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Décisions

CA Versailles, 1re ch. sect. 1, 18 février 2020, n° 18-04649

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Com. l'Agence (SARL), Selas Bernard (ès qual.)

Défendeur :

La Cuisine (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Palau

Conseillers :

Mmes Lelièvre, Lauer

Avocats :

Mes Jourde Laroze, Rouault, Planes, Heslaut

TGI Nanterre, du 28 mars 2018

28 mars 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société Com. l'agence, immatriculée le 29 septembre 2003 pour une activité d'agence de publicité et de conseil en communication exercée à Villeneuve d'Ascq et gérée par M. H O, a procédé courant 2006 et 2007 au licenciement de plusieurs de ses salariés, dont M. D Y, directeur artistique junior, le 20 septembre 2006.

Celui-ci a créé la société La Cuisine, immatriculée le 8 juin 2007 pour une activité d'agence de publicité et de création graphique exercée à Roubaix puis à Marcq en Baroeul.

Le capital de cette société était détenu à hauteur d'un tiers par M. Y et des deux tiers par Mme E, sa compagne.

Elle a été gérée du 2 mai 2007 à juillet 2009 par Mme B J

Celle-ci, également ancienne salariée de la société Com. l'agence, avait démissionné de son emploi de chef de projet par courrier du 24 janvier 2007, sa période de préavis ayant été réduite à la suite de l'enregistrement, selon son employeur, de dossiers professionnels à des fins personnelles constaté par acte d'huissier de justice du 1er février 2007.

La société Com. l'agence a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille le 27 novembre 2007, la Selas L, prise en la personne de Maître F L, ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Estimant que la société La Cuisine avait détourné certains de ses listings, fichiers et documents techniques ainsi que son logiciel développé avec son partenaire la société Maquet Infographie, et avait débauché son principal client, la société Moët Hennessy Diageo (ci-après, MHD), la société Com. l'agence a été autorisée, par ordonnance du président du tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing du 14 avril 2009, à faire réaliser des mesures d'instruction in futurum au siège de la société La Cuisine, l'huissier de justice ayant pour mission :

" - de se rendre au siège de la société La Cuisine, ... ainsi qu'en tous lieux qu'il appartiendra, de constater la présence des personnes précitées, les anciens salariés de la société Com. l'agence et se faire remettre le livre d'entrée et sortie du personnel, de prendre connaissance et copie des dossiers impliquant des clients et anciens clients de la société Com. l'agence, des fichiers Pao x Press - Photoshop - Illustrator, sous logiciel Mac et de faire remettre les CD sous PC, de se faire remettre tous documents relatifs aux opérations publicitaires MHD Automne/Hiver 2007,

Printemps/Eté 2008 et Automne/Hiver 2008, de l'autoriser à avoir accès aux documents comptables, commerciaux, informatiques, contrats, correspondances, notes, agenda pour les années 2007 et 2008, répertoires téléphoniques, listings clients et plus généralement tous documents utiles à sa mission, en constater le contenu et en prendre photocopie ;

- de l'autoriser à délivrer sommation interpellative à toute personne qu'il appartiendra, afin d'obtenir toutes explications sur les agissements constatés et se faire remettre en original ou en copie toutes pièces utiles ;

- de se rendre au siège de la société Siliconsalad, au sein de laquelle travaille G C qui fut le développeur du CD ROM réalisé pour la société Com. l'agence, et le mettre en comparaison avec le/les logiciel(s) actuellement exploité(s) par la société La Cuisine et installé(s) dans son outil informatique, d'autoriser le requérant, à mandater les anciens dirigeants, préposé ou mandataire de la société Com. l 'agence, à assister l'huissier dans l'accomplissement de sa mission

Selon procès-verbal du 24 juillet 2009 complété le 29 juillet 2009, l'huissier de justice a exécuté sa mission au siège social de la société La Cuisine en présence de M. H M, ancien gérant de la société Com. l'agence.

Le 24 août 2009, la société La Cuisine a assigné la société Com. l'agence en rétractation de l'ordonnance autorisant les mesures, procédure qui a fait l'objet d'une ordonnance de radiation le 15 janvier 2010 sans qu'aucune diligence n'ait été accomplie depuis lors.

La Selas L, ès qualités de liquidateur de la société Com. l'agence, a alors fait assigner devant le tribunal de commerce de Lille métropole la société La Cuisine et la société MHD en concurrence déloyale ainsi qu'en contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle sur son logiciel et ses créations promotionnelles.

Par jugement du 9 octobre 2014 rectifié le 12 mars 2015, le tribunal de commerce de Lille métropole a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la société MHD au profit du tribunal de grande instance de Nanterre, au motif que la Selas L, ès qualités, invoquait des atteintes au droit d'auteur et, ne statuant que sur le grief allégué de rupture brutale des relations commerciales par la société MHD, a condamné cette dernière à payer à la société L, ès qualités, la somme de 55 556 euros à titre de dommages intérêts.

La société MHD a interjeté appel puis s'est désistée après conclusion d'une transaction.

Devant le tribunal de grande instance de Nanterre, la Selas L, ès qualités, s'est désistée de ses demandes à l'encontre de la société MHD.

Le tribunal a prononcé le jugement dont appel.

Aux termes de ses conclusions précitées, la Selas L ès qualités relate la procédure.

Elle critique le jugement.

S'agissant du constat d'huissier du 29 juillet 2009, elle réfute toute violation de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) en raison de la présence de M. N

Elle souligne que la présence de M. M était expressément autorisée par l'ordonnance du 14 avril 2009 et que le recours en rétractation contre elle n'a pas été poursuivi.

Elle déclare que M. M n'a pas assisté l'huissier et qu'il était indépendant.

Elle soutient, excipant d'arrêts, que le principe selon lequel " le droit à un procès équitable commande que la personne qui assiste l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante " ne trouve à s'appliquer que lorsque deux conditions cumulatives sont réunies soit que la personne " assiste " l'huissier en jouant un rôle actif dans l'opération de constat soit qu'elle n'est pas " indépendante " de la partie requérante.

Elle estime que la situation est inverse, M. M n'ayant eu aucun rôle actif dans les opérations de constat ce que le tribunal a même reconnu. Elle ajoute qu'il n'est intervenu que le 28 juillet 2009 à l'étude de l'huissier - soit postérieurement aux opérations de constat et hors les locaux de l'intimée - pour réaliser une copie des 13 CD confiés par la société La Cuisine.

Elle indique également que l'ordonnance désignant l'huissier a été rendue à la requête non pas de la Sarl Com. l'agence représentée par son gérant mais de Maître L, en qualité de liquidateur judiciaire de la société.

Elle rappelle que l'article 1844-7 du Code civil alors applicable disposait que la société prenait fin par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire.

Elle conclut qu'il il n'existait plus, à compter du 27 novembre 2007, aucun lien juridique entre la société et M. M et, a fortiori, aucun lien de " dépendance ", pas plus que n'existait de lien de dépendance de M. M à l'égard de Maître L.

Elle déclare que l'intimée ne conteste pas cette indépendance de M. N

Elle fait valoir, en outre, que, tant avant que pendant les opérations, ni la gérante de la société ni son conseil n'ont contesté la présence, pourtant bien identifiée, de M. N

Elle critique les autres moyens d'annulation du constat soulevés par l'intimée.

Elle fait valoir qu'elle est irrecevable à contester devant le tribunal de grande instance de Nanterre ou la cour d'appel de Versailles l'opportunité de l'ordonnance qui relevait de la compétence exclusive du président du tribunal de commerce de Lille Métropole.

Elle infère des articles 496 et 497 du Code de procédure civile que le juge qui a rendu l'ordonnance sur requête est seul compétent pour la modifier ou la rétracter et cite des arrêts.

Elle conclut qu'aucune autre juridiction ne peut connaître des griefs développés à l'encontre de l'ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2009.

Sur le fond, elle réfute ceux-ci.

