles gratuits et de services officiels (261).
235. Le 24 août 2016, Google a proposé un service d'accompagnement personnalisé sur Google Ads, dénommé " Google Growth Accelerator ", au site cquicenumero.com. Dans son offre d'accompagnement, Google indique : " Nous avons déjà travaillé avec plusieurs acteurs de votre secteur comme annuaire inversé france ou 118 001 qui ont connu une croissance exceptionnelle sur Adwords " (262).
236. Comme indiqué ci-avant, annuaire-inverse-france est un site édité par Ecométrie, société soeur rde Gibmedia, qui avait fait l'objet de plusieurs suspensions pour violation de la Règle sur la " vente d'articles gratuits "entre 2012 et 2014. Le site 118001 est quant à lui édité par la société Amadeus, dont certains comptes seront suspendus pour violation de cette même
Règle en janvier 2018.
La promotion de services numériques ayant fait l'objet d'une mise en garde par les pouvoirs publics
237. Dans le cadre de ses observations en réponse à la notification de grief, Google a produit des annexes comprenant des échanges avec la DGCRRF et la Direction Interministérielle du Numérique et du Système d'Information et de Communication (" DINSIC ") où les pouvoirs publics ont attiré l'attention de Google sur l'existence de sites ou de services numériques promus sur Google Ads dont les conditions de ventes sur internet seraient de nature à porter préjudice aux intérêts des consommateurs.
238. Postérieurement à ces avertissements, Google a continué de promouvoir des sites commercialisant ces catégories de services sur Google Ads, en particulier le site Amadeus qui a bénéficié d'un accompagnement personnalisé de Google jusqu'à la fin de l'année2017.
Le service d'accompagnement personnalisé deGoogle au profit de la société Amadeus
239. Dans un message du 24 janvier 2017, un agent de la DINSICadresse un courriel à Google lui indiquant qu'il a " repéré un autre problème qui monte en puissance, il s'agit de numéros de renseignement (ex. : 118 918,118 818,118 811) facturé 2,99 Euros l'appel puis 2,99 Euros par minutes " (263).
240. Parallèlement à ces échanges informels avec la DINSIC, la présence de services de renseignements téléphoniques sur Google Ads demeure significative sur la période 2017- 2018. En dépit de ces échanges avec les pouvoirs publics, Google est intervenue de manière proactive afinde développer la présence des services de renseignements téléphoniques de la société Amadeus, notamment à l'occasion de divers évènements commerciaux organisés par Google en juillet 2017, dans ses locaux, et en novembre 2017, au restaurant " Le Mandarin " à Paris.
241. Amadeus a eu de nombreux échanges avec Google sur sa stratégie commerciale, sur l'évolution de la concurrence dans le secteur des renseignements et des annuaires téléphoniques, sur la mise en œuvre des campagnes de ces sites sur Google Ads (264). Les informations communiquées par Amadeus montrent que Google a été impliquée dans la rédaction des annonces et l'édition des pages d'accueil des sites d'Amadeus (265). Google a incité Amadeus à développer des campagnes publicitaires portant sur des mots clés relatifs à des services publics tels que les impôts, la sécurité sociale, afin de faire croître le volume d'appels vers les numéros surtaxés d'Amadeus.
242. Dans le cadre de ses échanges avec Amadeus, Google a mis en avant une collaboration avec la société E-kanopi s'agissant des campagnes de son site annuaire-inverse.com, alors que cette société avait été préalablement suspendue de cette plateforme publicitaire (266). Il y a lieu de rappeler à cet égard que la société E-kanopi avait fait l'objet de suspensions de comptes en 2010, qui avaient donné lieu à une saisine de l'Autorité (267).
Les services de documents administratifs
243. Le 31 mai 2016, la DGCCRF a écrit à Google pour dénoncer des pratiques mises en place par la société internet [...] et ses filiales, qui commercialisent des documents administratifs sur plusieurs sites internet, tels que des actes de naissance, des certificats de situation administrative ou des extraits de casier judiciaire, alors que ces documents sont fournis gratuitement par l'administration (hormis les extraits K-Bis). Dans son courrier, la DGCCRF indique que ces sites font l'objet de promotions via le service Google Ads (268).
244. En octobre 2016, la DINSIC a également échangé avec Google sur le signalement de sites payants, n'apportant aucune plus-value à l'usager et proposant des démarches simples qui s'effectuent entièrement en ligne à partir de sites officiels de l'administration, comme la fourniture d'un extrait de casier judiciaire (269).
245. Dans ses observations du 23 juin 2015, Google explique que " Google AdWords n'autorise pas la promotion de la vente d'articles ou de services qui sont disponibles gratuitement ailleurs. Google n'autorise pas non plus la promotion pour la vente de formulaires ou de services gouvernementaux qui sont disponibles gratuitement ou à moindre coût sur un site officiel ou gouvernemental. Cette règle a pour but d'éviter que les utilisateurs de Google soient induits en erreur et achètent un service qui peut en réalité être obtenu gratuitement auprès de sources officielles. Par exemple, Google ne permet pas aux annonceurs AdWords de faire de la publicité pour des sites vendant le visa ESTA pour les États-Unis, quand ce visa [peut] être obtenu, en échange d'une somme déterminée par la loi, sur le site du gouvernement fédéral américain (...) " (270).
246. Or, l'instruction a constaté la présence sur Google Ads, en 2019, de très nombreuses annonces relatives à des services de carte grise, d'actes de naissance et de demandes ESTA pour les États-Unis. Google n'a donc pas suspendu les annonces ni les comptes qui fournissaient les services précisément dénoncés par la DGCCRF et la DINSIC (271).
Figure 15 - Annonces Google Ads en réponse à la requête " actes de naissance " (9 mai 2019)
[SCHEMA]
Figure 16 -Annonces Google Ads en réponse à la requête " carte grise " (21 mars 2019)
[SCHEMA]
Figure 17 -Annonces Google Ads en réponse à la requête " esta usa " (22 septembre 2017)
[SCHEMA]
247. Ainsi, le comportement de Google à l'égard des annonceurs apparaît très ambigu, voire incohérent. Alors même que Google reproche à certains annonceurs de ne pas appliquer correctement ses Règles, et procède pour cette raison à des suspensions de comptes, il propose parallèlement aux mêmes annonceurs des services d'accompagnement personnalisé destinés, via son offre publicitaire Google Ads, à maximiser la couverture des internautes effectuant des recherches sur des mots clés correspondant à l'offre de ces sites. En conclusion, on constate que le comportement de Google, s'agissant tant de la définition des Règles contractuelles devant être respectées par les annonceurs souhaitant acheter les services publicitaires de Google Ads, que de leur mise en œuvre place les annonceurs dans une position qui ne leur permet pas de connaitre, sans doute possible, ce qui est attendu d'eux et les expose à des décisions d'éviction arbitraires et inéquitables.
E. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIE
248. Le 30 octobre 2018, le grief suivant a été notifié : " Il est fait grief à la société Google Inc. (devenue Google Llc), en qualité d'auteur et de société mère, aux sociétés Google Ireland Ltd et Google France, en qualité d'auteurs, et à la société Alphabet Inc., en qualité de société mère, d'avoir abusé de leur position dominante sur le marché français de la publicité sur internet liée aux recherches en ne mettant pas en œuvre e les règles AdWords dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
D'une part, Google Inc. (devenue Google Llc) a établi des règles AdWords en matière de publicité qui ne sont pas définies de manière objective, transparente et non discriminatoire.
D'autre part, Google Inc. (devenue Google Llc), Google Ireland Ltd et Google France ont appliqué ces règles dans des conditions qui ne sont pas objectives, transparentes et non discriminatoires.
Ces pratiques sont susceptibles d'avoir des effets notamment sur :
le marché français des services payants d'informations météorologiques fournis par voie électronique ;
le marché français des services payants d'information juridique et économique sur les entreprises fournis par voie électronique ;
le marché français des services payants d'annuaires téléphoniques fournis par voie électronique ;
le marché français de la commercialisation d'espaces publicitaires sur internet. Ces pratiques, qui contreviennent aux dispositions de l'article L.420-2 du Code de commerce et de l'article 102 du TFUE, sont mises en œuvre depuis l'année 2012 et sont toujours en œuvre aujourd'hui.
La présente notification de grief, établie conformément aux dispositions de l'article L. 463-2 du Code de commerce, ouvre un délai de deux mois aux sociétés Alphabet Inc., Google Inc. (devenue Google Llc), Google Ireland Ltd et Google France, ainsi qu'au Commissaire du gouvernement pour consulter le dossier au siège de l'Autorité de la concurrence et présenter leurs observations. ".
II. Discussion
A. SUR LA PROCEDURE
249. Google prétend que les services d'instruction ont versé au stade du rapport, de manière artificielle et déloyale, des éléments issus d'une procédure distincte qui concerne la société Amadeus, dont l'instruction au fond est actuellement en cours (272), et qui a donné lieu à une décision de mesures conservatoires le 31 janvier 2019 (273), confirmée pour l'essentiel par la cour d'appel de Paris le 4 avril 2019 (274).
250. Google estime que la notification de grief ne contient aucun développement sur la société Amadeus et reproche aux services d'instruction d'avoir adressé, postérieurement à la notification de grief, deux demandes d'informations à cette société, qui ont permis de verser plus de 2800 cotes issues de la procédure Amadeus au dossier. Google relève en outre que le rapport consacre plusieurs développements à la situation particulière d'Amadeus et cite à plusieurs reprises la décision de mesures conservatoires du 31 janvier 2019 et l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 avril 2019.
251. Google en conclut que les services d'instruction ont procédé au stade du rapport à une " jonction de fait " des procédures Gibmedia n° 15/0019F et Amadeus n° 18/0047F et indique se réserver l'ensemble de ses droits au regard des règles de procédure devant l'Autorité, des droits de la défense et du principe du contradictoire (275).
252. L'Autorité a cependant déjà eu l'occasion de rappeler que, si la phase contradictoire de la procédure prévue par l'article L. 463-1 du Code de commerce commence avec l'envoi de la notification de grief, cela ne préjuge en rien de la possibilité pour les services d'instruction de verser de nouvelles pièces au dossier postérieurement à cet envoi. À cet égard, " la notification des griefs, qui ouvre la phase contradictoire de la procédure, ne met pas fin à l'instruction et n'interdit pas la production de pièces nouvelles dans le respect des prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 [actuel article L. 463-1 du Code commerce] " (276).
253. S'agissant de pièces soumises par les services d'instruction aux parties postérieurement à une première notification des griefs, la cour d'appel de Paris a également jugé que leur versement au dossier ne contrevient pas aux droits de la défense si toutes les parties intéressées ont été en mesure de consulter le dossier et de présenter leurs observations à ce sujet. En effet, " dès lors que les éléments de preuve ainsi rassemblés ont été ouverts à la consultation des entreprises en cause qui ont pu librement en discuter la force probante et opposer leurs propres moyens de preuve et arguments et présenter leurs observations, ni l'origine ou la nature des pièces fondant les notifications de griefs, ni la pluralité de ces notifications de griefs ne sont en elles-mêmes constitutives d'aucune atteinte au principe du contradictoire, ni aux droits de la défense, ni au droit des parties à un procès équitable " (277).
254. Dans l'affaire des farines alimentaires, la Cour de cassation a jugé qu'aucune violation des droits de la défense ne résultait du versement au dossier de nouvelles pièces communiquées par l'autorité de concurrence allemande après l'envoi de la notification de grief, dès lors que ces pièces ne révélaient aucune nouvelle pratique et ne modifiaient ni le champ ni la portée des griefs en eux-mêmes (278).
255. Il en résulte que, dans la mesure où les nouveaux éléments de fait ne modifient pas les griefs notifiés, le versement de nouvelles pièces au dossier ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors que les mises en cause ont disposé de la faculté d'accéder au dossier et de formuler des observations sur les pièces en question (279).
256. Dans le cadre de la présente procédure, la notification de grief reproche à Google " d'avoir abusé de [sa] position dominante sur le marché français de la publicité sur internet liée aux recherches en ne mettant pas en œuvre les règles AdWords dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires ", tout en indiquant que ces pratiques ont eu notamment des effets " sur le marché français des services payants d'annuaires téléphoniques fournis par voie électronique ".
257. La notification des griefs fait expressément référence à la société Amadeus et à son site 118001.fr dans le cadre de l'analyse des effets des pratiques de Google (280). De son côté Google, dans ses observations en réponse à la notification des griefs, mentionne la suspension du compte d'Amadeus pour contester l'existence d'effets anticoncurrentiels des pratiques (281) et identifie le site 118001.fr comme un concurrent direct de Gibmedia dans le secteur des annuaires (282).
258. Au vu de ces éléments, les pièces communiquées par Amadeus en réponse aux demandes d'informations des services d'instruction, qui comprennent l'intégralité de ses échanges avec Google relatifs au service Google Ads, en particulier ceux relatifs à la suspension de son compte, ne visent aucune nouvelle pratique et n'étendent ni ne modifient le grief notifié à Google dans le cadre de la présente procédure.
259. Par ailleurs, les pièces communiquées par Amadeus ont été portées à la connaissance de Google au stade du rapport. Cette dernière a donc disposé d'un délai de deux mois pour formuler ses observations sur ces pièces, conformément à l'article L. 463-2 du Code de commerce.
260. Enfin, le versement au dossier des pièces transmises par Amadeus dans le cadre de cette procédure n'a pas pour effet d'opérer de jonction avec la procédure 18/0047F qui demeure distincte et dont l'instruction est actuellement toujours en cours.
261. En conséquence, le versement au dossier des pièces transmises par Amadeus dans le cadre de cette procédure ne porte pas atteinte aux droits de la défense de Google.
B. SUR L'APPLICABILITE DU DROIT DE L'UNION
262. Le grief a été notifié sur le double fondement de l'article L. 420-2 du Code de commerce et de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après " TFUE).
263. L'article 102 du TFUE dispose qu' " est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ".
264. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce (JOUE 2004, C101, p. 81), la Commission rappelle que les articles 81 et 82 du traité CE, devenus les articles 101 et 102 du TFUE, s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux, ainsi qu'aux pratiques abusives d'entreprises qui sont " susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ", et ce " de façon sensible ".
265. Ainsi que le souligne la Commission au point 93 de ses lignes directrices : " lorsqu'une entreprise qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté ".
266. La Commission précise, au point 96 des mêmes lignes directrices, que " toute pratique abusive qui rend plus difficile l'entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce ".
267. Dans le cas d'espèce, les pratiques dénoncées couvrent au moins l'ensemble du territoire français, puisque Google commercialise ses offres sur la totalité du territoire français et sont susceptibles de rendre plus difficile l'entrée sur les marchés de l'édition et de la commercialisation de services par voie électronique.
268. Il résulte de ce qui précède que les pratiques de Google sont susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre États membres et de relever de l'article 102 du TFUE, ce qui n'a, au demeurant, pas été contesté par Google, ni en réponse à la notification de grief, ni en réponse au rapport.
C. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS
1. SUR LA DELIMITATION DU MARCHE
Rappel des principes
269. L'application des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE, qui prohibent les pratiques d'abus, requiert, à titre liminaire, que les marchés pertinents sur lesquels l'entreprise en cause bénéficie d'une dominance soient définis. En effet, en matière d'abus de position dominante, " la définition adéquate du marché pertinent est une condition nécessaire et préalable au jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel, puisque, avant d'établir l'existence d'un abus de position dominante, il faut établir l'existence d'une position dominante sur un marché donné, ce qui suppose que ce marché ait été préalablement délimité " (283).
270. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence du 9 décembre 1997 (ci-après " Communication de la Commission sur la définition du marché en cause "), la Commission souligne qu' " un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés ". L'appréciation de la substituabilité se fait généralement du côté de la demande, " facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace vis-à-vis des fournisseurs d'un produit donné ", mais elle peut également tenir compte de la substituabilité du côté de l'offre.
271. Dans le même document, la Commission définit par ailleurs le marché d'un point de vue géographique, en précisant que " le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l'offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable ".
272. En France, l'Autorité a rappelé que " le marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. [...] Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande " (284).
Le marché de la publicité en ligne liée aux recherches
273. La pratique décisionnelle de l'Autorité distingue le marché de la publicité hors ligne et le marché de la publicité en ligne, et, au sein de ce dernier marché, la publicité en ligne liée aux recherches des autres formes de publicité sur internet (285).
274. Dans sa décision Google/AdSense du 20 mars 2019 (286), la Commission a confirmé la pertinence de cette segmentation en retenant l'existence d'un marché de la publicité en ligne liée aux recherches, de dimension nationale.
Dimension matérielle
Les marchés de la publicité en ligne et hors ligne
275. L'Autorité et la Commission ont, jusqu'à présent, considéré que la publicité en ligne constitue un marché distinct des autres formes de publicité (287), notamment télévisuelle (288).
276. Dans son avis sur l'exploitation de données dans le secteur de la publicité sur internet du 6 mars 2018 (289), l'Autorité de la concurrence avait relevé que les conditions de concurrence sur le marché de la publicité télévisuelle et le marché de la publicité sur internet différaient encore significativement. Les barrières à l'entrée sur le marché de la publicité télévisuelle sont d'une nature différente et plus importantes que dans le secteur de l'édition et la commercialisation d'espaces publicitaires sur internet. Par ailleurs, alors que l'édition de services sur internet se caractérise par une grande diversité des acteurs et des services, l'édition de services de télévision est un secteur beaucoup plus homogène.
277. Dans un avis plus récent relatif au secteur audiovisuel, l'Autorité a, néanmoins, constaté une convergence croissante entre les offres d'annonces de publicités sous forme de vidéo en ligne, et la diffusion, sur les sites internet des chaines, de spots publicitaires, qui à l'origine d'une porosité entre les marchés de la publicité en ligne et hors ligne (290). L'Autorité constate ainsi que, " bien qu'aujourd'hui la distinction entre le marché de la publicité télévisuelle et celui de la publicité en ligne subsiste, notamment du fait de l'encadrement règlementaire, il existe néanmoins une convergence croissante entre les deux marchés, illustrée notamment par le développement marqué de la publicité vidéo en ligne et la diffusion, sur les sites internet des chaînes, de spots publicitaires dans le cadre des services de télévision de rattrapage, qui présentent des caractéristiques semblables à la publicité en ligne, en terme de format, de tarification, et de réglementation ".
278. L'offre de publicité en ligne liée aux recherches n'est, cependant, pas concernée par ce constat.
279. L'Autorité considère que la segmentation de marché entre la publicité en ligne et hors ligne, qui n'est d'ailleurs pas contestée par Google dans le cadre de cette procédure, peut être maintenue dans la présente espèce.
Les différents marchés de la publicité sur internet
280. Dans son avis de 2010 sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de la publicité en ligne, l'Autorité a notamment considéré que la " publicité liée aux recherches et le " display " répondent aujourd'hui à des besoins des annonceurs encore essentiellement distincts " (291). Dans son avis du 6 mars 2018 relatif à l'exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet, l'Autorité n'a pas identifié d'évolutions de nature à modifier aujourd'hui ces constats (292). Dans le cadre des réponses à la consultation menée par l'Autorité, de nombreux acteurs ont formulé des observations sur les différences entre les deux catégories de publicité en ligne. Selon un annonceur, la publicité liée aux recherches " permet avec certitude de proposer à l'internaute un contenu qui lui correspond. L'avantage : ce n'est pas l'annonceur qui pousse le contenu, mais en quelque sorte c'est l'internaute qui choisit le contenu et l'offre sur lesquels il souhaite être informé ". Ainsi, les internautes sont, selon cette analyse, dans l'attente de l'affichage de réponses immédiatement après la formulation d'une requête, et les liens sponsorisés apparaissent parmi ou à côté des réponses directement sollicitées, ce qui est moins le cas des autres formes de publicité. Les autres formes de publicité, y compris sur les réseaux sociaux, ne permettraient pas un ciblage aussi précis au regard de l'objet de l'annonce et du moment de son affichage. Selon un autre annonceur, la " place des moteurs de recherche est importante dans la stratégie de l'entreprise. Elle permet de toucher une population en recherche active d'information. La publicité liée aux moteurs de recherche est donc un outil de publicité en ligne efficace et permet un retour sur investissement généralement supérieur aux autres supports digitaux " (293).
281. Au niveau européen, la Commission, tout en laissant la question ouverte, a estimé en 2014 que : " Le test de marché confirme dans une large mesure la pertinence d'une segmentation supplémentaire du marché de la publicité en ligne entre les publicités liées et non-liées aux recherches. En effet, la majorité des annonceurs qui ont répondu au test de marché considère que les annonces liées et non liées aux recherches ne sont pas substituables, dans la mesure où elles ont des objectifs différents (les annonces liées aux recherches génèrent principalement du trafic direct vers le site internet du commerçant, tandis que les annonces non liées aux recherches contribuent principalement à faire connaître la marque). De ce fait, la plupart des annonceurs ne remplacerait probablement pas une catégorie de publicité par une autre, si le prix d'une catégorie de publicités augmentait de 5 à 10 %. De même, la majorité des concurrents qui ont participé au test de marché ont fait valoir que les annonces liées et non liées aux recherche ne sont pas substituables du point de vue de l'annonceur " (traduction libre de l'anglais) (294).
282. Dans sa décision relative à la demande de mesures conservatoires de Gibmedia, l'Autorité a considéré que " la publicité en ligne liée aux recherches demeure susceptible de constituer un marché pertinent, distinct des autres formes de publicité en ligne " (295).
283. L'instruction au fond a permis de confirmer la pertinence de cette segmentation de marché. Le degré de substituabilité entre la publicité en ligne liée aux recherches et les autres formes de publicité en ligne n'apparaît pas comme suffisant pour conclure à leur appartenance au même marché pertinent.
284. Premièrement, la publicité en ligne liée aux recherches se distingue des autres formes de publicité en ligne. Elle est fondée sur une recherche active de l'internaute. Celui-ci demande des liens en réponse à une requête. Le moteur lui fournit à la fois des liens naturels fournis par les algorithmes du moteur de recherche (le référencement naturel) et des annonces (résultant d'une mise aux enchères entre les annonceurs) (voir paragraphe 25).
285. L'internaute, dans une démarche de recherche active, révèle ainsi une partie de ses préférences et constitue donc une cible d'une valeur particulière pour les annonceurs.
286. La publicité en ligne liée aux recherches permet donc de cibler un prospect très proche de l'acte d'achat, à la différence d'autres types de publicité (en ligne ou hors ligne) visant davantage à susciter un intérêt pour une marque ou un produit beaucoup plus en amont de l'acte d'achat lui-même.
287. À cet égard, Microsoft considère que la " publicité associée aux recherches permet le ciblage des annonces selon une expression en temps réel de l'intérêt du consommateur, révélé par sa requête de recherche. Il s'agit d'un élément clé qui distingue la publicité associée aux recherches de toutes les autres formes de publicité en ligne et engendre un niveau de monétisation qui est supérieur à ce que permettent d'autres formats d'annonces en ligne " (296).
288. Ainsi, les objectifs poursuivis par la publicité en ligne et la publicité display sont différents. Les annonceurs ont recours aux liens commerciaux des moteurs de recherche lorsqu'ils souhaitent générer immédiatement des achats en ligne. Ils se tournent vers les techniques d'affichage (ou " display ") lorsqu'ils visent avant tout à développer leur image de marque et leur réputation (" branding ").
289. Deuxièmement, la publicité en ligne liée aux recherches présente des particularités en matière de formats. Ceux-ci sont essentiellement textuels. Ils présentent des ressemblances importantes avec les liens naturels, diminuant la vigilance du consommateur sur la nature du lien, commercial ou " naturel ", qu'il utilise. Cette présentation rend, par ailleurs, la création publicitaire moindre dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches. Cela explique que ce type de publicité soit moins onéreux à la production que les autres formes de publicité sur internet, comme la publicité vidéo.
290. Troisièmement, le degré de substituabilité entre la publicité liée aux recherches et les autres formes de publicité en ligne est également limité du point de vue des offreurs. L'entrée sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches suppose le développement préalable d'un moteur de recherche généraliste, des investissements importants dans des technologies dédiées à la fourniture de publicités liées aux recherches et l'accès à des ensembles de données permettant d'optimiser le référencement des contenus.
291. Àce titre, il faut noter la position dominante de Google sur le marché français des moteurs de recherche, avec une part de marché constamment supérieure à 90 % et des barrières à l'entrée significatives (297).
292. Dans le cadre de ses observations à la notification de grief, Google soutient que les annonces en ligne liées et non-liées aux recherches formeraient un seul et même marché, au motif que :
i) elles permettent toutes deux un ciblage précis, compte tenu des innovations intervenues en matière de publicité sur internet concernant le reciblage publicitaire et les prévisions comportementales (298) ;
ii) les annonces liées et non-liées aux recherches utilisent des formats largement similaires ;
iii) les différences relatives à la structure du marché relèvent simplement de la substituabilité du côté de l'offre et ne sont pas pertinentes pour apprécier la substituabilité du côté de la demande ;
iv) il convient de tenir compte de décisions récentes confirmant que les annonces liées et non liées aux recherches se font concurrence.
293. S'agissant tout d'abord de l'argument présenté au i), il convient de relever que si d'autres formes de publicité en ligne offrent des fonctionnalités de ciblage améliorées, notamment par les annonces contextuelles ou comportementales ou celles placées sur des réseaux sociaux, celles-ci ne permettent pas un ciblage aussi précis que la publicité en ligne liée aux recherches.
294. En matière de publicité contextuelle, comportementale, ou de publicité ciblée sur le profil d'un internaute dans les réseaux sociaux, l'analyse du contenu des pages consultées, de l'historique de navigation, ou des réseaux sociaux, révèle un centre d'intérêt de l'internaute, mais non un besoin immédiat matérialisé par une recherche active avec un mot clé. Il n'y a pas de demande exprimée par l'internaute à un moment précis et le contenu d'une publicité peut ne pas correspondre à l'intérêt réel et actuel de l'internaute, au moment de la consultation d'un site. Ces annonces sont donc moins susceptibles de se convertir en actes d'achats.
295. S'agissant de l'argument sur les formats mentionné au ii), Google produit plusieurs exemples d'annonces liées aux recherches enrichies d'une photographie pour étayer son propos. Toutefois, ces exemples isolés sont insuffisants pour invalider le constat que le type de format d'annonces liées aux recherches est pour l'essentiel, essentiellement textuel. Dans sa décision Google/AdSense du 20 mars 2019 (299), la Commission indique en ce sens que la publicité en ligne liée aux recherches se distingue des autres formes de publicité en ligne, en ce qu'elle est généralement exclusivement formulée avec du texte et présente un coût de production largement inférieur à d'autres formes de publicité en ligne nécessitant des formats graphiques enrichis.
296. S'agissant de l'argument sur la structure du marché mentionné au iii), l'analyse du degré de substituabilité du côté de l'offre est, en effet, un critère pertinent pour définir les marchés en cause, qui peut s'ajouter à l'analyse de la substituabilité du côté de la demande. Le paragraphe 20 de la Communication de la Commission sur la définition du marché en cause précise à cet égard que la substituabilité du côté de l'offre peut avoir des effets équivalents à ceux de la substitution du côté de la demande en termes d'immédiateté et d'efficacité. La prise en compte de la substituabilité du côté de l'offre nécessite que les fournisseurs puissent facilement réorienter leur production vers des produits substituables à leur production, et les commercialiser à court terme sans encourir de coût ou de risque supplémentaire substantiel en réaction à des variations légères, mais permanentes, des prix.
