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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 20 février 2020, n° 17-08209

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. David

Conseillers :

Mmes Trouiller, Bisch

TI Meaux, du 1er févr. 2017

1 février 2017

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. P. se portait acquéreur auprès de M. L. F., gérant de la société Bassevelle Auto-Services, le 12 juillet 2013, d'un véhicule D. Cobra Ram 1500, importé des États-Unis, présentant un kilométrage de 79 000 miles, soit 127 000 kilomètres environ, pour un prix de 29 500 euros.

La vente aurait été conclue hors cadre professionnel, portant sur un véhicule personnel, tel que convenu entre les parties, bien que la déclaration de cession du véhicule mentionne en qualité de vendeur la société Bassevelle Auto Services et non M. L. F..

Dès le jour de la vente, et cela n'a pas échappé à M. P., le témoin d'alerte moteur restait allumé au tableau de bord, ce qui a motivé en grande partie la réduction du prix initialement fixé à 35 000 euros.

M. L. F. remettait cependant à l'acquéreur, faute d'avoir le temps de procéder à la réparation avant la vente, une sonde neuve, à charge pour l'acquéreur de faire procéder à la réparation après la vente, le vendeur pensant que cette anomalie était due à une défaillance de la sonde lambda.

Le 6 septembre 2013, le garage Economie Cars Technologie remplaçait deux sondes lambda, procédait à des travaux d'entretien sur le véhicule le 23 septembre 2013, et intervenait sur le véhicule aux fins de recherche de panne le 9 janvier 2014. Le 30 avril 2014, une expertise amiable contradictoire était organisée et confiée à M. B., qui rendait son rapport le 26 février 2015.

Par acte en date du 6 janvier 2016, M. P. assignait M. L. F. devant le tribunal d'instance de Meaux, aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer notamment la somme de 7 995,30 euros au titre du coût des réparations du véhicule, intégrant le changement de la boîte de vitesse.

M. L. F. sollicitait le débouté de M. P. de l'intégralité de ses prétentions.

Par jugement contradictoire en date du 1er février 2017, le tribunal d'instance de Meaux déboutait M. P. de l'intégralité de ses prétentions.

Le tribunal retenait notamment que l'allumage du voyant lumineux avait été constaté par l'acheteur au moment de la vente et que le changement des bougies ressortait non d'un vice caché mais de l'entretien courant de tout véhicule présentant un kilométrage important, de sorte que l'ensemble des travaux entrepris sur le véhicule litigieux ne permettait pas à l'acquéreur de faire valoir la garantie des vices cachés.

Par déclaration du 19 avril 2017, M. P. a relevé appel de la décision.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 30 juillet 2019, M. P. demande à la cour, au visa des articles 1641 et 1147 ancien du Code civil, de :

- déclarer M. P. recevable et bien fondé en ses demandes et y faisant droit :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau, condamner M. L. F. à verser à M. P. la somme de 7 995,30 euros, se décomposant comme suit :

- 1 292 euros en remboursement des frais de remplacement du calculateur moteur,

- 4 466,60 euros en remboursement des frais de remplacement de la boîte de vitesse,

- 2 236,70 euros au titre de son préjudice matériel,

- condamner M. L. F. à verser à M. P. la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, l'appelant conteste le caractère hors cadre professionnel de la vente alléguée par M. L. F. et soutient en ce sens notamment que la préfecture De SEINE-ET-MARNE confirme que le certificat d'immatriculation AC-951-VM a été établi le 9 juillet 2013, soit quelques jours avant la vente du véhicule à M. P., par la sous-préfecture de Meaux au nom de la personne morale L. F. Daniel ayant pour numéro Siren 792136228.

M. P. estime que le vendeur est de mauvaise foi et indique que celui-ci, dans le cadre des opérations d'expertise amiable, a produit une facture Bosch établie au Portugal le 8 août 2011 alors que le véhicule appartenait à M. P. à cette date, qui le lui aurait cédé le 26 juillet 2012 dans le cadre d'un " troc ", sans contrôle technique préalable, qui ne peut qu'être pratiqué par un professionnel.

M. P. en conclut que la responsabilité de M. L. F. est ainsi engagée, sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, les vices affectant le fonctionnement du véhicule n'étant pas visibles au moment de la vente.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 17 août 2017, M. L. F. demande à la cour de :

- constater que les demandes de M. P. portent :

- d'une part (factures de 698,50 et 1 292 euros) sur la remise en état d'un problème qui était connu des parties lors de la vente et dont M. P. devait faire son affaire personnelle, étant ajouté que M. L. F. avait malgré cela, formulé une offre de règlement qui a été refusée par M. P.,

- d'autre part sur des factures (472,18, 192 et 874,02 euros) relevant de l'entretien normal du véhicule et aucunement de vices cachés,

- enfin sur la réparation de la boite de vitesse (4 466,40 euros) dont rien ne permet d'affirmer qu'elle était affectée d'un vice caché à la date de la vente,

- débouter par conséquent M. P. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, dès lors qu'il n'apporte ni la démonstration d'une faute contractuelle commise par M. L. F., ni la preuve de l'existence de vices cachés relevant de la garantie due par le vendeur,

- condamner M. P. à payer à M. L. F. la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'intimé fait valoir que le véhicule litigieux lui appartenait à titre personnel, qu'il en était propriétaire et l'utilisait à titre personnel avec sa famille depuis plus de 2 ans lors de sa revente, de telle sorte que le véhicule n'avait pas été acquis en vue d'une opération d'achat-revente.

L'intimé soutient que l'appelant ne démontre pas que les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies en l'espèce, à défaut notamment d'un fait fautif pouvant être reproché à M. L. F..

Sur les désordres, l'intimé indique notamment qu'il a fait preuve d'un comportement exemplaire, puisqu'il a accepté de prendre en charge une somme supplémentaire de 1 530 euros quant au problème d'allumage du voyant moteur, et que l'appelant n'a pas donné suite à cette proposition.

M. L. F. expose que les factures d'entretien courant du véhicule ne sauraient lui être imputées et que le problème de la boîte de vitesse n'a pas été démontré de manière contradictoire. L'intimé conclut au débouté de l'intégralité des demandes de M. P..

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 septembre 2019.

SUR CE,

Sur la garantie due au titre des vices cachés :

L'article 1641 du Code civil dispose que : " Le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ".

L'article 1642 du même Code dispose quant à lui que : " Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ".

Il résulte cependant de cet article que la limite de la responsabilité de l'acheteur est atteinte, lorsqu'il n'a pu se convaincre lui-même de l'ampleur du vice caché.

Enfin, l'article 1644 de ce Code précise que dans le cas de la présence d'un vice caché, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

En l'espèce, l'appelant entend obtenir le dédommagement de l'ensemble des réparations qu'il a engagées sur le véhicule litigieux.

Il est rappelé que dès le jour de l'acquisition du véhicule, le 12 juillet 2013, M. L. F. a indiqué à M. P. que la persistance du voyant lumineux moteur qui restait allumé, était due à la sonde lambda qui était défectueuse, et que faute de temps pour procéder lui-même au remplacement de cette sonde, il lui remettait une sonde neuve en vue de son remplacement.

Cette anomalie a été l'une des raisons de la diminution du prix, ramené de 35 000 euros à 29 500 euros.

Le 6 septembre 2013, M. P. a confié au garage Economie Cars Technologie le remplacement de deux sondes lambda, pour un montant de 698,50 euros.

Cette réparation s'est avérée inefficace puisque le témoin lumineux est resté allumé.

M. P. déclare avoir déploré d'autres dysfonctionnements sur son véhicule et avoir procédé à des travaux le 23 septembre 2013, pour un montant de 472,18 euros concernant le remplacement des bougies, puis le 9 janvier 2014 pour un montant de 192 euros concernant le démontage du cache-culbuteur pour un diagnostic d'une prise d'air, ces travaux étant présentés comme intervenus pour la recherche de l'origine des désordres.