Concernant le motif légitime, elle rappelle l'article 145 du Code de procédure civile et affirme, excipant d'arrêts, qu'une telle procédure n'est pas limitée à la conservation des preuves mais qu'elle peut tendre aussi à leur établissement.

Elle déclare que Maître L a obtenu la désignation d'un huissier car il justifiait d'indices graves laissant présumer que la Sarl La Cuisine utilisait dans ses échanges avec un ancien client (MHD) des fichiers clients et des éléments créatifs lui appartenant.

Elle fait état de pièces établissant que Mme I avait, notamment, copié des fichiers clients et des fichiers informatiques.

Concernant l'urgence, elle reproche à l'intimée de confondre les cas de compétence générale du président fondés sur l'urgence (article 875 du Code de procédure civile) et les cas de compétence sans urgence " dans les cas spécifiés par la loi " (article 874 du Code de procédure civile).

Elle souligne que les mesures d'instruction fondées sur l'article 145 du Code de procédure civile comme tel est le cas constituent l'un des cas spécifiés par la loi, relevant de l'article 874 du même Code, pour lesquels l'urgence n'est pas exigée.

Elle en conclut que l'urgence n'était pas requise.

Concernant l 'existence de circonstances exigeant que cette mesure ne soit pas prise contradictoirement, elle déclare que Maître L a justifié de la nécessité de ne pas appeler la partie adverse à un débat contradictoire, l'objectif de mise à jour d'un mécanisme déloyal et de son ampleur impliquant nécessairement le caractère non contradictoire de la mesure.

Concernant l'absence de mesure légalement admissible, elle soutient que le président du tribunal a parfaitement déterminé et circonscrit la mission donnée à l'huissier.

Elle ajoute que le procès-verbal démontre qu'aucun des éléments recueillis par l'huissier n'a fait l'objet d'une " remise forcée ", l'huissier n'ayant pas forcé l'accès au bureau ou eu recours à un serrurier, Mme E lui ayant spontanément répondu et lui ayant fourni les éléments d'information requis, sans recours à une quelconque contrainte et ayant même appelé son avocat qui a expressément "'autorisé'" M. Y à coopérer à l'exécution de la mission.

Elle déclare qu'il en a été de même de la remise des CD.

Elle souligne que les opérations de constat susceptibles de caractériser une concurrence déloyale par voie de " détournement de listes fichiers et documents techniques " et de " détournement de clientèle " sont distinctes des opérations de saisie contrefaçon et ne peuvent leur être assimilées.

Concernant la violation du Code de la propriété intellectuelle, elle affirme citant un arrêt que le juge de l'ordonnance n'a pas à considérer si la preuve établie ou conservée sur la base de l'ordonnance à intervenir aura ou non vocation à être invoquée dans un litige qui - en raison de son objet - relèverait de la compétence exclusive d'une juridiction en particulier, le tribunal de grande instance en l'espèce.

Elle ajoute que la requête aux fins de constat présentée le 7 avril 2009 ne concernait pas une problématique touchant à la propriété intellectuelle et ne visait que des actes pouvant être qualifiés de concurrence déloyale.

Elle conteste donc avoir voulu contourner les dispositions relatives à la saisie contrefaçon.

Concernant le droit à un délai raisonnable entre la remise d'une copie de l'ordonnance et la tenue des opérations de l'huissier de justice, elle rappelle que la société a pu se rapprocher de son conseil avant les opérations de constat et qu'elle a engagé, pour rétablir le contradictoire, un recours en rétractation qu'elle a abandonné.

Elle se prévaut d'un rapport de la Cour de cassation de 2010 énonçant que l'atteinte au principe du contradictoire n'est que reportée compte tenu de la faculté de demander la rétractation de l'ordonnance et estime qu'exiger d'autres délais entre la remise de l'ordonnance et son exécution reviendrait à priver ce mécanisme de tout son intérêt, dès lors qu'il s'agit précisément d'écarter le contradictoire en raison du risque de voir la partie concernée faire échec à la bonne exécution d'une mesure jugée utile.

Elle conteste toute violation de la liberté d'entreprise et du droit à la vie privée.

Elle dément l'existence d'interrogatoires menés par l'huissier et observe, citant un arrêt, que celui-ci peut recueillir des témoignages aux seules fins d'éclairer ses constatations matérielles et affirme que tel a été le cas.

Elle fait valoir que le procès-verbal de constat dressé par Maître Callens le 24 juillet 2009 démontre que ses échanges verbaux avec M. Y et Mme I se sont limités à des questions sur leur identité et la localisation d'éléments matériels supposés se trouver dans les locaux de la société, l'huissier restant dans les limites de sa mission qui consistait notamment à " délivrer sommation interpellative à toute personne qu'il appartiendra, afin d'obtenir toutes explications sur les agissements constatés et se faire remettre en original ou en copie toutes pièces utiles ".

S'agissant de la recevabilité de l'action en contrefaçon, elle soutient que le logiciel litigieux n'est pas une œuvre de collaboration au motif que ni la société Com. l'agence (partie artistique) ni la société Macquet infographie (partie technique) ne sont des personnes physiques.

Elle souligne, " surtout ", que la société Com. l'agence a investi plus de 72 300 euros HT dans le développement de ce logiciel.

Elle en conclut qu'elle était le titulaire exclusif des droits de propriété intellectuelle sur le logiciel qu'elle avait commandé et payé, ce que confirme l'ancien dirigeant de la société Macquet Infographie dans une attestation.

Elle estime que cette attestation, établie par un tiers indépendant, démontre sans équivoque possible le transfert des droits de propriété intellectuelle à la société Com. l'agence.

Elle fait valoir, citant des arrêts, que la personne morale qui exploite sous son nom une œuvre à l'élaboration de laquelle ont contribué plusieurs participants est, jusqu'à preuve du contraire, présumée propriétaire d'une œuvre collective et investie des droits de l'auteur conformément à l'article L. 113-5 du Code de la propriété intellectuelle.

Elle en conclut qu'une société n'a pas à faire la preuve de son droit d'auteur dès lors qu'il est constant qu'elle exploite commercialement les objets contrefaits.

Elle affirme que la société Com. l'agence est investie des droits de l'auteur pour les avoir acquis auprès du développeur, la société Macquet Infographie, et avoir présenté le logiciel comme étant le sien aux clients.

Elle conclut à la recevabilité de son action en contrefaçon.

Elle fait également valoir, s'agissant de l'absence de production d'un contrat précisant la cession des droits de propriété intellectuelle, que l'inobservation de l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle est sanctionnée par la nullité relative de la cession, une société étrangère à l'acte ne pouvant donc prévaloir de ces dispositions comme il a été jugé.

Elle soutient que son action en concurrence déloyale est recevable car fondée sur des faits distincts.

Elle rappelle, citant des arrêts, que la concurrence déloyale consiste, pour l'essentiel, dans l'utilisation de procédés contraires aux usages et habitudes professionnels tendant à détourner la clientèle d'un concurrent et, donc, que la qualification d'une situation de concurrence déloyale suppose le constat d'une déformation de concurrence résultant de la faute d'un agent économique, étant observé que celle-ci ne requiert pas un élément intentionnel.

Elle se prévaut d'arrêts ayant précisé l'articulation entre les actions en contrefaçon et en concurrence déloyale, l'action en concurrence déloyale pouvant être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon de marque rejetée pour défaut d'atteinte à un droit privatif, dès lors qu'il est justifié d'un comportement fautif.

Elle rappelle qu'elle reproche à l'intimée, au titre de la concurrence déloyale, le détournement des 24 feuillets du pressbook, le détournement du logiciel et le détournement du client MHD.

Elle expose que, dans le cadre d'une sommation interpellative délivrée le 1er février 2007, Mme I a reconnu avoir enregistré sur un CD les dossiers achevés, des dossiers en cours et des documents venant de clients sans l'accord du gérant de la société Com. l'agence.

Elle fait donc valoir que l'action en contrefaçon vise l'utilisation - sans autorisation - du logiciel appartenant à Com. l'agence alors que l'action en concurrence déloyale vise la façon illicite dont celui-ci a été mis en possession de la société La Cuisine, la même question se posant pour 24 feuillets du pressbook et la façon dont elle a déterminé le client MHD à traiter avec elle.