297. En l'espèce, comme indiqué précédemment, les annonces liées et non-liées aux recherches ne sont pas substituables du point de vue de la demande (voir paragraphes 284 et suivant) et leur degré de substituabilité du point de vue de l'offre (voir paragraphe 290) est insuffisant pour pouvoir retenir un marché global de la publicité en ligne.
298. S'agissant enfin de l'argument sur l'absence de prise en compte de la pratique décisionnelle récente des autorités française et communautaire mentionné au iv), l'Autorité se fonde sur les considérations factuelles objectives citées aux paragraphes 284 et suivants. Au demeurant, et en tout état de cause, la pratique décisionnelle la plus pertinente va dans le sens de la délimitation de marché ici retenue. Google se réfère à l'avis précité du 14 décembre 2010 qui indiquait que le marché de la publicité en ligne était dynamique et en rapide évolution (300) et aux décisions de la Commission Google/DoubleClick du 11 mars 2008 et Microsoft/Yahoo du 18 février 2010 selon lesquelles la publicité en ligne se caractérise par un degré de convergence fort entre les formats (301). Or, ces avis et décisions ont été rendus avant la décision de la Commission Facebook/Whatsapp du 3 octobre 2014 qui, sans trancher définitivement la question, a mis en avant la pertinence d'une segmentation du marché entre les publicités liées et non-liées aux recherches, en s'appuyant notamment sur un test de marché réalisé auprès des clients et des concurrents de Facebook (voir paragraphe 281). Il convient d'indiquer que la décision de la Commission Google/AdSense du 20 mars 2019 a confirmé la délimitation d'un marché de la publicité en ligne liée aux recherches distinct des autres marchés de publicité (302).
Dimension géographique
299. Le marché de la publicité en ligne liée aux recherches est de dimension nationale.
300. Tout d'abord, les annonces publicitaires liées aux recherches sont textuelles et écrites dans différentes langues. De même, certains mots clés qui font l'objet des enchères par les annonceurs dépendent généralement de la langue du pays dans lequel les services sont fournis. Dans le cas de requêtes en anglais, le service Google Ads peut afficher des annonces pertinentes en fonction du pays à partir duquel la requête a été formulée. Ainsi, bien que les moteurs de recherche soient accessibles dans l'ensemble des pays, Google a développé des versions nationales de son service Google Search, sur lequel sont affichées les annonces
Google Ads.
301. Par ailleurs, Google a mis en place une organisation commerciale qui tient compte des spécificités nationales. Par exemple, il existe une équipe de Google dédiée aux publicités concernées par le marché français (303) chargée des petites et moyennes entreprises françaises, ou des réseaux d'agences Google Ads partenaires qui sont structurés en zones géographiques. Enfin, le secteur de la publicité sur internet est généralement régulé par des cadres juridiques en tout ou partie nationaux.
Conclusion
302. En conclusion, le marché pertinent sur lequel les pratiques évoquées dans cette décisionont été commises est le marché français de la publicité en ligne liée aux recherches.
2. SUR LA DOMINANCE ET LA RESPONSABILITE PARTICULIERE DE GOOGLE
La position dominante de Google
303. La position dominante est définie comme une " position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs " (304).
304. L'existence d'une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants (305). Parmi ces facteurs, l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative (306).
305. Ainsi, il est de jurisprudence constante que des parts de marché extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante. Selon la jurisprudence de la CJUE, une part de marché de 50 % constitue par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante (307).
306. Outre le niveau des parts de marché de l'entreprise en cause, il y a également lieu de tenir compte du rapport entre les parts de marché détenues par l'entreprise concernée et par ses concurrents. La possession d'une part de marché extrêmement importante met l'entreprise qui la détient pendant une période d'une certaine durée, par le volume de production et d'offre qu'elle représente - sans que les détenteurs de parts sensiblement plus réduites soient en mesure de satisfaire rapidement la demande qui désirerait se détourner de l'entreprise détenant la part la plus considérable -, dans une situation de force qui fait d'elle un partenaire obligatoire et qui, de ce seul fait, lui assure, tout au moins pendant des périodes relativement longues, l'indépendance de comportement caractéristique de la position dominante (308).
307. Le Tribunal de première instance a considéré, s'agissant des secteurs récents en pleine expansion et qui se caractérisent par des cycles d'innovation courts et un contexte dynamique, que les parts de marché élevées ne sont pas nécessairement indicatives d'un pouvoir de marché (309). En revanche, le critère des parts de marché élevées demeure pertinent s'agissant d'un marché en forte croissance qui ne montre pas de signe d'instabilité pendant la période litigieuse et où une hiérarchie stable est établie (310).
308. D'autres indices que les parts de marché sont pris en compte dans la détermination de la position dominante. Il y a lieu de mentionner en particulier l'existence de barrières à l'entrée ou de barrières à l'expansion et la puissance d'achat compensatrice des clients (311).
309. En l'espèce, il convient de constater que, sur l'ensemble de la période des pratiques, Google dispose d'une position dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches. Ses parts de marché se situent à des niveaux très élevés, alors même que les parts de marché de ses concurrents restent très limitées (a). La position dominante de Google est également confortée par l'existence de fortes barrières à l'entrée du marché de la publicité en ligne liée aux recherches (b).
Les parts de marché de Google
310. Google a fourni une estimation de ses parts de marché sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches en France en valeur. L'estimation totale de la taille de ce marché est fondée sur deux sources externes, les rapports annuels de l'Interactive Advertising Bureau (IAB) et les rapports intitulés " Search Engine Marketing Forecast " de Jupiter/Forrester. Google a ensuite calculé ses propres revenus français en fonction de l'adresse de facturation de l'annonceur.
311. Google a fourni une estimation de ses parts de marché tant en revenus bruts qu'en revenus nets du coût d'acquisition du trafic (Traffic Acquisition Costs ou TAC) pour les années 2014 et 2015 (312). Celle-ci figure au tableau ci-dessous.
Figure/tableau 18 - Parts de marché de Google sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches en France en valeur
[TABLEAU]
Source : Analyse RBB, basée sur les revenus Google et la taille de segment fournie par l'institut IAB
312. Le premier concurrent de Google, Microsoft qui exploite le moteur de recherche Bing, dispose d'une part de marché inférieure à 5 % en France, soit plus de dix fois inférieure à celle de Google. En 2015, le cumul des revenus français de Yahoo (313) et de Microsoft (314) en matière de publicité en ligne liée aux recherches ne dépasse pas [...]millions d'euros, alors que les revenus de Google se sont élevés à [...]millions d'euros (315). À l'a une de ces mesures de revenus, il faut noter que sur un marché réduit à ces trois acteurs, Google aurait une part de marché d'environ [90 -100] %, de sorte que l'évaluation dans le tableau ci-dessus sous- estime probablement le véritable pouvoir de marché de Google. Cette part de marché serait plus en phase avec la mesure de la part de marché du moteur de recherche de Google en volume telle que reportée plus bas (voir paragraphe 313). En effet, l'usage du moteur de recherche est l'élément déclencheur des publicités en ligne liées aux recherches.
313. L'hypothèse qu'un autre moteur de recherche génère en France des revenus substantiels sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches dans un futur proche paraît très peu probable. En 2015, moins de 2 % des requêtes en France ont été réalisées sur des moteurs de recherche autres que Google Search, Bing ou Yahoo Search. En 2016, Google totaliserait environ 90,6 % des requêtes, contre 5,2 % et 2,5 % pour Bing et YahooSearch respectivement. Les moteurs de recherche MSN (lié à Bing) et DuckDuckGo auraient généré 0,9 %et 0,6 % des requêtes chacun (316). La figure qui suit illustre la stabilité et l'importance de la position de Google sur les recherches effectuées en France en 2016 (voir aussi supra paragraphe 291).
Figure 19 - Comparaison des positions des opérateurs de moteurs de recherche en France en 2016
[TABLEAU]
Source : Statcounter
314. Google soutient que les parts de marché ne peuvent établir l'existence d'une position dominante dans le cas d'industries dynamiques et en évolution rapide. Google ajoute que Facebook serait son concurrent le plus significatif et mentionne également Amazon comme le concurrent en plus forte croissance sur le marché de la publicité en ligne.
315. Toutefois, il n'est pas pertinent de tenir compte des revenus publicitaires de Facebook et d'Amazon pour calculer les parts de marché de Google. Ces entreprises n'exploitent pas un moteur de recherche généraliste et ne sont pas présentes sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches (la Commission a, d'ailleurs, écarté du marché pertinent les réseaux sociaux et les plateformes de ventes en ligne dans sa décision Google Shopping (317)).
316. Ainsi, et conformément à une jurisprudence constante en la matière, la détention et la stabilité de parts de marché très élevées de Google sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches constitue un indice clair de sa position dominante. Ceci est d'autant plus vrai que ce marché a connu une croissance importante sur la période considérée (environ 16 % selon Google) (318).
L'existence de barrières élevées à l'entrée
317. La position de Google est renforcée par le fait que le marché de la publicité liée aux recherches se caractérise par des barrières à l'entrée significatives.
318. Pour s'imposer comme un fournisseur à part entière de services de publicité en ligne liée aux recherches, un nouvel entrant devrait entreprendre des investissements significatifs, en termes de capital et de temps, dans plusieurs domaines (319) :
le développement, la maintenance et le perfectionnement d'un moteur de recherche généraliste. La décision Google (Shopping) de la Commission note à cet égard que les barrières à l'entrée et à l'expansion sont significatives (paragraphes 285 à 305 de la décision Google (Shopping)). Elle note par exemple qu'aucun nouveau moteur de recherche n'a réussi depuis le lancement des moteurs de recherche à se développer au- delà de 1 % de parts de marché (paragraphes 302 à 305 de la décision Google (Shopping)) ;
le développement d'une technologie permettant de mettre en relation les requêtes des internautes avec les annonces publicitaires pertinentes. Une telle technologie repose non seulement sur le développement d'algorithmes mais aussi sur des bases de données alimentées par le comportement des utilisateurs dans leurs recherches. La technologie et la possession de bases de données sur les recherches passées génèrent des effets d'échelle importants (voir par exemple paragraphes 287 et 288 de la décision Google (Shopping)) ;
la conception d'un système d'enchères en temps réel : compte tenu de l'espace publicitaire limité disponible sur une page Web, les fournisseurs de publicité de recherche en ligne doivent pouvoir sélectionner et afficher les annonces de recherche en ligne les plus pertinentes pour une requête donnée. Un mécanisme d'enchères semble être le meilleur moyen de le faire de manière rentable et efficace ; et
un système général de régulation des interactions entre utilisateurs et annonceurs, comprenant notamment un système de détection des fraudes.
319. Les barrières à l'entrée résultent également de l'existence d'effets de réseaux importants entre le service de publicité lié aux recherches et l'utilisation du service de moteur de recherche généraliste. Plus les utilisateurs d'un moteur de recherche sont nombreuxet divers, plus la capacité à cibler des audiences est grande et plus la probabilité qu'une annonce soit pertinente et donc " cliquée "est grande (voir paragraphe 25).
320. Compte tenu de la position très importante de Google en matière de services de recherche en ligne en France (plus de 90 % des requêtes, comme indiqué ci-dessus au paragraphe 313) et de la très forte interdépendance de cette activité avec la fourniture de services de publicité en ligne liée aux recherches, Google dispose d'un avantage concurrentiel difficilement égalable par un nouvel entrant. Le fait qu'un acteur de la taille de Microsoft n'ait pas pu remettre en cause la position de Google sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches en France témoigne d'ailleurs de la difficulté que pourrait rencontrer un nouvel entrant souhaitant se développer sur ce marché.
Conclusion
321. Google détient donc une position largement dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches. À bien des égards cette position dominante présente les aspects " extraordinaires " relevés par la Commission dans l'affaire Microsoft (320). La position occupée par Google avec une part de marché probablement supérieure à 90 % en France (voir paragraphe 312) et des barrières à l'entrée significatives sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches est intrinsèquement liée à celle qu'elle occupe sur le marché des moteurs de recherche en ligne. Dans l'affaire Google Shopping, la Commission a relevé que la part de marché de Google sur le marché des moteurs de recherche en ligne a toujours été supérieure à 90 % entre 2008 et 2016 (321) ; les barrières à l'entrée sont très élevées sur ce marché et reposent en particulier sur des effets de réseaux entre utilisateurs et annonceurs (322). Grâce à ces atouts, les Règles deviennent la " norme de fait ", pour les annonceurs souhaitant acheter des services de publicité en ligne liée aux recherches en France, les autres acteurs proposant ce type de publicité ayant des parts de marché plus de 10 fois inférieures à celle de Google en France.
La responsabilité de Google
Le principe de la responsabilité particulière des entreprises dominantes
322. L'existence d'une position dominante impose, selon une jurisprudence constante, à l'entreprise concernée la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée (323). Ainsi, les entreprises en position dominante ont une responsabilité particulière sur le marché, au titre de laquelle peuvent leur être interdits certains comportements qui, s'ils étaient mis en œuvre par d'autres entreprises, relèveraient du fonctionnement normal de la concurrence sur le marché.
323. Les comportements illicites d'une entreprise dominante consistent à exploiter abusivement cette position sur un marché où, du fait précisément de sa présence, le degré de concurrence est déjà affaibli. Les abus consistent à ou ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale entre opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence sur le marché existant encore ou au développement de cette concurrence (324).
L'appréciation concrète de l'ampleur de la responsabilité de Google
L'appréciation de la responsabilité de Google
324. L'ampleur de la responsabilité d'une entreprise en position dominante s'apprécie concrètement au regard des circonstances propres à chaque espèce.
325. L'importance de la dominance est, notamment, un critère d'appréciation de la responsabilité de l'entreprise. En effet, moins les clients d'une entreprise dominante ont la possibilité d'avoir des prestations alternatives équivalentes à celles proposées par l'entreprise dominante, plus cette entreprise a la capacité d'exploiter abusivement sa position, capacité qui accroît en contrepartie la responsabilité qu'elle a à l'égard de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs.
326. En l'espèce, différentes circonstances permettent de considérer que la responsabilité de Google à l'égard de ses partenaires commerciaux, qui achètent ses services publicitaires Google Ads, revêt une importance particulière.
327. Il résulte tout d'abord de la dominance de Google, qu'elle soit exprimée en termes de parts de marché (très élevées et stables), de croissance de Google Ads (continue et soutenue), ou de barrières à l'entrée (fortes et notamment liées à sa position dominante sur le marché des moteurs de recherche), que les annonceurs qui souhaitent acheter des prestations publicitaires en ligne liées à la recherche ne peuvent pratiquement pas trouver de solutions alternatives à Google Ads.
328. Mais surtout, cette dominance bénéficie d'une dynamique forte qui rend les prestations de Google Ads particulièrement attractives pour les annonceurs. La performance du moteur de recherche de Google est d'autant plus forte que le nombre de requêtes effectuées par les internautes est élevé (voir paragraphe 319). L'accroissement du nombre de requêtes renforce l'attractivité du moteur de recherche du point de vue des internautes, mais également des annonceurs qui ont intérêt à ce que leur publicité s'adresse à une audience très importante. Ce pouvoir d'attraction et d'accumulation renforce l'importance des services de Google Ads à l'égard des annonceurs, et assure, mécaniquement, une dynamique de croissance constante de Google.
329. Par ailleurs, les Règles qui déterminent les conditions d'éligibilité et de comportements des annonceurs ont une fonction de " régulation " à leur égard. Elles cherchent à assurer l'attraction maximale du moteur de recherche, tant pour les utilisateurs que pour les annonceurs. Autrement dit, elles assurent le fonctionnement optimal, du point de vue de la profitabilité de l'activité de Google, de l'interaction entre annonceurs et utilisateurs par l'intermédiaire du moteur de recherche.
330. La conjonction de ces deux facteurs - d'une part, la capacité d'attraction de Google et, d'autre part, son pouvoir régulateur à l'égard des annonceurs - est de nature à décupler son pouvoir de marché, au-delà de celui d'un opérateur dominant qui bénéficie, grâce à des parts de marché majoritaires sur un marché donné, de la possibilité de se comporter indépendamment de ses concurrents, de ses clients et, in fine, des consommateurs. Google peut, en effet, non seulement se comporter de façon autonome sur le marché pour servir ses propres intérêts, mais a également la capacité d'orienter le modèle économique des annonceurs, de limiter leur liberté d'entreprendre et d'influer finalement sur la qualité et la diversité de l'offre ouverte aux internautes.
331. Compte tenu du pouvoir de marché de Google sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, la mise en œuvre incohérente et aléatoire des Règles est de nature à perturber le marché de la publicité en ligne liée aux recherches sur lequel Google opère, mais également les marchés aval où les annonceurs sont actifs. Cette perturbation sur les marchés aval peut d'abord nuire aux intérêts des utilisateurs, en les exposant à des comportements potentiellement abusifs de sites qui auraient dû être suspendus de Google Ads si les Règles avaient été correctement appliquées. Par ailleurs, la mise en œuvre aléatoire et incohérente des Règles peut influencer des annonceurs dans la construction de leur modèle économique. Ces derniers peuvent par exemple être dissuadés de proposer certains services potentiellement innovants aux internautes de crainte qu'ils soient interdits par les Règles, alors même que ces services ne présentent pas nécessairement de risque pour les internautes. Dans ces conditions, la responsabilité propre de Google en tant qu'entreprise dominante sur le marché de la publicité en ligne associée aux recherches doit être appréciée strictement : un simple comportement de négligence peut être considéré comme abusif. Dans l'affaire Google (Shopping), la Commission a rappelé qu'elle pouvait retenir un abus de position dominante contre Google, que cet abus ait été commis intentionnellement ou par négligence (325).
Les obligations de Google
332. Comme indiqué au paragraphe 321, Google dispose d'une position dominante " extraordinaire " sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches. Eu égard aux caractéristiques de cette dominance, Google a une responsabilité particulière vis-à-vis des utilisateurs et des annonceurs qui l'oblige à édicter et appliquer les Règles gouvernant l'accès et le maintien des opérateurs à sa plateforme publicitaire de manière objective, transparente et non-discriminatoire.
333. Dans ses observations, Google avance un certain nombre d'arguments sur la légitimité (i) de l'objectif des Règles, qui consiste à lutter contre les annonces malveillantes fragilisant les internautes et dégradant la qualité des services proposés par Google, et (ii) de l'édiction de Règles qui est la manifestation de l'exercice de la liberté contractuelle de Google. Ces points sont résumés ci-dessous.
L'objectif des Règles
334. Selon Google, les annonces malveillantes constituent une menace, tout d'abord pour les internautes, qui risquent d'être exposés à certains risques ou désagréments, ensuite pour les annonceurs de bonne foi, dont l'investissement publicitaire est perturbé, et enfin pour Google, qui doit garantir la qualité des services qu'elle propose.
335. Ces points ne sont pas contestés par l'Autorité qui a déjà reconnu, dans sa décision n° 13-D-07, E-kanopi, que " la politique de contenus Adwords, guidée par l'objectif de protéger les intérêts des consommateurs en évitant à l'internaute de télécharger des logiciels non désirés ou de payer pour des biens gratuits, découle du souhait d'offrir le meilleur service possible aux internautes et apparaît objectivement justifiée. L'adoption d'une telle politique ne présente donc pas un caractère anticoncurrentiel et relève de l'exercice légitime de la liberté commerciale de Google " (326).
336. La même décision précise néanmoins que " la liberté dont dispose Google pour définir sa politique de contenus Adwords et Adsense n'exonère cependant pas cette entreprise de l'obligation de mettre en œuvre cette politique dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires " (327).
La possibilité d'édicter des Règles
337. Google rappelle, en premier lieu, que le choix de ses co-contractants, ainsi que la définition et l'application des Règles, qui lui permettent notamment de rompre des relations contractuelles conclues à durée indéterminée, relèvent de l'exercice de sa liberté contractuelle, principe de valeur constitutionnelle que le droit de la concurrence ne peut restreindre que dans des conditions très strictes et soigneusement justifiées. À cet égard, la Cour de justice a considéré que " l'imposition par un Etat membre d'une obligation de contracter (...) constitue une ingérence substantielle dans la liberté de contracter dont jouissent, en principe, les opérateurs économiques " (328).
338. En second lieu, Google estime que les litiges occasionnés par les ruptures contractuelles relèvent du droit des contrats, et non du droit de la concurrence. Le co-contractant non fautif qui s'estime être lésé peut prétendre au versement de dommages et intérêts dont le montant dépend du préjudice occasionné par les circonstances de la rupture.
339. Il convient cependant de rappeler que ce n'est pas l'existence d'une procédure de suspension de comptes qui est reprochée en tant que telle à Google, mais la mise en œuvre d'une politique de contenus dans des conditions non objectives, non transparentes et discriminatoires, susceptible d'avoir des effets sur les marchés sur lesquels opèrent les annonceurs.
340. Par ailleurs, comme prévu à l'article 6 du Code civil, et rappelé par la pratique décisionnelle et la jurisprudence précitées, la liberté contractuelle ne peut s'exercer indépendamment du respect des dispositions d'ordre public que constituent les règles de concurrence. Les exemples d'exploitations abusives de dominance mentionnés aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE font, également, référence à des abus ayant un support contractuel. Le principe de liberté contractuelle, de même que celui de la liberté d'entreprendre, ne peuvent ainsi exonérer une entreprise dominante de sa responsabilité en cas de commission de pratiques abusives.
341. Enfin, le droit des contrats et le droit de la concurrence répondent chacun à des objectifs différents. Alors que le droit des contrats protège les intérêts privés des contractants sous l'angle des conditions de formation des contrats et celui du respect de leur exécution, le droit de la concurrence protège l'ordre public économique et s'applique dès lors que les pratiques en cause peuvent affecter la concurrence sur le marché.
342. En conclusion, le caractère " extraordinaire " de la position dominante de la plateforme Google Ads de Google lui confère une responsabilité très particulière vis-à-vis des utilisateurs et des annonceurs. Dans le double objectif que, d'une part, les utilisateurs ne soient pas exposés à des sites susceptibles de porter atteinte à leurs intérêts et, d'autre part, que les marchés aval des annonceurs ne voient pas la concurrence perturbée en leur sein, Google doit édicter et appliquer les Règles d'accès et de maintien à sa plateforme publicitaire de manière objective, transparente et non-discriminatoire.
3. SUR LA QUALIFICATION DE LA PRATIQUE VISEE PAR LE GRIEF
Sur les principes applicables
343. Aux termes de la notification de grief, il est reproché à Google d'avoir mis en œuvre des Règles inéquitables, en les définissant et en les appliquant de façon non-objective, non- transparente et discriminatoire, la " mise en œuvre " des Règles visant à la fois la définition des Règles et leur application. Plus précisément, les Règles établies par Google lui ont laissé une marge de manœuvre telle qu'elle a pu appliquer, à l'égard des annonceurs, un traitement différencié et incohérent.
344. Il convient donc de porter une appréciation sur la conformité des pratiques retenues au regard de ces principes. Sur les pratiques susceptibles d'être qualifiées de " conditions de transaction inéquitables "
345. S'agissant des traitements inéquitables, le a) du deuxième alinéa de l'article 102, prévoit, parmi les pratiques qui peuvent être qualifiées d'abusives, le fait " d'imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables ".
346. L'application des dispositions du a) du deuxième alinéa de de l'article 102, alinéa 2, a) n'est pas réduite à la qualification de prix non équitable ou excessifs, puisqu'il fait également référence aux autres conditions de transaction non équitables. Plusieurs arrêts traitent de cas où des conditions de transaction non équitables sont considérées comme abusives, notamment lorsque les pratiques en cause concernent l'imposition de conditions de transaction par l'opérateur dominant.
347. Dans un arrêt du 21 mars 1974, BRT/SABAM et Fonior (329), la Cour de justice fait expressément référence au a) du deuxième alinéa de l'article 102 du traité. L'espèce concerne une société qui détient un monopole de gestion des droits d'auteur, édicte et met en œuvre des règles appliquées à l'égard d'entreprises tierces (en l'espèce, les adhérents de la société de gestion). La Cour rappelle que, selon les termes des dispositions précitées, une pratique doit être considérée comme abusive lorsqu'elle consiste, notamment, à " imposer de façon directe ou indirecte des conditions de transaction non équitables ". Elle estime " que le fait qu'une entreprise chargée de l'exploitation de droits d'auteur, occupant une position dominante au sens de l'article 86 [devenu article 102 du TFUE], imposerait à ses adhérents des engagements non indispensables à la réalisation de son objet social et qui entraveraient ainsi de façon inéquitable la liberté d'un adhérent dans l'exercice de son droit d'auteur, peut constituer une exploitation abusive " (330).
348. Dans un arrêt du 5 octobre 1988, Alsatel, la Cour de justice considère également que certaines clauses contractuelles imposées par un opérateur dominant peuvent être abusives, en faisant référence à l'article 102 du traité. Elle relève " que, si l'obligation imposée aux locataires de s'adresser exclusivement à l'installateur pour toute modification de l'installation peut être justifiée par le fait que l'équipement reste la propriété de l'installateur, le caractère indéterminé du prix des avenants entraînés par ces modifications, sa fixation unilatérale par l'installateur, ainsi que la reconduction automatique du contrat pour quinze ans si lesdites modifications comportent une augmentation du loyer de plus de 25 %, peuvent constituer, en revanche, des conditions de transaction non équitables interdites en tant que pratiques abusives par l'article 86 du traité [102 TFUE] si toutes les conditions d'application de cet article sont réunies " (331).
349. Dans un arrêt plus récent, du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, la Cour précise les conditions d'application de l'article 102 à l'égard de la mise en œuvre ede l'engagement d'un titulaire d'un brevet essentiel à une norme (BEN), formulé auprès d'un organisme de normalisation, de délivrer des licences à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (FRAND) : " le titulaire d'un BEN qui estime que celui-ci fait l'objet d'une contrefaçon ne saurait, sauf à violer l'article 102 TFUE, introduire, sans préavis ni consultation préalable du contrefacteur allégué, une action en cessation ou en rappel de produits contre ce dernier, quand bien même ledit BEN a déjà été exploité par le contrefacteur allégué. Préalablement à de telles actions, il appartient ainsi au titulaire du BEN considéré, d'une part, d'avertir le contrefacteur allégué de la contrefaçon qui lui est reprochée en désignant ce BEN et en précisant la façon dont celui-ci a été contrefait. (...) D'autre part, après que le contrefacteur allégué a exprimé sa volonté de conclure un contrat de licence aux conditions FRAND, il revient à ce titulaire de transmettre à ce contrefacteur une offre de licence concrète et écrite à des conditions FRAND, conformément à l'engagement pris auprès de l'organisme de normalisation, en précisant, notamment, la redevance et ses modalités de calcul. (...) En revanche, il incombe au contrefacteur allégué de donner suite à cette offre avec diligence, conformément aux usages commerciaux reconnus en la matière et de bonne foi, ce qui doit être déterminé sur la base d'éléments objectifs et implique notamment l'absence de toute tactique dilatoire " (332).
