CA Lyon, 8e ch., 25 février 2020, n° 19-05554
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Centre Laser Médical Lyon (SARL)
Défendeur :
Novella (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chauve
Conseillers :
Mmes Defrasne, Zagala
La SARL Novella, exploitant sous l'enseigne " Novella Instituts " deux centres esthétiques à Lyon, propose des soins de beauté, minceur, épilation et photo-rajeunissement.
Depuis 2018, elle a fait l'acquisition d'un appareil d'impulsion de lumière pulsée afin de proposer à sa clientèle des épilations à la lumière pulsée.
Par ordonnance sur requête rendue le 22 mars 2019 par le Président du tribunal de commerce de Lyon, la société Centre Laser Médical Lyon a été autorisée à faire procéder à un constat d'huissier dans les locaux de la société SARL Novella, sise 42 cours Gambetta à Lyon (69007) aux fins de voir constater la pratique d'épilation définitive, interdite par la législation en vigueur.
La société Novella a sollicité la rétractation de cette ordonnance.
Par ordonnance en date du 24 juillet 2019, le Président du tribunal de commerce de Lyon a :
- rétracté l'ordonnance rendue le 22 mars 2019,
- annulé les opérations de constat et le procès-verbal en découlant,
- ordonné la restitution immédiate des documents et copies séquestrées par l'huissier instrumentaire ainsi que ses constats, premier original, second original et de toutes les copies ou exemplaires.
- interdit à la société Centre Laser Médical Lyon de faire état ou usage du constat d'huissier ou des pièces annexées en exécution de l'ordonnance rétractée, y compris dans le cadre de la procédure au fond susceptible d'être intentée à l'encontre de la société Novella,
- condamné la société Centre Laser Médical Lyon à payer à la société Novella une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Centre Laser Médical Lyon aux entiers dépens.
Par déclaration d'appel en date du 30 juillet 2019, la société Centre Laser Médical Lyon a interjeté appel de cette ordonnance.
Elle demande aux termes de ses dernières conclusions de :
- infirmer l'ordonnance du 24 juillet 2019,
- confirmer l'ordonnance du 22 mars 2019,
- ordonner la remise au Centre Laser Médical Lyon par l'huissier instrumentaire de l'ensemble des documents saisis et de son procès-verbal de constat,
- condamner la société Novella à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
- les éléments affichés par la société Novella sur son site internet ne correspondent pas forcément à la réalité des actes réalisés par celle-ci, de sorte que les constats demandés étaient indispensables pour lui permettre de soutenir sa demande à venir pour concurrence déloyale pour non-respect de la réglementation applicable,
- le risque de déperdition des preuves justifiant la dérogation au principe du contradictoire est réel dans la mesure où des recommandations de la CNAIB conduisent notamment à faire disparaître de tout document le terme épilation pour entraver toute action à l'encontre de sociétés comme Novella,
- elle dispose d'un motif légitime dans la mesure où elle se trouve en concurrence avec l'activité de la société Novella,
- la mesure non contradictoire était proportionnelle au but recherché dans la mesure où une mesure contradictoire aurait permis à la société Novella de dissimuler son activité et se soustraire à la communication des éléments de nature à démontrer son non-respect de la réglementation.
En réponse, la SARL Novella demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Lyon le 24 juillet 2019,
- condamner la société Centre Laser Médical Lyon à payer à la société Novella Instituts une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société Centre Laser Médical Lyon aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- la pratique des épilations à la lumière pulsée est utilisée au grand jour et fait l'objet d'une large publicité de sorte qu'il n'existe aucun risque de dépérissement de la preuve des faits permettant de démontrer cette pratique et qu'il n'est nullement nécessaire de désigner un huissier pour intervenir par surprise.
- l'usage d'une mesure non contradictoire n'était ni proportionné ni indispensable puisque le Centre Laser Médical Lyon avait la possibilité d'avoir recours à un constat d'huissier, qui aurait permis de constater la pratique des épilations définitives, qu'elle ne conteste pas,
- le Centre Laser Médical Lyon ne dispose d'aucun motif légitime dans la mesure où l'intégralité des documents de la société Novella est accessible sur son site internet où elle détaille chacune de ses prestations et propose une visite virtuelle de ses locaux.
MOTIFS DE LA DECISION
Au soutien de sa demande de rétractation de l'ordonnance, l'appelante fait valoir que la dérogation au principe du contradictoire n'est pas justifiée, pas plus que le motif légitime.
L'article 145 du Code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, des mesures d'instructions peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
En outre, il résulte de l'article 16 du Code de procédure civile que l'ordonnance ainsi rendue doit être justifiée par des circonstances particulières de nature à déroger au principe du contradictoire.
Ce n'est donc que par exception, lorsque les circonstances l'exigent, qu'une ordonnance peut être prise non contradictoirement.
Ainsi, il appartient au juge saisi d'une demande de rétractation de s'assurer que la requête et l'ordonnance exposent les circonstances concrètes exigeant que la mesure ne soit pas prise contradictoirement, de sorte que la seule affirmation générale d'un risque de déperdition ou dissimulations des preuves en cas d'assignation ou de la nécessité d'un effet de surprise ne constitue pas un motif justifiant une dérogation au principe du contradictoire.
La société Novella fait état d'une large publicité sur son site internet, exposant très clairement le matériel utilisé, l'activité exercée ainsi que le détail de ses prestations et ne conteste aucunement l'activité d'épilation définitive qu'elle exerce.
En l'espèce, aux termes de sa requête, la société Centre Laser Médical Lyon se contentait de faire valoir qu'il était " urgent que des mesures soient immédiatement ordonnées pour s'assurer de la conservation des preuves dont dépendra nécessairement l'issue d'un contentieux pour concurrence déloyale " et qu'il était " indispensable que la mesure soit réalisée non contradictoirement. A défaut, il ne sera plus possible de constater les matériels effectivement utilisés et de connaître les titres et diplômes des personnels intervenant au sein des lieux d'exploitation de la SARL Novella ".
Il convient de relever que ni la requête ni l'ordonnance ne caractérisent concrètement les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, cette dernière se contentant d'affirmations générales telles que " la requérante souligne l'urgence de la mesure sollicitée par l'activité promotionnelle actuelle de la société Novella " ou encore que la requérante justifie d'un motif légitime car " il est nécessaire de faire constater l'existence des matériels effectivement utilisés et connaître les titres et diplômes personnels intervenant au sein des lieux d'exploitation de la société Novella. "
En outre, le caractère apparent des pratiques de la société Novella démontre une fois encore l'absence de justification à la dérogation au principe du contradictoire dans la mesure où les renseignements sur le matériel et les diplômes des salariés pouvaient être effectivement obtenus par une mesure contradictoire, comme l'a justement relevé le premier juge. La marque du matériel utilisé figure d'ailleurs sur l'extrait du site internet versé aux débats.
Aucune des pièces produites ne permet de craindre une destruction ou disparition de preuve et de justifier l'effet de surprise revendiqué.
En ce sens, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure sollicitée, il convient de confirmer la décision déférée ayant ordonné la rétractation de la requête et de tirer les conséquences afférentes aux documents saisis.
Les dispositions de l'ordonnance de référé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées.
L'appelante supportera les dépens d'appel et devra régler en outre la somme de 1 500 euros à l'intimée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs LA COUR, Confirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Centre Laser Médical Lyon à payer à la société Novella Instituts la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Centre Laser Médical Lyon aux dépens d'appel.