Elle en conclut que l'action en concurrence déloyale est recevable car fondée sur des faits distincts.

La société invoque des détournements des moyens matériels caractérisant une concurrence déloyale.

Elle rappelle, citant des arrêts, que le détournement des listings, fichiers et documents techniques d'un concurrent, obtenus avec le concours d'un ancien salarié de ce dernier, notamment en vue de la constitution de fichiers, constitue un moyen de détournement déloyal de clientèle et de désorganisation des relations commerciales d'une entreprise rivale.

Elle se prévaut du détournement des 24 feuillets du pressbook.

Elle expose que, courant novembre 2007, Mme I (alors gérante de la société La Cuisine) a invité, en qualité de prospect, M. P (gérant de la Société By Ben) à se rendre dans les locaux de la société et que, le 21 novembre 2007, Mme I et M. Y lui ont présenté les services de la société.

Elle cite l'attestation de M. P aux termes de laquelle ils lui ont remis une plaquette de la société La Cuisine comprenant 24 fiches.

Elle indique que M. P a présenté à la société Com. l'agence ce pressbook et que celle-ci a constaté que, parmi les 24 feuillets qu'il comportait, 14 logos avaient été créés par elle.

Elle déclare ainsi que, parmi les 24 feuillets figurant dans le pressbook de la société La Cuisine, 13 comportent en réalité des œuvres et travaux réalisés par elle.

Elle estime que de tels éléments n'ont pu être distraits de la société Com. l'agence et mis en possession de la société La Cuisine que par des vols de fichiers.

Elle se prévaut des termes du jugement retenant, de ce chef, des actes de parasitisme.

Elle invoque le détournement du logiciel.

Elle expose que la société La Cuisine a été en possession du logiciel qui a été développé par Com. l'agence avec son partenaire Macquet Infographie.

Elle indique que celui-ci a été présenté par l'intimée le 16 mars 2009 à M. P qui en a attesté.

Elle expose que, dans l'application de ce logiciel, elle a investi 72 300 euros HT et que ce logiciel était utilisé par elle au profit de la société MHD et d'autres clients.

Elle affirme qu'il est sa propriété, qu'elle ne s'en est jamais défaite et qu'il n'a pu entrer en possession de la société La Cuisine que par des moyens illégitimes.

Elle souligne que Mme I a, à la suite de la sommation interpellative, reconnu avoir enregistré sur un CD les dossiers achevés, des dossiers en cours et des documents venant de clients sans l'accord du gérant de la société Com. l'agence.

Elle fait donc valoir que l'intimée s'est introduite frauduleusement dans le réseau commercial de son concurrent, a utilisé, dès le début de son activité, les connaissances et contacts des anciens salariés de Com. l'agence, et a exploité les documents frauduleusement distraits par d'anciens salariés, ayant une connaissance précise des activités de leur ancien employeur.

Elle conclut que la société La Cuisine s'est rendue coupable d'agissements déloyaux et parasitaires qui lui ont permis, en tirant parti de ce non-respect du secret des affaires et sans bourse délier, d'usurper une valeur économique de son concurrent, tout en réduisant notablement ses investissements matériels et intellectuels et de gagner un temps considérable en limitant ses risques, tout en désorganisant son concurrent.

Elle se prévaut du détournement du client MHD.

Elle expose que le tribunal a rejeté sa demande à ce titre en raison de l'annulation du procès-verbal de constat d'huissier du 24 juillet 2009, dans lequel les dirigeants de la société La Cuisine ont expressément reconnu avoir copié 14 CD ROMS présentant des opérations promotionnelles réalisées par la société Com. l'agence au profit du client MHD.

Elle fait donc état de manœuvres déloyales qui ont permis à la société La Cuisine, dès le début de son exploitation, de réaliser une part significative de son chiffre d'affaires auprès de son principal client, la société Moët Hennessy Diageo (MHD).

Elle expose qu'au début de son activité, en 2000, la société Com. l'agence a réalisé des travaux publicitaires pour la société Moët Hennessy UDV puisqu'elle a développé et entretenu des relations commerciales suivies jusqu'en 2007 avec la société, qui est devenue son principal client et décrit celles-ci.

Elle souligne que, durant le dernier exercice (juillet 2006/juin 2007), la société MHD représentait plus de 25% de son chiffre d'affaire, plus de 20 % les années précédentes, ce pourcentage s'accroissant.

Elle déclare que ce partenariat s'est développé en parfaite collaboration et à la parfaite satisfaction de Mme K (responsable du dossier chez MHD), jusqu'à un appel téléphonique de cette dernière, le 4 juillet 2007, demandant sans explication à la société Com l'agence de lui transmettre l'intégralité de ses fichiers d'exécution (papier et multimédia) relatifs à l'ensemble des travaux réalisés depuis l'origine de leur collaboration.

Elle indique que cette demande informelle a été confirmée par un courriel du 4 juillet 2007 et par un courriel insistant du lendemain et relate les échanges intervenus.

Elle déclare que le courriel de M. M du 11 juillet 2007 précisant le montant des indemnités de rupture et de cession des droits intellectuels qu'il solliciterait a été répercuté quelques heures plus tard à la société La Cuisine à l'attention de Mme J

Elle estime que cette transmission confirme l'action parfaitement concertée entre les deux sociétés et excipe des échanges de courriels annexés au procès-verbal de l'huissier.

Elle fait valoir que, pour être opérationnelle dès juillet 2007, la société La Cuisine avait nécessairement noué ce partenariat avec MHD dès avant cet appel du 4 juillet 2007 pour faire une application immédiate, en édition et en CD ROM, des opérations engagées par Com. l'agence.

Elle relève que, malgré la non-transmission par Com. l'agence des " Sources natives " (fichiers PAO nécessaires à la réalisation des travaux), la société La Cuisine a été en mesure de réaliser dès août 2007 sa première opération avec MHD et en infère qu'elle avait d'ores et déjà copié et emporté les fichiers PAO.

Elle souligne que l'huissier instrumentaire s'est fait remettre 10 CD ROM présentant des opérations promotionnelles de MHD appartenant à la société Com. l'agence et cite les déclarations de M. A et Mme J

Elle précise qu'à compter de juillet 2007, aucune mission ne lui a été confiée par la société MHD qui ne lui a pas adressé un quelconque courrier de rupture.

Elle indique que cette rupture brutale et non écrite l'a conduite à déprogrammer l'opération promotionnelle du 1er semestre 2008 ce qui a représenté, pour cette seule opération, une perte de chiffre d'affaires de 24 à 50 k euros et une perte de marge d'environ 32 K à 43 k euros.

Elle ajoute que, le 20 août 2007, l'une des salariées de MHD, Mme X, a transmis à Com. l'agence sur la boîte courriel laetitia.pollet@coml'agence.com un " visuel Bushmills 10 ans " accompagné d'un message démontrant que société La Cuisine avait dès cette date récupéré la clientèle de MHD.

Elle soutient que ces éléments démontrent la stratégie fautive de la société La Cuisine consistant à user de pratiques antis concurrentielles à l'égard de la société Com. l'agence, aux fins de développer sa clientèle et son chiffre d'affaire, en passant outre les règles et loyaux usages du commerce.

La société invoque la contrefaçon du logiciel de création.

Elle fait état des déclarations de M. Y et Mme E à l'huissier.

Elle rappelle les articles L. 112-2, L. 111-1 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle et excipe d'arrêts de cours d'appel ayant retenu la qualification de contrefaçon.

Elle expose que, lors de ses opérations, Maître Callens a découvert que la société La Cuisine utilisait un logiciel dont la société Com. l'agence avait l'entière propriété.

Elle affirme que chaque création réalisée au sein de la société Com. l'agence était sa propriété et génératrice de droits de propriété intellectuelle.