350. Dans les conclusions rendues sous cette affaire, l'avocat général Wathelet a souligné que : " Dans ces circonstances, qui sont caractérisées, d'une part, par la dépendance technologique du contrefacteur à la suite de l'incorporation à une norme de l'enseignement d'un brevet et, d'autre part, par des agissements déloyaux ou déraisonnables du titulaire du BEN, en contradiction avec son engagement d'accorder des licences à des conditions FRAND, face à un contrefacteur qui se serait montré objectivement prêt, désireux et apte à conclure une telle licence, l'introduction d'une action en cessation constitue un recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale, porte atteinte au jeu de la concurrence au détriment, en particulier, des consommateurs et des entreprises qui ont investi dans la préparation, l'adoption et l'application de la norme et doit être considérée comme un abus de position dominante au sens de l'article 102 TFUE " (333)
351. Quelle que soit la nature de la pratique d'exploitation commise, le standard de preuve reste le même, et consiste à apprécier si les comportements de l'entreprise dominante ont été accomplis dans une " mesure raisonnable ". La jurisprudence précise ainsi que l'existence d'une dominance " ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses propres intérêts commerciaux lorsque ceux-ci sont menacés, et cette entreprise a la faculté, dans une mesure raisonnable, d'accomplir les actes qu'elle juge appropriés en vue de protéger ses intérêts " (334).
352. S'agissant du comportement de l'entreprise dominante qui impose des conditions de transaction inéquitables, la jurisprudence examine si celles-ci sont à la fois nécessaires et proportionnées pour remplir l'objectif poursuivi par l'entreprise dominante ou la réalisation de son objet social (335).
353. À la différence des dispositions du c) du deuxième alinéa de l'article 102, applicables aux cas de discriminations (voir ci-dessous), celles du a) relatives aux conditions de transaction non équitables ne prévoient pas spécifiquement que les pratiques en cause infligent un désavantage dans la concurrence. Dans l'affaire Alsatel mentionnée plus haut (voir paragraphe 348), la Cour de justice a fait une application littérale de l'article 102, et considère que des conditions de transaction non équitables pouvaient être caractérisées au regard de l'article 102, sans qu'il soit besoin de démontrer des effets anticoncurrentiels.
Sur les effets sur la concurrence résultant de conditions de transaction inéquitables
354. Le grief notifié ne concerne pas seulement les pratiques relatives à l'établissement de Règles inéquitables, il concerne également leur application non objective, non transparente et discriminatoire.
355. La notion d'inéquité ne se confond pas avec celle de discrimination.
356. Lorsqu'une entreprise dominante édicte des règles discriminatoires, ces règles ne portent préjudice qu'à un nombre limité de ses clients - ceux qui sont discriminés - tandis que ceux qui ne subissent pas de discrimination ne se trouvent pas affectés négativement par la pratique discriminatoire. En revanche, lorsqu'une entreprise dominante définit des conditions de transaction inéquitables, celles-ci ont des effets plus larges, puisqu'elles sont susceptibles de s'appliquer à l'ensemble de ses clients.
357. Ainsi, la définition et l'application de conditions de transaction inéquitables sont capables de porter atteinte au fonctionnement normal de tout le marché sur lequel l'entreprise dominante opère, lorsque cette dernière est en monopole ou détient des parts de marché extrêmement élevées ou une position dominante " extraordinaire ". Dans un tel cas de figure, les produits ou services offerts par l'entreprise dominante représentent la totalité ou quasi- totalité de l'offre du marché et les clients qui souhaitent les acquérir n'auront d'autres choix que d'accepter les conditions de transaction déterminées par l'entreprise dominante, fussent- elles inéquitables, faute de pouvoir se tourner vers des opérateurs alternatifs qui répondent à leurs besoins.
358. La définition et l'application de conditions de vente inéquitables par une entreprise dominante peut également perturber le fonctionnement des marchés sur lesquels les clients de l'entreprise dominante opère, notamment lorsque l'entreprise dominante traite de manière discriminatoire ou aléatoire des clients qui opèrent sur un même marché.
359. S'agissant des traitements discriminatoires, le c) du deuxième alinéa de l'article 102 TFUE qualifie de potentiellement abusives les pratiques pouvant consister à " appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence " (soulignement ajouté).
360. Dans l'arrêt British Airways, la Cour de Justice de l'Union Européenne (ci-après la " CJUE ") a rappelé que pour prouver un abus de position dominante, il importe de " constater que le comportement de l'entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu'il tend à fausser ce rapport de concurrence, c'est-à-dire à entraver la position concurrentielle d'une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres " (336) (soulignement ajouté).
361. La jurisprudence relative aux dispositions de l'article 102 applicables aux discriminations (337), qui prévoient que les pratiques en cause infligent un " désavantage dans la concurrence ", précise les modalités de preuve des effets, notamment lorsque le comportement d'une entreprise dominante affecte des marchés différents de celui où elle est présente (338).
362. La Cour de Justice a eu récemment à se prononcer sur la notion de " désavantage dans la concurrence " dans l'affaire MEO (339) à l'occasion d'une demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de la concurrence, de la régulation et de la supervision portugais (340).
363. Dans cette affaire, la Cour a dit pour droit que : " la notion de " désavantage dans la concurrence ", au sens de l'article 102, second alinéa, sous c), TFUE, doit être interprétée en ce sens qu'elle vise, dans l'hypothèse où une entreprise dominante applique des prix discriminatoires à des partenaires commerciaux sur le marché en aval, la situation dans laquelle ce comportement est susceptible d'avoir pour effet une distorsion de la concurrence entre ces partenaires commerciaux. La constatation d'un tel " désavantage dans la concurrence " ne requiert pas la preuve d'une détérioration effective et quantifiable de la position concurrentielle, mais doit se fonder sur une analyse de l'ensemble des circonstances pertinentes de l'espèce qui permet de conclure que ledit comportement a une influence sur les coûts, sur les bénéfices, ou sur un autre intérêt pertinent d'un ou de plusieurs desdits partenaires, de sorte que ce comportement est de nature à affecter ladite position " (341).
364. Dans cet arrêt, la Cour précise également, s'agissant du standard de la preuve, que : " S'agissant de la question de savoir si, pour l'application de l'article 102, second alinéa, sous c), TFUE, il y a lieu de tenir compte de la gravité d'un éventuel désavantage concurrentiel, il convient de relever que la fixation d'un seuil de sensibilité (de minimis) en vue de déterminer une exploitation abusive d'une position dominante ne se justifie pas. Cependant, pour qu'elle soit susceptible de créer un désavantage dans la concurrence, il faut que la discrimination de prix visée à l'article 102, second alinéa, sous c), TFUE affecte les intérêts de l'opérateur qui s'est vu imposer des tarifs supérieurs par rapport à ses concurrents ".
365. Par ailleurs, une entreprise dominante sur un marché donné peut se voir reprocher un abus dont les effets affectent d'autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l'abus déploie ses effets revêtent un caractère de connexité suffisant (342).
366. Pour conclure, dans les développements qui suivent l'Autorité évaluera si les Règles mises en œuvre par Google relèvent d'un abus de position dominante en déterminant tout d'abord s'il s'agit de mesures raisonnables pour atteindre un objectif de protection des consommateurs notamment en déterminant si elles sont transparentes, objectives et non discriminatoires. Ensuite, l'examen des effets potentiels se fera, en premier lieu, sur le marché où Google détient sa position dominante à la fois vis-à-vis des annonceurs et des utilisateurs ; et, en second, lieu, sur les marchés aval qui présentent un lien de connexité suffisant avec le marché où Google est dominant. Dans ces deux cas, l'Autorité examinera si la mise en œuvre des Règles est susceptible de perturber le fonctionnement concurrentiel des marchés en cause.
Sur l'absence de nécessité de démonstration d'un avantage disproportionné de Google
367. Google soutient, en s'appuyant notamment sur les arrêts Tetra Pak II (343) et BRT (344), qu'un abus d'exploitation ne peut être caractérisé qu'à la condition que l'entreprise " exploite " son client ou partenaire commercial, c'est-à-dire qu'elle utilise sa position dominante pour retirer un avantage de son client ou partenaire commercial (par exemple, en lui imposant des conditions inéquitables ou des prix excessifs).
368. Or, en suspendant les comptes d'annonceurs, Google se priverait à court terme des revenus générés par ces annonceurs sans bénéfice de long terme. De plus, une entreprise dominante ne tirerait aucun bénéfice d'un manque d'objectivité et de transparence des termes contractuels. La seule rationalité économique pour Google de suspendre des comptes serait donc d'améliorer ses services sur le moteur de recherche auprès des usagers et d'assurer la défense des annonceurs de bonne foi, concurrents potentiels des opérateurs malveillants.
369. Toutefois, la démonstration de la nécessité pour l'entreprise dominante de retirer un avantage disproportionné de ses pratiques abusives dans le cadre d'un abus d'exploitation n'est exigée ni par les textes ni par la jurisprudence.
370. L'arrêt du Tribunal dans l'affaire Tetra Pak met, ainsi, en évidence le caractère dommageable de clauses contractuelles à l'égard des clients à qui elles sont imposées : " il apparaît clairement que les clauses de vente liée et les autres clauses visées dans la décision dépassaient l'objectif affiché et avaient pour objet de renforcer la position dominante de Tetra Pak en accentuant la dépendance économique de ses clients à son égard. Ces clauses étaient donc dépourvues de tout caractère raisonnable dans le cadre de la protection de la santé publique, et excédaient également le droit reconnu à une entreprise en position dominante de protéger ses intérêts commerciaux (voir, pour ce qui est du second aspect, l'arrêt United Brands/Commission, précité, point 189). Considérées isolément ou dans leur ensemble, elles présentaient un caractère inéquitable " (345).
371. L'arrêt de la Cour dans l'affaire BRT consiste également à vérifier si les limites à la liberté des auteurs de disposer de leurs œuvres restent nécessaires et proportionnées à la réalisation de l'objectif social de l'association (346).
372. Il résulte de ce qui précède que la démonstration d'un avantage disproportionné au profit de l'entreprise dominante n'est pas nécessaire à la démonstration d'une pratique d'abus.
373. En tout état de cause, Google a des intérêts parfois antagonistes qui peuvent la conduire à définir et mettre en œuvre des Règles de façon opaque et ambiguë.
D'un point de vue institutionnel, il est de son intérêt de pouvoir montrer qu'elle se conforme aux prescriptions des pouvoirs publics en matière de protection des consommateurs, ou aux engagements destinés à clarifier ses Règles spontanément proposés à l'Autorité dans l'affaire Navx (347).
D'un point de vue commercial, l'intérêt de Google est de maximiser ses revenus publicitaires à l'égard de l'ensemble des annonceurs, quitte à accepter la promotion de sites susceptibles de nuire au consommateur sur la plateforme Google Ads, tant que cela ne conduit pas à des pertes de revenus liées à une désaffection des utilisateurs qui excéderaient ce gain. Ainsi, il n'est pas rare que Google offre un accompagnement personnalisé à l'égard d'annonceurs, comme E-kanopi ou Ecométrie, qui ont bénéficié d'une " croissance exceptionnelle " sur Google Ads (348), dont les comptes avaient été suspendus pour violation de ses Règles (349), et alors même que leurs pratiques prétendument non conformes persistaient.
374. Il n'est donc pas évident que le comportement de Google ne lui ait pas bénéficié. Àc et égard, il convient de noter que les investissements publicitaires sur Google Ads des sites se livrant - selon la propre terminologie de Google - à des " promotions indignes de confiance " représentent parfois plus de la moitié (350), voire excèdent (351), leur chiffre d'affaires total. Google est donc, dans certains cas, le premier bénéficiaire des pratiques qu'elle estime nocives pour le consommateur, en retirant des revenus publicitaires significatifs de leur promotion sur sa plateforme. Or, Google n'aurait pas dû percevoir ces revenus publicitaires, si elle avait défini des Règles suffisamment claires et objectives, et les avaient appliquées de manière cohérente.
375. En outre, au-delà des objectifs affichés et rappelés au paragraphe 98, la définition et l'interprétation des Règles ont été opaques et aléatoires avec, pour des acteurs présentant des profils similaires, une application menant à des suspensions pour les uns, et une aide à des politiques de référencement plus efficaces pour les autres. Ce comportement a pu inciter les éditeurs à développer des sites proposant exclusivement des services non payants pour les utilisateurs, et financés indirectement par la vente d'espace publicitaire via la publicité " display " pour laquelle Google propose également des services d'intermédiation de publicité en ligne liée aux recherches par sa plateforme AdSense. Or, comme l'a établi la décision de la Commission du 20 mars 2019 relative à Google Adsense (352), Google détient une position dominante sur ce dernier marché (voir paragraphe 38).
Conclusion
376. Il résulte de ce qui précède que pour établir que Google a abusé de sa position dominante, l'Autorité démontrera d'abord que la définition et l'application des Règles sont inéquitables. Une telle pratique ne constitue pas une mesure raisonnable susceptible de préserver les intérêts de Google et n'est donc pas objectivement justifiée (b). L'Autorité démontrera ensuite que ce comportement a emporté des effets, à tout le moins potentiels, dans le marché en cause de la publicité en ligne liée aux recherches où Google détient une position dominante " extraordinaire ", mais également sur les marchés de services numériques où opèrent ses clients (c).
Sur le caractère inéquitable de la définition et de l'application des Règles
377. L'analyse factuelle du comportement de Google permet de constater que les annonceurs sont dans l'impossibilité de comprendre ce qui est attendu d'eux pour se conformer aux Règles et maintenir leurs annonces sur Google Ads. La rédaction des Règles est si ambigüe, complexe et difficilement compréhensible qu'elle empêche, tout d'abord, les éditeurs d'en avoir une compréhension claire et d'être en mesure d'évaluer si leur comportement est conforme auxdites Règles. L'annonceur de bonne foi n'est pas en mesure de porter une appréciation pertinente pour déterminer si les annonces qu'il diffuse sont conformes aux Règles. À cela s'ajoutent leur caractère très instable et l'absence de notification systématique de leurs changements.
378. L'appréciation de la portée précise de chaque Règle se heurte à leur grand nombre, à l'opacité de leur formulation et à l'absence, parfois, de distinction nette entre elles. Deux exemples particuliers, dénoncés par la saisissante dans le cadre de cette procédure, méritent d'être présentés de façon plus détaillée, en raison de leur importance pour les annonceurs sur les marchés analysés. Il s'agit de la Règle sur la " vente d'articles gratuits " et de la Règle sur les " promotions indignes de confiance ".
379. Les développements qui suivent démontreront successivement que les Règles ne sont pas équitables (i) car la règle sur la " vente d'articles gratuits " n'est ni objective ni transparente, la Règle relative aux " promotions indignes de confiance " est opaque. Les Règles sont par ailleurs très instables et ne font pas l'objet de notifications systématiques ; les Règles ont été appliquées de façon inéquitable (ii), et Google n'a pas présenté de justification pertinente pour expliquer l'absence de transparence et d'objectivité de ses Règles (iii).
La Règle est inéquitable dans sa définition
Sur le manque d'objectivité et de transparence de la Règle sur la " vente d'articles gratuits "
380. Comme indiqué aux paragraphes 97 et suivants, la Règle sur la " vente d'articles gratuits " a connu de nombreux changements entre 2012 et 2019. Il convient donc d'analyser sa portée et son interprétation en fonction de l'évolution de sa rédaction.
La Règle en vigueur de juillet 2012 jusqu'au mois d'août 2014
381. Il ressort des échanges entre Google et la Poste concernant le site annuaire.com qu'une première version de la Règle sur la " vente d'articles gratuits ", applicable entre juillet 2012 et avril 2013, imposait aux opérateurs proposant un service numérique payant disponible gratuitement ailleurs d'insérer un lien renvoyant l'internaute vers un site concurrent proposant le même service gratuitement.
382. Lors de la suspension du site annuaire.com en juillet 2012, Google avait ainsi indiqué à La Poste que " sur chaque page où un numéro est proposé qui peut être obtenu de façon habituellement gratuitement [sic], il vous faut préciser un lien d'un site depuis lequel vous pouvez obtenir ce numéro gratuitement " (353). L'éditeur du site avait alors proposé d'inclure des liens vers le service Google Maps comprenant les numéros de téléphone accessibles directement depuis Google Maps, qui a alors été considéré comme le " service gratuit " d'annuaires (354). Dans le cadre de cette modification du site annuaire.com, Google a néanmoins constaté que les liens vers Google Maps " avec le numéro disponible gratuitement " n'étaient pas valides et a maintenu la suspension du site (355) (voir paragraphe 201).
383. À compter d'avril 2013, Google a modifié la Règle sur la " vente d'articles gratuits ", en supprimant l'obligation, pour les acteurs proposant des services numériques payants, de renvoyer l'internaute vers un site mettant les mêmes informations à disposition gratuitement.
384. Toutefois, la nouvelle formulation de la Règle sur la vente d'articles gratuits ne permettait pas de délimiter clairement son champ d'application. Cette Règle interdisait " la promotion des sites qui facturent des frais pour des produits ou des services qui sont disponibles gratuitement ailleurs ", tout en prévoyant la possibilité de facturer des frais pour des " services associés " à des produits ou services gratuits. Or, dans la mesure où un même service numérique est susceptible d'être offert gratuitement ou de manière payante sur internet, il n'est pas possible de déterminer avec précision quelle catégorie de services relève de la qualification de " services associés ", pour lesquels la facturation de frais est autorisée, et de " services qui sont disponibles gratuitement ailleurs ", pour lesquels aucune vente n'est possible.
385. En outre, s'agissant des services associés, cette Règle ajoutait que " vos annonces et pages de destination ne peuvent pas promouvoir des services qui offrent peu ou pas de valeur ajoutée pour l'utilisateur par rapport au processus de demande d'origine, automatisé ou officiel en ligne ". On notera que cette référence au fait que le service doit " offrir de la valeur ajoutée " est particulièrement générique et d'interprétation difficile, cette notion étant dépourvue de toute explicitation. L'appréciation de la valeur ajoutée du service repose dans ce cas de figure sur la seule analyse de Google. Dans le cadre d'un échange avec La Poste en juin 2013, Google a refusé de prendre en compte l'appartenance de La Poste à l'organisme d'autorégulation SVA +, dont l'objet est pourtant précisément de déterminer les services apportant de la valeur ajoutée au consommateur (voir paragraphes 217 à 220). Pas plus que Google, la Poste ne disposait donc de moyen objectivement vérifiable lui permettant de déterminer si un service de son site apportait suffisamment de valeur ajoutée et ne s'assimilait pas à une vente de " services gratuits ".
386. Ainsi, la formulation de la Règle en vigueur à cette époque laissait suffisamment de marge à Google pour lui permettre d'apprécier de façon discrétionnaire ce que constituait un service gratuit.
La Règle en vigueur à compter de septembre 2014 et jusqu'enmars 2018
387. À compter de septembre 2014, la Règle sur la " vente d'articles gratuits " a été incorporée comme un exemple de " promotions indignes de confiance " (voir paragraphe 108). Cet exemple interdit, sans autre forme de précision, le fait de " facturer des frais aux utilisateurs pour des produits ou services qui sont normalement gratuits ".
388. Cette formulation lapidaire, en lieu et place d'une définition précise assortie d'illustrations concrètes, offre à Google une très large marge d'appréciation. Le caractère " normalement gratuit " d'un service n'est en effet pas aisément déterminable, comme le montre la variété des offres et des modèles économiques qui existent dans les trois secteurs visés par la saisine et plus particulièrement analysés dans le cas d'espèce.
389. Ainsi, dans le secteur de l'information légale et économique sur les entreprises, les services sont généralement fournis contre rémunération par les sites (voir paragraphe 62). L'information légale sur les entreprises est, par exemple, accessible à l'acte sur le site infogreffe.fr aux tarifs fixés par le décret n° 2007-812 relatif au tarif des greffiers des tribunaux de commerce et modifiant le Code de commerce.
390. Dans le secteur de l'information météorologique, les sites offrent un nombre important d'informations gratuites, mais les acteurs les plus importants du marché français proposent également des services payants spécifiques, depuis plus d'une dizaine d'années. C'est le cas de Météo France ou de Meteo Consult, qui proposent une offre payante par abonnement, fournie en contrepartie de l'absence de publicité et de la fourniture de services supplémentaires, comme des services à la carte (voir paragraphes 85 et 86).
391. Dans le secteur des services d'annuaire téléphonique, les numéros de téléphone sont généralement fournis sur les sites sans contrepartie financière des utilisateurs, mais plusieurs acteurs proposent également des services complémentaires payants. (voir paragraphes 69 et suivants).
La Règle en vigueur depuis mars 2018
392. Depuis le mois de mars 2018, les différentes versions de la Règle prohibant la " vente d'articles gratuits ", interdisent la pratique consistant à " facturer des produits ou services alors que l'offre principale est disponible gratuitement, ou à un prix réduit, auprès d'une source gouvernementale ou publique ". Cette Règle est accompagnée d'une liste non- exhaustive d'exemples de services numériques concernés. (voir paragraphe 119).
393. Si le libellé de cette Règle est un peu plus détaillé que celle en vigueur en septembre 2014 en faisant référence à " source gouvernementale " ou " publique ", son champ d'application demeure toujours incertain. Cette Règle vise aussi bien les services numériques gratuits disponibles auprès d'une source gouvernementale, que ceux disponibles gratuitement auprès d'une source " publique ". Or, l'accès à internet est public.
394. La notion de " source publique " n'étant pas définie, une lecture extensive de cette Règle permet donc de considérer que tout service numérique payant est susceptible de tomber sous le coup de la prohibition de la " vente d'articles gratuits ", dès lors qu'il est disponible sans contrepartie financière ailleurs sur internet. La Règle oblige en outre l'annonceur à se livrer à une appréciation particulièrement délicate, puisqu'il lui appartient de déterminer si l'information en cause est disponible sur internet, alors que cette disponibilité peut varier d'une période à l'autre.
La position de Google sur la formulation de la Règle
395. Dans ses observations en réponse à la notification de grief, Google a indiqué que la Règle sur la vente d'articles gratuits " n'interdit en aucun cas aux annonceurs de monétiser des services sur leur site internet autrement que par la publicité, dès lors que le site ne cache pas et ne déforme pas le fait que le service est payant, induisant de ce fait les utilisateurs à payer pour un service ou des informations qu'ils peuvent obtenir gratuitement, ou moyennent un prix très réduit, auprès de sources officielles ou accessibles au public " (356).
396. Google semble donc circonscrire la portée de la Règle sur la " vente d'articles gratuits "aux situations où l'internaute n'est pas informé clairement des conditions de facturation d'un service qui est disponible sans contrepartie financière ailleurs.
397. Pourtant, dans aucune de ses versions présentes au dossier, la Règle sur la " vente d'articles gratuits " ne comporte une restriction de cette nature. En raison de sa formulation générale, cette Règle semble toujours pouvoir s'appliquer à la vente de tout service numérique accessible sans contrepartie financière ailleurs sur internet, et cela même si le client est informé clairement du caractère payant de ce service.
398. À ce jour encore, la portée de la Règle sur la " vente d'articles gratuits "demeure difficile à appréhender. Les explications fournies par Google en séance ont porté sur l'information de l'utilisateur et n'ont pas permis de lever les questions sur l'étendue et l'autonomie de cette Règle, et les conditions précises dans lesquelles elle pouvait s'appliquer.
399. Il résulte de ce qui précède que la Règle sur la " vente d'articles gratuits " n'est ni objective ni transparente dans sa formulation. Comme expliqué aux paragraphes 471 et suivants, elle a été en outre appliquée de façon erratique et imprévisible, ce qui aggravait les incertitudes tenant à son libellé.
Sur l'opacité de la Règle relative aux " promotions indignes de confiance "
400. La Règle sur les " promotions indignes de confiance " visait les situations où l'annonceur " cache ou déforme des informations à propos d'une entreprise, d'un produit ou d'un service ". Cette Règle précisait expressément que ce type de comportements constitue " une sévère infraction ". À ce titre, sa violation pouvait entraîner une suspension immédiate et définitive du compte d'un annonceur, conformément aux conditions générales de vente qui prévoient qu'un site peut être suspendu sans préavis en cas de " manquement grave " aux Règles.
401. Cette Règle fournit une liste non-exhaustive d'exemples de promotions indignes de confiance, qui comprend notamment le fait de " facturer des frais aux utilisateurs pour des produits ou des services qui sont normalement gratuits ".
402. Il existe une incertitude sur le périmètre précis de cette Règle qui a une incidence sur la nature de la procédure applicable en cas de violation. Bien qu'elle n'en fasse aucunement mention dans les Règles applicables à cette période, Google soutient que la Règle sur les " promotions indignes de confiance " couvrait également, d'une part, les pratiques visant à cacher ou déformer des informations relatives aux conditions de facturation et, d'autre part, les techniques de dissimulation (357).
403. Au terme d'un examen précis de la rédaction des Règles, il apparaît toutefois que ces deux dernières pratiques sont appréhendées par des Règles distinctes et que leur manquement fait l'objet de sanctions différentes de celle prévue pour les " promotions indignes de confiance ".
404. Les pratiques consistant à cacher des informations sur les conditions de facturation d'un service sont en effet couvertes par la catégorie, distincte, de déclarations trompeuses dénommée " omission d'informations pertinentes ", qui recouvre les pratiques consistant à " ne pas mettre clairement en évidence le modèle de paiement et l'ensemble des frais à la charge de l'utilisateur ".
405. Google a transmis lors de l'instruction une annexe comprenant l'ensemble des violations non-graves au sens des Règles (358). Selon Google, dans la catégorie des " déclarations trompeuses ", toutes les pratiques sont considérées comme non graves, à l'exception des " promotions indignes de confiance ". Dans la mesure où les " omissions d'informations pertinentes " font partie des catégories de " déclarations trompeuses " ne relevant pas des " promotions indignes de confiance ", il peut être déduit des explications de Google que le fait d'occulter des informations se rapportant aux conditions de facturation constitue des " infractions non-graves " au sens des Règles. Cette catégorie de violations ne devrait donc pas entraîner la suspension immédiate du compte d'un annonceur.
406. S'agissant des pratiques de " dissimulation ", lors de la suspension des comptes de Gibmedia en janvier 2015, elles étaient présentées comme un exemple de pratique de " manipulation du réseau Google ". Cette pratique relève des Règles sur l' " utilisation abusive du réseau publicitaire ", qui sont distinctes de la Règle relative aux " promotions indignes de confiance ". À la différence des " promotions indignes de confiance ", les pratiques de " manipulation du réseau Google " n'étaient pas qualifiées de " sévères infractions " par les Règles en vigueur en septembre 2014 (359). Il n'est donc pas possible de déduire de la lecture de ces Règles que cette pratique constituait une " infraction grave " susceptible d'entraîner une suspension immédiate du compte d'un annonceur.
