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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 17 février 2020, n° 17-06230

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blume

Conseillers :

Mmes Garrigues, Arriudarre

TGI Montauban, du 14 sept. 2017

14 septembre 2017

EXPOSÉ DU LITIGE

Les époux F. ont signé le 24 octobre 2016 sur un stand à la foire de Montauban un bon de commande d'une cuisine avec M. Maxime M. exerçant sous la dénomination sociale " Maxime M. Agencement " et l'enseigne " M. Home Design ", au prix de 16 500 euros, ainsi qu'un devis de pose pour 2 138,40 euros.

Ils ont versé le même jour un acompte de 5 700 euros.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 octobre 2016, les époux F. ont exprimé leur décision d'annuler la vente, ce à quoi le vendeur s'est opposé.

Par acte d'huissier de justice du 15 juin 2017, M. et Mme F. ont fait assigner M. M. devant le tribunal de grande instance de Montauban aux fins d'annulation du contrat en l'absence d'objet déterminé faute de tout métré de la cuisine et d'indemnisation.

Par jugement contradictoire en date du 14 septembre 2017, assorti de l'exécution provisoire le tribunal a :

- prononcé l'annulation du bon de commande du 24 octobre 2016 et des contrats subséquents entre les époux F. et M. M.,

- condamné M. M. à payer à M. et Mme F. la somme de :

5 700 euros à titre de restitution de l'acompte,

500 euros à titre de dommages-intérêts,

1 500 euros en application de l'article 700 1° du Code de procédure civile et aux dépens.

Pour ce faire, le tribunal a considéré que le contrat n'avait pas un objet certain à défaut de métré et de vérification des sujétions techniques en rapport avec les lieux d'implantation de la cuisine, qu'il contrevenait aux dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation à défaut d'informations relatives aux caractéristiques du bien vendu en l'absence notamment d'un plan détaillé avec cotes et description détaillée des travaux indispensables non compris dans le prix et que l'annonce d'une remise exceptionnelle et temporaire du prix de vente avait eu pour but de surprendre le consentement des acquéreurs afin de les induire en erreur sur la portée réelle de leurs engagements.

M. Maxime M. Agencement exerçant sous la dénomination sociale " Maxime M. Agencement " a interjeté appel de l'ensemble des dispositions de cette décision par déclaration en date du 29 décembre 2017.

Par acte du 9 janvier 2018, il a fait assigner en référé devant le Premier président de la cour d'appel de Toulouse les époux F. aux fins de voir ordonner, sur le fondement de l'article 521 du Code de procédure civile, la consignation de la somme due au titre de l'exécution provisoire aux termes du jugement du 14 septembre 2017, soit la somme de 7 700 euros.

Par ordonnance en date du 7 février 2018, il a été débouté de sa demande et condamné à payer à M. et Mme F. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique en date du 23 mai 2018, M. M. exerçant sous la dénomination sociale Maxime M. Agencement, appelant, demande à la cour, au visa des articles 1582 et suivants, 1109 et suivants, 1134 du Code civil et L. 111-1 et suivants du Code de la consommation, de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire qu'il a respecté son obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, et notamment l'obligation prévue par l'article L. 111-1 du Code de la consommation,

- dire que la vente du 24 octobre 2016 est parfaite, par l'accord sur la chose et le prix,

- dire que le consentement des époux F. n'a été vicié ni par erreur, ni par violence, ni par dol,

En conséquence,

- débouter purement et simplement les époux F. de leur demande de nullité de la vente,

- débouter les époux F. de l'intégralité de leurs demandes,

Reconventionnellement,

- condamner M. et Mme F. à payer le solde restant dû de 10 800 euros (16 500 euros - 5 700 euros) au moment de la livraison de la cuisine,

En toute hypothèse,

- condamner M. et Mme F. à lui verser la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient principalement que :

- à défaut de sanction prévue au titre de l'article L. 111-1 du Code de la consommation, seul le droit commun de la vente et des vices du consentement sont applicables, que la vente conclue le 24 octobre 2016 est parfaite en raison de l'accord sur la chose, le prix et les éléments de la cuisine dans toutes ses caractéristiques (dimensions des meubles, accessoires et prix de chaque élément) et suivant plan d'implantation réalisé à partir des données fournies par les époux F. puis signé et accepté par eux, que le métré peut être réalisé ultérieurement sans que cela ne remette en cause la validité du contrat alors qu'il a été prévu la possibilité de le modifier sans facturation complémentaire, que ces relevés de cotes n'ont pas pu être réalisées en raison de l'annulation de la vente par les époux F., que ces derniers ne démontrent pas que le projet était irréalisable et qu'ils ne peuvent pas se prévaloir d'un droit de rétractation qui n'existe pas pour une vente conclue dans une foire,

- qu'aucun vice du consentement n'est démontré, qu'aucune manœuvre dolosive n'est établie et que le fait de proposer une remise importante ne constitue pas un vice du consentement,

- que le solde restant dû à la livraison de 10 800 euros doit lui être réglé.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique en date du 22 août 2018, M. et Mme F., intimés, demandent à la cour, au visa des articles 1112-1, 1128, 1178, 1240 et 1602 du Code civil, L. 111-1, L. 224-59 et L. 224-60 du Code de la consommation et L. 442-2 du Code de commerce, de :

- confirmer le jugement sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts et l'indemnité qui leur est allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dire que M. M. a commis des manœuvres dolosives,

- dire que ces manœuvres dolosives ont vicié leur consentement,

- prononcer l'annulation du bon de commande du 24 octobre 2016 et des contrats subséquents entre M. M. et eux-mêmes,

- condamner M. M. à leur payer la somme de 5 700 euros à titre de restitution de l'acompte,

- condamner M. M. au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner M. M. au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir en substance que :

- le contrat doit être annulé en raison de la violation de l'obligation d'information imposée au vendeur par l'article L. 111-1 du Code de la consommation qui implique, au titre de l'information sur les caractéristiques du bien, de vérifier la compatibilité du mobilier avec l'espace indiqué et en raison de l'absence de panneau d'information relatif à l'absence de droit de rétractation,

- que l'approbation, de leur part, du plan réalisé n'a aucune incidence sur la validité du contrat à défaut de tout métré avant sa signature, que les conditions générales dont se prévaut le vendeur leur sont inopposables pour ne pas leur avoir été remises ni portées à leur connaissance,

- qu'en l'absence de métré, le contrat n'avait pas d'objet certain au moment de la vente et qu'il constitue un défaut d'accord sur la chose vendue,

- que la remise exceptionnelle et temporaire qui leur a été proposée constitue une technique de vente agressive et des manœuvres dolosives.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 novembre 2019.

L'affaire a été examinée à l'audience du 19 novembre 2019.

MOTIFS :

Aux termes de l'article 1163 du Code civil, dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui a remplacé l'article 1128, l'obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire.

En application de l'article L. 111-1 1° du Code de la consommation, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, avant que celui-ci ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fournitures de services, leurs caractéristiques essentielles.

La recommandation n° 82-03 de la Commission des clauses abusives préconise que les contrats d'installations de cuisine comportent notamment les caractéristiques et les conditions d'exécution techniques des fournitures et des travaux inclus dans le prix convenu, comprenant notamment un plan détaillé avec cotes et s'il y a lieu des plans techniques par corps de métier ; la description détaillée des travaux qui sont indispensables à la réalisation et à l'utilisation de l'installation proposée et qui ne sont pas compris dans le prix ; la répartition de ces travaux entre ceux que l'installateur propose d'effectuer si le client en fait la demande -ainsi, dans ce cas, que l'estimation de leur coût- et ceux dont le client devra en tout état de cause faire son affaire.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que les époux F. n'avaient pas pu s'engager valablement et a prononcé la nullité de la vente en date du 24 octobre 2016 après avoir rappelé qu'à défaut de métré précis des lieux destinés à recevoir l'agencement commandé et de vérification des sujétions techniques du projet, l'objet de la commande d'un agencement de cuisine demeurait insuffisamment déterminé et retenu qu'au cas d'espèce, le bon de commande ne contenait aucun métré ni vérification des sujétions techniques en rapport avec les lieux où la cuisine devait être implantée.

Le plan contenant la mention " Montauban, le 24 octobre 2016, bon pour implantation " suivie de la signature de M. F. n'est qu'un schéma réalisé de manière manuscrite, qui ne contient ni échelle, ni cotes de la pièce qu'il représente, ni aucune dimension des meubles de cuisine qui sont représentés de manière incomplète, dans une seule perspective (vue de dessus) empêchant de distinguer notamment les meubles colonnes mentionnés sur le bon de commande ; il ne permet pas de s'assurer que l'agencement commandé est adapté aux lieux auxquels il est destiné ni qu'il est réalisable sur le plan technique, aucune donnée relative aux branchements d'éléments tels qu'évier ou hotte n'étant matérialisés ou ayant été vérifiés.

M. M. ne peut pas utilement se prévaloir de l'insertion d'une mention manuscrite, en dernière page du contrat ainsi rédigée : " accord usine M. S. portant sur une cuisine complète meubles + électroménager livrés (...) posés TTC pour 16 500 euros avec toutes possibilités de modifications, implantations, coloris, choix des poignées, finitions, meubles lors du contrôle technique à domicile sur un prix ferme et définitif ", suivie d'une signature qui n'est ni celle de M. F. ni celle du vendeur apposés sur la page précédente mais d'un tiers au contrat, pour soutenir que la vente était valable et parfaite, au sens de l'article 1583 du Code civil, en raison de la possibilité offerte de modifier un ensemble de choix d'éléments sans facturation complémentaire. Au contraire, le libellé très large des modifications pouvant être apportées tant sur le choix des meubles eux-mêmes, leur implantation, coloris, finitions et poignées démontre que l'objet du contrat, à savoir l'achat de meubles de cuisine selon un aménagement particulier devant s'adapter à la cuisine des époux F., n'était pas déterminé, ni déterminable sans un nouvel accord des parties.

Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a annulé le bon de commande du 24 octobre 2016 et les contrats subséquents sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres moyens présentés par les parties.

Le prononcé de l'annulation du contrat emporte une remise en l'état des parties. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a ordonné la restitution de l'acompte perçu et condamné en ce sens M. M. à payer aux époux F. la somme de 5 700 euros à ce titre.

C'est également par une juste appréciation des faits de la cause que le tribunal a alloué aux époux F. la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts motifs pris qu'ils ont été privés de l'acompte versé depuis octobre 2016 et avaient entrepris plusieurs démarches en vue d'une solution amiable.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

M. M., partie perdante, supportera la charge des dépens d'appel.

Les époux F. sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû exposer à l'occasion de cette procédure. M. M. sera donc tenu de leur payer la somme globale de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 700 alinéa 1er 1° du Code de procédure civile en complément de la somme déjà allouée à ce titre par le premier juge et sans qu'il puisse lui-même se prévaloir de ces dispositions.

Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne M. Maxime M. exerçant sous la dénomination sociale " Maxime M. Agencement " à payer à M. René F. et Mme Josiane F., pris ensemble, la somme complémentaire de 1 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Le déboute de sa propre demande de ce chef, Le condamne aux dépens d'appel.