Elle conteste toute irrecevabilité tirée de l'absence des sociétés MHD et Macquet Infographie, ni propriétaires du logiciel contrefait ni à l'origine de la contrefaçon.

Elle dément que M. P ait été l'associé de M. M, M. M étant devenu le salarié de sa société après la liquidation judiciaire de la société Com. l'agence et n'ayant aucune participation dans le capital.

Elle ajoute qu'il a intégré cette société en janvier 2008, soit postérieurement à la visite de M. P à la société La Cuisine.

Elle se prévaut de l'attestation précitée de M. P, indique que l'outil informatique cité par lui a été développé par la société Com. l'agence et affirme que son usage par la société intimée n'a été rendu possible que la copie des fichiers source.

Elle cite également le constat de Maître Callens.

Elle expose que seule la partie " développement " du logiciel appartenant à la société Com. l'agence et retrouvée par l'huissier en possession de la société La Cuisine a été sous traitée par Com. l'agence à Macquet Infographie, toute la partie " créative " ainsi que la préparation des fichiers, les animations visuelles et sonores, la création des fichiers d'exécution et d'impression et l'habillage des CD' étant réalisés par la société Com. l'agence elle-même.

Elle réfute que la société MHD ait remis à l'intimée " les info et fichiers lui appartenant ", l'huissier ayant précisé que M. Y et Mme E lui avaient indiqué que les CD étaient " de Com. l'agence " et les seuls fichiers en possession de MHD étant les fichiers " visuels des produits " fournis par MHD à Com. l'agence.

Elle souligne que les fichiers en possession de la société La Cuisine étaient des fichiers PAO dont la société Com. l'agence n'a pas voulu se défaire malgré les demandes de la société MHD.

Elle soutient donc qu'indépendamment de la contrefaçon dont les outils informatiques de la société Com. l'agence ont fait l'objet, la façon dont la société La Cuisine s'est accaparé ces fichiers constitue des faits de concurrence déloyale.

Elle ajoute que les factures de la société La Cuisine saisies par l'huissier reproduisent à l'identique les intitulés, la présentation, et les prix pratiqués par Com. l'agence.

Elle en conclut que c'est le logiciel de cette dernière qui a été copié par les associés/gérants de la société La Cuisine pour servir ses intérêts propres et ceux de MHD et que la société La Cuisine s'est approprié le fichier de facturation de la société Com. l'agence.

Elle ajoute également que l'huissier a saisi 11 CD originaux des opérations promotionnelles conçues par Com. l'agence pour MHD de 2001 à 2007 dont certains retracent les opérations promotionnelles faites au moyen de logiciels élaborés par le développeur Macquet infographie de 2001 à 2007 pour un coût de 72 300 HT euros supporté par Com. l'agence, pour les besoins spécifiques de la société MHD.

Elle compare les 9 CD de la société Com. l'agence et les 10 CD de la société La Cuisine.

Elle cite les similitudes.

Elle affirme que si les visuels des produits étaient effectivement transmis par MHD à Com. l'agence, la création consistant en la mise en page, l'habillage graphique et la conception des dossiers était réalisée par cette dernière.

Elle soutient qu'il s'agit là d'une création au sens de l'article L. 112-2 du CPI précité, dont la propriété revient à son auteur, la société Com. l'agence.

Elle conclut que la société La Cuisine a exploité de manière illicite à la fois les fichiers CD ROM/multimédias établis par Com. l'agence que MHD a (dans ses écritures devant le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing) reconnu avoir transmis à la société La Cuisine et les fichiers

KUARK XPRESS retrouvés par l'huissier dans les locaux de celle-ci.

Elle déclare que cette exploitation illicite lui a permis, dès Juillet 2007, de réaliser au profit de MHD l'opération 1er semestre 2008, au moyen des fichiers source créés et fabriqués par Com. l'agence sur le logiciel spécifique KUARK EXPRESS.

Elle fait valoir qu'à compter de l'été 2007, la société La Cuisine a réalisé pour MHD, des travaux selon un principe créatif et graphique en tous points similaire à celui des travaux de Com. l'agence.

Elle compare les pièces établies par ces deux sociétés.

Elle fait état, en page de garde, d'une présentation festive (ambiance), avec en partie supérieure, la définition du secteur commercial (Grande distribution) avec les Codes couleur identiques (du beige au rouge), chaque univers correspondant à un produit soit le beige clair pour le champagne, le marron pour le whisky, le vert pour les amers et bases cocktail etc.

Elle cite également, sur cette page, la présence, en bas à droite, du logo de MHD et, en partie gauche du titre, de la saison et de l'année.

Elle affirme que, dans chaque fiche technique du produit figurent au recto le visuel et le nom du produit ainsi que l'argumentaire commercial et, au verso, le rappel visuel du produit, le rappel de l'argumentaire, la fiche logistique et le gène Code (avec sur la tranche le rappel du nom de l'opération et de son univers graphique avec la même couleur que la page de garde).

Elle relève que la société Com. l'agence avait fait évoluer cette charte graphique au gré des années de partenariat avec MHD et que la société La Cuisine a poursuivi dans cette même voie, avec ces mêmes principes graphiques, pour la conception de la brochure produits du 2e semestre 2008.

Elle soutient que cette évolution sur sept années marque le style propre et identifiable de la société Com. l'agence, identité que la société La Cuisine s'est attribuée au mépris des droits de propriété intellectuelle de sa concurrente.

Elle affirme, en réponse au moyen tiré de la nécessité pour M. Y de se constituer un " book personnel " qu'il ne s'agissait pas pour lui de rechercher un emploi mais d'attribuer à la société La Cuisine des créations appartenant à la société Com. l'agence afin qu'elle puisse lancer son activité et conclure des marchés avec ses futurs clients, parmi lesquels la société By ren.

Elle conclut qu'il est démontré que la société La Cuisine s'est accaparé un logiciel, des fichiers informatiques et " d'innombrables " créations graphiques créés par la SARL Com. l'agence.

L'appelante invoque ses préjudices.

Elle soutient qu'il existe une relation causale entre les pratiques de l'intimée et les difficultés financières rencontrées par la société Com. l'agence.

Elle affirme que les actes de concurrence déloyale et de contrefaçon auxquels l'intimée s'est livrée sont en relation causale directe avec l'insuffisance de trésorerie de l'ordre de 40 K à 50 K euros enregistrée par à compter du 3ème trimestre 2007 et avec les difficultés financières qui l'ont conduite à déposer le bilan après avoir perdu sur le client MHD un chiffre d'affaire récurrent totalisant 649 668 euros sur 4 ans- 13 535 euros en moyenne par mois dégageant une marge de 86 % sur les quatre dernières années.

Elle indique que Mme I et M. Y avaient travaillé étroitement avec la société MHD, qui les connaissait très bien comme étant leurs interlocuteurs privilégiés dans ce partenariat et, donc, que celle-ci n'a pris aucun risque en rompant brutalement et en confiant les opérations futures à la société La Cuisine qui s'était munie des logiciels et fichiers PAO et autres éléments nécessaires à la mise en œuvre des opérations futures.

Elle expose, par ailleurs, que Mme K était informée de la démission le 24 janvier 2007, et du départ de Mme I le 23 février 2007, qu'elle a continué à travailler avec les salariées de la société Com. l'agence ayant pris sa suite et qu'elle n'a jamais écrit le moindre courriel manifestant son étonnement ou sa réprobation de ne plus être en contact avec Mme J

Elle affirme que Mme K s'était en réalité occupée à organiser le référencement de Mme I au travers de la société La Cuisine en création, un tel changement au sein du groupe LVMH ne pouvant s'improviser.

Elle soutient que le lien direct entre d'une part le comportement déloyal imputé à l'intimée et d'autre part l'état de cessation de paiement de Com. l'agence est établi par les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale qui ont permis à l'intimée de proposer à ses prospects des prestations similaires mais à un coût largement inférieur et par le seul départ alors de la société MHD, qui a provoqué sa désorganisation et sa chute.