407. Le fait pour Google de qualifier une pratique commise par un annonceur de " promotions indignes de confiance ", alors que celle-ci relève d'une autre catégorie de Règle n'est donc pas neutre d'un point de vue contractuel. L'incidence directe pour les éditeurs de sites est que Google s'arroge le droit de suspendre sans préavis le compte de cet annonceur, alors que cette possibilité n'est pas prévue dans les stipulations contractuelles.
408. Ainsi, l'exemple de l'interprétation que Google fait du périmètre de la Règle relative aux " promotions indignes de confiance " montre, qu'indépendamment des choix rédactionnels de Google dans la formulation des Règles et de leurs modifications unilatérales fréquentes, Google prend la liberté de requalifier indirectement la nature des manquements, ce qui modifie notablement les procédures de suspension de comptes applicables.
Sur l'instabilité des Règles et l'absence de notification systématique de leur modification
409. Au cours de la période litigieuse, Google a fait évoluer le contenu des Règles à de nombreuses reprises et modifié fréquemment sa position sur leur interprétation. Cette instabilité des Règles a pour effet de maintenir certains annonceurs dans une situation d'insécurité juridique et économique, ceux-ci étant exposés à des changements de position de Google, et donc à la suspension de leur site ou même de leur compte, qu'ils ne peuvent pas anticiper, ni prévenir par un comportement déterminé.
410. À titre d'exemple, il a été constaté plus haut qu'au mois de juin 2014 (voir paragraphe 165), Google avait suspendu le compte lié au site annuaire-inverse.net édité par Gibmedia, avant de l'autoriser à nouveau le 10 septembre 2014. Lors de cette suspension, Google a demandé des précisions sur le caractère payant du service, sa valeur ajoutée et les informations fournies aux consommateurs. À la suite de plusieurs échanges avec les gestionnaires du site de Gibmedia, Google a considéré, au mois de septembre 2014, que l'offre, pourtant payante, du site annuaire-inverse.net était conforme à ses Règles relatives à la vente de services gratuits. En l'absence de modification du modèle de revenus du site et des services fournis entre les mois de septembre 2014 et janvier 2015, il est difficile de comprendre pourquoi l'offre du site annuaire-inverse.net a été suspendue définitivement par Google quelques mois plus tard.
411. Les annonceurs de Google sont donc placés dans une situation d'insécurité et de précarité est d'autant plus marquée que Google peut changer son interprétation d'une Règle en l'appliquant différemment, sans que son contenu soit expressément modifié. Elle peut également modifier le contenu d'une Règle sans notifier systématiquement cette modification aux annonceurs concernés.
412. À titre d'exemple, Google a suspendu le site annuaire.com à trois reprises entre les mois de juillet et novembre 2012, puis une quatrième fois en juin 2013, en justifiant ces suspensions par des modifications de la Règle sur la " vente d'articles gratuits "(voir paragraphes 198 et suivants).
413. Dans un email du 27 novembre 2012, Google a indiqué, en réponse à une demande de La Poste souhaitant être informée des modifications des Règles, qu'il n'était pas possible d'informer tous les clients des changements des Règles et l'a invitée à consulter le centre d'aide pour être informé de ces changements. Or, le journal des modifications du centre d'aide ne mentionne qu'une modification de la Règle sur la " vente d'articles gratuits " à la mi-juin 2012 et aucune lors du second semestre 2012 (voir paragraphe 136). La Règle sur la " vente d'articles gratuits " n'a, ainsi, pas été formellement modifiée entre les mois de juillet et novembre 2012 et rien ne permettait à La Poste de prévoir les changements de position de Google sur la conformité de son service d'annuaire avec les Règles.
414. La dernière suspension du site annuaire.com en juin 2013 a de nouveau été justifiée par Google par une mise à jour de la Règle sur la " vente d'articles gratuits ". Si cette modification a effectivement été publiée sur le centre d'aide, La Poste a indiqué à Google qu'aucune information ne lui avait été notifiée et qu'aucun délai ne lui avait été accordé pour effectuer les modifications nécessaires sur son site (360).
415. Il convient sur ce point de relever qu'en s'abstenant d'adresser des notifications aux annonceurs concernés par une modification de la Règle sur la vente d'articles gratuits, Google a réduit la portée des engagements qu'elle avait pris devant l'Autorité dans le cadre de l'affaire Navx de 2010 (voir paragraphe 373) (361). Dans cette affaire, Google s'était en effet engagée à rendre plus transparent et prévisible pour les annonceurs le fonctionnement de son service publicitaire concernant les dispositifs de contournement des contrôles routiers en France, en mettant notamment en place, au titre de l'engagement n° 3, une procédure d'information et de notification ciblée des modifications de la politique de contenus Google Ads jusqu'à la fin de l'année 2013. Si ces engagements concernent les dispositifs de contournement des contrôles routiers en France, la décision de l'Autorité a toutefois pris acte, dans son article 2, de l'engagement, assumé volontairement par Google, d'appliquer ces mêmes améliorations et clarifications à l'ensemble de ses politiques de contenus Google Ads, au-delà du seul secteur des bases de données de radars. Force est de constater que, contrairement ce à quoi Google s'était volontairement engagée en 2010, les faits du dossier révèlent que les modifications de la politique de contenus Google Ads pendant la période litigieuse ne faisaient pas systématiquement l'objet d'une procédure d'information et de notification ciblée.
416. En outre, il ressort de l'examen du journal des modifications accessible sur le site de Google Ads que les annonceurs ne sont pas systématiquement informés à l'avance du contenu des Règles dont Google a annoncé la révision, ni de leur date d'entrée en vigueur. Tel est en particulier le cas de l'annonce relative au changement de la catégorie de Règle " autres activités soumises à restriction ", à laquelle se rattache la Règle sur la " vente d'articles gratuits " publiée en septembre 2019. Cette annonce comporte une simple synthèse des modifications à venir et le mois auquel cette modification interviendra (décembre) (voir paragraphe 139). Le contenu de cette annonce est particulièrement elliptique, et ne permet d'appréhender ni la portée exacte de la nouvelle Règle, ni la date précise à laquelle celle-ci sera appliquée.
417. Il ressort donc de ce qui précède que les Règles sont instables et que leurs modifications ne font pas l'objet d'une procédure d'information claire, ni de notifications systématiques des annonceurs.
Sur l'application inéquitable des Règles
418. En l'espèce, le grief notifié concerne à la fois la définition de Règles et leur application. Tout d'abord, il faut noter que le manque de transparence et d'objectivité dans la définition des Règles donne à Google une marge d'appréciation discrétionnaire quant à leur application, ce qui peut conduire Google à traiter en pratique certains annonceurs de manière inéquitable. Cela peut être illustré par les traitements appliqués par Google aux opérateurs d'annuaires en ligne (voir paragraphes 471 et suivants).
Sur l'absence de justification pertinente apportée par Google pour expliquer l'absence de transparence et d'objectivité de ses Règles
419. En premier lieu, Google estime que la définition des Règles doit être suffisamment générale pour pouvoir s'appliquer aux contenus et aux modèles économiques, en évolution constante selon elle, qui existent ou peuvent apparaître sur internet. Elle considère qu'elle doit pouvoir appliquer ses Règles sans avoir besoin de les réécrire à chaque fois qu'un site met en œuvre de nouvelles pratiques ou lance un nouveau modèle économique et que le libellé de ces Règles ne doit pas être indûment prescriptif, au risque de limiter la capacité de Google à appréhender de nouveaux comportements malveillants.
420. Si l'objectif d'efficacité que recherche Google dans la définition de ses Règles n'apparaît pas critiquable dans son principe, Google, en tant qu'opérateur dominant sur lequel pèse une responsabilité particulière à l'égard de ses concurrents et de ses clients (voir paragraphes 322 et suivants), est tenu de le concilier avec son obligation de définir les Règles de fonctionnement de sa plateforme publicitaire de manière objective, transparente et non-discriminatoire.
421. Au demeurant, et comme expliqué supra (voir paragraphes 97 et suivants), Google fait fréquemment évoluer sa position sur la formulation de Règles déjà extrêmement confuses dans leur rédaction ou leur interprétation. Les Règles sur la " vente d'articles gratuits " et les " promotions indignes de confiance " ne peuvent être considérées comme objectives, transparentes et non discriminatoires. En outre, Google décide unilatéralement de modifier leur interprétation, leur rédaction, sans procéder à une information minimale des éditeurs de sites de sa position. Les annonceurs se trouvent donc dans l'incapacité de comprendre précisément si leurs services promus sur Google Ads sont susceptibles d'être concernés par ces Règles et, s'ils risquent d'être regardés comme affectés d'un manquement justifiant leur suspension.
422. En second lieu, Google soutient que les annonceurs peuvent poser des questions sur la portée ou l'interprétation des Règles en la contactant par téléphone, courriel, messagerie instantanée ou via des forums. De plus, certains annonceurs bénéficient d'un gestionnaire de comptes.
423. Le fait que les annonceurs puissent dialoguer avec certaines équipes de Google est certes un complément indispensable de la mise en œuvre des Règles mais ne permet cependant pas de remédier au manque d'objectivité et de transparence des Règles et de leur interprétation. D'une part, l'opacité et la non-intelligibilité des Règles ne peuvent être résolues par l'existence de services d'informations, aussi performants soient-ils. En outre, les annonceurs n'ont, en pratique, pas accès aux équipes " Policy " en charge du contrôle de la conformité des sites avec les Règles. Google a ainsi refusé d'accéder à la demande d'un annonceur qui souhaitait discuter directement avec les équipes de Google en charge de la conformité (362). Le chargé de compte de Gibmedia, qui a échangé avec cette société entre juin et septembre 2014, au sujet de la suspension des sites impot.gouv.fr et annuaires-inverse.net a déclaré qu'il n'était pas censé appliquer les Règles (363).
424. Il ressort par ailleurs des éléments du dossier que les équipes d'assistance avec lesquelles les annonceurs peuvent dialoguer éprouvent parfois elles-mêmes des difficultés à comprendre la portée et la teneur des Règles et doivent dans certains cas se retourner vers les équipes " Policy " pour tenter d'obtenir de leur part des " remarques constructives " (voir paragraphe 206). En outre, le service d'assistance de Google n'est pas en mesure de garantir aux annonceurs que les modifications qu'il leur demande d'effectuer pour se mettre en conformité avec une Règle seront suffisantes pour qu'un site soit jugé conforme à ladite Règle par les équipes " Policy ", faute d'avoir délégation pour pouvoir prendre des décisions en matière de conformité. Dans certains cas, les équipes d'assistance s'engagent auprès des annonceurs à recommander une levée de suspension de leur site auprès des équipes " Policy ", mais sont déjugées par ces dernières (voir paragraphe 154). Les explications avancées par les équipes d'assistance pour justifier le maintien de la suspension d'un site sont parfois très sommaires et imprécises, comme en témoigne la réponse formulée par l'équipe d'assistance à Ace Telecom lui indiquant que ce " genre de sites d'annuaire en ligne " n'est pas autorisé (voir paragraphe 181).
425. Quant aux gestionnaires de comptes auxquels certains annonceurs ont accès, ils ne sont pas en charge non plus de l'application des Règles. Ils peuvent être amenés à privilégier une approche commerciale et à fragiliser les clients qu'ils accompagnent vis-à-vis des Règles. Tel est en particulier le cas de la société Amadeus : les équipes commerciales de Google ont contribué activement à promouvoir ses services sur Google Ads, en participant à la rédaction des annonces et à la page d'accueil de son site jusqu'à la fin de l'année 2017, site qui sera ensuite suspendu par Google en janvier et juillet 2018 (voir paragraphes 241 et 242).
Conclusion sur la nature de la pratique
426. Il résulte de ce qui précède que les Règles de Google présentent la caractéristique de n'être ni objectives, ni transparentes, ni appliquées uniformément. Elles ne correspondent pas à une prise en compte proportionnée des objectifs de protection du consommateur de Google. Leur mise en œuvre e=est ainsi inéquitable, au sens du a) du deuxième alinéa de l'article 102 du TFUE.
427. En particulier, ces Règles laissent à Google toute marge d'appréciation pour les interpréter dans le sens qu'elle souhaite.
428. L'examen de la Règle sur la " vente d'articles gratuits " permet ainsi de constater que sa formulation laisse à Google toute discrétion pour interpréter ce qui doit être considéré comme gratuit ou payant sur les sites des annonceurs (voir paragraphes 381 et suivants).
429. Le pouvoir discrétionnaire de Google peut également être constaté à la fois (i) sur son interprétation extensive de la Règle sur les " promotions indignes de confiance ", qui lui permet d'appréhender des pratiques qui sont en principe couvertes par d'autres catégories de règles et (ii) sur la possibilité de modifier unilatéralement les Règles sans systématiquement annoncer les modifications à l'avance, ni prévenir les éditeurs par voie de notification. Contrairement à ce que Google soutient, les annonceurs n'ont aucun moyen fiable de connaître la position du service " Policy " avant de contracter avec Google ou au cours de l'exécution de leur contrat.
430. Ainsi, Google détient un véritable droit de contrôle sur les sites des annonceurs ou l'activité des éditeurs. Ces Règles sont imposées par Google, modifiées ad nutum et sans préavis, appliquées et interprétées de façon aléatoire et différenciée selon les sites et les circonstances.
431. Or, le respect de ces Règles est une condition nécessaire pour bénéficier des offres de Google sur le marché de la publicité liée aux recherches, alors même que la position dominante de Google, telle qu'analysée précédemment (voir paragraphes 303 et suivants), prive les éditeurs d'une offre alternative équivalente. La position des éditeurs à l'égard de l'offre de Google est donc particulièrement contrainte, n'ayant d'autre choix que d'accepter les Règles et le traitement aléatoire de leur application, ou de renoncer à recourir aux services de Google Ads.
432. Les Règles et la position de Google sur le marché permettent à ce dernier de bénéficier d'une marge de manœuvre disproportionnée, impactant directement les éditeurs souhaitant se développer via les services de Google Ads.
433. Il sera démontré dans les développements suivants que les effets potentiellement nocifs de ces Règles sont constatés en l'espèce.
Sur les effets de la pratique
434. Le manque d'équité affectant la mise en œuvre des Règles conduit à des effets sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches (a) et sur les marchés connexes où certains annonceurs sont présents (b). Les effets de la pratique sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches 435. Sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, l'investissement publicitaire des annonceurs qui se conforment aux Règles est perturbé par le maintien des annonceurs qui ne les respectent pas et par l'incertitude liée à la mise en œuvre des Règles.
436. Comme expliqué ci-avant (voir paragraphe 21), le placement de publicités sur Google Ads repose sur un mécanisme d'enchères entre les annonceurs. Or, les annonceurs qui se conforment aux Règles sont susceptibles de payer artificiellement un prix plus élevé pour leur publicité, puisqu'ils doivent potentiellement surenchérir sur les enchères faites par les annonceurs qui violent les Règles. L'application non-équitable et discriminatoire des Règles est donc susceptible d'engendrer une inflation artificielle du prix des annonces sur la plateforme Google Ads au détriment des annonceurs qui s'y conforment.
437. Ensuite, les annonceurs peuvent également perdre un spot publicitaire pour lequel un annonceur ne respectant pas les Règles aurait surenchéri. Dans ce cas de figure, l'internaute se retrouve exposé à de la publicité le renvoyant vers un site qui est susceptible de porter atteinte à ses intérêts, alors que ce site n'aurait pas dû être référencé sur Google Ads si les Règles avaient été définies et appliquées correctement. Comme il sera développé ci-dessous (voir paragraphes 500 et suivants), ces effets sont susceptibles de nuire au bien-être des internautes.
438. L'exposition d'internautes à des annonces malveillantes sur Google Ads est également susceptible de perturber la stratégie publicitaire des annonceurs qui respectent les Règles. En effet, lorsqu'un internaute, qui souhaite accéder à un service, clique sur une annonce Google Ads le renvoyant vers un site malveillant, l'internaute peut être dissuadé de recourir à des annonces Google Ads lorsqu'il achètera des services similaires dans le futur de peur d'être exposé de nouveau à des désagréments. Ce phénomène, connu sous le nom de " cécité aux publicités " (" ad blindness "), a été étudié et quantifié par des chercheurs de Google (364). Le maintien de sites malveillants sur Google Ads porte préjudice non seulement aux internautes qui en sont victimes, mais également à la réputation des annonceurs de bonne foi présents sur Google Ads, dont l'investissement publicitaire est perturbé.
Les effets de la pratique sur les marchés connexes
439. La jurisprudence, tant communautaire que nationale, admet qu'une entreprise dominante sur un marché donné puisse se voir reprocher un abus dont les effets affectent d'autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l'abus déploie ses effets revêtent un caractère de connexité suffisant (365).
440. S'agissant des marchés sur lesquels les effets des pratiques sont constatés, l'instruction s'est principalement centrée sur les effets des pratiques de Google à l'égard des trois secteurs d'activités concernés par la saisine de Gibmedia, en l'occurrence la fourniture par voie électronique de services payants d'informations météorologiques, d'informations sur les annuaires et d'informations juridiques et économiques sur les entreprises. Cette approche n'est cependant pas exclusive : le comportement de Google a eu des effets sur d'autres marchés liés à la fourniture d'informations. Ainsi, le dossier fait apparaître des cas de suspension de sites ou de comptes qui ne concernent pas les secteurs en cause. Au début du mois de janvier 2015, Google a suspendu des sites qui appartiennent à d'autres thématiques, et qui sont, selon Google, des services " officiels ", tels que les résultats d'examen ou les procédures administratives, et des services " non officiels " comme des services portant sur les prénoms d'enfants, les grossesses, l'information sportive ou encore les calculs d'honoraires (voir paragraphe 166) (366).
441. Il existe par ailleurs un lien de connexité entre, d'une part, le marché de la publicité liée aux recherches et d'autre part, les marchés de l'édition de sites internet et de la commercialisation de services numériques. Cette connexité résulte de l'offre particulière de publicité lorsqu'elle est associée aux recherches des internautes. Une annonce de publicité liée à une recherche ne consiste généralement pas à mettre directement en avant un produit ou une marque, comme le font souvent les offres traditionnelles des publicités hors ligne ou les offres des publicités en ligne non associées aux recherches, mais à mettre en avant le site internet d'un éditeur en vue de réaliser une transaction (voir paragraphe 286). Or, la commercialisation ou le succès du lancement de services numériques proposés par les sites dépendra des résultats de recherches des internautes sur les mots clefs pertinents, et donc des liens commerciaux proposés par le moteur de recherche. Ceci d'autant plus que le succès en termes de clics d'un lien Google Ads peut accroître les chances de référencement naturel à la suite d'une recherche.
442. Ainsi, les pratiques de Google sont susceptibles de produire des effets sur l'ensemble des marchés où interviennent les éditeurs de sites de services numériques sur internet. Les Règles édictées et appliquées par Google revêtent une importance d'autant plus particulière pour ceux-ci que Google est en position dominante sur le marché de la publicité liée aux recherches.
L'importance des services de Google Ads pour certains éditeurs de sites
L'ensemble des éditeurs ne dispose pas d'une véritable alternative à Google Ads
443. L'accès à un site internet peut se faire selon les quatre modalités suivantes :
Entrée (ou visite) directe : l'internaute entre directement l'adresse URL du site auquel il souhaite accéder sur son navigateur sans formuler de requête sur un moteur de recherche en ligne ;
Entrée par un moteur de recherche : l'internaute formule une requête dans la barre de recherche, puis accède au site en cliquant sur l'une de ces deux catégories de résultats :
- un résultat issu du référencement naturel ;
- un résultat issu d'une annonce Google Ads ;
Entrée via des publicités non liées aux recherches (courriels, publicité affichée) ;
Entrée par un autre site : l'internaute est renvoyé à un site en cliquant sur un lien qui est affiché alors qu'il consulte un autre site.
444. Google Ads est un service permettant aux annonceurs d'enchérir sur des mots clés afin de disposer d'espaces publicitaires présentés aux internautes effectuant des recherches incluant ces mots clés via Google. Google Ads permet ainsi aux éditeurs d'obtenir des visites sur leurs sites, ce trafic leur permettant ensuite de générer des revenus issus de la vente de biens ou de services et/ou des revenus publicitaires. Comme l'a déclaré un directeur de clientèle de Google, l'un des rôles de Google Ads est de générer du trafic pour les sites qui n'apparaissent pas de manière visible sur Internet : " énormément d'entreprises n'apparaissent pas de manière visible, c'est-à-dire dans les premiers résultats de recherche naturelle. AdWords va permettre de générer du trafic intéressé par les services du client, pour des requêtes données " (367). Selon une étude Ifop/Ad's up Consulting (368) de juin 2017, près de la moitié (45 %) des internautes qui utilisent le moteur de recherche Google cliquent le plus souvent sur les résultats sponsorisés Google Ads (et donc pas sur des liens, gratuits pour les éditeurs, correspondant au référencement naturel), alors que la proportion de ceux qui ne cliquent jamais sur les liens commerciaux Google Ads n'est que de 20 % (369).
445. Certains sites établis qui bénéficient d'une grande notoriété peuvent recourir à de la publicité de type display pour entretenir leur marque et l'attrait de leurs produits ou services. En revanche, le gain obtenu de publicités Google Ads est moindre que pour un nouvel entrant ou un acteur sans notoriété puisqu'un internaute, en tapant un mot clé, peut soit introduire le nom du site, soit le voir en tête du référencement naturel par pertinence.
446. La capacité de Google Ads à développer, dans certains cas fortement, le trafic de certains sites internet est mise en évidence par l'exemple d'Amadeus. Amadeus, un des acteurs du secteur des annuaires en ligne, a, en recourant intensément aux services de Google Ads, connu une croissance rapide en 2016-2017, au point d'obtenir, moins de 18 mois après son entrée sur le marché et selon une présentation qui lui a été faite par Google, un nombre de clics, depuis les terminaux mobiles, de plus de la moitié du nombre de clics adressés au site 118712.fr, édité par Orange, acteur historique des renseignements téléphoniques en France.
447. Les alternatives à Google Ads pour augmenter le trafic des sites internet présentent des particularités qui peuvent limiter leur pertinence pour les annonceurs, et à tout le moins leur caractère substituable à Google Ads.
448. En premier lieu, pour développer le trafic de leurs sites, les éditeurs peuvent tenter d'optimiser leur référencement naturel sur Google, afin d'apparaître dans les premiers résultats (hors liens commerciaux) de la page de recherche de Google. Néanmoins, une telle optimisation du référencement naturel est un exercice potentiellement long et complexe, qui peut nécessiter la modification des sites, des études marketing et techniques, cette optimisation étant en outre un processus continu, qui doit prendre en compte les évolutions de l'algorithme de Google Search. En outre, des études sur le comportement des internautes (370) ont montré que le taux de clics sur la première page était extrêmement majoritaire, alors que la première page de résultats ne contient qu'un nombre limité de liens (10). Plus encore, le taux de clics diminue rapidement sur la première page elle-même : selon les études en question, les trois premiers liens sont ainsi au moins 3 fois plus visités que les 3 liens suivants.
449. La Commission a effectué ce même type de constat dans sa décision Google Shopping (371), qui relevait que les trois à cinq premiers résultats à une requête généraient un trafic significatif, alors que les suivants étaient nettement moins consultés : selon les chiffres indiqués par la Commission, 98 % des clics se feraient sur la première page contenant dix résultats et plus des trois quarts des clics seraient concentrés sur les cinq premiers liens. Comme le nombre d'offreurs sur les différents secteurs d'activité en ligne est fréquemment supérieur à 10, l'optimisation du référencement naturel ne pourra fonctionner pour tous les offreurs en même temps et le référencement naturel ne pourra donc être utilisé par l'ensemble des éditeurs comme alternative à Google Ads. Ce constat fait écho à la déclaration d'un directeur de clientèle de Google rappelée supra (voir paragraphe 444).
450. En deuxième lieu, le référencement naturel sur les autres moteurs de recherche et les services équivalents à ceux de Google Ads proposés par ces concurrents de Google ont pour limite principale que la fréquentation des moteurs de recherche alternatifs à Google est faible. Bing et Yahoo Search, les deux principaux moteurs de recherche alternatifs à celui de Google, reçoivent en effet entre 15 et 40 fois moins de requêtes que Google. Des éditeurs de sites internet ont à cet égard évoqué des limites des services équivalents à Google Ads proposés par les concurrents de Google, en particulier leur potentiel beaucoup plus faible (372).
451. En troisième lieu, les éditeurs peuvent également développer les visites directes à leurs sites, c'est-à-dire sans que l'internaute passe par un moteur de recherche, ou générer du trafic via d'autres types de publicité (courriels, réseaux sociaux, publicité display, etc.). Néanmoins, le développement de visites directes implique que les éditeurs parviennent à développer la notoriété de leur site et des services qu'il propose, ce qui implique qu'ils puissent consacrer des moyens financiers potentiellement conséquents à cette fin. Quant aux autres formes de publicité, elles présentent des différences les rendant imparfaitement substituables aux publicités liées aux recherches, qui ont du reste conduit à définir un marché spécifique à celles-ci. La publicité liée aux recherches se distingue des autres formes de publicité en ligne, du fait qu'elle touche des internautes dans une démarche de recherche active, ce qui lui permet de générer des ventes immédiates. À l'inverse, les autres formes de publicité en ligne visent plutôt à développer la notoriété et la réputation des marques ; en outre, ces autres formes de publicité ne permettent pas de cibler des internautes présentant un besoin immédiat matérialisé par une recherche active aussi précisément que la publicité liée aux recherches.
452. Il résulte de ce qui précède que l'ensemble des éditeurs ne dispose pas d'une véritable alternative à Google Ads pour développer le trafic de leurs sites internet. Ce constat est corroboré par plusieurs exemples de sites au dossier, dont une part importante du trafic provenait de Google Ads : outre les sites mentionnés de l'entreprise saisissante, c'est la situation, par exemple, des sites de nombre de ses concurrents dans le secteur des annuaires en ligne (sites d'Audivox, Links Lab, Ecométrie, Ace Telecom, etc.). Il est aussi cohérent avec le fait que plusieurs des sites dont les comptes Google Ads ont été suspendus ont connu de fortes diminutions du trafic qui leur était adressé (373), ce qui indique une difficulté, pour ces sites, à trouver un autre vecteur de génération de trafic. Il est enfin illustré par l'exemple du site de la société Ecométrie, dont le contrat d'acquisition conclu lors de son changement de contrôle prévoyait une réduction du prix d'acquisition dans le cas où une coupure de tout ou partie des comptes Google Ads d'Ecométrie aurait lieu pendant une durée supérieure à 60 jours, ce qui démontre que le développement d'Ecométrie était, selon le vendeur comme l'acquéreur, lié à la qualité de la relation avec Google.
L'étude économique de Google confirme le manque d'alternative pour certains types d'annonceurs
453. Google a produit une étude économique contestant cette analyse. Selon cette étude, centrée sur les trois marchés sur lesquels la saisissante est active, à savoir les annuaires en ligne, les services d'informations météorologiques et les informations économiques et juridiques sur les entreprises, et portant sur la période 2004-2018, la part du trafic provenant du référencement payant (Google Ads, clics dits " payants " dans la suite) vers les sites présents sur ces marchés est plus de [...] fois inférieure à celle du trafic vers ces sites en provenance du référencement naturel (clics " gratuits " dans la suite). Plus généralement, les éditeurs de sites disposeraient de multiples sources de trafic. De plus, des sites aujourd'hui bien établis ont pu se développer sans recourir de façon significative au référencement payant. Dans ces circonstances, l'étude conclut qu'il ne serait pas démontré que Google Ads jouerait un rôle important dans l'animation concurrentielle sur les marchés sur lesquels Gibmedia est active.
