CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 4 mars 2020, n° 18-19911
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Messagerie pour le Commerce et l'Industrie (SAS)
Défendeur :
Monoprix Exploitation (SAS), Monoprix (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
M. Gilles
Avocats :
Mes Vignes, Sersiron
FAITS ET PROCÉDURE
Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 9 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Paris qui a :
- débouté la société Messagerie pour le commerce et l'industrie, sigle MCI, de ses demandes en paiement des sommes de :
436 243 euros au titre de la rupture brutale de relation commerciale établie,
87 985 euros pour frais d'investissements,
331 590 euros au titre du PSE,
50 000 euros pour préjudice d'image,
383 043 euros pour perte de chance,
- condamné la société Messagerie pour le commerce et l'industrie, sigle MCI, à payer à la société Monoprix et à la société Monoprix exploitation, chacune, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- condamné la société Messagerie pour le commerce et l'industrie, sigle MCI, aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société Messagerie pour le commerce et l'industrie, sigle MCI, et ses dernières conclusions notifiées le 6 mai 2019 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1142 et 1147 du Code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, des articles 1104 et 1232-1 du Code civil dans sa version applicable au 1er octobre 2016 ainsi que de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
1) à titre principal, de :
- constater que les sociétés Monoprix et Monoprix exploitation ont fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution de leurs relations contractuelles, en ayant agi de manière déloyale et abusive envers elle,
- juger que les sociétés Monoprix et Monoprix exploitation ont engagé leur responsabilité et les condamner à l'indemniser de l'intégralité de ses préjudices,
- par conséquent, condamner in solidum les sociétés Monoprix et Monoprix exploitation à lui payer, en réparation des préjudices subis :
La somme de 87 985 euros au titre du coût engagé le 4 août 2011 pour l'acquisition du fonds de commerce de M. X,
La somme de 331 590 euros au titre du plan de sauvegarde de l'emploi mis en œuvre et des frais correspondant à sa mise en œuvre,
La somme de 50 000 euros, à titre de dommages-intérêts, en indemnisation du trouble commercial subi et du préjudice d'atteinte à l'image et à la réparation,
La somme de 383 043 euros au titre de la perte de chance de conclure un contrat de livraison avec l'un des concurrents de Monoprix,
2) à titre subsidiaire, de :
- juger que les sociétés Monoprix et Monoprix exploitation ont rompu brutalement les relations commerciales entretenues avec elle sans lui accorder un préavis suffisant,
- juger qu'elles auraient dû lui accorder un préavis de 26 mois au lieu des 5 mois et demi accordés,
- par conséquent, condamner in solidum les sociétés Monoprix et Monoprix exploitation à lui payer la somme de 436 243 euros correspondant à la perte de marge brute sur 20 mois et demi,
3) en tout état de cause, de :
- condamner in solidum les sociétés Monoprix et Monoprix exploitation à lui payer la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2019 par la société Monoprix et la société Monoprix exploitation qui demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016 ainsi que de l'ancien article L. 442-6-I 5° du Code de commerce :
1) à titre principal, de :
- dire et juger mal fondée l'action en responsabilité initiée par la société Messagerie pour le commerce et l'industrie à leur encontre, sur quelque fondement que ce soit,
- débouter la société Messagerie pour le commerce et l'industrie de l'ensemble de ses demandes,
2) à titre subsidiaire, de :
- dire et juger que les préjudices allégués par la société Messagerie pour le commerce et l'industrie au titre du manquement à l'obligation de loyauté sont injustifiées dans leur principe et dans leur quantum,
- dire et juger que le préjudice allégué par la société Messagerie pour le commerce et de l'industrie au titre de l'insuffisance du préavis concédé est injustifié dans son quantum,
3) en tout état de cause, de :
- débouter la société Messagerie du commerce et de l'industrie de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société Messagerie du commerce et de l'industrie à payer à chacune d'elles la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamner aux dépens ;
SUR CE LA COUR
La société Messagerie du commerce et de l'industrie, ci-après MCI, constituée en 2002, a pour activité le transport de marchandises et la logistique ; elle a développé le transport de fret à proximité sous sa marque course@dom qu'elle a créé en 2007, proposant la livraison de courses à domicile pour des achats effectués soit en magasins, soit sur des sites de vente en ligne ; elle exerce cette activité en Ile-de-France, dans le Nord, dans l'Est et dans la région Rhône-Alpes.
La société Monoprix, société mère du groupe Monoprix, détient directement et indirectement 100 % de la société Monoprix exploitation qui exploite des magasins dans toute la France sous l'enseigne Monoprix.
Le groupe Monoprix ayant décidé de mettre en place un nouveau service pour sa clientèle citadine, à savoir la livraison à domicile des courses effectuées dans ses magasins, deux contrats ont notamment été conclus avec M. X :
- un premier contrat le 26 septembre 1991 concernant le magasin Monoprix Lyon Croix Rousse, qui a été renouvelé, le dernier contrat étant signé le 1er janvier 2000 et modifié par avenant du 2 mars 2006,
- un second contrat le 2 avril 2006 concernant le magasin Monoprix Lyon Valmy.
