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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 12 février 2020, n° 19-04460

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Minoterie Batigne (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Penavayre

Conseillers :

M. Delmotte, Mme Truche

Avocats :

Mes Kopp, Nonnon, Sorel, Le Maillot

T. com. Albi, du 27 sept. 2019

27 septembre 2019

Exposé du litige

Suivant contrat du 10 mars 2017, M. X, exerçant la profession de boulanger, s'est engagé à s'approvisionner exclusivement en farines et autres produits auprès de la société Minoterie Batigne (la société Minoterie) pour une durée de cinq ans.

L'article 8 du contrat contient une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce d'Albi.

M. X ayant cessé, à compter du mois de septembre 2018, de s'approvisionner auprès de la société Minoterie, celle-ci l'a assigné devant le tribunal de commerce d'Albi en paiement d'une indemnité de rupture et des quotas de produits dont il aurait dû prendre livraison.

M. X a soulevé la nullité du contrat d'approvisionnement exclusif et de la clause attributive de compétence comme l'applicabilité de cette clause et a dénié sa qualité de commerçant ; il a soulevé l'incompétence matérielle comme territoriale du tribunal de commerce d'Albi au profit du tribunal de grande instance d'Auch.

Par jugement du 27 septembre 2019, le tribunal de commerce d'Albi a déclaré valable la clause attributive de compétence, débouté M. X de son exception d'incompétence et renvoyé l'affaire au fond.

Par déclaration du 11 octobre 2019, M. X a relevé appel de ce jugement.

Après avoir été autorisé à assigner à jour fixe par ordonnance du magistrat délégué du Premier président du 18 octobre 2019, M. X a fait délivrer à la société Minoterie une assignation à comparaître à l'audience du 9 décembre 2019.

Vu les conclusions du 11 octobre 2019 de M. X demandant à la cour

- d'infirmer le jugement

- d'annuler le contrat d'approvisionnement exclusif et, à tout le moins, de déclarer non écrite la clause attributive de compétence figurant à l'article 8 du contrat

- de dire le tribunal de commerce d'Albi incompétent pour se prononcer sur la demande de la société Minoterie et de renvoyer l'instance devant le tribunal de grande instance d'Auch

- d'ordonner à titre subsidiaire la réouverture des débats sur le fond

- de condamner la société Minoterie à lui payer la somme de 2 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile

Vu les conclusions du 6 décembre 2019 de la société Minoterie demandant à la cour

- de confirmer le jugement

- de condamner M. X à lui payer la somme de 1192 à titre d'indemnité de rupture du contrat d'approvisionnement exclusif outre celle de 9 000 correspondant aux quotas mensuels d'approvisionnement non respectés

- d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 janvier 2018

- de condamner M. X à lui payer la somme de 4 000 en application de l'article 700 du Code de procédure civile

Motifs

Attendu qu'est un artisan celui qui tire la plus grande partie de ses revenus professionnels de son travail manuel et qui n'effectue aucune activité de spéculation sur les matières premières.

Attendu qu'en l'espèce, même si M. X a été inscrit au registre du commerce et des sociétés, cette inscription n'emporte que présomption simple de commercialité laquelle peut être combattue par l'intéressé qui peut rapporter la preuve de ce que l'activité exercée n'est pas commerciale.

Attendu qu'en l'occurrence la qualité présumée de commerçant de M. X est contredite par le fait même qu'il justifie avoir été inscrit parallèlement au répertoire national des entreprises et au répertoire des métiers en qualité de boulanger-pâtissier ; qu'en application de l'article 19 I, de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, modifié par la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, relèvent du secteur de l'artisanat les personnes immatriculées au répertoire des métiers ou au registre des entreprises mentionné au IV. Doivent être immatriculées au répertoire des métiers ou au registre des entreprises mentionné au même IV les personnes physiques et les personnes morales qui n'emploient pas plus de dix salariés (ce qui était les cas de M. X) et qui exercent à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat, après consultation de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et des organisations professionnelles représentatives ; que la même loi du 18 juin 2014, modifiant l'article 21 la loi du 5 juillet 1996, dispose encore dans son chapitre Ier, intitulé " qualification professionnelle et définition de la qualité d'artisan " : les personnes physiques et les dirigeants sociaux des personnes morales relevant du secteur de l'artisanat au sens du I de l'article 19 peuvent se prévaloir de la qualité d'artisan dès lors qu'ils justifient d'un diplôme, d'un titre ou d'une expérience professionnelle dans le métier qu'ils exercent, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.

Attendu que M. X a exercé, en toute indépendance, l'activité de boulanger pâtissier sise à Simorre (32) du 3 septembre 2010 au 4 janvier 2018, date de la radiation du répertoire des métiers ; qu'il figure expressément dans le contrat d'approvisionnement en qualité d'artisan boulanger ; que s'il se fournissait en farines auprès de la société Minoterie, ce n'était pas pour revendre directement la marchandise à des tiers et en tirer bénéfice ; qu'au contraire, titulaire du diplôme de boulanger et exerçant personnellement le métier de boulanger, il transformait par son industrie la farine pour la revendre sous forme de pains ou viennoiseries ; qu'ainsi, et sans qu'aucune pièce contraire ne soit invoquée, M. X tirait l'essentiel de ses revenus de son travail manuel de boulange; que le seul fait pour M. X d'avoir souscrit, de façon isolée et purement circonstancielle, auprès de la société Minoterie un emprunt destiné à financer l'acquisition du fonds de boulangerie ne saurait lui conférer la qualité de commerçant ; qu'au contraire les éléments précités révèlent qu'il n'a pas accompli d'actes de commerce à titre habituel et qu'il a la qualité d'artisan et non de commerçant.

Attendu que la clause attributive de compétence dont se prévaut la société Minoterie, qui n'a pas été convenue entre deux personnes ayant la qualité de commerçant, ne peut donc recevoir application.

Attendu, en conséquence, que M. X est fondé à soulever l'incompétence tant matérielle que territoriale du tribunal de commerce d'Albi au profit du tribunal de grande instance d'Auch dans le ressort duquel il réside.

Attendu qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de grande instance d'Auch.

Par ces motifs : Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ; Dit que la clause attributive de compétence figurant dans le contrat d'approvisionnement exclusif liant les parties ne peut être valablement opposée à M. X ; Déclare le tribunal de commerce d'Albi incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Auch pour statuer sur l'action engagée par la société Minoterie Batigne contre M. X ; Ordonne le renvoi de l'affaire au fond devant le tribunal de grande instance d'Auch ; Condamne la société Minoterie Batigne aux dépens de la présente instance ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile, rejette la demande de la société Minoterie Batigne, la condamne à payer à M. X la somme de 1 500.