454. L'approche adoptée par cette étude ne rend toutefois pas compte de la diversité des situations pour les éditeurs de sites internet, pour les raisons suivantes.
455. Premièrement, pour calculer les proportions relatives de clics " payants " et de clics " gratuits " pour chacun des marchés sur lesquels Gibmedia est actif, l'étude a pris en compte un ensemble de sites présents sur ces marchés, incluant en particulier des sites appartenant à de grands groupes, dont la situation peut être spécifique et la stratégie peu reproductible par des acteurs de taille plus modeste. De tels sites peuvent en effet, en s'appuyant sur les moyens de leur groupe, disposer d'une capacité supérieure pour optimiser leur référencement naturel ou développer leur notoriété via, par exemple, la publicité hors ligne, de sorte qu'il leur est plus aisé de se passer du référencement payant, ce qui ressort effectivement des données transmises et exploitées par Google dans son étude. Il aurait ainsi été pertinent d'isoler, dans l'analyse, les sites n'appartenant pas à de grands groupes. 456. Deuxièmement, pour démontrer le rôle prétendument marginal de Google Ads dans l'animation concurrentielle des marchés sur lesquels les éditeurs de sites internet sont actifs, l'étude de Google a calculé des proportions de clics payants et gratuits sur la période 2004- 2018 pour l'ensemble des sites qu'elle a identifiés sur les marchés concernés. Une telle analyse pose une question de méthode et masque une importante hétérogénéité entre sites et dans le temps.
457. Sur le plan de la méthode tout d'abord, l'étude économique de Google a calculé les proportions de clics payants et gratuits en considérant l'ensemble des requêtes effectuées par les internautes sur le moteur de recherche Google. Ce faisant, elle a pris en compte des requêtes pour lesquelles la conquête de clients est peu crédible, rendant le référencement payant peu pertinent. Ainsi, les requêtes dites " de navigation ", pour lesquelles l'internaute tape le nom d'un site afin de pouvoir, via la recherche Google, cliquer sur son adresse précise ne sont pas pertinentes pour apprécier les moyens de conquête d'un client, car celui-ci connait déjà en l'espèce le site. Les proportions de clics payants reçus de Google calculées à partir des requêtes autres que de navigation seraient donc plus élevées que celles indiquées par l'étude.
458. Par ailleurs, l'étude économique de Google masque deux types d'hétérogénéité entre les sites. D'une part, en procédant à un calcul sur une période de près de 15 ans, l'étude économique ne rend pas compte du fait que le poids de Google Ads a pu varier dans le temps et être sensiblement plus important en période de lancement et de croissance des services en ligne dans les secteurs étudiés. Ainsi, pour les services en ligne d'information juridique et économique sur les entreprises, le poids de Google Ads sur le nombre total de clics Google vers les sites non adossés à de grands groupes était significatif entre 2009 et 2013 (compris entre [0 -10] et [10 -20] %), période au cours de laquelle la fréquentation totale de ces sites en provenance de Google a été multipliée par plus de 4. Le poids du référencement payant est ensuite plus limité, particulièrement à partir de 2015 (environ [0 - 5] % des clics), étant rappelé que nombre de suspensions de comptes Google Ads ont été opérées par Google entre 2014 et 2015.
Figure 20 - Évolution du nombre total de clics depuis Google en millions et proportion de clics payants et de clics gratuits en %, pour les services en ligne d'information juridique et économique sur les entreprises (non adossés à des grands groupes)
[SCHEMA]
Source : données Google
459. Pour les services en ligne d'information météorologique, le poids moyen de Google Ads est de 29 % entre 2007 et 2011 pour les sites non adossés à de grands groupes, période pendant laquelle la fréquentation de ces sites à partir de Google est multipliée par environ 25et cesse d'être confidentielle (le nombre de clics, de l'ordre d'un million en 2007, dépasse les 32 millions en 2011). Le poids du référencement payant est ensuite plus limité, entre [0 - 5] %entre 2012 et 2014, proche de [0 - 5] % après 2015.
Figure 21 - Évolution du nombre total de clics depuis Google en millions et proportion de clics payants et de clics gratuits en %, pour les services en ligne d'information météorologique (non adossés à des grands groupes)
[SCHEMA]
Source : données Google
460. Enfin, la situation du marché de services d'annuaire téléphonique est quelque peu différente, le référencement payant ayant toujours joué un rôle significatif, et ce dès 2005. Le taux de clics payants pour les sites non adossés à des grands groupes a ainsi chaque année dépassé
Figure 22 - Évolution du nombre total de clics depuis Google en millions et proportion de clics payants et de clics gratuits en %, pour les services d'annuaires en ligne (non adossés à des grands groupes)
[SCHEMA]
Source : données Google
461. D'autre part, le calcul réalisé par l'étude économique de Google d'une moyenne des taux de clics payants par site, pondérée par le trafic reçu par chaque site, masque une forte hétérogénéité entre les différents sites quant à leur recours plus ou moins important au référencement payant via Google Ads. Une proportion significative des sites non adossés à des grands groupes a en effet recouru de façon intensive au référencement payant dans les trois secteurs concernés par l'étude économique sur la période 2004-2018. Ainsi, près d'un tiers des sites non adossés à des grands groupes dans les secteurs de l'information sur les entreprises a eu plus de [80 - 90] % de clics payants parmi les clics reçus de Google. Dans le secteur des annuaires, huit des vingt premiers sites non adossés à des grands groupes ont eu plus de [80 - 90] % de clics payants parmi les clics reçus de Google, et plus de la moitié des vingt premiers sites ont eu la moitié ou plus de clics payants parmi les clics en provenance de Google. Si la situation est plus nuancée pour les sites d'information météorologique, il reste que deux des douze sites identifiés par Google sur ce marché et non adossés à des grands groupes recevaient, parmi les clics en provenance de Google, plus de [80 - 90] % de clics payants.
Figure 23 - Proportions des clics payants pour les services en ligne d'information sur les entreprises (non adossés à des grands groupes) entre 2004 et 2018 (moyenne arithmétique)
[SCHEMA]
Source : données Google
Figure 24 - Proportions des clics payants pour les 20 principaux services d'annuaires en ligne (non adossés à des grands groupes) entre 2004 et 2018 (moyenne arithmétique)
[SCHEMA]
Source : données Google
Figure 25 - Proportions des clics payants pour les services d'information météorologique (non adossés à des grands groupes) entre 2004 et 2018 (moyenne arithmétique)
[SCHEMA]
Source : données Google
462. Il peut également être noté que le référencement payant semble plus employé par les éditeurs dans les premières années de lancement de leur site internet, comme l'illustrent les graphes ci-dessous qui présentent l'évolution de la proportion de clics payants parmi les clics en provenance de Google pour les sites non adossés à des grands groupes d'un " âge " (374) donné dans chacun des trois secteurs sur lesquels l'étude économique de Google s'est concentrée : en orange est indiquée la proportion moyenne de la proportion de clics payants pour les sites d'un âge donné, pondérée par le trafic de chaque site depuis Google, en gris la proportion moyenne de clics payants pour les sites d'un âge donné, sans pondération. Pour les sites non adossés à des grands groupes, Google Ads représentait en moyenne (arithmétique) lors des deux premières années de vie des sites internet plus de |50 - 60] % du nombre total de clics sur Google pour les sites d'informations sur les entreprises, plus de [60 - 70] % du nombre total de clics sur Google pour les sites d'annuaires, et entre [10 - 20] et [20 - 30] % du nombre total de clics sur Google pour les sites d'informations météorologiques. Ces proportions tendent à être plus faibles pour les sites apparus depuis plus longtemps.
Figure 26 - Proportions des clics payants par " âge " des sites non adossés à des grands groupes, à partir de 2004
[SCHEMA]
Source : données Google
463. Ce constat d'un poids significatif du référencement payant lors des premières années d'existence des sites vaut d'ailleurs pour certains des sites pour lesquels le référencement payant est relativement limité en moyenne sur la période 2004-2018. Par exemple, dans le secteur de l'information sur les entreprises, score3.fr qui, sur la période 2004-2018, a moins de [0 -5] % de clics payants parmi les clics reçus de Google, générait au moins [20 -30] % de son trafic depuis Google via Google Ads pendant ses quatre premières années d'existence ; de même, le trafic de creditsafe.fr (moins de [0 - 5] % de clics payants sur la période 2004-2018) depuis Google est presque exclusivement lié à Google Ads lors de ses deux premières années d'existence. Également, dans le secteur de l'information météorologique, plus de [70 - 80] % des clics reçus de Google par meteorama.fr ou par previmeteo.com (qui, sur la période 2004-2018, ont eu moins de [0 - 5] % de clics payants parmi les clics en provenance de Google) étaient payants lors de la première année d'existence de ces sites.
464. Troisièmement, s'agissant des autres sources de trafic constituées en particulier par les visites directes, Google ne met en évidence leur importance que sur trois exemples de sites dont la situation est particulière. Le premier exemple est celui du site 118712.fr, site édité par Orange, dont la légitimité en matière de renseignements téléphoniques est particulièrement forte, eu égard au fait qu'il exploitait auparavant le numéro " 12 " des renseignements téléphoniques. Le deuxième exemple est celui de Meteo Consult, qui est un des deux principaux fournisseurs de données météorologiques avec Météo France. Le troisième exemple est celui d'Infogreffe, qui est rattaché aux tribunaux de commerce et a donc une légitimité particulière s'agissant de l'information juridique et économique sur les entreprises. Ces exemples ne sauraient donc remettre en cause le constat que ces autres sources de trafic seront peu susceptibles d'être significatives pour des éditeurs à la notoriété ou aux moyens limités.
465. Enfin, dans une décision récente, la Commission a considéré que la clause d'un contrat de distribution sélective interdisant à un revendeur d'enchérir sur certains mots clés sur la plateforme publicitaire de Google était susceptible d'affecter la viabilité de ses activités sur Internet et devait être qualifiée de restriction par objet (375).
466. Dès lors, les données utilisées pour produire l'étude économique de Google confirment l'importance de Google Ads pour une partie des sites internet. Plus la notoriété d'un site est faible et plus son entrée sur le marché est récente, plus Google Ads devient essentiel. En outre, cette étude ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle les services Google Ads n'ont pas de réel équivalent pour une partie des sites internet.
Conclusion sur le lien de connexité
467. La plateforme publicitaire Google Ads doit donc bien être considérée comme un vecteur essentiel pour certains acteurs qui disposent d'une faible notoriété, pour entrer ou se maintenir sur un marché de fourniture de services numériques. Le lien de connexité requis par la jurisprudence est donc établi.
Sur la définition des Règles par Google
468. Ainsi qu'il a été vu plus haut, le manque d'équité de la mise en œuvre des Règles ne permet pas aux annonceurs de pouvoir anticiper l'impact des Règles sur leurs activités, ni d'adapter celles-ci de façon préventive. Cette incertitude diminue les incitations des annonceurs à lancer des modèles d'activité innovants qui risqueraient d'être jugées non-conformes aux Règles. C'est notamment le cas, des modèles économiques dans le cadre desquels l'internaute accepter de payer pour accéder à un contenu en contrepartie d'une moindre exposition à la publicité display, voire d'une transmission moindre de données personnelles.
469. Google a en effet défini une Règle sur la Vente d'articles gratuits qui pourrait favoriser les sites fondés sur un modèle de gratuité par rapport aux sites payants. La notion de " services normalement gratuits " ou " disponibles gratuitement ailleurs sur internet " étant impossible à appréhender de manière précise, certains sites peuvent renoncer à fournir des informations payantes et se financer exclusivement par la publicité pour éviter d'être sanctionnés par cette Règle. Tel a notamment été le cas de la société d'Ace Télécom qui, pour se maintenir sur Google Ads après sa suspension en juin 2014, a décidédans un premier temps de se financer exclusivement par la publicité (voir paragraphe182). Or, Google est également actif sur le marché de l'intermédiation de la publicité en ligne et propose ses services d'intermédiation aux sites qui souhaitent se financer par la publicité display. Ainsi, la Règle sur la vente d'articles gratuits est de nature à favoriser indirectement d'autres services publicitaires de Google, en l'occurrence les services d'intermédiation.
470. Dans le même sens, jusqu'en avril 2013, la Règle sur la " vente d'articles gratuits " imposait aux sites fournissant de manière payante des informations accessibles gratuitement ailleurs sur internet d'insérer un lien renvoyant l'internaute, qui cliquait dessus, vers un site proposant les mêmes informations de manière gratuite. La Règle sur la " vente d'articles gratuits " permettait à un site gratuit de bénéficier de manière indue d'un report de trafic provenant des sites payants, alors même que ces sites avaient consenti des investissements parfois importants sur Google Ads pour augmenter leur audience. Parmi les sites gratuits susceptibles de bénéficier de ce report de trafic figure notamment le service Google Maps. Comme expliqué ci-avant, le site annuaire.com, qui commercialise des services payants d'annuaires en ligne, a proposé d'insérer des liens vers le site de Google Maps qui fait apparaître les coordonnées téléphoniques des entreprises et propose des services d'extension d'appel sur lesquels Google se rémunère à chaque fois qu'un internaute clique dessus (voir paragraphe 36).
Sur l'application des Règles par Google
471. Le manque d'objectivité et de transparence des Règles a effectivement permis à Google de les appliquer de manière aléatoire et inéquitable, en établissant des différences de traitement entre opérateurs similaires (i) et adoptant, à l'égard des mêmes éditeurs, des revirements de position renforçant l'opacité des Règles et la marge de discrétion de Google (ii). Google ne présente pas de justification à ces pratiques (iii).
Sur les traitements différenciés et aléatoires non-justifiés
472. Google soutient que la suspension des comptes de Gibmedia et de quelques autres annonceurs était objectivement nécessaire, en ce qu'elle poursuivait un objectif de protection des utilisateurs.
473. Cet objectif légitime de protection du consommateur ne saurait cependant justifier que Google traite de manière différenciée et aléatoire des acteurs placés dans des situations comparables.
474. Google ne peut pas suspendre le compte d'un annonceur au motif qu'il proposerait des services qu'elle estime contraire aux intérêts du consommateur, tout en acceptant de référencer et d'accompagner activement sur sa plateforme publicitaire des sites qui vendent des services comparables dans des conditions comparables.
475. Au cas d'espèce, Google a suspendu les comptes rattachés aux sites d'annuaire inversé édités par Gibmedia, Ace Telecom et Audiovox, pour violation de la Règle sur les " promotions indignes de confiance " en 2015, tandis que les sites d'annuaires inversés édités par les sociétés Ecométrie (annuaire-inverse-France), Nathacom (inverseannuaire), Links Lab (allo-pages), Somnus (cquicenumero) et Dispofi (quipage) ont continué à être promus sur Google Ads.
476. Contrairement à ce que Google soutient, ces différences de traitement ne peuvent être justifiées par des différences " notables " en termes de services ou de présentation des conditions de facturation.
477. En particulier, les éléments figurant au dossier montrent que les sites rattachés aux comptes que Google a définitivement suspendus proposent des services équivalents à ceux qui ont continué d'être promus sur Google Ads et que leurs pratiques de facturation sont très similaires.
478. Ainsi, les services numériques payants proposés par les deux sociétés sœurs Ecométrie (annuaire-inverse-France) et Gibmedia (annuaires-inverse.net, pages-annuaires) étaient équivalents en terme de contenus (géolocalisation des numéros de téléphone fixes non- indexés dans leur base, écoute anonyme des messageries d'accueils des téléphones mobiles) et de mode de facturation (chacun des sites d'annuaires inversés utilisait en particulier la solution de paiement Contact +) en 2015. Pourtant, si Google a définitivement suspendu les sites édités par Gibmedia en janvier 2015, le site édité par Ecométrie a fait l'objet cette même année et les années suivantes d'un accompagnement personnalisé de Google visant à développer ses ventes (voir paragraphes 170 et suivants).
479. De même, le site d'annuaire inversé édité par Ace Telecom (discretel.fr), suspendu sur Google Ads en 2014, et le site d'annuaire inversé édité par Nathacom et hébergé par Ace Telecom (inverseannuaire.com), maintenu sur Google Ads, proposaient, lors de la suspension du site discretel.fr en 2014, des services numériques payants équivalents (identification des numéros mobiles par l'écoute anonyme de leur messagerie d'accueil), et des modes de facturation identiques (le site édité par Nathacom ayant mis en place la solution de paiement Contact + en septembre 2015) (voir paragraphe 183).
480. Le site d'annuaire inversé quipage.fr édité par Dispofi proposait un service payant d'écoute d'un numéro de mobile, ce service étant facturé notamment par la solution de paiement Contact + qui représentait 78 % des revenus de ce site (376). La société Dispofi a indiqué que le produit annuaire était proposé, dans le cadre d'une activité d'édition déléguée, à deux partenaires utilisant Google Ads (Links Lab qui édite allo-pages et Audiovox qui édite les- pages.com) (377). Ces deux sites utilisaient des solutions de paiement identiques pour la consultation du répondeur d'un numéro mobile, étant précisé que la solution Contact + représentait la très grande majorité de leurs revenus (80 % pour le site de Links Lab et 70 % pour le site d'Audiovox en 2015). Or, tandis que les sites allo-pages.fr et quipage.fr ont continué d'être promus sur Google Ads (voir paragraphes 190 et 191), le site les-pages.com a été définitivement suspendu par Google en mars 2015 (voir paragraphe 186).
481. Enfin, il convient d'observer que le site d'annuaire inversé " cquicenumero ", édité par la société Somnus et promu sur Google Ads, invite les internautes à consulter un autre site internet, a-qui-annuaire-inverse.fr, édité également par Somnus qui avait été pourtant suspendu de Google Ads en 2014 (voir paragraphe 196). (378).
482. Dans ses observations, Google avance tout d'abord l'argument de la nocivité des sites de Gibmedia pour les internautes et de sa mauvaise réputation. Selon Google, il existe de nombreuses preuves de l'impact négatif des pratiques de Gibmedia pour les consommateurs. Gibmedia " ne demande aucun consentement des utilisateurs pour le paiement ", et son modèle économique s'appuierait sur une " utilisation frauduleuse de la méthode de facturation Contact+ " (379). Google produit au dossier de nombreux commentaires très défavorables d'internautes et évoque de nombreuses plaintes de consommateurs. Les pratiques de Gibmedia y sont " qualifiées par les internautes, au choix, d' " escroquerie ", de " procédures abusives ", d' " arnaque qu'on peut aussi qualifier d'abus de faiblesse ", de " procédé mercantile et trompeur " ou de " piège à sous " " (380).
483. Contact+ est un mode de paiement sur internet reposant sur la facturation à la durée. L'opérateur Orange est le seul opérateur à avoir proposé cette solution de paiement, qui était activée par défaut chez ses abonnés. Contact+ prévoit plusieurs étapes préalables à l'accès au service fourni par l'éditeur : un premier bouton avec la mention Contact+ apparaît et indique le palier tarifaire composé d'un prix fixe (à la session) et d'un prix variable (à la minute) ; après avoir cliqué sur le premier bouton, un panneau de confirmation affiché par Orange demande à l'utilisateur de valider son choix. Ce panneau comprend le logo Contact+, le nom du service, le palier tarifaire, la mention confirmation d'achat et " paiement sur facture Orange ", le plafond à la session, la moyenne des votes des utilisateurs, la confirmation ou l'annulation d'achat, selon une taille de caractère et sur un fond laissés à la discrétion de l'éditeur. Cette solution de paiement a été supprimée en 2016, à la suite de nombreuses critiques de consommateurs.
484. L'existence de ces commentaires négatifs semble provenir du fait que l'internaute, ignorant que l'option Contact+ de son abonnement Orange est activée par défaut, n'a pas conscience de pouvoir être facturé en dehors des fonctionnalités de paiement qu'il emploie habituellement, comme la communication du numéro d'une carte de crédit ou l'appel d'un numéro surtaxé. Si un internaute attentif ne peut manquer d'être alerté par la double demande de confirmation et la mention du caractère payant du site, un consommateur inattentif ou trop rapide, et n'étant pas informé de l'activation par défaut de l'option " Contact+ " de son contrat avec l'opérateur Orange, semble pouvoir facilement être abusé.
485. Cependant, ce qui est reproché à Google n'est pas de prévenir les abus des sites, liés à ce mode de facturation, mais de rendre sa politique de contenu opaque, en réservant un traitement aléatoire ou différencié aux éditeurs proposant les mêmes services. Ainsi, Google pouvait légitimement considérer que la solution de paiement à la durée Contact+ d'Orange était susceptible de tromper le consommateur, compte tenu de l'activation par défaut du dispositif. Toutefois, un tel manquement ne figurait pas dans les Règles et Google a continué de promouvoir, parallèlement, certains sites recourant à ce mode de paiement sur Google Ads, après la suspension des sites de Gibmedia. Le comportement de Google est donc particulièrement peu lisible pour les annonceurs.
486. Ensuite, selon Google, cette différence de traitement se justifie par le fait que les sites d'annuaires en ligne non-suspendus présentaient clairement la solution de paiement Contact+, à la différence des sites de Gibmedia. Cette explication n'est pas recevable au regard des éléments figurant au dossier. Il ressort des captures d'écran du site allo-pages.fr produites par la société Links Lab en décembre 2015 (381) et celles des sites d'annuaires en ligne de Gibmedia produites par Google en juillet 2015 (382) que la présentation de la solution Contact+ était, au contraire, similaire entre ces deux opérateurs. Or, si les sites d'annuaires en ligne de Gibmedia ont été suspendus en janvier 2015, le site d'annuaire allo-pages apour sa part continué d'être promu sur Google Ads en 2015.
Sur le démarchage et l'accompagnement commercial de Google
487. L'interprétation aléatoire des Règles de Google a été relevée ci-dessus (voir notamment paragraphes 472 et suivants), au regard de l'absence de cohérence de position des équipes " Policy " et des équipes d'assistance sur l'interprétation qu'il convient de donner aux Règles.
488. Il en est de même s'agissant de l'application des Règles. Alors que Google a suspendu certains annonceurs en considérant que la promotion des annuaires en ligne n'était pas autorisée sur sa plateforme publicitaire, ses équipes commerciales ont proposé postérieurement à ces mêmes annonceurs des programmes d'accompagnement dont l'objectif était d'augmenter les investissements dans Google Ads, afin d'améliorer leur référencement au sein de Google Search.
489. Tel est le cas de la société Interactiv, démarchée par un commercial de Google le 17 avril 2015, alors que six de ses comptes avaient été suspendus pour des " promotions indignes de confiance " en janvier 2015 (voir paragraphe 226).
490. Tel est également le cas de la société Somnus qui édite deux sites d'annuaire en ligne (a-qui-annuaire.fr et cquicenumero) suspendus par Google pour violation de la Règle sur la " vente d'articles gratuits "lors du premier semestre 2014. Un commercial de Google a ainsi proposé un accompagnement personnalisé au site a-qui-annuaire.fr une dizaine de jours après la suspension de ce site. De même, le service d'accompagnement " Google Growth Accelerator " a été proposé au site cquicenumero.com le 24 août 2016.
491. La société Ecométrie, société-sœur de Gibmedia, que Google a suspendue à trois reprises entre 2012 et 2014, a également bénéficié en parallèle d'un accompagnement personnalisé de ses équipes commerciales. Ces dernières lui ont proposé d'organiser une " war room " contre les équipes Policy de Google en charge de l'application des Règles, afin d'éviter toute nouvelle suspension de son site. Après la dernière suspension du site d'Ecométrie le 20 juin 2014, Google a continué à proposer à cet acteur des offres d'accompagnement de ses ventes sur sa plateforme publicitaire. Ce site est même cité par les équipes commerciales de Google comme un site ayant enregistré " une croissance exceptionnelle " sur Google Ads, afin de promouvoir leur offre d'accompagnement auprès d'autres sociétés d'annuaires en ligne (383).
492. Google a également mis en œuvre une collaboration avec la société E-kanopi s'agissant des campagnes publicitaires de son site annuaire-inverse.com, alors que cette société avait été préalablement suspendue de cette plateforme publicitaire (384). Il y a lieu de rappeler que la société E-kanopi avait fait l'objet de suspensions de comptes en 2010, qui avaient donné lieu à une saisine de l'Autorité.
493. Enfin, Amadeus a bénéficié d'un accompagnement personnalisé des équipes de Google (" Google Growth Accelerator " puis " Mid Market Sales " (385)) jusqu'à la fin de l'année 2017, avant d'être suspendue une première fois en janvier 2018 et puis en juillet 2018 par Google. Dès janvier 2017, les pouvoirs publics avaient averti Google que les services de renseignement téléphonique " facturé 2,99 Euros l'appel puis 2,99 Euros par minutes " étaient susceptibles de porter atteinte aux intérêts du consommateur (386). Or, ces services sont précisément ceux qui étaient commercialisés par Amadeus et qui ont été mis en avant par les équipes commerciales de Google dans le cadre de l'accompagnement de cet acteur jusqu'à la fin de l'année 2017 (voir paragraphes 239 et suivants).
494. Il ressort de ce qui précède que les équipes commerciales de Google ont largement contribué au développement de sites commercialisant des services que ses propres équipes " policy " avaient interdits pour des raisons tenant à la protection du consommateur.
Sur l'absence de justifications apportées par Google pour expliquer le manque d'objectivité et de transparence dans l'application des Règles
495. Google estime que l'application des Règles doit être largement automatisée afin de pouvoir contrôler le plus objectivement et le plus efficacement possible un maximum d'annonces quotidiennement. Selon Google, ses outils automatiques de contrôle sont de plus en plus nombreux et sophistiqués. Ils reposent sur des indicateurs permettant de détecter les annonces non conformes et sont parfois complétés par des contrôles manuels dans les cas les plus complexes. Toutefois, ils ne permettent pas de détecter la totalité des annonces non conformes à un instant donné. Google estime donc qu'elle ne peut attendre que toutes les violations identiques soient détectées avant d'agir, même si cela peut entraîner des différences de traitement dans le temps entre des acteurs similaires.
496. Cette explication ne résiste pas à l'examen du dossier. Ainsi qu'il a été exposé supra (voir paragraphes 224 et suivant), les équipes commerciales de Google ont démarché de nombreux sites pour promouvoir leurs services sur sa plateforme publicitaire, alors même qu'ils avaient été préalablement suspendus pour des manquements aux Règles. Dans ces cas de figure, Google avait déjà détecté et sanctionné les violations aux Règles, ce qui ne l'a pas empêché d'apporter ensuite aux sites qui les avaient commises un soutien commercial.
497. En outre, si Google est parfaitement fondée à mettre en place les outils et procédures de contrôle qu'elle estime les mieux adaptés pour détecter les violations des Règles, elle ne saurait suspendre de façon aléatoire et incohérente les annonceurs de sa plateforme publicitaire, au seul motif que ses propres outils de contrôle ne permettent pas de couvrir la diversité des services des sites des annonceurs.