Elle souligne que le tribunal de commerce a, dans son jugement du 9 octobre 2014, retenu que MHD représentait 21 % du chiffre d'affaires de la société Com. l'agence soit un chiffre d'affaires moyen annuel de 129 211 euros.

Elle affirme que la motivation du tribunal rejetant ce lien de causalité n'a été rendue possible que par l'annulation du procès-verbal de constat d'huissier du 24 juillet 2009 et que cette motivation méconnaît le fait que le book détourné était présenté régulièrement aux prospects de la société La Cuisine comme constituant un élément central de sa communication.

Elle chiffre le préjudice au titre de la concurrence déloyale à 249 769,07 euros.

Elle le calcule en prenant en compte le montant définitif admis du passif total antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective, 273 520,62 euros, dont elle déduit l'actif et l'indemnisation versée par la société MHD.

Elle chiffre à 30 000 euros le préjudice consécutif à la violation des droits intellectuels.

Elle le met en perspective avec le coût du logiciel, soit 72 300 euros HT, et la participation active de la société à son développement.

Elle évalue son préjudice moral au regard de la perte d'un client de prestige, de l'atteinte à son image causée par le fait que les prospects pouvaient constater qu'une société concurrente était en mesure de proposer un service identique pour un prix moindre en raison des détournements et par le fait que l'intimée ait été constituée et dirigée par d'anciens cadres.

Aux termes de ses conclusions précitées, la société La Cuisine relève qu'elle n'a été assignée que près de deux ans après le constat.

Elle expose qu'en 2004, à la suite d'une première difficulté, la société MHD a fait appel à une autre agence pour la création graphique de la pochette, des fiches et de l'impression et que, dès 2006, en partie à cause de soucis purement personnels de M. M qui ont affecté le bon fonctionnement de l'agence, la totalité du personnel qualifié a quitté la société.

Elle expose également que mi 2007, la société MHD a pris contact avec elle pour la réalisation de " l'OPE s1.08 printemps été 2008 " que, " vraisemblablement, " la société Com. l'agence s'est trouvée dans l'incapacité de réaliser conformément à ses attentes.

Elle expose enfin que cette prestation a été facturée le 7 novembre 2007 pour un total de 27 780 euros HT dont 6 100 euros pour la mise à jour de l'Appli - CD Rom, cette mise à jour ayant été sous traitée à M. Macquet, " concepteur et seul titulaire des droits de propriété intellectuelle sur cette application ", pour un montant de 4 880 euros.

Elle précise qu'il s'agit de la seule prestation réalisée par elle pour la société MHD.

Elle sollicite l'annulation du constat d'huissier.

Elle invoque la violation de l'article 6§1 de la CESDH protégeant les droits de la défense et le principe d'égalité des armes et plus particulièrement celle de l'exigence du caractère indépendant de la personne autorisée à accompagner l'huissier lors des opérations de constat.

Elle fait état de la présence du gérant de la société Com. l'agence lors des opérations du constat.

Elle déclare, citant des arrêts de la Cour de cassation dont l'un du 25 janvier 2017, que les tribunaux prononcent systématiquement l'annulation des opérations de saisie contrefaçon lorsque la personne qui assiste l'huissier n'est pas indépendante du demandeur à la saisie.

Elle conteste l'interprétation par l'appelante de l'arrêt du 25 janvier 2017.

Elle soutient que M. M a eu un rôle actif lors des opérations de constat.

Elle souligne que l'huissier mentionne qu'il a gravé une copie de chacun des 12 CD confiés par la Sarl La Cuisine.

Elle ajoute, avec le tribunal, que sa seule présence est suffisante à violer l'article 6§1 de la CESDH.

Elle invoque l'absence de délai raisonnable lors des opérations de constat.

Elle affirme que l'ordonnance autorisait l'huissier instrumentaire à accomplir des actes excédants ceux que permet un simple constat, en particulier la saisie par voie de photocopies de documents ou données informatiques.

Elle estime qu'il était nécessaire, avant d'exécuter une telle mesure, qu'elle soit informée des motifs la justifiant ainsi que de l'étendue des investigations autorisées afin, notamment, de pouvoir contrôler durant l'exécution de la mission si le cadre en était respecté.

Elle déclare que cette exigence résulte en particulier des dispositions de l'article 6 de la CESDH destinée à assurer la protection des droits de la défense et à garantir l'égalité des armes.

Elle relève que Maître Callens a procédé à la signification de l'ordonnance à 9h45 et a commencé sa mission à 9h55 et estime que ce délai ne peut être qualifié de " raisonnable ".

Elle en infère qu'elle n'a pu prendre valablement connaissance des motifs de la mesure et de l'étendue des investigations autorisées.

Elle invoque la méconnaissance des limites de l'autorisation accordée.

Elle déclare que l'huissier a, à de multiples reprises, interrogé M. Y ou Mme E, sur leur statut antérieur à la société, l'existence ou non d'autres salariés en dehors du registre du personnel, sur les correspondances, agendas, ou encore les répertoires téléphoniques.

Elle conteste que ces échanges aient été limités à des questions sur leur identité et la localisation d'éléments matériels.

Elle estime que rien dans l'ordonnance n'autorisait l'huissier instrumentaire à interroger une personne au mépris des droits de la défense, protégés par l'article 6§1 de la CESDH.

Elle souligne, citant un arrêt, que les auditions relèvent de la procédure d'enquête prévue par les articles 204 et suivants du Code de procédure civile et ne peuvent être confiées par voie d'ordonnance à un huissier de justice et encore moins être menées sans aucune autorisation.

La société invoque d'autres motifs d'annulation.

Elle cite le non-respect des articles 145 et 146 du Code de procédure civile.

Elle fait valoir que la demande ne peut être accueillie que si le demandeur justifie d'un motif légitime, dont l'existence est appréciée souverainement par les juges du fond ainsi qu'il résulte d'arrêts.

Elle réfute tout motif légitime.

Elle observe que Maître L ne fait état que de suspicions et affirme que les faits présentés ont été dénaturés.

Elle estime que les éléments produits au soutien de la requête, pris isolément comme dans leur ensemble, ne sont pas de nature à établir des faits plausibles et qu'ils ne font qu'illustrer des conjectures ou des hypothèses infondées.

Elle ajoute que rien ne caractérise, ni dans la requête ni dans l'ordonnance, les circonstances qui exigeraient que ces mesures d'instruction in futurum n'aient pas été ordonnées contradictoirement.

Elle souligne que, selon la société, les faits litigieux remontent au départ de Mme I de la société, soit en janvier/février 2007, que la requête en désignation d'huissier n'a été déposée que le 7 avril 2009, que l'ordonnance a été rendue le 14 avril 2009 et qu'elle n'a été mise à exécution que le 24 juillet 2009.

Elle en infère que la société aurait pu agir par voie de référé et non par voie de requête.

Elle cite la violation des articles L. 331-1, L. 332-1 et L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Elle affirme que, comme l'a reconnu le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing et comme cela ressort des écritures de l'appelante, les faits qui lui sont reprochés relèvent exclusivement d'une prétendue violation de ses droits de propriété intellectuelle et lui reproche d'avoir saisi le tribunal de commerce manifestement incompétent au visa de l'article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Elle rappelle que la constatation d'une éventuelle violation des droits de propriété intellectuelle relève d'une procédure strictement encadrée, celle de la saisie contrefaçon, soit de l'article L. 332-1du même Code ou de l'article L. 332-4 en ce qui concerne les logiciels.

Elle soutient que seule la procédure de saisie contrefaçon aurait dû être mise en œuvre et fait état d'un détournement de cette procédure spécifique qui prévoit des conditions strictes et qui offre des garanties fondamentales au défendeur

La société invoque l'irrecevabilité de l'appelante ès qualités à agir en contrefaçon.

Elle affirme que celle-ci revendique la protection par le droit d'auteur sur un logiciel réalisé et développé par la société Macquet Infographie et sur une création dont elle serait auteur, consistant en la mise en page, l'habillage graphique et la conception des dossiers sur la base de visuels photos des produits transmis par la société MHD.