Le remplacement du joint collecteur d'admission et du calorstat a été effectué le 25 février 2014, pour le montant de 874,02 euros.

Après le diagnostic du calculateur, il s'est avéré que l'affichage systématique du voyant moteur provenait d'un défaut d'alimentation de la sonde lambda, et non de la sonde elle-même. Le remplacement du calculateur, le 18 mars 2014, a été évalué au prix de 1 292 euros.

Les parties ont décidé d'un commun accord d'une expertise, qui a été réalisée par le cabinet A., via l'assureur de la protection juridique de M. P..

La conclusion du rapport d'expertise en date du 30 avril 2014, produit aux débats, est que le vendeur a fourni, lors de la vente, une information erronée sur le diagnostic de l'allumage du voyant moteur, et que sa responsabilité peut être recherchée, l'expert ayant constaté que le réparateur a détecté un défaut d'alimentation de la sonde lambda, nécessitant le remplacement du calculateur moteur pour un montant de 1 292 euros.

A l'issue d'une nouvelle réunion d'expertise, le cabinet A. a émis un avis technique dans son rapport du 26 février 2015, produit aux débats, selon lequel le voyant moteur allumé résulte d'une défaillance du circuit d'antipollution, anomalie diagnostiquée par le garage Economie Cars Technologie, qui avait décelé un défaut d'alimentation de la sonde lambda.

M. L. F. fait valoir que M. P. était conscient, lorsqu'il a acquis le véhicule, de l'anomalie dont il s'agit, qu'il a bénéficié d'une diminution substantielle du prix de vente du véhicule, et qu'il a refusé la proposition d'un règlement qu'il lui offrait, de la somme de 1 530 euros, à titre de dédommagement.

Cependant, la baisse du prix consentie a indemnisé l'existence d'un problème et la démarche que devait faire l'acquéreur pour y remédier, mais pas la solution de ce problème, puisque la sonde neuve que lui a remis l'acquéreur, et même finalement le remplacement de deux sondes, n'ont pas résolu la persistance d'un voyant qui restait allumé.

Ainsi, et par application des dispositions de l'article 1642 susmentionnées, l'anomalie constatée dès le jour de la vente du véhicule recelait un vice caché dont l'acquéreur ne pouvait pas mesurer l'ampleur, puisque le vendeur lui-même s'est trompé en pensant que le seul changement d'une sonde lambda pouvait résoudre le problème.

Il convient de préciser enfin, en ce qui concerne la qualité du vendeur, qu'il importe peu que le véhicule litigieux ait été utilisé à titre personnel par l'intimé, puisqu'il est justifié par le certificat d'immatriculation du 9 juillet 2013, produit aux débats, qu'il a été établi au nom de la personne morale M. L. F., contre laquelle d'ailleurs l'acte introductif d'instance a été dirigé, soit contre M. L. F., artisan exerçant sous le nom commercial Bassevelle Auto-Services.

Il s'en déduit que l'intimé avait une obligation d'information et de conseil envers l'appelant, consommateur, qui certes a été donnée, mais de façon erronée, ce qui a induit en erreur l'acquéreur.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas considéré M. L. F. comme tenu à garantir l'existence d'un vice caché.

Sur les demandes en remboursement des frais engagés et en indemnisation du préjudice matériel :

1- M. P. demande le remboursement de la somme de 1 292 euros au titre des frais de remplacement du calculateur moteur, ainsi que le remboursement de la somme de 4 466,60 euros au titre des frais de remplacement de la boîte de vitesse.

Un devis du 18 mars 2014 concernant le remplacement du calculateur moteur, en fixe le montant à 1 292 euros.

Il est rappelé que l'expert a affirmé la nécessité de ce remplacement pour résoudre le problème de l'allumage du voyant moteur.

Il convient par conséquent de retenir le montant de 1 292 euros, à la charge de l'intimé.