498. Par ailleurs, l'argument tiré de ce que l'incohérence de l'application des Règles tiendrait aux pratiques de dissimulation de certains sites n'est pas étayé. Les explications de Google selon lesquelles Gibmedia s'était livrée à des pratiques de " dissimulation ", en ne lui révélant pas qu'elle utilisait la solution de paiement Contact+ illustrent ce point. L'incapacité de Google à détecter les pratiques de facturation " Contact + " s'explique, en effet, principalement par le fait que Google ne disposait pas d'un abonnement Orange, ce qui ne saurait être reproché en soi à Gibmedia.
499. Comme indiqué supra, la solution de paiement à la durée " Contact+ " était proposée uniquement par Orange (voir paragraphe 483). Les sites internet qui proposaient cette solution de paiement ont donc développé des versions spécifiques de leurs sites pour les abonnés d'Orange, différentes de celles auxquelles avaient accès les abonnés d'autres fournisseurs d'accès internet qui ne proposaient pas ce mode de paiement. Or, Google a déclaré ne disposer que d'un choix très limité de fournisseurs (pour de nombreux pays, seul un fournisseur est disponible) et que ce n'est qu'à partir du début de l'année 2015 que son examen manuel depuis l'Irlande a pu couvrir à la fois Orange et SFR en France (voir paragraphes 144et 145). Auparavant, l'examen manuel à distance était organisé ad hoc et ne couvrait pas diverses versions en fonction du fournisseur d'accès internet (387).
Conclusion sur les effets de la pratique
500. Il résulte de ce qui précède que le comportement de Google, dans l'établissement, la mise en œuvre et l'application des Règles est contraire aux dispositions de l'article 102 TFUE et L. 420-2 du Code de commerce, en raison des effets de cette pratique.
501. Outre les effets directs sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches, cette situation a pour effet, au moins potentiel, de perturber le fonctionnement de la concurrence sur les marchés à l'aval sur lesquels les éditeurs opèrent. Comme indiqué supra (voir paragraphes 445 et suivants), la plateforme publicitaire Google Ads est un vecteur essentiel notamment pour certains acteurs qui disposent de peu de notoriété, pour entrer ou se maintenir sur un marché de fourniture de services numériques. Or, ces acteurs peuvent contribuer à animer la concurrence sur internet, à tout le moins en diversifiant l'offre proposée aux internautes, mais aussi, pour certains, en proposant des services innovants, répondant à certaines préférences des internautes ou de meilleure qualité par rapport à ceux qui sont affichés dans les premiers résultats de la page de recherche de Google.
502. Or, l'opacité des Règles et leur application aléatoire sont de nature à modifier les incitations des éditeurs de sites, notamment innovants, et à les décourager de développer des modèles reposant sur une facturation des utilisateurs. En effet, la possibilité de recours aux services de Google Ads pour acquérir une visibilité initiale auprès des utilisateurs est sujette à des risques accrus du fait du comportement de Google. L'application aléatoire des Règles et leur forte instabilité sont susceptibles de dissuader des acteurs d'investir dans le développement de nouveaux services numériques, en particulier si ceux-ci sont susceptibles d'être concernés par la Règle sur la " vente d'articles gratuits ". Le fait qu'un service ou un contenu soit accessible gratuitement sur internet n'implique pas pour autant que sa commercialisation sous une forme payante soit dépourvue de " valeur ajoutée " pour le consommateur, par exemple en réduisant son exposition à la publicité ou en facilitant ou structurant l'accès à des informations qui peuvent être éparpillées sur plusieurs sources sur internet.
503. En outre, l'application discriminatoire des Règles est également susceptible de favoriser, de manière non-justifiée, certaines catégories d'acteurs par rapport à d'autres et de perturber le fonctionnement concurrentiel des marchés de services numériques à l'aval. La définition et l'application inéquitable et discriminatoire des Règles ne permettent pas d'éviter le maintien de sites potentiellement nocifs pour le consommateur. Ainsi, le comportement de Google a également un effet négatif sur l'autre face de l'activité de la publicité liée aux recherches, les utilisateurs.
504. Les Règles ne permettent pas d'éviter la création et le développement de sites qui vendent des services " normalement gratuits " à des prix abusifs avec des conditions de facturation opaques sans fournir aucune valeur ajoutée pour le consommateur, dans la mesure où le coût d'entrée de ce type de sites est non-significatif et que leur recherche de profit est court- termiste.
505. Les pratiques de Google ne permettent donc pas de supprimer efficacement du résultat des recherches des internautes les sites qui trompent les consommateurs, notamment en leur vendant des services qu'ils pensaient être gratuits ou en ne les informant pas clairement des prix à payer. La qualité de l'offre sur les marchés considérés s'en ressent, alors même que l'application claire de Règles transparentes devrait inciter les sites innovants à se développer en utilisant les services de Google et donc avoir l'effet vertueux inverse sur les marchés.
506. Décourageant ainsi l'initiative des sites de proposer des services véritablement concurrentiels et innovants, et diminuant en conséquence la diversité de l'offre, les pratiques de Google affaiblissent la pression concurrentielle entre les sites présents sur un même marché.
507. En outre, en traitant de manière différenciée et aléatoire des acteurs qui commercialisent de manière similaire des services numériques que Google estime nocifs, Google perturbe le fonctionnement normal du marché de la publicité en ligne sans protéger efficacement les consommateurs.
508. Comme le souligne à juste titre Google, les annonces malveillantes sont, en effet, une menace pour (i) les internautes, qui risquent, en cliquant sur des annonces, d'être exposés à certains risques ou désagréments et (ii) les annonceurs de bonne foi, dont l'investissement publicitaire est perturbé (388). Il y a donc un effet doublement négatif sur les utilisateurs en les exposant à des contenus nocifs et en perturbant la concurrence sur les marchés aval dont les utilisateurs sont aussi des clients.
509. Au cas d'espèce, les pratiques de Google sont susceptibles de causer des effets anticoncurrentiels dans un grand nombre de marchés aval. L'existence d'effets anticoncurrentiels, à tout le moins potentiels, causés par les pratiques de Google est établie dans le secteur des annuaires en ligne, l'Autorité ayant rapporté la preuve de traitements discriminatoires et inéquitables dans ce secteur par Google. En outre, Google a suspendu en janvier 2015 le site info-meteo.comédité par la société Gibmedia qui proposait des services payants d'informations météorologiques facturés par Contact+, au motif qu'ils contrevenaient à la Règle sur les " promotions indignes de confiance " (voir paragraphe 167). En revanche, Audiovox a déclaré que son site d'informations météorologiques (point.meteo.fr) qui proposait également des services payants facturés par Contact + n'avait pas été suspendu de Google Ads (voir paragraphe 187). La société Interactiv a également dénoncé des différences de traitement dans le secteur de la cartographie, des recettes de cuisine, des résultats d'examens, des services de santé et des horaires de trains (voir paragraphe 225).
Conclusion sur la pratique abusive de Google
510. La pratique de Google est contraire aux règles des articles 102 TFUE et L. 420-2 du Code de commerce, en raison de son objet et ses effets nocifs pour la concurrence.
511. La définition non-objective et non transparente des Règles permet à Google de les appliquer de façon non-équitable et discriminatoire. Une telle pratique est susceptible de perturber le fonctionnement du marché de la publicité en ligne liée aux recherches, mais également celui des marchés aval de fourniture de services numériques où opèrent les clients du service Google Ads. Ces pratiques exposent également l'internaute à des sites potentiellement nocifs.
512. Au cas d'espèce, l'Autorité a démontré que les Règles Google Ads, en particulier celles sur la vente d'articles gratuits et les promotions indignes de confiance étaient anticoncurrentielles, en ce qu'elles n'étaient pas définies de manière transparente et objective sont susceptibles d'effets anticoncurrentiels sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches et sur des marchés aval. L'Autorité a démontré l'existence d'effets anticoncurrentiels, à tout le moins potentiels, sur l'activité aval de services d'annuaires en ligne.
513. Il résulte de ce qui précède que l'établissement et la mise en œuvre des Règles contractuelles Google Ads, applicables entre Google et les annonceurs sur le marché de la publicité en ligne, constituent des pratiques abusives, qui violent les articles 102 TFUE et L. 420-2 du Code de commerce.
Sur la durée de la pratique
514. La notification de grief indique que " les pratiques [...] sont mises en œuvre depuis l'année 2012 et sont toujours en œuvre aujourd'hui ". Dans le rapport, les services d'instruction précisent que l'infraction a débuté le 24 juillet 2012 - date à laquelle Google aurait demandé au site annuaire.com d'inclure des liens hypertexte renvoyant à son propre service Google Maps - et a pris fin le 30 octobre 2018, date d'envoi de la notification de grief (389). Google conteste la durée de l'infraction.
515. S'agissant de la date de début de l'infraction, Google soutient que la date retenue par la notification de grief est sans lien avec le grief allégué. Google estime que la pratique reprochée à son encontre le 24 juillet 2012 correspond à des pratiques de self favouring et que cette pratique ne fait pas partie des éléments présentés dans la notification de grief pour justifier le point de départ du délai. Selon Google, le dossier ne contiendrait aucun élément de preuve permettant d'établir qu'elle a suspendu le site annuaire.com dans des conditions " non-objectives, non transparentes et discriminatoires " qui font l'objet du grief notifié. Google en conclut que le grief ne pouvait pas débuter avant le mois de janvier 2015, période à laquelle les sites de Gibmedia ont été suspendus.
516. La notification de grief mentionne expressément les conditions de suspension du site annuaire.com au stade des constatations (390) et de la qualification des pratiques (391), pour illustrer le manque d'objectivité et de transparence des procédures de suspension des comptes appliquées par Google. En outre, dans ses observations en réponse à la notification de grief, Google précise avoir considéré que le site annuaire.com était susceptible d'être affecté par les pratiques pour les besoins de son analyse sur les effets anticoncurrentiels des pratiques (392). Les conditions de suspension du site annuaire.com sont donc critiquées par la notification de grief pour leur manque d'objectivité et de transparence - cette pratique se rattachant directement au grief notifié - et ce site a été pris en considération par Google dans les moyens de défense présentés devant l'Autorité.
517. Au regard de ce qui précède, il conviendra d'écarter les arguments de Google et de retenir la date du 24 juillet 2012 comme date de début des pratiques.
518. S'agissant de la date de fin de l'infraction, Google soutient que la notification de grief n'explique pas en quoi les pratiques seraient toujours en cours à la date d'envoi du grief, dans la mesure où les Règles ont été modifiées à plusieurs reprises depuis janvier 2015 (date de suspension des sites de Gibmedia). Elle souligne à cet égard que la Règle sur la " vente d'articles gratuits "a été modifiée en mars 2018, afin qu'une violation de cette Règle n'entraine plus de suspension immédiate du compte de l'annonceur.
519. En mars 2018, Google a certes modifié la Règle relative aux " promotions indignes de confiance " (devenues " comportements non fiables "), afin que celle-ci ne recouvre plus la Règle sur la vente d'articles gratuits et que sa violation n'entraîne plus la suspension immédiate d'un compte. Toutefois, cette Règle a été réintroduite parmi une autre catégorie de Règles dénommée " autres activités soumises à restriction " et, bien que son libellé ait été reformulé, elle ne répond toujours pas aux critères d'objectivité et de transparence, dans la mesure où sa portée demeure difficile à appréhender et ne permet pas de délimiter de manière précise la catégorie de services numériques qu'elle recouvre (voir paragraphe 392).
520. Au regard de ce qui précède, il convient de retenir la date du 30 octobre 2018, comme date de fin du constat des pratiques.
D. SUR L'IMPUTABILITE DE LA PRATIQUE
1. LES PRINCIPES APPLICABLES
521. Il résulte d'une jurisprudence constante que les articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE visent les infractions commises par des entreprises, notion qui désigne une unité économique, même si, du point de vue juridique, celle-ci est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales. Cette entité économique doit, lorsqu'elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction, conformément au principe de responsabilité personnelle (393).
522. Ainsi, au sein d'un groupe de sociétés, le comportement d'une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (394).
523. Dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d'une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d'un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, présomption compatible avec les principes de responsabilité personnelle et d'individualisation des peines. Dans cette hypothèse, il suffit pour l'autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteur des pratiques à la société mère. La société mère peut renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve susceptibles de démontrer que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d'action sur le marché. Si la présomption n'est pas renversée, l'autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère pour solidairement responsable pour le paiement de la sanction infligée à sa filiale (395).
2. APPRECIATION EN L'ESPECE
524. En premier lieu, les pratiques peuvent être imputées àGoogle Inc., devenue Google LLCen septembre 2017, en tant qu'auteur, dans la mesure où les Règles et les modalités de contrôle de l'activité des annonceurs sont définies au niveau mondial par Google LLC. (396). [...] (397). [...] (398).
525. Les pratiques peuvent également être imputées à Google Ireland Ltd en tant qu'auteur. Àcet égard, Google a déclaré que " le service AdWords est fourni aux annonceurs AdWords français par Google Ireland Limited " [...] (399). En outre, les annonceurs doivent accepter les conditions générales de Google Ireland Ltd pour pouvoir utiliser le service Google Ads (400). Google Ireland Ltd est une filiale de Google Ireland Holdings dont la société mère est Alphabet Inc.
526. Les pratiques peuvent enfin être imputées à Google France en tant qu'auteur. En effet, il s'avère que Google France peut être impliquée dans les enquêtes présidant à la suspension des sites ou des comptes, et qu'elle l'a notamment été dans l'enquête interne concernant Gibmedia (401).
527. En second lieu, les pratiques peuvent être imputées à Alphabet Inc. en tant que société mère de ces trois sociétés auteurs, à partir du 2 octobre 2015. À compter de cette date, la société Alphabet Inc. a remplacé Google Inc. (devenue Google LLC en septembre 2017) en tant qu'entité consolidante (402). La société mère ultime de Google Ireland Ltd, qui est une filiale détenue intégralement par Google Ireland Holdings, est Alphabet Inc (403). Google LLC est quant à elle devenue une filiale détenue intégralement par Alphabet Inc. (404).
528. Les pratiques peuvent être également imputées à Google LLC. en tant que société mère des sociétés Google Ireland Ltd et Google France, pour la période allant de 2012 au mois d'octobre 2015, date de la création de la société Alphabet Inc.
E. SUR LES SANCTIONS
1. SUR LA SANCTION PECUNIAIRE
Sur l'adoption d'une méthode forfaitaire
529. Le Communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (" le Communiqué ") permet de clarifier la méthode suivie par l'Autorité dans la fixation du montant des sanctions qu'elle inflige en cas d'infractions aux règles de concurrence. Il donne une traduction concrète aux critères légaux de gravité des faits reprochés, de dommage à l'économie, d'individualisation et de prise en compte de la réitération (405). Le communiqué propose ainsi aux entreprises davantage de transparence des règles et leur assure une cohérence dans leur application (406).
530. Le Communiqué permet également de garantir l'effectivité des sanctions prononcées par l'Autorité. La Cour de justice a considéré à cet égard que l'effectivité des sanctions prononcées par les autorités de concurrence en Europe conditionne l'application cohérente des règles européennes de concurrence (407). L'effectivité permet aussi aux sanctions de remplir leur double fonction, qui est de punir l'entreprise à la mesure de la gravité des faits commis et du dommage à l'économie qui en résulte, et de dissuader, tant l'entreprise en cause que les autres agents économiques, de commettre de nouvelles infractions aux règles de concurrence (408).
531. L'application du Communiqué ne saurait cependant compromettre ces objectifs d'application cohérente de la méthode de détermination et d'effectivité de la sanction infligée. Ainsi, le Communiqué " engage l'Autorité, qui doit déterminer les sanctions pécuniaires qu'elle impose de façon cohérente. Il lui est donc opposable, sauf à ce qu'elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d'intérêt général la conduisant à s'en écarter dans un cas donné " (409).
532. Les circonstances de l'espèce conduisent l'Autorité à ne pas appliquer le communiqué sanctions. Son application aurait en effet pour conséquence de fixer une sanction non proportionnée à la gravité des faits et à l'importance du dommage causé à l'économie, qui serait dépourvue de tout caractère dissuasif et répressif.
533. La référence prise dans le Communiqué pour donner une traduction chiffrée à la gravité des faits et l'importance du dommage causé à l'économie est la valeur de l'ensemble des catégories de produits ou de services en relation avec l'infraction vendues par l'entreprise en cause (410).
534. En l'espèce, les pratiques en cause ont concerné l'ensemble des Règles et l'ensemble de la clientèle de Google. La valeur des ventes ne peut donc être réduite à celles des services publicitaires de Google Ads sur les trois marchés concernés par la saisine. Les éléments figurant au dossier montrent que bien d'autres secteurs ont été concernés par les pratiques de Google, notamment des sites dont les thématiques concernent les résultats d'examens, les concours, les calculs d'impôts, les documents administratifs, les services de cartographie, les recettes de cuisine, les sites santé (voir par exemple le paragraphe 225). Une telle approche conduirait à un montant de sanction non-proportionnée au regard de l'impératif de dissuasion. Les ventes concernées ne représentent, selon Google, [...] de l'ensemble des ventes de Google Ads (411). Cette approche ne permettrait pas à l'Autorité de fixer un montant de sanction proportionné à la gravité des faits reprochés et au dommage causé à l'économie, qui nécessitent de tenir compte, notamment, de la nature de la restriction, de son objet, de la part de marché de l'entreprise impliquée, de la situation du marché à l'intérieur duquel a été commise la violation des règles de concurrence (412) et de l'ampleur de l'infraction (413).
535. Une sanction non proportionnée au regard de l'impératif de dissuasion ne permettrait pas de répondre à la nécessité de fixer des sanctions à un montant suffisamment répressif et dissuasif. Or, le contexte des pratiques montre l'importance de la fonction dissuasive de la sanction qui doit être infligée à Google.
536. Il doit être en effet rappelé que les problèmes de concurrence relatifs à la clarté et à l'application des Règles aux éditeurs de sites ne constituent pas un sujet nouveau pour Google. Par deux décisions de 2010 (414), l'Autorité a pris des mesures conservatoires, puis rendu obligatoires des engagements destinés à clarifier la politique de contenus à l'égard des annonceurs présents dans le secteur des dispositifs de contournement des contrôles routiers. À l'occasion de la procédure au fond, Google a indiqué à l'Autorité qu'en pratique, elle appliquera les améliorations permises par la clarification des règles à tous les contenus admis sur le service Google Ads, dans tous les pays concernés par ce service. L'Autorité a pris acte de la volonté de Google d'apporter davantage de transparence et de prévisibilité aux annonceurs au-delà du cas individuel qui lui a été soumis.
537. Dans une décision postérieure de rejet pour défaut d'éléments probants de 2013, l'Autorité a cependant émis des doutes sur le dispositif mis en place par Google. La décision précise que " l'Autorité s'interroge sur la portée pratique donnée par Google aux engagements, pris volontairement dans le cadre de l'affaire précitée, d'étendre les améliorations et clarifications apportées par les engagements répondant aux préoccupations de l'Autorité en ce qui concerne le secteur des bases de données de radars à l'ensemble de ses politiques et contenus Adwords. L'Autorité s'interroge également sur l'interprétation que fait Google des circonstances de risque grave et immédiat qui justifieraient le non-respect de la procédure prévu par l'engagement n° 4. Une interprétation trop large de ces éléments pourrait conduire Google à considérer qu'en cas de violation par le client des règles contractuelles, elle ne serait pas tenue par ladite procédure ". Elle relève également qu' " une interprétation par trop restrictive, à l'égard de tel ou tel acteur du marché, de l'engagement dont il a été donné acte à Google par l'article 2 de la décision n° 10-D-30 du 28 octobre 2010 serait susceptible de soulever de la part de l'Autorité de la concurrence des préoccupations sur l'apparition de possibles distorsions de concurrence " (415). Ainsi, dès 2013, l'Autorité avait prévenu Google du risque juridique que ses pratiques comportaient. 538. De surcroît, cette sanction non-proportionnée serait infligée à une entreprise dont la dominance présente des caractéristiques " extraordinaires " relevées plus haut (voir paragraphe 321).
539. Il résulte de ce qui précède que l'application du Communiqué ne permettrait pas, en l'espèce, d'assurer à la sanction ses fonctions répressive et dissuasive ni de tenir compte, de façon adaptée à l'espèce et cohérente avec la pratique décisionnelle, de la gravité des faits reprochés et du dommage causé à l'économie. Il convient donc d'adopter une méthode forfaitaire.
Sur la détermination forfaitaire du montant de sanction
540. D'après le troisième alinéa du I de l'article L. 464-2, l'Autorité peut infliger des sanctions proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient, et à l'éventuelle réitération de pratiques anticoncurrentielles. Ces critères légaux seront analysés successivement.
Sur la gravité des faits
541. Afin d'apprécier la gravité des faits au cas d'espèce, il convient d'examiner la nature et les caractéristiques de l'infraction, ainsi que la qualité des personnes susceptibles d'être affectées.
542. S'agissant des pratiques, qui consistent en un manque d'objectivité, de transparence et des discriminations dans la mise en œuvre des Règles, il y a lieu de rappeler l'ambiguïté du comportement de Google précédemment décrit. Alors même que Google affiche publiquement un objectif de protection du consommateur, elle continue de percevoir des sommes importantes de sites qui auraient dû être suspendus si les Règles avaient été clairement définies et appliquées. Même si le dossier ne fait pas apparaître de stratégie délibérée et globale visant à perturber la concurrence sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches et sur les marchés aval, Google a fait preuve, au mieux de négligence, au pire d'opportunisme, en développant des offres commerciales à l'égard d'éditeurs de sites qui avaient été préalablement suspendus de Google Ads pour des comportements pourtant considérés par Google elle-même comme douteux.
543. Ce comportement a pris place alors même que Google a été régulièrement alertée sur l'importance du respect des règles de concurrence. La Commission l'a sanctionnée à l'occasion des affaires Google Shopping (le 27 juin 2017), Google Android (le 18 juillet 2018) et Google Search AdSense (le 20 mars 2019) (416). S'agissant plus particulièrement des Règles, l'Autorité a, depuis 2010, précisé à plusieurs reprises les conditions dans lesquelles ces Règles devaient être définies et appliquées par Google dans des décisions d'octroi ou de rejet de mesures conservatoires (417), d'engagements (418), ou de rejet pour défaut d'éléments probants (419).
544. S'agissant des personnes susceptibles d'être affectées par les pratiques, les Règles s'appliquent à l'ensemble des annonceurs, dont la taille et la puissance économique sont très variables. Il convient de noter que les effets des pratiques sont particulièrement nocifs pour les nouveaux entrants de petite taille ou qui proposent des modèles innovants qui souhaitent être référencés sur Google Ads pour acquérir de la notoriété et se développer sur internet.
545. En outre, la pratique qui est reprochée à Google est susceptible de nuire à des " consommateurs vulnérables ", en ce qu'elle a pour effet, à tout le moins potentiel, de maintenir l'exposition publicitaire de sites qui abuseraient des consommateurs.
Sur le dommage causé à l'économie
546. L'importance du dommage à l'économie sera appréciée, dans la présente affaire, au regard des éléments suivants : l'ampleur de l'infraction, les caractéristiques économiques pertinentes du secteur et enfin les conséquences conjoncturelles et structurelles des pratiques de Google.
547. S'agissant de l'ampleur de l'infraction, les Règles litigieuses de Google étaient applicables à l'ensemble des annonceurs utilisant les services Google Ads. Elles ont ainsi notamment concerné l'ensemble des annonceurs constituant la demande de Google sur le marché français de la publicité liée aux recherches, où Google détient une position dominante " extraordinaire ", résultant d'une part de marché dix fois plus élevée que ses premiers concurrents, d'une notoriété sans équivalent et des barrières à l'entrée sur ce marché (importance des investissements requis pour développer un moteur de recherche performant et des outils de valorisation et de gestion d'une plateforme publicitaire associée) (voir paragraphes 310 et suivants). Google a réalisé à lui seul un chiffre d'affaires annuel supérieur à [...] d'euros en moyenne sur la période des pratiques sur le marché français de la publicité liée aux recherches.
548. S'agissant des caractéristiques du secteur, le secteur de la publicité en ligne, et notamment le marché de la publicité liée aux recherches, connaît une dynamique forte en France et dans le monde, qui fait en partie écho à l'essor du commerce en ligne. L'avis n° 18-A-03 de l'Autorité sur l'exploitation des données dans le secteur de la publicité sur Internet relevait à cet égard qu'Internet était devenu le premier média publicitaire, devant la télévision, et que la publicité en ligne avait connu une croissance de l'ordre de 10 % en 2016 et 2017. Google a en particulier connu une croissance continue et forte sur la période des pratiques. Dans ce contexte, les différents types de publicité en ligne, et singulièrement la publicité liée aux recherches, sont des relais de croissance importants pour beaucoup d'acteurs économiques.
549. En outre, la publicité liée aux recherches, en particulier via Google Ads, est une source primordiale de trafic pour une partie des sites internet, en particulier pendant leurs premières années d'activité, lorsqu'il leur est difficile de disposer d'alternatives performantes pour générer du trafic (voir paragraphes 445 et suivants).
550. Dans ces circonstances, les pratiques de Google ont pu nuire à l'animation concurrentielle des marchés en ligne à plusieurs égards.
551. En premier lieu, il a été constaté que les suspensions ou fermetures de comptes Google Ads résultant de l'application par Google de ses Règles litigieuses se sont traduites par des diminutions très substantielles des trafics et des chiffres d'affaires des sites internet concernés, contrastant avec les croissances affichées par ces sites lorsqu'ils avaient accès à Google Ads (420).
552. En deuxième lieu et plus généralement, les Règles litigieuses de Google ont créé une incertitude quant à la possibilité de recourir durablement aux services Google Ads pour des éditeurs faisant le choix d'un modèle payant.
553. Ce faisant, elles ont pu dissuader des éditeurs de site internet de recourir à des modèles payants, alors que de tels modèles pouvaient dans certains cas se traduire par une offre de services enrichie pour les internautes, ou à tout le moins par des conditions d'accès à des services ou informations que certains consommateurs pourraient valoriser (par exemple, l'absence de publicité). Au surplus, Google pouvait tirer avantage d'une telle incitation à adopter un modèle " gratuit ", avec un financement des sites par la publicité, dans la mesure où il propose aux éditeurs de sites des services de vente de leurs espaces publicitaires (Google AdSense).
554. En troisième lieu, en limitant ainsi les possibilités de différenciation des modèles économiques entre sites, les Règles litigieuses ont pu entraver la croissance de nouveaux entrants ou d'acteurs aux moyens limités au bénéfice des acteurs en place.