Elle rappelle qu'il lui appartient, pour chaque œuvre dont elle estime que ses droits ont été violés, de démontrer que chacune de ces œuvres est protégée au titre des dispositions du Code de la propriété intellectuelle, qu'elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur chacune de ces œuvres et que la société La Cuisine a commis des actes portant atteinte au monopole du titulaire du droit d'auteur.

Elle affirme qu'elle ne prouve pas ces éléments et se prévaut du jugement.

Elle prétend que les œuvres invoquées sont des œuvres de collaboration.

Elle rappelle que, conformément à l'article L. 113-2 du Code de la propriété intellectuelle, l'œuvre de collaboration suppose une création effective et originale de différents intervenants, en équipe (pluralité de personnes physiques) et une communauté d'inspiration qui emporte l'ensemble des coauteurs.

Elle relève que la société L revendique des droits sur un logiciel et une création consistant " en la mise en page, l'habillage graphique et la conception de dossiers " et déclare qu'elle ne définit et n'identifie pas précisément cette œuvre.

Elle affirme que la société et la société Macquet Infographie ont participé à la création de ces œuvres, la société L reconnaissant d'ailleurs que la société Macquet Infographie a réalisé la partie " développement " du logiciel.

Elle ajoute que, parmi les CD saisis, se trouvent aussi ceux retraçant des opérations promotionnelles réalisées au moyen de différents logiciels élaborés par la société Macquet de 2001 à 2007, ce qui démontre son implication dans le processus créatif des œuvres revendiquées par l'appelante.

Elle conclut qu'il existait effectivement une communauté d'inspiration, une réflexion groupée et en amont sur la création des œuvres, permettant de qualifier les œuvres en cause d'œuvres de collaboration et cite le jugement.

Elle soutient que ces œuvres ont été conçues par une communauté d'auteurs soit en partie les salariés de la société MHD et ceux de la société Com. l'agence.

Elle indique qu'en matière de création salariée, l'œuvre appartient à son auteur, le contrat de travail ne faisant pas obstacle à la jouissance des droits de propriété incorporelle et, donc, que, par application du régime de l'œuvre de collaboration, toute personne qui serait intervenue de manière originale et en concertation avec les autres, à la qualité d'auteur et même celle de coauteur.

Elle observe que les contrats de travail liant les anciens employés de la société Com. l'agence à celle-ci ne comprennent aucune clause de cession de droits.

Elle en conclut que l'appelante ne démontre pas l'existence d'un contrat de cession de droits de propriété intellectuelle répondant aux exigences de l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Elle qualifie de vague l'attestation de l'ancien gérant de la société Macquet Infographie.

Elle ajoute, s'agissant du moyen tiré de l'investissement financier, qu'il n'est pas question à cet égard d'argent, d'investissement ou de développement.

Elle déclare que l'appelante n'a jamais produit aucune facture de transfert de droits relatif à cette application.

Elle souligne que, s'agissant d'une œuvre de collaboration, elle n'a pas appelé à l'instance tous les coauteurs de l'œuvre ce qui rend sa demande irrecevable comme l'a jugé le tribunal.

Elle soutient donc que l'appelante ne démontre pas qu'elle détient des droits de propriété intellectuelle sur les œuvres en cause et que, si tel était le cas, il lui appartiendrait alors de mettre en cause tous les titulaires des droits sur l'œuvre, soit la société MHD et M. Macquet.

Elle prétend que les œuvres ne sont pas des œuvres collectives.

Elle déclare que deux conditions sont nécessaires pour qualifier une œuvre d'œuvre collective soit la présence d'un coordinateur qui donne à l'œuvre collective sa structure et l'impossibilité d'admettre la coexistence de droit indivis sur l'ensemble.

Elle rappelle qu'à la différence de l'œuvre de collaboration, l'œuvre collective n'est pas la copropriété des personnes physiques, coauteurs, qui ont permis l'émergence de ce bien intellectuel, mais celle de la personne, physique ou morale, qui a pris l'initiative et le risque de la création.

Elle ajoute que celle-ci doit avoir contrôlé le processus de création par le biais de directives et avoir harmonisé les différentes contributions.

Elle rappelle également qu'il appartient à la personne morale qui revendique la titularité des droits sur une œuvre collective de prouver l'existence de cette œuvre collective faute de quoi les œuvres constituent des œuvres de collaboration.

Elle fait valoir, citant des arrêts, que le simple fait que différents auteurs travaillent pour une personne morale et qu'il soit impossible d'attribuer à chacun un droit distinct ne suffit pas pour que cette personne morale puisse revendiquer la titularité initiale des œuvres créées par ses salariés.

Elle affirme que l'appelante doit prouver que l'œuvre a été créée " sur l'initiative d'une personne morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et sous son nom ".

Elle affirme que la Selarl Soinne ès qualités ne rapporte pas cette preuve.

Elle déclare que l'apparence d'un titulaire ne fait pas d'elle le véritable titulaire.

Elle affirme qu'elle ne justifie pas avoir contrôlé le processus de création par le biais notamment de directives et avoir harmonisé les différentes contributions.

Elle soutient que c'est la société MHD qui est l'origine de la demande, de la création et de la mise à jour de l'application créée par la société Macquet, la société Com. l'agence se contentant de sous-traiter à celle-ci et n'étant pas concepteur/développeur de cette application.

Elle relève que, sur les CD saisis, est indiquée la propriété de la société MHD.

Elle déclare, concernant la seconde condition, qu'il est possible de reconnaître la coexistence de droits indivis sur l'ensemble de l'œuvre, les contributions de chaque intervenant ne pouvant se fondre en un tout unique qu'est le logiciel dans la mesure où certains contributeurs ont travaillé sur le logiciel et d'autres sur les images intégrées dans l'œuvre.

La société en conclut que l'œuvre n'est pas une œuvre collective mais une œuvre de collaboration, et, donc, que l'action de la société L ès qualité est irrecevable.

Elle en conclut donc également au débouté de ses demandes sur le fondement de l'action en contrefaçon de droits de propriété intellectuelle.

Elle conteste la demande indemnitaire formée au titre de la concurrence déloyale.

Elle réfute toute faute.

Elle affirme que l'appelante ne justifie pas d'un lien de causalité entre ses prétendues fautes l'état de cessation de paiement puis la liquidation de la société Com. l'agence.

Elle affirme qu'elle a déposé son bilan en raison d'une gestion calamiteuse de son gérant et lui reproche de lui demander de combler le passif qu'elle a elle-même creusé.

Elle cite le jugement.

Elle estime que l'appelante étaie davantage ses demandes indemnitaires mais " n'expose toujours pas correctement les préjudices, notamment en matière de propriété intellectuelle ".

Elle rappelle les règles d'évaluation des préjudices.

Elle soutient que Maître L ès qualités ne démontre ni l'existence d'un manque à gagner ou de pertes ni le montant des bénéfices indûment réalisés par elle.

Elle estime sans incidence le coût du logiciel.

Elle affirme ne pas comprendre l'ampleur des demandes au regard du chiffre d'affaires réalisé en 2007 avec la société MHD, 27 780,50 euros HT et le lien entre cette perte et la cessation de paiement.

Elle souligne qu'elle a été indemnisée au titre de la rupture du contrat par le versement d'une somme de 80.000 euros ce qui est contradictoire avec l'indemnisation réclamée à son encontre.

Elle réfute tout préjudice moral.

Elle estime que l'appelante se plaint en réalité non d'une atteinte à son image mais d'une situation de concurrence entre entreprises et des conséquences y afférents.

Elle ajoute que les prospects évoqués n'ont pas systématiquement connaissance que les anciens salariés de la société Com. l'agence sont devenus ses concurrents.

Elle définit l'atteinte à l'image d'une entreprise et affirme que l'appelante ne démontre ni qu'elle a dénigré les produits et/ou services de la société Com. l'agence ni qu'elle a tenté de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation ni qu'elle a porté atteinte à une quelconque image de marque de l'appelante.

La société sollicite l'infirmation de chefs du jugement.

