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Décisions

Cass. soc., 26 février 2020, n° 18-25.577

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Berings

Défendeur :

P. Blattes Yachting (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Leprieur

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament, Robillot

Aix-en-Provence, 18e ch., du 12 oct. 201…

12 octobre 2018

LA COUR :

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 octobre 2018), statuant en référé, et les productions, M. Berings, engagé le 21 août 2000 par la société P. Blattes Yachting en qualité de commercial spécialisé en vente de bateaux de plaisance, a été licencié pour faute lourde le 19 octobre 2017.

2. Le 5 décembre 2017, il a saisi en référé la juridiction prud'homale aux fins de voir constater que la clause contractuelle de non-concurrence est illicite, que l'employeur a renoncé à son application, la voir déclarer inopposable à lui-même et aux tiers, ordonner à la société la cessation immédiate de l'envoi de tout écrit à des tiers invoquant l'existence d'une obligation de non-concurrence ou de confidentialité visant à limiter ses possibilités de retrouver un nouvel emploi, et la voir condamner au paiement de dommages-intérêts pour atteinte au principe de liberté du travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. Berings fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé et renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond alors : " 1°) que constitue un trouble manifestement illicite l'insertion, dans un contrat de travail, d'une clause de non-concurrence illégale pour n'être assortie ni de limite géographique ni de contrepartie financière et qui porte ainsi atteinte au droit du salarié d'exercer un emploi correspondant à ses capacités professionnelles ; qu'en jugeant, pour dire n'y avoir lieu à référé et renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond, que M. Bruno Berings ne démontrait pas avoir été dans l'impossibilité de travailler après son licenciement de sorte qu'il n'existait aucun trouble manifestement illicite, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la seule insertion dans son contrat de travail d'une clause de non-concurrence illicite pour être dénuée de limitation dans l'espace et de contrepartie financière constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du Code du travail ; 2°) que l'existence d'un trouble manifestement illicite justifie l'intervention du juge des référés indépendamment des conséquences dommageables qu'il produit ; qu'en énonçant, pour juger n'y avoir lieu à référé et renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant le juge du fond, que M. Bruno Berings ne démontrait pas que le courrier adressé par la société P. Blattes Yachting à la société V. Marine, avait eu des conséquences sur sa possibilité de travailler après son licenciement, la cour d'appel, qui a méconnu la notion de trouble manifestement illicite, laquelle est distincte de celle de dommage imminent, a violé l'article R. 1455-6 du Code du travail ; 3°) que constitue un trouble manifestement illicite justifiant une mesure d'interdiction, indépendamment des conséquences qu'il a pu entraîner, l'envoi par un employeur d'un courrier à l'éventuel recruteur d'un salarié licencié, l'informant de façon erronée d'obligations de non concurrence qui pèseraient sur ce salarié et lui enjoignant de ne pas poursuivre de relation avec ce salarié, sous peine de poursuites judiciaires, méconnaissant ainsi son droit à retrouver un travail conforme à ses qualifications professionnelles ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à référé, que M. Bruno Berings ne démontrait pas que le courrier adressé par la société P. Blattes Yachting à la société V. Marine, avait eu des conséquences sur sa possibilité de travailler après son licenciement, quand il résultait de ses constatations, que, le 19 octobre 2017, la société P. Blattes Yachting avait adressé à ce potentiel employeur de l'exposant une lettre faisant référence de façon erronée à une obligation de non concurrence du salarié, interdisant à la société V. Marine " d'entamer ou de poursuivre toute coopération, directe ou indirecte, avec M. Berings, actuellement ou à l'avenir ", demandant au destinataire de lui confirmer " [son] engagement à ce sujet " et le menaçant de poursuites judiciaires en cas de " manquement de [sa] part au respect de [sa] requête " , la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article R. 1455-6 du Code du travail ; 4°) que en toute hypothèse, M. Bruno Berings faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'alors qu'il se trouvait en recherche d'emploi, il avait appris que son ancien employeur " adressait des courriers pour prétendre qu'il était toujours salarié de la société P. Blattes Yachting, qu'il était lié par une interdiction de concurrence et menacer tout employeur potentiel de poursuites judiciaires en cas de collaboration ", qu'il avait " essuyé plusieurs refus, ses interlocuteurs lui indiquant avoir été contactés par la société Blattes Yachting qui les menaçait de poursuites judiciaires s'ils collaboraient avec lui " et qu'il avait " effectivement pu constater à la lecture de courriers adressés par la société P. Blattes Yachting que ces menaces étaient réelles " ; qu'en retenant que " cet unique courrier [adressé à la société V. Marine] constituerait selon M. Berings une atteinte à son droit de travailler qui justifierait que le juge des référés fasse interdiction à l'avenir à l'envoyeur d'envoyer d'autre courrier " avant de retenir que " l'envoi d'un seul courrier " ne constituait pas un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé l'article 4 du Code de procédure civile."

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé d'abord que l'employeur ne contestait pas le fait que le salarié n'était pas tenu par une clause de non-concurrence, à laquelle il avait d'ailleurs renoncé dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a ensuite retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen et sans modifier les termes du litige, que le salarié établissait l'envoi par son employeur d'une unique lettre adressée le 19 octobre 2017 à un concurrent pour mettre en garde celui-ci contre tout acte de concurrence déloyale. La cour d'appel, qui n'a pas constaté que cette lettre faisait référence à une obligation de non-concurrence du salarié, a pu en déduire, sans être tenue de se livrer à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'envoi de ce courrier ne constituait pas un trouble manifestement illicite.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Par ces motifs, LA COUR : Rejette le pourvoi.