555. Ces différents effets sont accentués par le caractère opaque des Règles et leur application variable dans le temps et entre les sites par Google. Àcet égard, Google a occasionnellement offert un accompagnement de certains acteurs, ce qui a conduit à les encourager à se développer par l'intermédiaire de Google Ads puis les a privés de ce vecteur de développement. Également, le dommage est renforcé par la position dominante très forte qu'occupe Google sur le marché des services de recherche sur Internet, si bien que les effets des pratiques sur les référencements des sites sur Google Ads n'ont pas conduit à une diminution du nombre d'utilisateurs du moteur de recherche Google. En particulier, ni le référencement de services sans valeur ajoutée que Google a parfois laissé se développer, ni le non-référencement de services potentiellement valorisés par les consommateurs mais en violation des Règles ne lui ont fait perdre un nombre significatif d'utilisateurs, ni affecté la croissance de ses revenus.
556. Deux facteurs importants d'atténuation du dommage sont cependant à prendre en compte. Premièrement, certains sites internet parviennent à se développer sans nécessairement utiliser Google Ads. Deuxièmement, selon les secteurs, la probabilité que des sites optant pour un modèle payant plutôt que pour un modèle gratuit financé par la publicité aient souhaité se développer est plus ou moins forte, si bien que l'effet dommageable de l'opacité des Règles mises en place par Google et leur application aléatoire n'est pas de la même ampleur pour tous les secteurs.
Sur l'adaptation de la sanction à la taille du groupe
557. L'appréciation de la situation individuelle peut conduire l'Autorité à prendre en considération l'envergure de l'entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient (421). L'Autorité peut ainsi adapter la sanction au regard de la taille, de la puissance économique et des ressources globales du groupe auquel appartient l'auteur des pratiques.
558. En l'espèce, l'infraction en cause a été imputée aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France en tant qu'auteurs et à la société Alphabet Inc. en tant que société mère qui constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence.
559. Pour apprécier la puissance et la capacité contributive des entreprises, il convient de noter, en premier lieu, que les sociétés auteurs des pratiques ont réalisé, en 2017, un chiffre d'affaires en France sur le marché de la publicité liée aux recherches d'environ [...]d'euros (422). En second lieu, les sociétés auteurs appartiennent au groupe détenu par Alphabet Inc., un groupe d'envergure internationale qui a réalisé, en 2017, un chiffre d'affaires mondial consolidé de 98,328 milliards d'euros et de 116 milliards d'euros pour l'année 2018.
560. Compte tenu de ces éléments et alors que l'efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction soit effectivement dissuasive, le montant de la sanction pécuniaire infligée doit être notablement augmenté.
Sur le montant de la sanction
561. Eu égard à ce qui précède- la gravité avérée des faits, l'importance certaine du dommage causé à l'économie, et la puissance économique de l'entreprise en cause -, il y a lieu d'infliger aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, sociétés auteurs de l'infraction, une sanction pécuniaire de 150 000 000 euros, dont 72 000 000 conjointement et solidairement avec la société Alphabet Inc., en qualité de société mère depuis le 2 octobre 2015 (423).
562. Ce montant ne dépasse pas le plafond légal applicable, soit 10 % du chiffre d'affaires hors taxes mondial consolidé le plus élevé réalisé par Alphabet Inc.
2. SUR LES SANCTIONS NON PECUNIAIRES
563. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce habilite l'Autorité, non seulement à ordonner aux entreprises ou aux organismes ayant mis en place une pratique anticoncurrentielle d'y mettre fin dans un délai déterminé, mais aussi à leur imposer des conditions particulières. Ces injonctions visent à s'assurer que l'entreprise sanctionnée modifiera son comportement pour l'avenir, afin de faire cesser l'atteinte portée à la concurrence. Elles doivent être proportionnées au regard de l'objectif ainsi poursuivi.
564. Le prononcé d'injonctions est essentiel lorsque l'atteinte à la concurrence résulte de stipulations contractuelles toujours en vigueur à la date de la décision de l'Autorité. Il y a donc lieu d'enjoindre à Google de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les infractions toujours en cours à la date des pratiques et de permettre le rétablissement effectif de la situation concurrentielle sur les marchés affectés par les pratiques.
565. Ces injonctions consistent notamment à clarifier les Règles Google Ads, en vue de remédier à leur manque d'objectivité et de transparence (a) et à modifier les procédures de suspension de compte appliquées par Google, afin d'éviter que celles-ci revêtent un caractère brutal et injustifié (b). Google doit également mettre en place des procédures d'alerte, de prévention, de détection et de traitement des manquements à ses Règles, afin que les mesures de suspension de sites ou de comptes Google Ads soient strictement nécessaires et proportionnées à l'objectif de protection du consommateur (c).
a) Sur les injonctions concernant la clarification des Règles Google Ads
566. Premièrement, Google doit clarifier la rédaction des Règles Google Ads qui ont pour objet de protéger les utilisateurs de son moteur de recherche en ligne Google Search contre les annonces et les sites malveillants (ci-après : les " Règles Protectrices des Internautes ").
567. À cet égard, la formulation des Règles Protectrices des Internautes doit comprendre non seulement leur définition, mais aussi leur nature en précisant le degré de gravité du manquement.
568. La liste des Règles Protectrices des Internautes dont le manquement est considéré comme grave, et qui permet pour cette raison d'appliquer une procédure accélérée de suspension, doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire et proportionné à l'objectif de protection du consommateur. Dans tous les cas, les Règles Protectrices des Internautes doivent reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires d'identification des manquements éventuels.
569. Deuxièmement, Google doit revoir ses procédures d'information concernant les modifications des Règles Protectrices des Internautes qu'elle entend mettre en place.
570. En cas de changement d'une Règle Protectrice des Internautes, les annonceurs concernés par ce changement doivent être systématiquement destinataires d'une notification individuelle, par voie électronique ou postale, les informant au moins deux mois à l'avance :
- de son contenu précis, en précisant si celle-ci se rattache à un manquement grave ;
- des changements induits par rapport à l'ancienne version ;
- des changements éventuels sur les autres Règles Protectrices des Internautes ; et
- de la date d'entrée en vigueur du changement.
571. La mise à jour du " journal des modifications " doit accompagner les notifications individuelles et dans les mêmes délais.
572. Un délai de préavis inférieur à deux mois pourra s'appliquer aux changements dans le cas où la législation nationale imposerait à Google une modification dans un délai incompatible avec le respect du préavis de deux mois indiqué plus haut.
573. La présente section (le deuxièmement de cette injonction) est applicable en cas de modification des procédures de suspension de comptes qui seraient envisagées par Google, dans le respect de l'injonction ci-dessous.
b) Sur les injonctions concernant l'application des procédures de suspension
574. Google doit clarifier les procédures de suspension qu'elle applique dans le respect des règles suivantes.
575. La suspension immédiate d'un compte n'est possible qu'en cas de manquement grave. Le manquement grave est constitué lorsque certaines Règles, dont la liste exhaustive est précisée par Google en vertu de l'injonction précédente et dans le respect des critères de nécessité et de proportionnalité, ont été enfreintes. Il peut également être constitué lorsque trois manquements à la même Règle ont été constatés, et confirmés en cas d'appel, par Google au cours d'une période de deux ans. Google assure une notification d'alerte du détenteur du compte concomitante de la suspension, qui précise de manière exhaustive les Règles dont Google a constaté la violation et met en mesure le détenteur du compte de justifier ce manquement, d'y remédier ou de demander des explications sur la nature de ce qui lui est reproché.
576. En cas de manquement non grave, la procédure de suspension de compte devra prévoir, une semaine avant toute suspension, l'envoi d'un avertissement qui (a) précisera de manière exhaustive les Règles dont Google a constaté la violation, (b) précisera les conséquences que peuvent entraîner des violations multiples de cette politique ence qui concerne la suspension du compte Google Ads concerné ou de tout autre compte lié et (c) dirigera les clients Google Ads vers le centre d'aide Google Ads. Cet avertissement prévoira un délai suffisant avant toute suspension de compte, permettant à l'annonceur, le cas échéant, de justifier ce manquement, d'y remédier ou de demander des explications sur la nature de ce qui lui est reproché.
577. Il y a lieu d'enjoindre àGoogle de publier un document unique, téléchargeable sur un espace du site Google Ads facilement accessible depuis le compte Google Ads de l'annonceur (par exemple, viaun lien html), qui précise les motifs et les différentes étapes pouvant mener à la suspension d'un compte. Ce document devra comprendre :
une définition de la notion de violations graves dont la constatation est susceptible d'entraîner une suspension immédiate du compte Google Ads d'un annonceur. Cette définition sera complétée par la liste exhaustive des Règles Google Ads rentrant dans la catégorie des violations graves ; et
une description des différentes étapes menant à une suspension d'un compte en distinguant les procédures appliquées par Google pour sanctionner les manquements graves et les procédures appliquées par Google pour sanctionner les manquements non-graves.
c) Sur les mesures de prévention, de détection et de traitement des violations aux Règles Google Ads
578. En premier lieu, afind'éviter que les violations aux Règles soient provoquées ou entretenues par les propres équipes commerciales de Google, il apparaît nécessaire que celles-ci soient suffisamment informées du contenu et de la portée des Règles Google Ads et des risques que leurs clients et les utilisateurs encourent s'ils ne les respectent pas.
579. Google devra organiser une formation annuelle obligatoire à destination des personnels chargés de l'accompagnement personnalisé des entreprises présentes sur Google Ads.
580. En deuxième lieu, afin de faciliter la détection des manquements aux Règles Google Ads et leur application, Google mettra en place une procédure permettant aux consommateurs de dénoncer les manquements aux Règles Google Ads et à la réglementation. Cette procédure devra être facilement accessible pour le consommateur. Elle pourrait par exemple être accessible par un lien spécifique sur les pages de recherche des versions françaises des sites du moteur de recherche Google, à côté des liens renvoyant vers les conditions d'utilisation et les Règles de confidentialité de Google.
581. En troisième lieu, afin que l'Autorité puisse vérifier que les mesures de suspension prononcées par Google sont en adéquation avec l'objectif de protection des consommateurs qu'elle poursuit, Google lui communiquera, sur une base annuelle, un rapport contenant les informations suivantes :
i) le nombre total de sites qui ont fait l'objet de plaintes déposées par les internautes français auprès de Google en vertu de la procédure viséeau paragraphe 580, en indiquant le nombre total de comptes qui ont été suspendus à la suite de ces plaintes ;
ii) le nombre total de sites promus sur Google Ads en France dont les annonces ou les comptes ont été suspendus par Google pour des raisons tenant à la protection des internautes, en précisant pour chacun de ces sites :
- son nom de domaine,
- le numéro de compte Google Ads auquel ce site est associé,
- la thématique qu'il traite ;
- la ou les Règles violées par l'annonceur ;
- le mode de détection de la violation : à la suite de plaintes des internautes, ou par d'autres moyens à identifier ;
- la nature de la suspension (suspension d'annonces, suspension de comptes, etc..), la date à laquelle cette mesure de suspension a été annoncée, et, le cas échéant, la date de la levée de la mesure de suspension.
582. Google devra communiquer ce rapport à l'Autorité, sur une base annuelle, au plus tard le dernier jour du premier trimestre de l'année civile (31 mars). Google publiera sur le site Google Ads une version non-confidentielle de ce rapport qui précisera les mesures qu'elle a mises en œuvre pour protéger les internautes.
583. Ce rapport permettra, s'agissant des informations visées au i), d'analyser les suites que réserve Google aux plaintes qui sont déposées par les consommateurs à l'encontre des sites promus sur Google Ads. Les informations visées au point ii) permettront de vérifier que les moyens mis en œuvre et les mesures de suspensions prononcées par Google sont en adéquation avec sa politique de protection des consommateurs.
584. Les informations figurant dans ce rapport devront être étayées par des éléments justificatifs (par exemple, les échanges entre Google et les annonceurs concernant la suspension de leurs comptes), afin que l'Autorité puisse en vérifier l'exactitude.
585. Google pourra néanmoins se soustraire à cette obligation de communication de documents justificatifs, en désignant un tiers indépendant, présenté et préalablement agréé par l'Autorité, qui sera en charge de contrôler l'exactitude des informations contenues dans ce rapport. Un tel tiers indépendant devra être présenté avec le projet de mandat à l'approbation de l'Autorité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
d) Sur les autres mesures
Le champ d'application des injonctions
586. L'ensemble des injonctions visées aux points a), b) et c) concernent l'ensemble des stipulations contractuelles conclues entre Google et les annonceurs sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches sur le marché français. Ce dernier critère est vérifié soit par l'adresse de facturation de l'annonceur soit par l'adresse IP des internautes ayant cliqué sur le lien de l'annonce. Si le lieu de facturation se situe en France, ou si l'adresse IP est française, les injonctions s'appliquent.
La durée des injonctions
587. L'ensemble des injonctions visées aux points a), b) et c) entreront en vigueur dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision et resteront valables jusqu'au 1er janvier 2025.
Les mesures de suivi des injonctions
588. Google présentera aux services de l'Autorité :
a. dans un délai de deux mois, un rapport détaillant l'ensemble des mesures et procédures qu'elle compte mettre en œuvre pour se conformer aux injonctions ;
b. un rapport détaillant l'ensemble des mesures et procédures qu'elle a mises en place pour se conformer aux injonctions dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.
589. Google a la possibilité de faire appel à un mandataire indépendant, contrôlant la conformité des mesures et procédures qu'elle a mises en œuvre pour se conformer aux injonctions. Le mandataire devra présenter ses rapports dans le même délai. Un tel mandataire devrait être présenté avec le projet de mandat à l'approbation de l'autorité dans un délai de deux semaines à compter de la notification de la présente décision.
e) Sur l'injonction de publication
590. Compte tenu des faits constatés par la présente décision et de la pratique sanctionnée, il y a lieu d'ordonner sur le fondement du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce la publication du résumé figurant aux pages 3 et 4 de la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision. Ce résumé devra être accessible par un lien html intitulé " Google condamnée par l'Autorité de la concurrence française " immédiatement placée sous la barre de recherche de la page d'accueil des sites internet www.google.fr, www.google.com et www.ads.google.com accessibles de France, dans une police d'écriture de taille 14, et pendant une durée de 7 jours consécutifs. Ce lien pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés Alphabet Inc., Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France ont enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE, en définissant et en appliquant les Règles de la plateforme publicitaire GoogleAds (anciennement Adwords) de manière non transparente, non objective, et discriminatoire.
Article 2 : Sont infligées, au titre des pratiques visées à l'article 1er, les sanctions pécuniaires suivantes :
- 72 000 000 euros aux sociétés Alphabet Inc., Google LLC, Google Ireland Ltd, Google France, conjointement et solidairement ;
- 78 000 000 euros aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, conjointement et solidairement.
Article 3 : Il est ordonné aux sociétés Alphabet Inc., Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France de se conformer en tout point aux injonctions prévues aux paragraphes 566 à 590 de la présente décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Décision n° 15-D-13du 9 septembre 2015 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Gibmedia.
3 Selon Google, son offre en plateformes et systèmes d'exploitation comprend le système d'exploitation pour appareils mobiles Android (pour téléphones et tablettes), le système d'exploitation Google Chrome (" Chrome OS ") (pour ordinateurs et autres appareils), le navigateur internet Google Chrome, Google Mail (une plateforme de messagerie électronique), Google+ (un réseau social), Google Play (la boutique en ligne de Google proposant du contenu numérique et certains appareils mobiles), Google Drive (une solution de partage par le cloud qui permet aux utilisateurs de créer, partager, modifier, et sauvegarder des documents en utilisant les formats Google Documents), GoogleWallet (un service de portefeuille virtuel) et YouTube (YouTube permet aux utilisateurs de télécharger (uploader), rechercher, et voir des vidéos en ligne)
4 Le chiffre d'affaires français de Google correspond, s'agissant de ses ventes de publicité en ligne, aux revenus générés par les annonces ayant fait l'objet de clics ou d'impressions liés à des internautes ayant une adresse IP française.
5 Cote 9821, saisine 15/0019F.
6 Certaines catégories de produits sont cependant exclues expressément, comme les armes à feu.
7 Décision du 27 juin 2017, Google Search (Shopping), AT.39740, paragraphes 295 et 296. Google a formé appel contre cette décision.
8 Cote 6179, saisine 15/0020M
9 Cote 2420, saisine 15/0020M.
10 Cote 1707, saisine 15/0019F.
11 Cote 1370, saisine 15/0019F.
12 Google utilise également d'autres sources de données, et notamment la fourniture volontaires de données par les entreprises.
13 Cote 1370, saisine 15/0019F.
14 https://support.google.com/adwords/answer/2453991
15 Cote 8343, saisine 15/0019F.
16 https://www.thinkwithgoogle.com/_qs/documents/690/click-to-call_research-studies.pdf
17 Décision de la Commission du 20 mars 2019 concernant l'application de l'article 102 du TFUE et de l'article 54 de l'accord EEA, AT.40411 -Google Search (Adsense). Google a formé un recours contre cette décision (affaire T-334/19 (appel de la décision Google Search -AdSense)).
18 Le réseau display comprend un ensemble de plus de deux millions de sites internet, de vidéos d'applications au sein duquel les annonceurs peuvent diffuser de la publicité. Les sites du " réseau display " permettent de s'adresser à plus de 90 % des sites dans le monde.
19 Les annonces qui sont diffusées sur le réseau de recherche Google Ads peuvent s'afficher à côté des résultats de recherche, sur d'autres sites Google (Maps, Shopping et Google Images, par exemple), ainsi que sur des sites tiers partenaires du réseau de recherche de Google.
20 https://support.google.com/youtube/answer/6308757?hl=fr
21 https://support.google.com/youtube/answer/6308757?hl=fr
22 https://contributor.google.com/v/beta
23 https://contributor.google.com/v/beta
24 Cote 10353, saisine 15/0020M.
25 Cote 10233, saisine 15/0020M.
26 Cote 4091, saisine 15/0020M.
27 Cotes 4179 à 4182, saisine 15/0020M.
28 Cote 4183, saisine 15/0020M.
29 Cotes 4165 à 4169, saisine 15/0020M.
30 Cote 4093, saisine 15/0020M.
31 Pièce 22 de la saisine.
32 https://www.infogreffe.fr/societes/documents-officiels/infogreffe-gratuit.html
33 Cote 1167, saisine 15/0019F.
34 Cote 3257, saisine 15/0019F.
35 Cote 1316 (VC) et cote 177 (VNC), saisine 15/0019F.
36 Cote 2202, saisine 15/0019F.
37 Cotes 4296 à 4298(VC)/4479(VNC), saisine 15/0019F.
38 Cotes 4299 à 4302, et cotes 4482 et 4483 (VNC), saisine 15/0019F.
39 Cotes 4294 (VC) et 4475 (VNC), saisine 15/0019F.
40 Cotes 4294 (VC) et 4475 (VNC), saisine 15/0019F.
41 Cote 7505 et cote 7499 (VNC), saisine 15/0019F.
42 Cotes 1315 (VC) et 10205 (VNC), saisine 15/0019F.
43 Cotes 4295 (VC) et 10206 (VNC), saisine 15/0019F.
44 Cote 11161, saisine 15/0019F.
45 Cote 4121, saisine 15/0020M et cote 10884.
46 Cote 3745, saisine 15/0019F.
47 Cote 3674, saisine 15/0019F.
48 Cotes 3690 (VC)/3818 (VNC) et 3691 (VC)/3819 (VNC), saisine 15/0019F
49 Tous les services de renseignements accessibles par un numéro commençant par 118 sont des " annuairistes universels ", ce qui signifie qu'ils doivent pouvoir répondre à toute recherche d'un numéro d'abonné inscrit sur les listes d'abonnés des différents opérateurs. La plupart des services de renseignement téléphoniques fournis par téléphone sont payants. Bien que leur tarif soit défini par l'éditeur de chaque service, ils sont facturés par l'opérateur de téléphonie, fixe ou mobile, utilisé pour appeler.
50 https://play.google.com/store/apps/details?id=com.app118unlimited&hl=fr
51 Cote 1338, saisine 15/0019F.
52 https://info.pagesjaunes.fr/infoslegales/cgu-118008/
53 Cotes 3286 (VC) et 3727 (VNC), saisine 15/0019F.
54 Cote 668, saisine 15/0019F.
55 Cote 669, saisine 15/0019F.
56 Cote 1228, saisine 15/0019F.
57 Cote 1227, saisine 15/0019F.
58 Cotes 1316 (VC) et 1277 (VNC), saisine 15/0019F.
59 Cote 2095, saisine 15/0019F.
60 Cote 2096, saisine 15/0019F.
61 Cotes 2529 (VC) et 2516 (VNC), saisine 15/0019F.
62 Cote 1096, saisine 15/0019F.
63 Cotes 8629 à 8632.
64 Cote 4121, saisine 15/0020M.
65 Cote 1096, saisine 15/0019F.
66 Cote 8781, saisine 15/0019F.
67 Cotes 2067 (VC) et 10229 (VNC), saisine 15/0019F.
68 Cotes 2067 (VC) et 10229 (VNC), saisine 15/0019F.
69 Cotes 2068 (VC) et 10230 (VNC), saisine 15/0019F.
70 Cotes 8779 (VC) et 10216 (VNC), saisine 15/0019F.
71 Cotes 8779 (VC) et 10216 (VNC), saisine 15/0019F.
72 Cotes 1432 (VC) et 10225 (VNC), saisine 15/0019F.
73 Cotes 4179 à 4183, saisine 15/0020M.
74 Cote 4183, saisine 15/0020M.
75 Cotes 4184 et 4185, saisine 15/0020M.
76 Cotes 4094 et 4095, saisine 15/0020M.
77 Cote 695, saisine 15/0019F.
78 Cote 4587, saisine 15/0019F.
79 Cote 4587, saisine 15/0019F.
80 http://www.meteoconsult.fr/services-meteo/abonnement-meteo-premium-arc-en-ciel.php
81 Cotes 661 (VC) et 685 (VNC), saisine 15/0019F.
82 http://marine.meteoconsult.fr/services-meteo-marine/nos-offres-et-abonnements.php
83 Cote 4587, saisine 15/0019F.
84 Cote 8977, saisine 15/0019F.
85 Cotes 872 (VC) et 1142 (VNC), saisine 15/0019F.
86 Cotes 872 (VC) et 1142 (VNC), saisine 15/0019F.
87 Cote 1704, saisine 15/0019F.
88 Cote 1703, saisine 15/0019F.
89 Cote 7008, saisine 15/0020M.
90 Cote 1563, saisine 15/0019F.
91 Cote 1565, saisine 15/0019F.
92http://www.mediametrie.fr/internet/communiques/l-audience-internet-global-en-france-en-juillet-2017.php?id=1740
93 Cote 4121, saisine 15/0020M.
94 Cote 11342.
95 Cote 719, saisine 15/0020M.
96 https://support.google.com/webmasters/answer/66355
97 Cote 11500, saisine 15/0019F.
98 Cote 11501, saisine 15/0019F.
99 Cotes 11 501 et 11502, saisine 15/0019F.
100 Cote 11463, saisine 15/0019F.
101 Cote 6727, saisine 15/0020M.
102 Cote 721, saisine 15/0020M.
103 Rapport, paragraphe 154. Cote 15566, saisine 15566.
104 https://support.google.com/adspolicy/answer/9283031?hl=fr&ref_topic=29265
105 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 avril 2019, Amadeus, n° 19/03274.
106 https://support.google.com/adspolicy/answer/9455538?hl=fr&ref_topic=29265
107 Cote 1607, saisine 15/0020M.
108 Cotes 4768(VC)/8894(VNC).
109 Cote 1591, saisine 15/0020M.
110 Cotes 4768(VC)/8894(VNC) et 4769(VC)/8895(VNC), saisine 15/0019F, soulignements ajoutés.
111 Cote 11342, saisine 15/0019F.
112 Cote 6700, saisine 15/0020M.
113 Cote 11338, saisine 15/0019F.
114 https://support.google.com/adspolicy/answer/2620897?hl=fr&ref_topic=7330871
115 https://support.google.com/adspolicy/answer/3032350?hl=fr&ref_topic=7330871
116 https://support.google.com/adspolicy/answer/6025827?hl=fr
117 https://support.google.com/adspolicy/answer/7572356?hl=fr&ref_topic=29265
118 https://support.google.com/adspolicy/answer/9455538?hl=fr&ref_topic=29265
119 Cote 1847, saisine 15/0019F.
120 Cote 2047, saisine 15/0019F.
121 Cote 2047, saisine 15/0019F.
122 Cote 3829, saisine 15/0019F. [...].
123 Cote 2047, saisine 15/0019F.
124 Cote 3831, saisine 15/0019F.
125 Cote 2048, saisine 15/0019F.
126 Cote 3836, saisine 15/0019F.
127 Cote 3836, saisine 15/0019F.
128 Cote 3836, saisine 15/0019F.
129 Cote 3835, saisine 15/0019F.
130 [...].
131 Cote 3835, saisine 15/0019F.
132 Cotes 1969 (VC) et 2656 (VNC), saisine 15/0019F.
133 Cote 714, saisine 15/0020M.
134 Cote 6716, saisine 15/0020M.
135 Le crawl ou crawling Google est l'activité qui consiste pour le moteur de recherche à explorer plus ou moins régulièrement les pages et contenus proposés par un site web ou une application mobile. Dans une optique plus globale, le crawl est l'activité d'exploration des contenus web menée par Google à des fins d'indexation.
136 Cote 4548, saisine 15/0019F.
137 Cote 11338, saisine 15/0019F.
138 Cote 7701, saisine 15/0019F.
139 Cote 7759, saisine 15/0019F.
140 Cote 7701, saisine 15/0019F.
141 Cote 1120, saisine 15/0019F.
142 Cote 1310, saisine 15/0019F.
143 L'orthographe d'origine a été conservée, comme dans tous les documents cités.
144 Cote 1115, saisine 15/0019F.
145 Cote 1120, saisine 15/0019F.
146 Cote 1107, saisine 15/0019F.
147 Cote 978, saisine 15/0019F.
148 Cote 978, saisine 15/0019F.
158 Cote 11355, saisine 15/0019F.
159 Cote 1862, saisine 15/0019F. Le texte original est en anglais : " [...] ".
160 Cotes 2609 et suivantes, saisine 15/0020M.
161 Cote 2045, saisine 15/0020M.
162 Cote 2011, saisine 15/0019F. " [...] ".
163 Cotes 81 et 82, saisine 15/0019F.
164 Cotes 81 et 82, saisine 15/0019F.
165 Cote 707, saisine 15/0020M.
166 Cote 891, saisine 15/0019F.
167 Cote 1007, saisine 15/0019F.
168 Cote 1737, saisine 15/0019F.
169 Ainsi, le site annuaire-inverse-France.com édité par Ecométrie a été suspendu à trois reprises entre juillet 2012 et juin2013, tandis que celui édité par le site annuaires-inverse.net a été suspendu à quatre reprises entre 2011 et 2014. Cotes 892 et 893, saisine 15/0019F.
170 Cote 2045, saisine 15/0020M.
171 Cotes 928 et 929, saisine 15/0019F.
172 Cotes 81 et 82, saisine 15/0019F.
173 Cote 8170, saisine 15/0019F.
174 Cote 3331, saisine 15/0019F.
175 Cotes 3339 et 3340, saisine 15/0019F.
176 Cote 3357, saisine 15/0019F.
177 Cotes 891(VC) et 882(VNC), saisine 15/0019F.
178 Cote 3295, saisine 15/0019F.
179 Cotes 4900 et 4901, saisine 15/0019F.
180 Cotes 4902 et 4903, saisine 15/0019F.
181 Cote 3350, saisine 15/0019F.
182 Cote 3345, saisine 15/0019F.
183 Cote 3350, saisine 15/0019F.
184 Cote 3357, saisine 15/0019F.
185 Cotes 3284 et 3375, saisine 15/0019F.
186 Cotes 3287 (VC) et 3728 (VNC), saisine 15/0019F.
187 Cotes 3282 (VC) et 10324 (VNC), saisine 15/0019F.
188 Cote 3284, saisine 15/0019F.
189 Cotes 3287 (VC) et 3728 (VNC), saisine 15/0019F.
190 Cotes 3287 (VC) et 3728 (VNC), saisine 15/0019F.
191 Cote 3284, saisine 15/0019F.
192 Cote 1096, saisine 15/0019F.
193 Cote 1096, saisine 15/0019F.
194 Cote 1128, saisine 15/0019F.
195 Cote 1130, saisine 15/0019F.
196 Cote 1132, saisine 15/0019F.
197 Cote 1095, saisine 15/0019F.
198 Cote 8328, saisine 15/0019F.
199 Cote 668, saisine 15/0019F.
200 Cote 668, saisine 15/0019F.
201 Cote 8622, saisine 15/0019F.
202 Cote 669, saisine 15/0019F.
203 Cote 671, saisine 15/0019F.
204 Cote 794, saisine 15/0019F.
205 Cote 794, saisine 15/0019F.
206 Cote 8346, saisine 15/0019F.
207 Cote 795, saisine 15/0019F.
208 Cotes 4100 et 4101, saisine 15/0020M.
209 Cote 797, saisine 15/0019F.
210 Cote 807, saisine 15/0019F.
211 Cote 804, saisine 15/0019F.
212 Cote 804, saisine 15/0019F.
213 Cote 797, saisine 15/0019F.
214 Cotes 2520(VC)/10214(VNC) et 2521, saisine 15/0019F.
215 Cote 4817, saisine 15/0019F.
216 Cote 4155, saisine 15/0020M.
217 Au cours de l'instruction, Google a communiqué l'intégralité des échanges avec le site annuaire.com. Ces échanges figurent aux cotes 7535 à 7902, saisine 15/0019F.
218 Cote 3652, saisine 15/0019F.
219 Cote 1290, saisine 15/0019F.
220 Cote 1290, saisine 15/0019F.
221 Cote 3649, saisine 15/0019F.
222 Cote 3652, saisine 15/0019F.
223 Cote 7452, saisine 15/0019F.
224 Cote 7555, saisine 15/0019F.
225 Cote 7766, saisine 15/0019F.
226 Cote 7759, saisine 15/0019F.
227 Cote 1310, saisine 15/0019F.
228 Cote 1310, saisine 15/0019F.
229 Cote 1310, saisine 15/0019F.
230 Cote 1308, saisine 15/0019F.
231 Cote 1307, saisine 15/0019F.
232 Cote 7540, saisine 15/0019F.
233 Cote 7549, saisine 15/0019F.
234 Cote 7744, saisine 15/0019F.
235 Cote 7743, saisine 15/0019F.
236 Cote 7732, saisine 15/0019F.
237 Cote 7732, saisine 15/0019F.
238 Cote 7739, saisine 15/0019F.
239 Cote 7712, saisine 15/0019F.
240 https://www.entreprises.gouv.fr/numerique/services-a-valeur-ajoutee-telephoniques-sva
241 Cote 7701, saisine 15/0019F.
242 Cote 7693, saisine 15/0019F.
243 Cote 7687, saisine 15/0019F.
244 Cote 7608, saisine 15/0019F.
245 Cote 7606, saisine 15/0019F.
246 Cote 7630, saisine 15/0019F.
247 Cote 4534, saisine 15/0019F.
248 Cote 4546, saisine 15/0019F.
249 Cotes 4546 et 4547, saisine 15/0019F
250 Cotes 1569 à 1613, saisine 15/0019F.
251 Cote 968, saisine 15/0019F.
252 Cote 973, saisine 15/0019F.
253 Cotes 892(VC)/10227(VNC) et 893(VC)/10228(VNC), saisine 15/0019F.
254 Cotes 980 et 981, saisine 15/0019F
255 Cote 1007, saisine 15/0019F.
256 Cote 1017, saisine 15/0019F
257 Cotes 2519 (VC) et 10213 (VNC), saisine 15/0019F.
258 Cote 8232, saisine 15/0019F.
259 Cote 8085, saisine 15/0019F.
260 Cote 2521, saisine 15/0019F.
261 Cotes 2520(VC)/10214(VNC) et 2521, saisine 15/0019F.
262 Cote 8170, saisine 15/0019F.
263 Cote 12082, saisine 15/0019F.
264 Rapport, paragraphes 209 à 211, cotes 15582 à 15584, voir également les cotes 12907, 15264 à 15282, 15278, saisine 15/0019F.
265 Voir par exemple cotes 12780, 12795, 12796, 12855, 12987, 12777, 13001, 13462, 13704, 14046, 14077, 14156.
266 Cotes 14987 et 15582, saisine 15/0019F.
267 Décision n° 13-D-07 de l'Autorité du 28 février 2013 relative à une saisine de la société E-kanopi.
268 Cotes 12018 à 12020, saisine 15/0019F.
269 Cote 12023, saisine 15/0019F.
270 Cote 6697, saisine 15/0020M.
271 Cotes 15437 à 15438, saisine 15/0019F.
272 Cote 15976, saisine 15/0019F.
273 Décision n° 19-MC-01 du 31 janvier 2019 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Amadeus.
274 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 avril 2019, Amadeus, n° 19/03274.
275 Cotes 15976 et 15977, saisine 15/0019F.
276 Décision n° 94-D-19 du Conseil du 15 mars 1994 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement à Bordeaux, p. 11 Voir également l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 2014, n° 2012/06826, page 22.
277 Arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 juin 2008, Société France Travaux e.a., n° 2006/06913, p.18.
278 Arrêt de la cour de cassation du 4 octobre 2017, arrêt n° 1355 F S-D.
279 Décision n° 06-D-04 du Conseil du 13 mars 2006 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la parfumerie de luxe, point 417.
280 Notification de grief aux points 654 et 655 (cotes 11186 et 11187, saisine 15/0019F).
281 Cote 11424, saisine 15/0019F.
282 Cote 12240, saisine 15/0019F.
283 Arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen AG/Commission, T-62/98, point 230.
284 Voir en particulier les décisions n° 10-D-19 du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, points 158-159 ; n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, point 220 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 janvier 2011, Perrigault, n° 2010/08165.
285 Décisions n° 10-MC-01 du 30 juin 2010 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx, points 123 et suivants ; n° 15-D-13 du 9 septembre 2015 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Gibmedia, points 56 à 63 ; avis de l'Autorité n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne, points 111 et suivants ; avis n° 18-A-03 du 6 mars 2018 portant sur l'exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet ; décisions de la Commission du 21 décembre 2016, Verizon/Yahoo,M.8180, point 25 ; du 3 octobre 2014, Facebook/Whatsapp,M.7217 points 75 et 79 ; du 18 février 2010, Microsoft /Yahoo !Search Business, M.5727, point 61 ; du 11 mars 2008, Google/DoubleClick, M.4731, points 45, 46 et 51.
286 Décision de la Commission du 20 mars 2019 concernant l'application de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 54 de l'accord EEA, AT.40411 - Google Search (AdSense), point 137. Google a formé appel contre cette décision devant le Tribunal.
287 Décision M.8180, Verizon/Yahoo, 21/12/2016, paragraphe 25 ; Décision M.7217 - Facebook/Whatsapp, 03/10/2014, paragraphes 75 et 79 ; Décision M.5727, Microsoft /Yahoo ! Search Business, 18/02/2010, paragraphe 61 ; Décision M.4731, Google/DoubleClick du 11 mars 2008, paragraphes 45,46 et 51. Avis de l'Autorité de la concurrence n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne, paragraphes 111 et suivants ; Décision
Navx n° 10-MC-01 du 30 juin 2010 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx, paragraphes 123 et suivants.
288 Voir notamment la décision n° 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 de la société NT1 et Monte-Carlo Participations.
289 Point 173, avis n° 18-A-03 du 6 mars 2018 portant sur l'exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet.
290 Avis n° 19-A-04 du 21 février 2019, §§ 197 et suivants.
291 Avis de l'Autorité n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne, point 150.
292 Avis n° 18-A-03 du 6 mars 2018 portant sur l'exploitation des données dans le secteur de la publicité sur internet.
293 Ibid, point 179.
294 Décision de la Commission du 3 octobre 2014, Facebook/Whatsapp, M.7217, point 76 : "The market investigation also supported to a large extent the existence of a further sub-segmentation of the online advertising market between search and non-search advertising. Indeed, the majority of the advertisers who took part in the market investigation considered that search and non-search ads are not substitutable as they serve different purposes (for search ads, mainly generating direct user traffic to the merchant's website, while, for non-search ads, mainly building brand awareness) and, as a result, most advertisers would not be likely to switch from one type to another in the event of a 5-10% price increase. Similarly, the majority of the competitors who took part in the market investigation submitted that search and non-search ads are not substitutable from an advertiser's point of view".
295 Décision n° 15-D-13 du 9 septembre 2015 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Gibmedia, points 56 à 63.
296 Cote 3658, saisine 15/0019F.
297 Décision de la Commission du 26 juillet 2017, Google Search (Shopping)), AT.39740, points 271 à 330. Google a fait appel de la décision devant le Tribunal.
298 Cote 11441, saisine 15/0019F.
299 Décision de la Commission du 20 mars 2019 concernant l'application de l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne TFUE et de l'article 54 de l'accord EEA, AT.40411 -Google Search (AdSense), point 137. Google a formé appel contre cette décision devant le Tribunal.
300 Avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement de la publicité en ligne, point 108.
301 Décisions de la Commission du 11 mars 2008. Google/DoubleClick, M.4731, point 52, du 18 février 2010, Microsoft/Yahoo ! Search Business, M.5727, point 74.
302 Décision de la Commission du 20 mars 2019 concernant l'application de l'article 102 du TFUE et de l'article 54 de l'accord EEA, AT.40411 -Google Search (Adsense). Google a formé appel contre cette décision devant le Tribunal.
303 Cote 1734, saisine 15/0019F.
304 Arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continental BV/Commission, 27/76, point 65.
305 Ibid, point 72.
306 Arrêts du Tribunal du 12décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, point 90 ; et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T-66/01, points 255 et 256.
307 Arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, Rec. P. I-3359, point 60.
308 Arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, point 41 ; arrêt du Tribunal, Van den Bergh Foods/Commission, T-65/98, point 154 ; du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T-66/01, point 256 ; du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, point 100.
309 Arrêt du Tribunal du 11 décembre 2013, Cisco Systems, Inc. and Messagenet SpA v European Commission, T-79/12, point 69.
310 Arrêts du Tribunal du 30 janvier 2007, France Telecom vs Commission, T-340/03, points 107 et 108.
311 Arrêt du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, points 97-104.
312 Cote 3838, saisine 15/0019F.
313 Cotes 2535(VC) et 2541(VNC), saisine 15/0019F.
314 Cotes 3659 (VC) et 10221 (VNC), saisine 15/0019F.
315 Cote 3838, saisine 15/0019F.
316 http://gs.statcounter.com/search-engine-markset-share/all/france/2016
317 Décision du 27 juin 2017, Google Search (Shopping), AT.39740, paragraphes 178 à 183 et 216 et suivants. Google a formé appel contre cette décision devant le Tribunal de l'Union.
318 Observations de Google en réponse à la notification de grief, point 365
319 Notification de griefs, paragraphes 431 et 432 (cotes 10887 et 10888, saisine 15/0019F).
320 Décision de la Commission du 24 mars 2004, Microsoft, COMP/C-3/37, points 429, 472 et 560 ; Arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, T-201/04, point 387. Le terme " extraordinaire " est sans doute une traduction littérale de " extraordinary " qui serait probablement mieux rendu en français par "exceptionnel ".
321 Décision du 27 juin 2017, Google Search (Shopping), AT.39740.Voir le tableau n°3 qui indique que la part de marché la plus faible de Google en France entre 2008 et 2016 s'est élevée à 92,8%.
322 Décision du 27 juin 2017, Google Search (Shopping), AT.39740, points 292 et suivants.
323 Arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76 ; du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, point 57, du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C-202/07 P, point 105, et du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, point 112.
324 Arrêt de la Cour de justice du 17 février 2011, TeliaSonera, C-52/09, et la jurisprudence citée.
325 Décision du 27 juin 2017, Google Search (Shopping), AT.39740, paragraphes 722 et suivants. Google a formé appel contre cette décision. S'agissant d'un abus par négligence commis par La Poste, voir également la décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-63 du 17 novembre 2005, paragraphes 209 et 210.
326 Décision n° 13-D-07 de l'Autorité du 28 février 2013 relative à une saisine de la société E-kanopi, paragraphe 46.
327 Décision n° 13-D-07 du 28 février 2013 relative à une saisine de la société E-kanopi, point 47.
328 Arrêt de la Cour du 28 avril 2009, Commission c/ Italie, C-518/06, point 66.
329 Arrêt de la Cour du 21mars 1974, Belgische Radio en Televisie et société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (" BRT") /SV SABAM, C-127/73.
330 Ibid, point 15.
331 Arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Société alsacienne et lorraine de télécommunications et d'électronique (" Alsatel ") /Novasam, C-247/86, point 10.
332 Arrêt de la Cour du 16 juillet 2015, Huawei Technologies, C-170/13, points 60-71.
333 Conclusions de l'Avocat Général de M. Melchior Wathelet rendues sous l'affaire Huawei, C-170/13, point 74.
334 Voir par exemple, arrêt de la Cour, United Brands, précité, point 189.
335 Arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak, T-83/91, points 138-140 ; arrêt de la Cour de justice, BRT, précité, points 8-11.
336 Arrêt de la Cour du15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04, point 144 ; voir également arrêt de la Cour du19 avril 2018, MEO/Serviçios de Communicaçoes e Multimédia, C-525/16, point 25.
337 Article 102, alinéa 2, c).
338 Arrêt de la Cour du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04, points 143-145. Ainsi, précise la Cour de justice, " le comportement commercial de l'entreprise en position dominante ne doit pas fausser la concurrence sur un marché situé en amont ou en aval, c'est-à-dire la concurrence entre fournisseurs ou entre clients de cette entreprise. Les cocontractants de ladite entreprise ne doivent pas être favorisés ou défavorisés sur le terrain de la concurrence qu'ils se livrent entre eux. Par conséquent, il importe, pour que les conditions d'application de l'article 82, second alinéa, sous c), CE soient réunies, de constater que le comportement de l'entreprise en position dominante sur un marché non seulement est discriminatoire, mais encore qu'il tend à fausser ce rapport de concurrence, c'est-à-dire à entraver la position concurrentielle d'une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres (...). À cet égard, rien ne s'oppose à ce que la discrimination de partenaires commerciaux qui se trouvent dans un rapport de concurrence puisse être considérée comme abusive dès l'instant où le comportement de l'entreprise en position dominante tend, au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, à conduire à une distorsion de concurrence entre ces partenaires commerciaux. Dans une telle situation, il ne saurait être exigé que soit apportée en outre la preuve d'une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des partenaires commerciaux pris individuellement ". V. également arrêt de la Cour de justice, 19 avril 2018, MEO/Serviçios de Communicaçoes eMultimédia, C-525/16, point 30.
339 Arrêt de la Cour, 19 avril 2018, MEO/Serviçios de Communicaçoes e Multimédia, C-525/16.
340 En l'espèce une société coopérative de gestion des droits des artistes et des interprètes était visée par une plainte en raison d'un éventuel abus de position dominante. Il était reproché à cette entreprise, seule organisme chargé de la gestion des droits voisins au Portugal, de pratiquer des prix et des conditions inégales entre deux fournisseurs de service payant de transmission du signal de télévision et de son contenu.
341 Arrêt de la Cour, 19 avril 2018, MEO/Serviçios de Communicaçoes e Multimédia, C-525/16.
342 Voir notamment arrêts de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, point 22, et du 3 octobre 1985, CBEM, 311/84, point 26 ; arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T-219/99, point 91 ; v. également arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 février 2005, JC Decaux, rendu sur recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence n° 04-D-32 du 8 juillet 2004.
343 Arrêt du Tribunal du6 octobre 1994, Tetra Pak (II), T-83/91.
344 Arrêt de la Cour du 21mars 1974, BRT / SABAM, C-127/73.
345 Arrêt du Tribunal du6 octobre 1994, Tetra Pak (II), T-83/91, point 140.
346 Arrêt de la Cour du 21mars 1974, BRT / SABAM, C-127/73, points 6-11.
347 Décision n 10-D-30 du 28 octobre 2010 relative à de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne. Article 2 du dispositif : " L'Autorité donne acte de ce que, en pratique, Google appliquera à tous les contenus et à toutes les règles du service AdWords, dans tous les pays concernés par ce service, le principe des améliorations et clarifications apportées en application des présents engagements ".
348 Décision n° 19-MC-01 du 31 janvier 2019 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Amadeus, point 51.
349 Rapport, point 50 et point 207, (cotes 15545 et 15582, saisine 15/0019F).
350 Gibmedia a indiqué dans sa saisine que ses investissements dans Google Ads représentaient 55% du chiffre d'affaires de son activité d'édition en 2013 et 53% en 2014 (cote 4119, saisine 15/0020M). Gibmedia a investi 2222000 euros pour le site pages-annuaire.net en 2013, pour un chiffre d'affaires de 3 228 014 euros (cote 4118, saisine 15/0020M). Ecométrie, qui est contrôlée par BJ Invest depuis la fin de l'année 2014, investit également une part importante de son chiffre d'affaires dans Google Ads, pour la promotion d'annuaire-inverse-france.com. En 2014, ce site a réalisé un chiffre d'affaires de 2 765000 euros, et a investi 1523 312 euros dans Google Ads. En 2015, le chiffre d'affaires a été d'environ 2253000 euros et les investissements dans Google Ads se sont élevés à 1 162 082 euros (cote 8644, saisine 15/0019F). Pour l'ensemble des sites d'annuaires en ligne, voir les paragraphes 599 et suivants de la notification de grief (cotes 11172 et suivants, saisine 15/0019F).
351 En 2015, Dispobiz a investi 75 730 euros sur Google Ads pour le site quipage.fr, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 70695 euros (cote 8636, saisine 15/0019F). En 2014, Nathacom a investi 17000 euros sur Google Ads pour son site inverseannuaire.com, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 16 660 euros (cotes 3282 (VC)/10324(VNC), saisine 15/0019F).
352 Décision de la Commission du 20 mars 2019 concernant l'application de l'article 102 du TFUE et de l'article 54 de l'accord EEA, AT.40411 -Google Search (Adsense). Google a formé appel contre cette décision.
353 Cote VC 1294, saisine 15/0019F.
354 Notification de griefs, points 172 et 685, cotes VC 10813 et 10962.
355 Cote 1290, saisine 15/0019F.
356 Cote 11387, saisine 15/0019F.
357 Cote 11341, saisine 15/0019F
358 Cote 4772, saisine 15/0019F.
359 Cotes 11491 à 11493, saisine 15/0019F.
360 Cote 7732, saisine 15/0019F.
361Décision Navx n° 10-MC-01 du 30 juin 2010 relative à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Navx, paragraphes 123 et suivants.
362 Cote 7701, saisine 15/0019F.
363 Cotes 1725 et 1726, saisine 15/0019F.
364 Cote 16026, saisine 15/0019F.
365 Voir notamment arrêts de la Cour du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, point 22, et du 3 octobre 1985, CBEM, 311/84, point 26 ; arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T-219/99, point 91 ; voir également arrêt de la cour d'appel de Paris du 22 février 2005, JC Decaux, rendu sur recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence n° 04-D-32 du 8 juillet 2004.
366 Cote 2011, saisine 15/0019F.
367 Cote 3712, saisine 15/0019F.
368 Ad's up est une agence marketing digital certifiée AdWords par Google.
369 https://ads-up.fr/blog/etude-ifop-perception-annonces-google-adwords/
370 Voir par exemple https://www.abondance.com/20181127-38461-taux-de-clic-dans-les-resultats-de-recherche-google-etude.html ou bien https://www.positioneo.fr/taux-de-clic-dans-les-resultats-google.
371 Décision du 27 juin 2017, Google Search (Shopping), AT.39740, paragraphes 454 et suivants.
372 Voir par exemple cote 9782, saisine 15/0019F.
373 Entre 2014 et 2015, année de la suspension du compte AdWords, le chiffre d'affaires et le trafic de pages-annuaires.net ont été divisés par près de 5. En 2016, le chiffre d'affaires a été seulement de 260 214 euros, un montant environ 12 fois inférieur au chiffre d'affaires de 2013. Entre 2014 et 2015, le chiffre d'affaires et le trafic d'annuaires-inverse.net, ont été divisés par 1,7 et 2,6 (Voir les paragraphes 559 et 560 de la notification de grief - cote 11162, saisine 15/0019F). S'agissant du site d'Audivox les-pages.com, il n'a bénéficié que de 176940 visiteurs au cours des mois de septembre, octobre et novembre de l'année 2015. Un an auparavant, au cours de la même période, il avait réuni 2507203 visiteurs (voir le paragraphe 561 de la notification de grief - cote 11162, saisine 15/0019F).
374 L'"âge " d'un site donné est déterminé en se référant à l'année d'apparition dans les données fournies par Google de données de clics portant sur le site en question. Les sites pour lesquels des données de clics sur Google sont disponibles dès la première année disponibles dans les données communiqués par Google ont été reités, leur véritable âge n'étant pas connu.
375 Décision de la Commission du 17 décembre 2018, Guess, Case AT.40428, paragraphes 51, 52 et 120.
376 Cote 668, saisine 15/0019F.
377 Cote 669, saisine 15/0019F.
378 Rapport, point 202.
379 Cote 6715, saisine 15/0020M.
380 Cote 6690, saisine 15/0020M.
381 Cote 795, saisine 15/0019F.
382 Cote 795 (pour Links Lab) et cote 11357 (pour Gibmedia), saisine 15/0019F.
383 Cote 8170, saisine 15/0019F.
384 Cotes 14987 et 15582, saisine 15/0019F.
385 Voir décision n° 19-MC-01du 30 janvier 2019 relative à une demande de mesures conservatoires de la société Amadeus, points 44 à 48.
386 Cote 12082, saisine 15/0019F.
387 Cote 3835, saisine 15/0019F.
388 Observations de Google en réponse au Rapport, point 20, cote 15957, saisine 15/0019F.
389 Rapport, paragraphes 390 et 391, cotes 15625 et 15626, saisine 15/0019F.
390 Paragraphes 171, 172, 238 de la notification de grief, cotes 11045, 11046 et 11067, saisine 15/0019F.
391 Paragraphes 495 et 496 de la notification de grief, cote 11143, saisine 15/0019F.
392 Voir la note de bas de page 221 des observations de Google en réponse à la notification de grief, cote 11421, saisine 15/0019F.
393 Voir, notamment les arrêts de la Cour de justice du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97/08 P, Rec. p. I-08237, points 55 et 56, et du 20 janvier 2011, General Quimica/Commission, C-90/09 P, Rec. p. I-0001, point 36 ; voir, également l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., p. 18 et 20.
394 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, pp. 18 et 19.
395 Akzo Nobel e.a./Commission, précité, points 60 et 61, General Quimica/Commission, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19-20.
396 Cote 1473, saisine 15/0019F.
397 Cote 2036, saisine 15/0019F.
398 Cote 9821, saisine 15/0019F.
399 Cote 9821, saisine 15/0019F.
400 Cotes 597 et suivantes, saisine 15/0019F.
401 Cote 1864, saisine 15/0019F.
402 Cote 9068, saisine 15/0019F.
403 Cote 9041, saisine 15/0019F.
404 https://abc.xyz/investor/pdf/20171231_alphabet_10K.pdf
405 Critères précisés au quatrième alinéa du I de l'article L.464-2 du code de commerce.
406 Communiqué sanctions, paragraphes 14 et 7.
407 Cour de justice, 11 juin 2009, XBV, C-429-07, paragraphe 37.
408 Communiqué précité, paragraphe 11.
409 Communiqué précité, paragraphe 7.
410 Communiqué précité, paragraphe 33.
411 Cote 15995.
412 Cass., ciale, 27 septembre 2017, Spie Sud-Ouest.
413 Communiqué précité, paragraphes 27 et suivants.
414Décisions n° 10-MC-01 et n° 10-D-30, Navx.
415 Décision n° 13-D-07, paragraphes 77 et suivants.
416 Décisions de la Commission du 27 juin 2017, AT.39740 -Google Search (Shopping) ; du 18 juillet 2018, AT.40099 - Google Androïd ; du 20 mars 2019, AT.40411 - Google Search (Adsense). Un appel a été formé par Google contre ces décisions : affaire T-612/17 (appel de la décision Google Search -Shopping) ; affaire T-604/18 (appel de la décision Google Androïd), affaire T-334/19 (appel de la décision Google Search - AdSense).
417 Décision n° 19-MC-01 relative à une décision de mesures conservatoires d'Amadeus (octroi), décision n° 15-D-13 relative à une demande de mesures conservatoires de Gibmedia (rejet), décision n° 10-MC-01 relative à une décision de mesures conservatoires de Navx (octroi), décision n° 05-D-34 du 27 juin 2005 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la vente sur internet d'appareils audiovisuels (rejet).
418 Décision n° 10-D-30 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité sur internet (Navx).
419 Décision n° 13-D-07 de l'Autorité (E-kanopi).
420 Entre 2014 et 2015, année de la suspension du compte AdWords, le chiffre d'affaires et le trafic de pages-annuaires.net ont été divisés par près de 5. En 2016, le chiffre d'affaires a été seulement de 260 214 euros, un montant environ 12 fois inférieur au chiffre d'affaires de 2013. Entre 2014 et 2015, le chiffre d'affaires et le trafic d'annuaires-inverse.net, ont été divisés par 1,7 et 2,6 (voir les paragraphes 559 et 560 de la notification de grief - cote 11162, saisine 15/0019F). S'agissant du site d'Audivox les-pages.com, il n'a bénéficié que de 176940 visiteurs au cours des mois de septembre, octobre et novembre de l'année 2015. Un an auparavant, au cours de la même période, il avait réuni 2507203 visiteurs (voir le paragraphe 561 de la notification de grief - cote 11162, saisine 15/0019F).
421 Cass.com., 28 avril 2004, Colas Midi-Méditerranée e.a., n° 02-15203.
422 Cotes VC 12539 à 12561, saisine 15/0019F.
423 Alphabet Inc est condamnée au paiement conjoint et solidaire d'une quote-part de l'amende, calculée en tenant compte de la durée de sa participation (3 ans) à l'infraction qui s'est écoulée sur une période de 6 ans et 3 mois.