S'agissant d'actes de concurrence déloyale, elle soutient que la société L ès qualités n'est pas recevable.

Elle rappelle que l'acte de concurrence déloyale est défini comme l'abus de la liberté du commerce, causant, volontairement ou non, un trouble commercial et que la faute résulte, donc, de l'abus d'une liberté fondamentale soit le principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui a une valeur constitutionnelle consacrée notamment par la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1982.

Elle indique que la doctrine classifie les comportements déloyaux selon quatre types d'agissements soit le dénigrement, la confusion, la désorganisation et le parasitisme.

Elle rappelle également que le cumul des actions en concurrence déloyale et en contrefaçon n'est possible qu'en présence " d'une faute constitutive de concurrence déloyale distincte de la participation aux faits de contrefaçon ".

Elle relève que la société exerce les deux actions de manière cumulative de sorte qu'elle doit démontrer l'existence de faits distincts, une telle exigence étant requise même si l'action en concurrence déloyale est exercée à titre subsidiaire.

Elle fait grief à l'appelante de chercher à cumuler, pour les mêmes faits, la prétendue violation de ses droits d'auteur et l'existence d'une situation de concurrence déloyale.

Elle estime que ce sont les faits supposés de violation de ses droits d'auteurs qui constituent la faute qu'elle reproche à la société La Cuisine.

Elle conclut à l'absence de faits distincts et, donc, à l'irrecevabilité des demandes fondées sur la concurrence déloyale.

Elle réfute toute faute.

Elle expose que la société MHD rencontrait de plus en plus de difficultés dans sa relation professionnelle avec la société Com. l'agence, plus précisément dans l'exécution de travaux qu'elle lui confiait, que la société Com. l'agence a fait de mauvais choix de réorganisation de son personnel suite aux départs des anciens salariés, que ces choix ont paralysé son activité et engendré une désorganisation, rendant difficile la gestion des dossiers et qu'à cette période, elle était au bord du dépôt de bilan, des courriels démontrant ce climat délétère.

Elle expose également que la société MHD a, dans ces conditions, pris l'initiative de chercher à récupérer auprès de la société les fichiers informatiques lui appartenant ce qui a donné lieu à un nouveau différend auquel elle est étrangère.

Elle rappelle la nullité du constat d'huissier et critique le témoignage de M. P qui est le patron de M. N

Elle ajoute que M. Y ne conteste pas la remise de la plaquette à M. P mais affirme que ces éléments constituent son book, justifiant ses talents personnels de créateur.

Elle précise en outre que Mme I n'a procédé à aucun détournement fautif au préjudice de la société Com. l'agence en rapport avec le présent litige, les griefs évoqués à son encontre par son employeur pour écourter son préavis étant étrangers à la présente procédure.

Enfin, elle rappelle que, non liée par une clause de non-concurrence, elle pouvait choisir librement son entreprise.

La société conteste tout détournement du client MHD.

Elle affirme que l'appelante n'établit pas de lien entre la perte de la clientèle de la société MHD et elle-même.

Elle lui reproche de ne pas expliquer les motifs du départ brutal de celle-ci.

Elle ajoute que la société Com. l'agence avait d'importants clients et relève que l'un d'eux a également suivi M. Z

Elle souligne la liberté de commerce et d'industrie.

Elle réitère ses développements sur les carences, alors de la société, et se prévaut des conclusions de la société MHD.

La société réclame le paiement d'une indemnité en réparation du préjudice causé par la violation de sa vie privée et du secret des affaires.

Elle rappelle la conception extensive de la vie privée donnée par la Cour européenne des droits de l'homme qui y inclut, pour une société, le droit au respect de son siège social, de son agence, de ses locaux professionnels.

Elle affirme qu'il en est de même, a fortiori, de son système informatique et du contenu des disques durs de ses ordinateurs.

Elle soutient que la réalisation illégale du constat a eu non seulement pour effet de violer sa vie privée, de désorganiser gravement la bonne marche de l'entreprise et surtout de jeter un trouble dans l'entreprise et dans l'esprit des salariés.

Elle affirme que ces opérations ont été portées à la connaissance de ses clients et fournisseurs ont également porté une atteinte grave à sa réputation ce qui justifie le paiement d'une somme de 15 000 euros.

Sur la demande d'annulation du constat d'huissier de justice

Considérant qu'aux termes de l'article 496 alinéa 2 du Code de procédure civile, " s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance " et qu'aux termes de l'article 497 du même Code, " le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire " ;

Considérant que ces dispositions qui confèrent au juge qui a rendu l'ordonnance sur requête une compétence exclusive pour connaître du recours en rétractation ne font pas obstacle à ce que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de constat pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête ou de son exécution ;

Considérant que, comme l'a jugé le tribunal, la juridiction saisie au fond ne peut donc " annuler " l'ordonnance rendue sur requête ce qui relève de la compétence exclusive du juge saisi d'une demande de rétractation mais peut annuler le procès-verbal de constat d'huissier de justice soumis à son appréciation comme élément de preuve ;

Considérant que la société La Cuisine est donc recevable à demander l'annulation des opérations de constat réalisées en exécution de l'ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2009 par le président du tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing ;

Considérant que le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, commande que la personne présente sur les lieux avec l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante ;

Considérant qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé le 24 juillet 2009 par Maître Callens au siège social de la société La Cuisine en exécution de l'ordonnance sur requête rendue le 14 avril 2009, que l'huissier de justice était assisté de M. M, ancien gérant de la société Com. l'agence et que celui-ci a, après les opérations, gravé une copie de 12 des 13 CD remis à l'huissier par la société La Cuisine ;

Considérant que Maître Callens indique que M. M s'est tenu à l'écart lors de la visualisation des clients de la société La Cuisine mais ne précise pas sa position lors des autres opérations effectuées ;

Considérant que les opérations ont été réalisées sur requête de la société L, agissant en qualité de liquidateur de la société Com. l'agence, qui avait pour gérant M. M ;

Considérant que M. M ne peut donc être considéré comme une partie indépendante de la requérante ;

Considérant que sa présence aux opérations de constat est contraire au droit à un procès équitable, quand bien même il s'est tenu à l'écart lors de l'examen du fichier des clients de la société La Cuisine ; qu'elle justifie donc l'annulation du constat ;

Considérant, par ailleurs, que l'huissier de justice, exclusivement habilité à effectuer des constatations matérielles, ne peut procéder à des auditions de personnes se trouvant sur place, leur audition relevant de la procédure d'enquête prévue par les articles 204 et suivants du Code de procédure civile ;

Considérant qu'il ne peut, à ce titre, poser que des questions concernant l'identité des personnes présentes ou la localisation d'éléments matériels ;

Considérant qu'il ressort du procès-verbal dressé par lui qu'il a interrogé Mme E sur son statut antérieur dans la société ou sur l'existence de salariés en dehors du registre du personnel ; qu'il lui a donc posé des questions au fond ;

Considérant que ces interrogations excèdent ses attributions et justifient également l'annulation du constat ;

Considérant que celui-ci sera donc annulé ;

Sur la contrefaçon de droits d'auteur

Considérant que la société L doit démontrer, notamment, que la société Com. l'agence est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur chacune des œuvres dont elle invoque la contrefaçon ;

Considérant qu'elle revendique la protection par le droit d'auteur d'un logiciel réalisé et développé par la société Com. l'agence avec son partenaire Macquet Infographie ; qu'elle revendique également la "création " originale, dont est auteur la société Com. l'agence, consistant en la mise en page, l'habillage graphique et la conception des dossiers sur la base de visuels des produits transmis par la société MHD'; qu'elle précise qu'elle a fait évoluer cette charte graphique " au gré des années de partenariat avec la société MHD " ; qu'une telle évolution, dans ces conditions, implique que celle-ci a participé au processus créatif ;

Considérant que si la société Macquet Infographie a réalisé la partie " développement " du logiciel dont la société Com. l'agence a réalisé la partie " créative " elle a nécessairement participé au processus de réalisation du logiciel revendiqué ;

