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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 12 février 2020, n° 18-19769

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

B&B Solutions (SARL)

Défendeur :

Gemofis (Sté), Selafa Mandataires Judiciaires Associés (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Mes Poidevin, Levy, Volfinger, Koening

T. com. Paris, du 16 mai 2018

16 mai 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Gemofis exerçait l'activité de conseil en immobilier d'entreprise et avait développé une activité de franchiseur dans ce domaine.

La SARL B&B Solutions, conseil en immobilier depuis sa création en 2004, a signé un contrat de franchise avec la société Gemofis, le 27 mai 2012.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris du 13 juin 2013, le franchiseur a été placé en redressement judiciaire.

Le 16 juin 2014, la société B&B Solutions et deux autres franchisés ont fait part à la société Gemofis de leur inquiétude quant à la perte par le réseau de quatre membres importants, considérant que le contrat de franchise était devenu inadéquat avec les besoins des signataires et qu'il était désormais nécessaire de réviser la grille des redevances perçues par Gemofis.

Le 1er septembre 2014, la société B&B Solutions a écrit à l'administrateur judiciaire du franchiseur, se plaignant que le contrat n'était plus exécuté et demandant que les services fondamentaux qui lui sont dus soient maintenus.

La société Gemofis a répondu, le 16 septembre 2014, par une mise en demeure de régler des redevances impayées.

Le tribunal de commerce, par jugement du 7 janvier 2015, a arrêté un plan de cession du franchiseur et, par jugement du 4 février 2015, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Gemofis, désignant la Selafa MJA, mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur.

Par acte extrajudiciaire du 23 septembre 2018, la société MJA ès qualités a assigné en paiement la société B&B Solutions devant le tribunal de commerce de Paris.

C'est dans ces conditions que, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 16 mai 2018, a :

- condamné la société B&B Solutions à payer à la société MJA ès qualités la somme de 6 638,40 euros TTC, majorée forfaitairement de 10 %, le tout portant intérêt à compter du 1er janvier 2015, au taux mensuel de 1,25 % jusqu'à parfait règlement ;

- condamné la société B&B Solutions à payer à la société MJA, ès qualités la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- condamné la société B&B aux dépens.

La Cour est saisie de l'appel de ce jugement interjeté le 7 août 2018, par la société B&B Solutions.

Par dernières conclusions déposées et notifiées le 5 novembre 2018, la société B&B Solutions demande à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu le 16 mai 2018 ;

- débouter la Selafa MJA, es qualites de l'ensemble de ses fins et prétentions ;

- condamner la Selafa MJA es qualites à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner à supporter les entiers dépens de la présente procédure et de la procédure de première instance.

La Selafa MJA ès qualités, bien qu'elle ait constitué avocat, n'a pas déposé de conclusions.

SUR CE, LA COUR

Sur l'inexécution par la société Gemofis de ses obligations contractuelles

Les redevances litigieuses sont la contrepartie, pendant la durée du contrat, notamment :

- de la mise à disposition de la marque ;

- au titre de la transmission du savoir-faire, de la communication des kits de référence, de l'ensemble des données propres à la vie du groupe, des documents types et matrices utiles à l'exercice de l'activité de l'analyse et plan d'action type d'une agence ;

- de la mise à disposition du personnel ou des représentants du franchiseur dans l'assistance du franchisé, comprenant :

* l'assistance téléphonique ;

* 2 visites annuelles sur site, au minimum, pour évaluer les actions menées et aider le franchisé à définir ses actions à conduire ;

* l'organisation de réunions régionales ;

* l'analyse des ratios des agences ;

* l'organisation d'une convention annuelle ;

* la réalisation d'audits de satisfaction des mandants, clients et de l'image de la marque ;

* la conception et la proposition des programmes de formation ;

* l'optimisation et la recherche des fournisseurs et prestataires ;

* l'édition et la mise à jour des manuels et documents ;

* la vie du réseau et l'animation des hommes, l'ouverture de nouvelles agences, l'expansion ;

* la mise au point de la communication publicitaire ;

* le développement des outils informatiques et de communication ;

- de la concession d'un territoire au franchisé ;

- du développement et de la maintenance d'outils informatiques et télématiques (site Gemofis.com et base de données Gesiplus) ;

- de la formation continue régulière et gratuite du franchisé ;

- du développement d'une communication nationale par tous moyens à la discrétion du franchiseur, en vue de la promotion de l'image du réseau ;

- de la mise au point des éléments d'identification et d'harmonisation des locaux, enseignes, vitrines, formulaires ;

- de la présentation harmonisée de l'agence sur le site internet Gemofis.com et la mise en ligne régulière des annonces ;

- de la recherche de synergie liée à l'effet réseau.

La société B&B Solutions, qui rappelle que le contrat de franchise conclu entre les parties est synallagmatique, soutient que le franchiseur n'a pas exécuté ses obligations. Elle expose qu'il a totalement abandonné son réseau de franchisés et qu'il ne démontre pas avoir exécuté les obligations à sa charge.

Elle allègue en outre que le franchiseur a imposé de nouvelles obligations à ses franchisés, dont certaines incombaient en propre au franchiseur.

Elle affirme également que les montants de redevance qui lui sont réclamés ne font l'objet d'aucune preuve apportée par le franchiseur, qui se serait contenté de fournir des factures sans indiquer les prestations précises qu'il aurait réalisées.

La société B&B Solutions entend ainsi réfuter les motifs du tribunal de commerce selon lesquels elle aurait reconnu la réalisation des obligations du franchiseur en payant une partie des redevances.

Elle indique au contraire avoir maintenu une redevance de base malgré le fait que le franchiseur ne remplissait plus ses obligations et explique que ce maintien de bonne foi n'était fondé que sur sa volonté de continuer à utiliser la marque Gemofis et d'accéder à la base de données, à la messagerie et au portail internet.

La société B&B Solutions rappelle également que la plupart des franchisés avaient résilié leur contrat de franchise pour les mêmes raisons que celles invoquées par l'appelante pour justifier le non-paiement des redevances.

En droit, le franchisé a la charge de démontrer que le franchiseur, avant que les redevances aient été retenues, a manqué d'accomplir une prestation contractuelle relevant d'une obligation de résultat, ou aurait omis de mettre en œuvre les moyens voulus pour exécuter une obligation de moyens.

Or, la société B&B Solutions s'est plainte au franchiseur une première fois, par lettre du 16 juin 2014 commune à deux autres franchisés, que :

- 4 franchisés importants du réseau (Lyon, Orléans, Rouen et Nice) l'avaient quitté ou avaient arrêté ;

- le suivi et l'animation du réseau ne correspondait plus à ses attentes depuis 12 mois de mise sous administration judiciaire, la facturation ayant été maintenue sur les mêmes bases malgré le " préjudice financier de services " subi ;

- les redevances stipulées ne tenaient plus compte de la réalité ni des besoins des franchisés.

Par lettre du 1er septembre 2014, le franchisé s'associait avec deux autres pour dénoncer la disparition du réseau et de sa notoriété, déplorant la perte d'un cinquième membre (Toulouse), indiquer qu'il ne payait plus que le minimum de la redevance par suite du non-respect par le franchiseur de ses obligations nées du contrat, demander de nouveau la révision des redevances ainsi que le passage à un contrat de licence de marque, demander, au cas de liquidation, le maintien de :

- l'accès à la base de données (Eudonet) ;

- l'accès à la messagerie internet auprès du fournisseur d'accès internet ;

- la maintenance du portail web principal ;

- l'utilisation de la marque Gemofis.

Contrairement à ce que soutient le franchisé, il n'est pas établi par les pièces produites que le franchiseur ait été totalement défaillant dans l'animation du réseau et le suivi, ni que le franchisé ait dû se substituer à lui pour assurer la promotion de la marque, pour participer aux salons, pour assurer le référencement du site internet, pour financer de la formation juridique ou le système informatique Eudonet.

Contrairement à ce que soutient également le franchisé, il n'est pas démontré que la société Gemofis n'exécutait plus aucune des obligations à sa charge.

En dehors des services informatiques et télématiques dont le franchisé a demandé le maintien au cas de liquidation, preuve qu'ils ont été assurés en 2014, le franchiseur a indiqué notamment par lettre du 16 septembre 2014 que la Convention annuelle stipulée avait eu lieu au mois de juin de cette même année et que le franchisé n'y avait pas participé.

Le franchiseur a également souligné que les interventions d'un prestataire extérieur sur le site internet qui avaient contribué à son succès étaient à poursuivre pourvu que les redevances prévues au contrat et retenues de manière injustifiée soient versées.

Les conditions dans lesquelles les contrats de ceux qui ont quitté le réseau ont été rompus ne sont pas précisées, si ce n'est que pour Orléans, il est indiqué par la lettre du 19 septembre 2014, adressée par le franchisé au franchiseur, qu'un litige était en cours à ce sujet.

Le franchiseur ne prouve pas avoir été confronté à la défaillance qu'il allègue, celle-ci, d'une part, n'ayant été en aucun cas totale, tandis que, d'autre part, les manquements contractuels prétendus du franchiseur n'apparaissent ni caractérisés, ni, imputables à celui-ci.

Il résulte de ces éléments que le franchisé, qui a pris le risque de s'abstenir de payer partie des redevances prévues au contrat, n'apparaît pas bien fondé en son appel, dès lors qu'il ne prouve pas que le franchiseur avait préalablement engagé sa responsabilité contractuelle à son égard.

Sur les demandes

L'intimé n'ayant pas conclu, il est présumé demander la confirmation du jugement entrepris, alors que celui-ci a condamné le franchisé à payer au franchiseur une somme de 6 638,40 euros TTC de redevance en principal, après déduction d'acomptes versés.

La redevance de base due en vertu du contrat de franchise est de 2 % HT, pour les relations publiques, la publicité, communication et expansion du réseau, à laquelle s'ajoute la redevance dégressive de 5,5 %, pour les chiffres d'affaires jusqu'à 300 000, de 4,5 % entre cette somme et 600 000 euros, de 3,5 % au-delà, pour les prestations d'animation, d'organisation, de gestion du réseau de développement et d'amélioration des méthodes, de recherche et d'évolution des outils.

Le franchiseur reconnaît par lettre faire partie des entreprises qui atteignent régulièrement plus de 350 000 euros de chiffre d'affaires annuel et les demandes en première instance (21 615,35 euros) démontrent qu'est établi le fait que le chiffre d'affaires de référence dépasse 360 000 euros.

Il en résulte qu'en retenant que le franchisé devait au franchiseur, au titre de 2014, une somme de 13 500 euros à titre de redevance, dont à déduire 12 acomptes mensuels versés de 571,80 euros, les premiers juges n'ont pu excéder ce qui est réellement dû au franchiseur en condamnant le franchisé à lui payer une somme de 6 638,40 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé s'agissant de la somme allouée en principal, mais encore de la pénalité de 10 % et des intérêts de retard stipulés.

Le jugement entrepris a exactement statué sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile.

Le franchisé qui succombe sera condamné aux dépens d'appel.

Faute de demande de la part de l'intimé, il n'y a pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris, Déboute la SARL B&B Solutions de ses demandes, la Condamne aux dépens d'appel, Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.