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Décisions

ADLC, 17 janvier 2020, n° 20-DCC-09

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société Groupe Nice-Matin par la société NJJ

ADLC n° 20-DCC-09

17 janvier 2020

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 9 décembre2019 relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Nice-Matin par la société NJJ, formalisée par un pacte d'associés en date du [confidentiel] ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Le groupe Nice-Matin (ci-après " GNM ") est un groupe de presse français qui édite les trois quotidiens régionaux suivants : Nice-Matin (distribué essentiellement dans les Alpes- Maritimes), Var-Matin (distribué essentiellement dans le Var) et Monaco-Matin.

2. Outre cette activité d'édition de presse quotidienne régionale, GNM exploite deux sites internet éditoriaux, adossés aux titres Nice-Matin et Var-Matin, et qui contiennent par ailleurs des sections de petites annonces immobilières, d'emploi et automobiles.

3. Le groupe a une activité marginale d'impression de titres de presse pour le compte de tiers (OGC Nice Mag, magazines mensuels d'associations) et une activité de distribution de presse pour le compte de tiers. À ce titre, GNM distribue [confidentiel] titres de presse par portage (dont Le Monde). Il assure également, pour le compte de la société Presstalis, la distribution de magazines dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

4. GNM exerce enfin, pour son propre compte, une activité de régie publicitaire, via Nice Matin Communication, à la fois pour ses titres de presse et ses sites internet.

5. GNM est détenue par la SCIC Nice-Matin, à hauteur de 66 %, et par L'Avenir Développement, à hauteur de 34 %.

6. NJJ est une société holding, détenue à 100 % par M. Xavier Niel. Elle est active dans une grande variété de secteurs, parmi lesquels la presse et les communications électroniques.

7. Dans le secteur de la presse, NJJ contrôle exclusivement la société NJJ Presse, qui détient un contrôle conjoint, avec M. Mathieu Pigasse, sur Le Monde Libre, et donc sur ses filiales " Société Éditrice du Monde " (ci-après, " SEM ") et " Le Nouvel Observateur " (ci-après, " LNO "). La SEM édite le quotidien Le Monde et détient des participations majoritaires dans plusieurs sociétés de presse (1). La SEM exploite également les sites internet des différents titres de presse qu'elle contrôle. La SEM dispose par ailleurs d'une régie publicitaire (M Publicité), qui est en charge de la commercialisation des espaces publicitaires du groupe Le Monde et des espaces publicitaires des activités numériques du groupe [confidentiel].

8. LNO édite, quant à elle, le magazine L'Obs et ses suppléments, exploite le site internet qui en est le prolongement, et dispose, pour son propre compte, d'une régie publicitaire.

9. Par ailleurs, NJJ contrôle, depuis 2019, la société L'Avenir Développement qui est, à la date de la notification de l'opération, actionnaire minoritaire de GNM. NJJ détient donc indirectement, avant l'opération, une participation non-contrôlante dans GNM ainsi que dans le quotidien régional La Provence.

10. L'opération notifiée consiste en la mise en œuvre de l'option d'achat, au bénéfice de L'Avenir Développement, prévue à l'article [confidentiel] du pacte d'associés conclu le [confidentiel] entre L'Avenir Développement et la SCIC Nice-Matin. En vertu de cette disposition, la SCIC s'engage à vendre à L'Avenir Développement le solde de ses actions, dès lors [confidentiel].

11. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de GNM par NJJ, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

12. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (NJJ : [= 150] millions d'euros pour l'exercice clos en 2018 ; GNM : [= 150] millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2018). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (NJJ : [= 50] millions d'euros pour l'exercice clos en 2018 ; GNM : [= 50] millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2018). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

13. NJJ et GNM sont simultanément actifs sur les marchés de la presse écrite (A), de l'exploitation de sites éditoriaux en ligne (B) et de la vente d'espaces publicitaires en ligne (C).

14. GNM est présent, de son côté, sur les marchés de l'impression de titres de presse pour le compte de tiers (D) et de la distribution de journaux pour le compte de tiers (E). Quant à NJJ, il est actif sur le marché des régies publicitaires (F).

A. LE MARCHÉ DE LA PRESSE ÉCRITE

15. Les autorités de concurrence considèrent que la presse écrite constitue un marché distinct des autres médias traditionnels (télévision, radio, etc.), en particulier parce que ces derniers n'offrent pas une analyse de l'information aussi large et approfondie que la presse écrite. Au regard de l'évolution du secteur, l'Autorité a décidé d'élargir la définition de ce marché pour y intégrer les sites internet des titres de presse, ainsi que les acteurs spécialisés en ligne (comme, par exemple, Mediapart ou Huffington Post) et les " agrégateurs d'informations " (comme, par exemple, Yahoo! Actualité) (2).

16. Au sein du secteur de la presse écrite, l'Autorité opère une distinction entre la presse quotidienne nationale, la presse quotidienne régionale, la presse magazine, la presse gratuite et la presse spécialisée (3).

17. Pour chaque type de presse, trois marchés sont distingués (4) : le lectorat, la vente d'espaces publicitaires et la vente de petites annonces.

18. Enfin, selon une pratique décisionnelle constante, la dimension géographique des marchés de la presse et de la publicité sur ces médias correspond à leur zone de diffusion.

19. En l'espèce, les activités des parties ne se chevauchent pas sur les différents marchés de la presse écrite, dans la mesure où NJJ est actif sur les marchés de la presse quotidienne nationale et de la presse magazine, tandis que GNM est actif uniquement sur le marché de la presse quotidienne régionale, principalement dans les départements des Alpes-Maritimes et du Var et sur la principauté de Monaco. Toutefois, l'analyse concurrentielle de l'opération sur le marché de la presse écrite sera réalisée au titre de ses effets congloméraux.

B. LE MARCHÉ DE L'EXPLOITATION DE SITES ÉDITORIAUX EN LIGNE

20. Il ressort d'une pratique décisionnelle constante que l'exploitation de sites internet éditoriaux en ligne constitue un marché pertinent distinct.

21. L'Autorité considère que les sites éditoriaux, qui constituent le prolongement de la version papier des titres de presse (ou " sites compagnons "), forment un marché distinct des sites dédiés à des thèmes spécifiques tels que les sites de petites annonces (annonces généralistes, immobilier, emploi) (5).

22. Les sites éditoriaux adossés à un titre de presse écrite sont toutefois en concurrence avec les sites internet liés à d'autres médias (télévision ou radio) et les sites d'acteurs spécialisés de la presse en ligne (6).

23. Au sein de la catégorie des sites " compagnons ", une segmentation a été envisagée selon le type d'information publiée sur les sites (information d'actualité politique et générale ou information économique et financière) ou la thématique abordée (7).

24. S'agissant de la délimitation géographique des marchés de l'exploitation de sites éditoriaux en ligne, l'Autorité considère qu'elle est au moins de dimension nationale (8).

25. Il n'est pas nécessaire de revenir sur cette pratique décisionnelle à l'occasion de la présente instruction.

26. En l'espèce, GNM et NJJ sont tous deux présents sur le marché de l'exploitation de sites éditoriaux en ligne relatifs aux informations d'actualité politique et générale.

C. LE MARCHÉ DE LA VENTE D'ESPACES PUBLICITAIRES EN LIGNE

27. Les autorités de concurrence considèrent que le marché de la publicité en ligne est distinct de ceux des autres modes de publicité (9).

28. Elles ont par ailleurs envisagé de distinguer la vente d'espaces publicitaires en ligne selon leur mode de sélection (annonces liées aux recherches ou non) et selon leur apparence visuelle (annonces textuelles ou autres formats, comme les affichages graphiques ou les annonces en " display ").

29. La Commission a également envisagé de distinguer la publicité en ligne destinée aux terminaux fixes (ordinateurs) et celle destinée aux terminaux mobiles (téléphone, tablettes) (10).

30. Les autorités de concurrence considèrent que la dimension géographique du marché de la publicité en ligne est nationale, pour des raisons principalement liées aux barrières culturelles et linguistiques (11).

31. En l'espèce, GNM et NJJ sont tous deux présents sur le marché de la vente d'espaces publicitaires en ligne non liée aux recherches.

D. LE MARCHÉ DE L'IMPRESSION DE TITRES DE PRESSE POUR LE COMPTE DE TIERS

32. La pratique décisionnelle a précisé qu'il y avait lieu de distinguer l'impression de titres de presse, d'une part, de l'activité d'impression de documents administratifs et publicitaires et d'impression de livres, d'autre part, en raison de la nature des prestations concernées (quantités à imprimer, fréquence, contraintes horaires, qualité du papier, type d'impression couleur, etc.) et des outils de production utilisés (une simple imprimante suffit à imprimer des prospectus publicitaires, alors que des rotatives très spécifiques sont utilisées pour l'impression de quotidiens) (12).

33. Il ressort d'une pratique décisionnelle constante que le marché de l'impression de titres de presse est examiné au niveau national, mais aussi au niveau local " compte tenu d'une certaine nécessité pour les titres de presse régionaux d'être imprimés aux alentours de leur zone de diffusion " (13).

34. En l'espèce, seul GNM est présent sur ce marché.

E. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DE JOURNAUX POUR LE COMPTE DE TIERS

35. La pratique décisionnelle nationale identifie un marché de la distribution de prospectus et de journaux pour compte de tiers (14).

36. La distribution de la presse peut être effectuée par deux canaux : la vente par abonnement et la vente au numéro. Il ressort d'une pratique décisionnelle constante que la vente au numéro constitue un marché distinct (15).

37. La délimitation géographique du marché de la distribution de journaux pour compte de tiers n'a pas été précisément définie par l'Autorité. La partie notifiante considère à cet égard que ce marché a une dimension à la fois nationale et régionale, compte tenu de la présence d'acteurs à la fois nationaux, régionaux ou multi-régionaux.

38. Dans la mesure où, au cas d'espèce, la définition précise de ce marché géographique est sans effet sur l'analyse concurrentielle, la question de sa délimitation peut être laissée ouverte.

39. En l'espèce, seul GNM est présent sur ce marché. Il n'est actif que dans la région Provence- Alpes-Côte-d'Azur.

F. LE MARCHÉ DES RÉGIES PUBLICITAIRES

40. La vente d'espaces publicitaires se réalise soit directement, soit par l'intermédiaire d'une régie publicitaire. Les autorités de concurrence ont retenu l'existence d'un marché de la régie publicitaire (16). L'offre fait intervenir une société de régie à laquelle les supports médias confient la gestion de leurs espaces publicitaires, par un contrat de mandat dans lequel le support est le mandant et le régisseur le mandataire. Le rôle de ces régies consiste à commercialiser auprès des demandeurs, annonceurs et agences, les espaces dont dispose le support.

41. À l'instar de la segmentation établie pour les marchés de la vente d'espaces publicitaires, il existe autant de marchés de régie publicitaire que de supports médias.

42. Selon la pratique des autorités de concurrence, la dimension géographique des médias et de la publicité de ces médias correspond à leur zone de diffusion. Il en va donc de même pour les marchés de la régie publicitaire (17).

43. En l'espèce, seul NJJ est présent sur le marché de la régie publicitaire en ligne.

III. Analyse concurrentielle

A. EFFETS HORIZONTAUX

44. Comme indiqué ci-avant, les parties sont simultanément présentes sur les marchés de l'exploitation de sites éditoriaux en ligne et de la vente d'espaces publicitaires en ligne.

45. Concernant l'exploitation de sites éditoriaux en ligne, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 5 % sur le marché global des sites internet éditoriaux. Sur le segment des sites internet éditoriaux d'actualité politique et générale, lequel inclut les sites adossés à la presse quotidienne nationale et régionale, l'estimation de la part de marché cumulée de la nouvelle entité reste inférieure à 25 %.

46. Les concurrents des parties sont nombreux sur ce marché, et comprennent les sites adossés à d'autres titres de presse (parmi lesquels lefigaro.fr, lepoint.fr ou encore 20minutes.fr) et, dans une moindre mesure, les sites adossés à d'autres media (franceinfo.fr, par exemple) ainsi que les opérateurs " tout en ligne " (mediapart.fr, par exemple).