Considérant, en outre, que la société L invoque la contrefaçon de CD retraçant des opérations promotionnelles faites au moyen de logiciels élaborés par le " développeur Macquet Infographie " ; qu'elle fait donc état de plusieurs logiciels " élaborés " par le développeur Macquet Infographie, ce qui implique que celui-ci a participé à la création des œuvres revendiquées';

Considérant que M. Macquet atteste que sa société avait développé, pour et à la demande de la société Com. l'agence, une application logicielle destinée à générer des prestations personnalisées sur la base de fiches dont la société Com. l'agence avait acquis les droits de propriété intellectuelle pour un prix de 72 300 euros ;

Mais considérant, d'une part, que le paiement d'un prix ne suffit pas à caractériser la cession des droits sur un logiciel ;

Considérant, d'autre part, que cette attestation ne peut à elle seule infirmer l'existence de la participation des sociétés Macquet Infographie et MHD aux œuvres constituant les logiciels ;

Considérant qu'ainsi, ces logiciels ont plusieurs auteurs, membres des sociétés concernées ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 113-2 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle que l'œuvre collective suppose, notamment, la présence d'un coordinateur dont le rôle est prépondérant de l'initiation à la diffusion de l'œuvre ;

Considérant que l'appelante ne verse aux débats aucun élément en ce sens, l'attestation précitée étant limitée dans sa portée et insuffisamment précise ;

Considérant qu'il résulte des termes employés par la société L et rappelés ci-dessus que les œuvres revendiquées ont été créées par plusieurs personnes physiques ayant une communauté d'inspiration ;

Considérant que, comme l'a jugé le tribunal, ces œuvres constituent donc des œuvres de collaboration au sens de l'article L. 113-2 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 113-3 du Code de la propriété intellectuelle que le co-auteur d'une œuvre de collaboration qui agit en justice en contrefaçon de ses droits d'auteur est tenu, à peine d'irrecevabilité, de mettre en cause les autres auteurs de cette œuvre dès lors que sa contribution ne peut être séparée de celle des co-auteurs ;

Considérant qu'à défaut de les avoir mis en cause, la société L est irrecevable à agir en contrefaçon ;

Considérant que ses demandes fondées sur la contrefaçon sont donc irrecevables ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que l'action en concurrence déloyale, fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil dans sa version applicable, nécessite la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité ;

Considérant que le dénigrement, la confusion, la désorganisation ou le parasitisme constituent des comportements déloyaux ;

Considérant que la société L invoque des agissements déloyaux et parasitaires constitués par le détournement, sans bourse délier, des moyens matériels et la clientèle de la société Com. l'agence ; que de tels comportements, s'ils sont établis, constituent des actes de concurrence déloyale ;

Considérant que le cumul des actions en concurrence déloyale et en contrefaçon n'est possible que si la faute constitutive d'une concurrence déloyale est distincte de la participation aux faits de contrefaçon ;

Considérant, d'une part, que l'action en contrefaçon est irrecevable ;

Considérant, d'autre part, que la société L invoque des faits distincts soit le détournement des 24 feuillets du pressbook, le détournement du logiciel et le détournement du client MHD ;

Considérant que la demande est recevable ;

Considérant que la société L ne peut exciper des constatations effectuées par Maître Callens dans son procès-verbal du 24 juillet 2009, celui-ci annulé ne revêtant aucun caractère probatoire ;

Considérant que M. P atteste que, le 16 mars 2009, Mme I et M. Y lui " ont présenté leur activité en s'appuyant sur des exemples de réalisations (donc des produits finis type brochures... " puis " un outil informatique très abouti concernant le client Moët Hennessy Diageo qui consiste à mettre à disposition des commerciaux de MHD la possibilité de réaliser leur book vendeur de façon autonome via un cd-rom ", et lui ont remis une plaquette La Cuisine jointe en annexe de son attestation comprenant une pochette et 24 fiches ;

Considérant que le fait que M. P soit désormais le patron de M. M ne justifie pas d'écarter cette attestation ; que la société La Cuisine reconnait, au surplus, la remise, par M. Y, du book press figurant en annexe de l'attestation, comprenant une pochette illustrée du logo de la société La Cuisine et reproduisant son nom commercial et ses coordonnées, éléments figurant également dans chacun des 24 fichiers présentant son activité et contenus dans cette pochette ;

Considérant qu'il est constant que ces 24 fichiers sont en tous points similaires à des réalisations de la société Com. l'agence ;

Considérant qu'ainsi, à l'occasion d'une démarche de prospect, M. Y et Mme I, respectivement associé et gérante de ladite société et chacun anciens salariés de la société Com. l'agence, M. Y en qualité de directeur artistique, Mme I en qualité de chef de projet, ont présenté à M. P un press book contenant des créations réalisées par leurs soins pour le compte de la société Com. l'agence, et ce afin de promouvoir l'activité de la société La Cuisine ;

Considérant que la société La Cuisine s'est donc appropriée, sans bourse délier, des créations réalisées par les salariés et pour le compte de la société Com. l'agence, sa concurrente, et qui sont le fruit de l'investissement économique de celle-ci, afin de promouvoir sa propre activité ;

Considérant que ces faits sont constitutifs d'actes de parasitisme commis au préjudice de la société Com. l'agence ;

Considérant qu'il ne résulte pas de cette seule attestation de M. P que la société La Cuisine lui a également présenté le logiciel de la société Com. l'agence développé avec son partenaire Macquet Infographie qu'elle utilisait au profit de plusieurs clients, dont la société MHD, la description par lui de l'outil informatique étant sommaire et imprécise, et ne permettant pas de faire le lien avec le logiciel de la société Com. l'agence ;

Considérant qu'il ne peut résulter de la seule rupture, même brutale, le 4 juillet 2017 par la société MHD de son partenariat avec la société Com. l'agence, de l'information donnée à Mme I, alors gérante de la société La Cuisine, des modalités de rupture de ces relations commerciales et des droits d'auteur et du recours par la société MHD aux services de la société La Cuisine dès le mois d'août 2007 que la société La Cuisine a détourné ce client ;

Considérant que la société appelante ne rapporte donc pas la preuve d'une manœuvre de l'intimée alors que le choix d'un autre prestataire par un client relève de l'exercice de la liberté de commerce et d'industrie ;

Considérant que, comme l'a retenu à juste titre le tribunal, seuls sont établis les faits de concurrence déloyale par parasitisme du fait de l'appropriation, par la société La Cuisine, de 28 créations de la société Com. l'agence présentées sous forme de book à l'occasion d'une démarche de prospect auprès de la société By Ben ;

Considérant que le book contenant les créations de la société Com. l'agence n'a pas été présenté à la société MHD mais seulement à M. P gérant de la société By Ben ;

Considérant que celle-ci n'est pas devenue cliente de la société La Cuisine ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que ces créations ont été présentées à d'autres clients et, donc, été utilisées dans d'autres circonstances ;

Considérant que le seul acte de concurrence déloyale commis n'a, en conséquence, causé aucun préjudice financier à la société ;

Considérant que la société L ne justifie d'aucune atteinte à l'image de la société Com. l'agence imputable à l'acte de parasitisme ; que sa demande formée en réparation d'un préjudice moral sera rejetée ;

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Considérant que la société La Cuisine ne verse pas aux débats de pièces démontrant concrètement l'existence d'un préjudice subi en raison des opérations réalisées le 24 juillet 2009 et, notamment, d'une atteinte au secret des affaires ou à sa vie privée ;

Sur les conséquences

Considérant que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris accessoires ;

Considérant que la société appelante sera condamnée à payer à l'intimée la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; que, compte tenu du sens du présent arrêt, sa demande aux mêmes fins sera rejetée ;

Par ces motifs LA COUR statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant : Condamne la Selarl Soinne ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Com. l'agence à payer à la Sarl La Cuisine la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette les demandes plus amples ou contraires, Condamne la Selarl Soinne ès qualités aux dépens, Autorise la Selarl Nemezys à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision.