CA Rennes, 2e ch., 28 février 2020, n° 16-08126
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
FMC Automobiles - Ford France (SAS), Mustière Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Christien
Conseiller :
M. Pothier
Avocats :
Mes Serreuille, Caron
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 29 novembre 2007, la société Mustière Automobiles, concessionnaire du constructeur automobile Ford, a, moyennant le prix de 22 294 euros TTC, vendu à M. X un véhicule Ford Focus C-Max neuf fourni par la société FMC Automobiles, importateur du véhicule, le 23 novembre précédent.
Le 1er juillet 2010, M. X a vendu le véhicule à M. Y moyennant le prix de 11 000 euros.
Se plaignant de ce que le véhicule était immobilisé depuis une panne survenue le 16 juin 2012, M. Y a fait réaliser une expertise extrajudiciaire par un expert désigné par son assureur de protection juridique, concluant, selon rapport du 23 juillet 2013, à une destruction du moteur imputable à un vice de fabrication, et chiffrant le coût des réparations à 11 847,52 euros TTC et la valeur du véhicule à 10 500 euros.
Puis, par actes des 4 octobre 2013 et 1er avril 2014, il a, sur le fondement de la garantie des vices cachés, fait assigner la société FMC Automobiles et la société Mustière Automobiles devant le tribunal de grande instance de Nantes en réduction du prix et paiement de dommages-intérêts.
Estimant que la prescription biennale de l'action en garantie des vices cachés n'était pas prescrite mais que l'action en réduction de prix ne pouvait être accueillie faute de production de la facture d'achat du véhicule, le premier juge a, par jugement du 12 juillet 2016 :
Déclaré l'action de M. Y recevable,
Débouté M. Y de ses demandes,
Condamné M. Y à payer aux sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles d'une indemnité de 1 000 euros chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamné M. Y aux dépens.
M. Y a relevé appel de cette décision le 25 octobre 2016, pour demander à la cour de :
Déclarer son action recevable comme non prescrite,
Débouter les sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles de leurs demandes,
Condamner in solidum les sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles, ou l'une à défaut de l'autre, au paiement de la somme de 10 500 euros au titre de la réduction du prix,
Condamner in solidum les sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles, ou l'une à défaut de l'autre, la somme de 4 776,28 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices annexes,
Condamner les sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles, ou l'une à défaut de l'autre, à reprendre le véhicule, sous astreinte de 20 euros par jour à compter de la décision à intervenir et de dire qu'à défaut pour ces dernières d'avoir repris le véhicule dans les trente jours de la signification du présent arrêt, celui-ci pourra être emmené à la casse pour destruction par le dépositaire actuel du véhicule aux frais des sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles,
Condamner in solidum les sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles, ou l'une à défaut de l'autre, au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Appelante à titre incident, la société FMC Automobiles, qui fait grief au premier juge d'avoir omis d'examiner sa fin de non-recevoir au regard de la prescription extinctive de l'article L. 110-4 du Code de commerce, demande quant à elle à la cour de :
Déclarer l'action irrecevable,
Subsidiairement, débouter M. Y faute de preuve d'un vice de fabrication et d'un préjudice,
Débouter la société Mustière Automobiles de sa demande de garantie,
A titre très subsidiaire, déclarer la demande de fixation d'astreinte irrecevable comme nouvelle en cause d'appel,
Rejeter la demande d'expertise judiciaire de la société Mustière Automobiles,
En toute hypothèse, condamner M. Y au paiement d'une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Mustière Automobiles conclut de même, à titre principal, à l'irrecevabilité de l'action de M. Y et, à titre subsidiaire, au rejet des demandes de M. Y et à la condamnation de l'appelant au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Très subsidiairement, elle demande à la cour d'ordonner une mesure d'expertise judiciaire, de fixer la réduction de prix à 7 500 euros, de rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts pour réparation du préjudice financier et remboursement des cotisations d'assurance, et réclame la garantie de la société FMC Automobiles ainsi que la condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour M. Y le 19 septembre 2019, pour la société FMC Automobiles le 5 juillet 2019 et pour la société Mustière Automobiles le 17 janvier 2017, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 novembre 2019.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Il est de principe que l'action en garantie légale des vices cachés dirigée contre le fabricant ou le vendeur intermédiaire commerçant, même si elle doit être exercée dans le délai de deux ans courant, conformément à l'article 1648 du Code civil, à compter de la découverte du vice, est aussi enfermée dans le délai de la prescription prévu par l'article L. 110-4 du Code de commerce, de dix ans ramenés à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 courant à compter de la vente initiale.
En l'espèce, les ventes réalisées par les sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles ayant eu lieu en novembre 2007, l'action en garantie des vices cachés aurait dû être engagée à leur encontre avant le 17 juin 2013, de sorte que l'assignation introductive d'instance des 4 octobre 2013 et 1er avril 2014 est tardive.
Pour échapper à cette fin de non-recevoir, M. Y soutient qu'en offrant, par courrier du 17 juin 2013, de prendre en charge la moitié du montant de la réparation, la société FMC Automobiles aurait reconnu sa responsabilité et que le délai de prescription s'en serait ainsi trouvé interrompu.
Cependant, la reconnaissance par le débiteur du droit de son créancier n'interrompt la prescription en application de l'article 2240 du Code civil que lorsqu'elle est dépourvue d'équivoque.
Or, en l'occurrence, le fabricant s'est borné, en réponse au courrier de l'expert mandaté par l'assureur de protection juridique de M. Y, à accepter "à titre exceptionnel et purement commercial de prendre en charge la moitié du montant de l'intervention relative au remplacement du moteur (...) à réception d'un accord écrit".
Il en ressort que cette offre n'a été faite que dans le contexte d'une négociation qui n'a pas abouti en raison du refus de M. Y, et que le caractère " exceptionnel " de l'offre, présentée comme un geste " purement commercial " sans reconnaissance explicite de responsabilité, ni même engagement de réparer l'entier préjudice invoqué, ne saurait conduire à considérer celle-ci comme interruptive de prescription.
Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré l'action de M. Y recevable, et de la déclarer au contraire irrecevable comme prescrite.
Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge des sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles l'intégralité des frais exposés par elles à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il sera alloué à chacune d'elles une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR : Infirme le jugement rendu le 12 juillet 2016 par le tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a déclaré l'action de M. Y recevable et statué au fond ; Déclare l'action exercée par M. Y contre les sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles irrecevable ; Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ; Condamne M. Y à payer aux sociétés FMC Automobiles et Mustière Automobiles une somme de 1 500 euros chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ; Condamne M. Y aux dépens d'appel ; Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.