2- En ce qui concerne le changement de boîte de vitesse, qui a donné lieu à une facture du 12 septembre 2014, portant montant de 4 466,40 euros, produite aux débats, il n'est pas contesté que l'appelant a déploré un problème d'embrayage le 1er avril 2014. Il a fait procéder à une expertise amiable dont la première réunion s'est tenue le 27 juin 2014, soit pratiquement un an après la vente du véhicule et 14 000 km parcourus depuis ce jour.

L'article L. 211-7 ancien du Code de la consommation, applicable au litige, prévoit que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de 24 mois à partir de la délivrance du bien, sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire, et que cette durée est ramenée à six mois pour les biens vendus d'occasion.

M. P. doit donc prouver l'existence d'un vice ayant affecté la boîte de vitesse, qui soit antérieur à la vente.

Un problème affectant la boîte de vitesse a bien été constaté, la boîte de vitesse a été démontée et confiée à une société Euro Trans, qui a rédigé un premier constat le 8 août 2014, selon lequel la boîte de vitesse présentait une usure générale normale dans son ensemble sur la plupart des organes mécaniques, et le même jour, un second constat selon lequel cette usure était tout de même surprenante par rapport au kilométrage qui avait été annoncé.

Ces constatations, à la fois non contradictoires, mais contradictoires entre elles, intervenues après l'expiration du délai de six mois susvisé, ne permettent donc pas de rapporter la preuve que la boîte de vitesse était affectée d'un vice caché lors de la vente du véhicule, étant observé que l'attestation de vente signée par les parties, produite aux débats, comprend la mention selon laquelle il était préconisé de faire une vidange de la boîte de vitesse tous les ans, avec le fluide recommandé par " D. ", de sorte que la vidange aurait dû être faite dès le mois d'août 2013, ce qui n'a pas été le cas, de façon non contestée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. P. de sa demande en remboursement du prix de la boîte de vitesse.

3- Le préjudice matériel dont l'appelant demande l'indemnisation à hauteur de 2 236,70 euros, est constitué par les sommes de 698,50 euros pour le remplacement de deux sondes lambda, 472,18 euros pour le remplacement des bougies, 192 euros pour le démontage du cache-culbuteur pour un diagnostic d'une prise d'air et 874,02 euros pour le remplacement du joint collecteur d'admission et du calorstat.

L'ensemble de ces sommes est justifié par les factures y afférentes, produites aux débats, mais seule la facture de 698,50 euros peut être retenue pour le remplacement de deux sondes lambda, puisque l'intimé affirmait que le problème de la permanence du voyant moteur allumé provenait d'un problème de sonde lambda, les autres postes de dépenses étant sans lien avec le litige principal, et concernant, comme le déclare lui-même l'appelant, des dépenses d'entretien et non pas des dépenses consécutives à une recherche de panne, comme M. P. le prétend en même temps et de façon contradictoire, cette recherche de panne ne figurant d'ailleurs sur aucune des factures dont il s'agit.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté toutes les demandes en indemnisation présentées par M. P., et M. L. F. sera condamné à lui payer la somme de 1 292 euros pour le remplacement du calculateur moteur, plus la somme de 698,50 euros pour le remplacement de deux sondes lambda, soit au total 1 990,50 euros.

Sur les dépens et les demandes en application de l'article 700 du Code de procédure civile :

M. L. F., qui succombe en appel, sera condamné aux entiers dépens.

En équité, il convient de condamner M. L. F. à payer à M. P. la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. L. F. sera débouté de sa demande relative à l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs LA COUR, Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement des sommes de 472,18 euros, 192 euros, 874,02 et 4 466, 40 euros, Statuant à nouveau, Déclare M. L. F. tenu à la garantie du vice caché concernant le voyant moteur, En conséquence, Condamne M. L. F. à payer à M. P. la somme de 1 990,50 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification de cette décision, Rejette les autres demandes, Y ajoutant, Condamne M. L. F. à payer à M. P. la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute M. L. F. de sa demande relative à l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne M. L. F. aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés par Maître B.-F., avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.