47. En conséquence, compte tenu de la part de marché limitée de la nouvelle entité sur ces deux marchés et de la présence de concurrents importants, tout risque d'effet horizontal sur le marché de l'exploitation de sites éditoriaux en ligne lié à l'opération peut être écarté.

48. Concernant la vente d'espaces publicitaires en ligne, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 1 % quelle que soit la segmentation envisagée du marché français de la vente d'espaces publicitaires en ligne. En conséquence, tout risque d'effet horizontal lié à l'opération sur ce marché peut être écarté.

B. EFFETS CONGLOMÉRAUX

49. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché ; si les concentrations conglomérales peuvent susciter des synergies pro- concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché ou à en évincer les concurrents. La pratique décisionnelle écarte en principe les risques d'effets congloméraux lorsque la part de marché de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.

50. Concernant le marché du lectorat, les segments de la presse magazine, de la presse quotidienne nationale et de la presse quotidienne régionale peuvent être considérés comme connexes. La part de marché du groupe Le Monde sur les différents segments de la presse quotidienne nationale est estimée par les parties, au maximum, à 25 %. Sur les différents segments du marché du lectorat des magazines, la part de marché du groupe Le Monde / Le Nouvel Observateur est estimée par les parties, au maximum, à 30 %. Enfin, la part de marché de GNM sur les différents segments du marché du lectorat de la presse quotidienne régionale, est, d'après la partie notifiante, inférieure à 30 %, sauf dans les départements du Var et des Alpes- Maritimes où sont respectivement édités Var-Matin et Nice-Matin, qui y sont les seuls quotidiens régionaux (18).

51. Toutefois, il ressort des éléments fournis par la partie notifiante dans le cadre de l'instruction que tout risque d'effet congloméral entre ces différents segments, résultant de l'organisation de vente liée, peut être écarté.

52. Tout d'abord, les quotidiens régionaux diffusés par GNM s'adressent à un lectorat différent de celui des quotidiens nationaux et des magazines diffusés par NJJ.

53. Ces lectorats se distinguent d'abord par la nature des informations recherchées (informations nationales et internationales, essentiellement d'actualité politique et générale, pour le lectorat des titres édités par NJJ ; informations régionales dans tous les domaines d'actualités, pour le lectorat des éditions de GNM). En outre, les lectorats se distinguent au niveau des catégories d'âge qu'ils regroupent et au niveau des catégories socio-professionnelles qu'ils englobent.

54. À cet égard, d'après les éléments fournis par NJJ, alors que le lectorat de Nice-Matin et Var- Matin est à 70 % constitué de personnes de 50 ans et plus (dont la moitié a plus de 65 ans), 60 % des lecteurs du Monde ont moins de 50 ans. Par ailleurs, il ressort des éléments transmis par la partie notifiante que 56 % des lecteurs des titres édités par GNM sont des personnes dites " inactives ", tandis que le lectorat du Monde est composé en majorité d' " actifs " (52 %) et de lecteurs en passe d'entrer dans la vie active, puisque 25 % des abonnés ont moins de 25 ans. Enfin, 37,2 % des lecteurs du quotidien Le Monde appartiennent à la catégorie CSP+, contre seulement 28 % pour le lectorat de Var-Matin et Nice-Matin.

55. Ces différences de lectorat et de diffusion rendraient en outre peu rentable une stratégie de vente liée entre GNM et les titres édités par NJJ. Vu les conditions économiques difficiles rencontrées par les titres de presse qui peinent à atteindre un équilibre financier, la vente liée entre les titres édités par GNM et ceux édités par NJJ est peu probable.

56. En tout état de cause, de telles ventes liées n'auraient qu'un effet très limité sur le marché de la presse quotidienne nationale et de la presse magazine, compte tenu de la faible part que représentent les ventes des titres édités par NJJ dans le département du Var et des Alpes Maritimes. En effet, les ventes de ces titres dans ces départements représentent moins de 3 % des ventes desdits titres au niveau national et moins de 1 % du marché total. En conséquence, une éventuelle vente liée entre les titres édités par GNM et ceux édités par NJJ n'aurait pas d'effet sensible sur les marchés du lectorat.

57. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux entre les différents segments du marché du lectorat de la presse écrite concernés par l'opération.

52. Concernant les marchés de la vente d'espaces publicitaires et des petites annonces dans la presse écrite, les segments de la presse quotidienne nationale, de la presse magazine et de la presse quotidienne régionale peuvent également être considérés comme connexes. La part de marché du groupe Le Monde / Le Nouvel Observateur est inférieure à 30 % sur le segment de la vente d'espaces de publicité commerciale ou financière dans des titres de presse (magazines ou quotidiens). Pour GNM, le segment de marché sur lequel le groupe est actif est celui de la vente d'espaces de publicité locale et extra-locale. La partie notifiante indique que la part de marché de GNM pourrait être supérieure à 30 %dans les Alpes-Maritimes et dans le Var.

53. Cependant, l'Autorité a déjà relevé, dans ses précédentes décisions, que, compte tenu des difficultés rencontrées par les éditeurs de presse régionale, les ressources liées à la diffusion de publicité et de petites annonces constituent des ressources importantes dans des conditions économiques difficiles où les titres de presse rencontrent des difficultés à atteindre un équilibre financier. En outre, l'Autorité a constaté que les éditeurs de presse régionale étaient soumis, s'agissant de la publicité, au pouvoir de négociation des annonceurs et à la pression concurrentielle exercée par d'autres supports, notamment internet.

54. En tout état de cause, en l'espèce, une politique de vente liée entre les espaces publicitaires ou de petites annonces des titres édités par GNM et ceux de NJJ ne constituerait pas un argument de vente déterminant pour les clients, compte tenu des différences existants entre leurs annonceurs respectifs. En effet, alors que les principaux annonceurs du Monde sont des annonceurs nationaux, notamment des grandes marques plutôt actives dans le secteur du luxe ou dans les grandes industries de réseau, ceux de GNM sont principalement des annonceurs locaux (mairies, concessionnaires ou distributeurs locaux et organisateurs de salons). Ainsi, la partie notifiante a indiqué que les annonceurs nationaux représentaient moins de 10 % des annonceurs de GNM. En outre, GNM n'est pas directement en relation avec les annonceurs nationaux : pour ce type d'opérateurs, GNM passe en effet par la régie 366, entité commune aux éditeurs de presse quotidienne régionale qui centralise l'ensemble de leurs offres. Il en va de même pour le marché des petites annonces, qui est également, en matière de presse quotidienne régionale, caractérisé par une importante emprise locale.

55. Enfin, selon les informations communiquées par la partie notifiante, le risque d'offres couplées peut être écarté y compris en présence d'annonceurs communs puisque, s'agissant de ces opérateurs, GNM et les filiales de NJJ n'ont pas les mêmes interlocuteurs. En effet, " pour le quotidien Le Monde, les décisions des annonceurs [communs] sont prises au niveau national tandis que pour les éditions de GNM, ce sont des succursales locales avec des centres de décision distincts des centres de décision des constructeurs au niveau national " (19).

56. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux entre ces différents marchés.

C. EFFETS VERTICAUX

55. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits ou les services des fournisseurs actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, les risques de verrouillage peuvent être en principe écartés lorsque la part de marché de la nouvelle entité ne dépasse pas 30 % sur les marchés concernés.

56. En l'espèce, GNM est actif sur le marché de l'impression de titres de presse pour le compte de tiers, qui apparaît comme un marché amont du marché de la presse écrite sur lequel NJJ est actif. GNM est également actif sur le marché de la distribution de titres de presse qui apparaît comme un marché aval du marché de la presse écrite. Enfin, le groupe Le Monde a une activité de régie publicitaire en ligne relevant d'un marché verticalement lié au marché de la vente d'espaces publicitaires en ligne.

57. Or, au vu des parts de marché respectives des parties sur ces différents marchés, qui sont systématiquement inférieures à 30 % quelle que soit la segmentation retenue, tout risque de verrouillage peut être écarté, quel que soit le scénario envisagé.

58. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux sur les marchés concernés.

DÉCIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 19-304 est autorisée.

NOTES

1 En plus du quotidien Le Monde, la SEM édite des hebdomadaires (M Le Magazine du Monde, Courrier International, Télérama, La Vie et la Sélection Hebdomadaire), des mensuels (Le Monde Diplomatique et Prier), des bimestriels (Manières de Voir, Le Monde des Religions) et des annuels (L'Atlas des Civilisations et Le Guide Saint-Christophe).

2 Décisions n° 15-DCC-189 du 23 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint de la société 20 Minutes France par la société Rossel & Cie aux côtés de SIPA et n° 15-DCC-139 du 20 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de l'activité d'édition et de commercialisation des journaux Le Parisien et Aujourd'hui en France par le groupe LVMH -Moët Hennessy -Louis Vuitton.

3 Décisions de l'Autorité n° 15-DCC-139 et n° 15-DCC-189 précitées, décision n° 17-DCC-76 du 13 juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de Groupe News Participations par SFR Group et n° 18-DCC-63 du 23 avril 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Au feminin par TF1.

4 Ibid.

5 Décisions de l'Autorité n° 09-DCC-72 du 14décembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société EBRA par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel, n° 10-DCC-129 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Le Monde SA par MM. Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, n° 11-DCC-114 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe l'Est Républicain par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel, n° 13-DCC-46 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe Rossel des sociétés du Pôle " Champagne Ardennes Picardie " du groupe Hersant Média, n° 13-DCC-150 relative à l'acquisition du contrôle exclusif du groupe Moniteur par Infopro Digital, n° 14-DCC-76 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Le Nouvel Observateur du Monde par la société Le Monde Libre, n° 15- DCC-63 relative à la prise de contrôle exclusif de la Société du Journal Midi Libre par la société Groupe La Dépêche du Midi, n° 15-DCC- 66 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés News Co Group, PMP Holding, Group Express Roularta et A Nous Paris par la société Altice IV, ainsi que les décisions n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189, n° 17-DCC-76 et n° 18-DCC-63 précitées.

6 Décisions n° 11-DCC-114, n° 13-DCC-46, n° 14-DCC-76, n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189, n° 17-DCC-76 et n° 18-DCC-63précitées.

7 Décisions n° 10-DCC-129, n° 13-DCC-150, n° 15-DCC-63, n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139, n° 17-DCC-76 et n° 18-DCC-63précitées.

8 Ibid.

9 Décisions de l'Autorité n° 18-DCC-18 du 1er février 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Concept Multimédia par le groupe Axel Springer, n° 10-DCC-11, n° 17-DCC-76 et n° 18-DCC-63 précitée et décisions de la Commission M.5727 du 18 février 2010 Microsoft/Yahoo! Search Business, M.7217 du 3octobre 2014 Facebook/WhatsApp, COMP/M.7288 du 9 septembre 2014 Viacom/Channel 5 Broadcasting, M.4731 et M.8392 précitées.

10 Décisions M.5727 et M.7217 précitées.

11 Décisions n° 10-DCC-11 relative à la prise de contrôle exclusif par le groupe TF1 des sociétés NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB) et décisions n° 17-DCC-76, n° 18-DCC-18, n° 18-DCC-63, M.5727, M.7217 et M.8392 précitées.

12 Décision n° 15-DCC-63 précitée.

13 C2007-127 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 7 décembre 2007 aux conseils de la société Groupe Hersant Média, relative à une concentration dans le secteur de la presse régionale écrite, page 6.

14 Décision n° 11-DCC-114 précitée.

15 Décision n° 12-D-16 du 12 juillet 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de distribution de la presse.

16 Décisions n° 11-DCC-114 et n° 15-DCC-139 précitées.

17 Ibid.

18 À l'exception du journal La Marseillaise qui est diffusé à 15.000 exemplaires dans le département du Var.

19 Courrier de la partie notifiante en date du 10 janvier 2020.