Le 12 octobre 2010, la société Monoprix exploitation a notifié à M. X la résiliation de leurs relations à effet au 31 décembre 2012.
Suivant protocole de cession du 4 août 2011, M. X a cédé son fonds de commerce constitué par l'activité de transport routier de fret à proximité à MCI.
Précédemment, le 21 juillet 2011, la société Monoprix exploitation avait signé avec MCI un contrat de prestation de services, à durée déterminée, portant sur la livraison de courses à domicile pour les magasins Monoprix Croix Rousse et Valmy sis à Lyon ; ce contrat prenait effet le 1er août 2011 pour se terminer le 31 décembre 2012.
Le 5 mars 2012, la société Monoprix a lancé un appel d'offres au plan national portant sur la livraison à domicile pour une durée de 3 ans des achats effectués dans divers magasins et sur son site de vente en ligne. Des offres de divers prestataires ont été retenues dans la région Rhône-Alpes, dont celle de MCI pour la livraison à domicile de 18 magasins situés dans cette région et la livraison des achats effectués en ligne dans 4 villes de la région ainsi que 3 secteurs géographiques lyonnais ; cet accord a été formalisé par un contrat signé le 11 décembre 2012, prenant effet le 1er janvier 2013 et se terminant le 31 décembre 2015.
Suivant courriel du 30 décembre 2014, la société Monoprix a informé MCI du lancement d'une nouvelle procédure d'appel d'offres portant sur l'activité de livraison à domicile à compter du 1er janvier 2016 ; par la suite, le 11 mai 2015, la société Monoprix a informé MCI qu'elle souhaitait décaler son appel d'offres de 6 mois, lui demandant si elle était d'accord pour proroger la durée du contrat jusqu'au 30 juin 2016 ; MCI lui a répondu le 18 mai 2015 en donnant son accord.
Le 15 janvier 2016, la société Monoprix a adressé son second appel d'offres national à l'ensemble de ses prestataires ; le 5 février suivant, MCI lui a remis son offre portant sur les magasins en Ile-de-France ainsi que dans les régions Est et Rhône-Alpes : son offre n'a pas été retenue, le marché sur la région Nord-alpes ayant été attribué à la société Cogepart pour la ville de Lyon et à la société Warning pour les autres villes.
MCI a alors engagé des discussions avec la société Cogepart en vue du transfert des contrats de travail de ses salariés ; le 17 juin 2016, elle a mis en demeure cette société de reprendre ses salariés affectés à la livraison à domicile à Lyon ainsi que ses actifs incorporels et corporels destinés à l'exploitation de cette activité ; la société Cogepart lui a opposé un refus le 24 juin suivant.
Par lettres recommandées des 17 juin et 15 juillet 2016, MCI a mis en demeure la société Monoprix d'intervenir, sans délai, auprès de la société Cogepart afin que la procédure de reprise de sa branche d'activité se poursuive dans le respect des dispositions de l'article L. 2241-1 du Code du travail, à défaut de quoi elle lui réclamerait la réparation de ses préjudices subis du fait de l'abandon brutal et abusif de son partenaire depuis de nombreuses années ; la société Monoprix a refusé de déférer à cette mise en demeure et réfuté les accusations formulées à son encontre.
C'est dans ces circonstances que le 17 novembre 2016, MCI a fait assigner la société Monoprix et la société Monoprix exploitation devant le tribunal de commerce de Paris afin de les entendre condamner au paiement de dommages-intérêts pour comportement déloyal et rupture brutale des relations commerciales ; le tribunal, par le jugement déféré, a débouté MCI de toutes ses demandes.
1) MCI soutient, à titre principal, que la société Monoprix a eu un comportement déloyal dans l'exécution et la rupture des relations contractuelles.
a) L'appelante allègue en premier lieu, au stade de la conclusion du premier contrat en 2011 :
- que Monoprix a conditionné son entrée sur le marché lyonnais de la livraison à domicile à la reprise d'un fonds de commerce de 14 salariés dans le seul but de s'éviter des coûts élevés de reprise d'une branche d'activité,
- que Monoprix l'a ainsi soumise en août 2011 à des conditions d'investissement lourdes, abusant de sa position au détriment de son partenaire qui se voit privé de toute contrepartie.
Elle en veut pour preuve l'attestation délivrée par M. X qui déclare que c'est à l'initiative de Monoprix, en particulier de Claire Weistein alors responsable du service Monoprix à Paris, qu'il a rencontré les représentants de MCI pour la reprise de son fonds de commerce, que Claire Weistein l'a assuré que la qualité de ses prestations n'était pas en cause dans la rupture de son contrat, que la meilleure solution pour lui était de retrouver un repreneur et lui a indiqué divers noms susceptibles d'être intéressés : Warning, Cogepart, MCI, et que c'est bien Claire Weistein qui a pris l'initiative de contacter MCI pour la mettre au courant de sa situation.
Dans son exposé des faits, l'appelante se réfère par ailleurs à la teneur du préambule de l'acte de cession du fonds de commerce et à son article 4.2 relatif à un prix complémentaire.
Les intimées répliquent pour l'essentiel :
- que MIC [sic] s'est librement portée acquéreur du fonds de commerce de M. X, lequel a librement décidé de lui vendre,
- que les échanges entre MCI et elles ne caractérisent aucune contrainte,
- que l'acte de cession du fonds ne mentionne aucune implication de leur part dans cette cession,
- que l'achat par MCI du fonds de commerce de M. X était motivé par son souhait de pénétrer le marché lyonnais,
- que les contrats conclus par Monoprix avec MCI ne font aucune mention de la cession de ce fonds.
Il ressort des pièces versées aux débats les éléments suivants :
- Par lettre du 17 juin 2011 adressée à la société Monoprix, M. X, précisant faire suite à leurs différents entretiens téléphoniques par lesquels il l'avait informée de son projet de cession de son fonds de commerce à MCI, lui a demandé de confirmer par écrit son accord pour la reprise par MCI de son activité de livraison pour les magasins Croix Rousse et Valmy ainsi que sur la régularisation par Monoprix d'un nouveau contrat avec MCI prenant effet le 1er juillet 2011 jusqu'au terme initialement prévu, soit le 31 décembre 2012 ;
- Par lettre du 27 juin 2011, la société Monoprix lui a donné son accord pour la conclusion d'un nouveau contrat avec MCI pour une durée s'achevant le 31 décembre 2012, en rappelant qu'elle ne s'engageait sur aucune autre durée de relations commerciales que celle-là ;
- Le préambule de l'acte de cession du fonds de commerce de M. X à MCI, en date du 4 août 2011, précise :
" Le groupe Monoprix ayant décidé de modifier ses relations commerciales avec ses prestataires, la société Monoprix Exploitation a signifié au Cédant, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 octobre 2010, la résiliation des Contrats Monoprix à effet au 31 décembre 2012.
Compte tenu de cette rupture des relations contractuelles, le Cédant a souhaité cesser son activité.
Le cessionnaire s'est déclaré intéressé par la reprise de cette activité, de manière à bénéficier du savoir-faire, de la structure et de l'organisation mise en place par Monsieur X, lui permettant à terme d'envisager la poursuite des relations contractuelles avec le Groupe Monoprix après le 31 décembre 2012.
Par courrier en date du 17 juin 2011, Monsieur X a notifié à Monoprix son intention de céder, sous condition de son agrément exprès son activité et de lui présenter MCI en qualité de successeur dans l'exécution des prestations décrites dans les contrats Monoprix.
Le 27 juin 2011, Monoprix a confirmé son intérêt à régulariser un nouveau contrat de livraison à domicile avec la société MCI, aux charges et conditions habituelles de l'enseigne avec ses partenaires de livraison à domicile, sur la base du socle des relations contractuelles actuelles, et s'est donc déclarée disposée à travailler avec MCI à compter du 1er août 2011 jusqu'au 31 décembre 2012 une fois la vente du fonds finalisée, sans pour autant garantir la poursuite de ces relations commerciales au-delà de cette date. "
L'article 4.2, intitulé prix complémentaire stipule que si au plus tard le 31 décembre 2012, Monoprix concluait avec l'acquéreur un nouveau contrat de prestation de services de livraison de courses à domicile prenant effet à compter du 1er janvier 2013, l'acquéreur s'engageait à verser un complément de prix de 65 000 euros.
Il ne résulte en aucune façon de ces éléments, ni de l'attestation de M. X, que les sociétés du groupe Monoprix, qui ne sont pas intervenues à l'acte de cession, auraient contraint MCI à reprendre le fonds de commerce de M. X et lui auraient imposé de lourds investissements ; en fait, l'accord donné par la société Monoprix, à l'occasion de la cession du fonds, a permis à MCI de s'implanter dans la région Lyonnaise et d'y développer son activité auprès d'autres enseignes comme Casino, Super U et Simply market.
b) L'appelante expose en deuxième lieu, au stade de l'exécution des contrats :
- qu'après avoir sollicité puis agréé la cession du fonds de M. X, la société Monoprix a signé un contrat dans des termes identiques avec elle,
- que la société Monoprix ne s'est engagée contractuellement que jusqu'au 31 décembre 2012 en conditionnant le versement d'un complément de prix de cession du fonds à la conclusion d'un nouveau contrat avec elle,
- que lorsque la société Monoprix lui a demandé que l'échéance du second contrat, signé le 11 décembre 2012, qui était fixée au 31 décembre 2015 soit reportée au 30 juin 2016, elle a accepté de bonne grâce pensant que l'appel d'offres serait lancé en juillet et/ou novembre 2015 alors que les autres concurrents lançaient également leurs appels d'offres,
- que tenaillée entre ses engagements contractuels à l'égard de Monoprix et la perspective prochaine de son appel d'offres, elle ne pouvait matériellement soumissionner aux autres appels d'offres,
- que la société Monoprix, qui n'a lancé son appel d'offres qu'en janvier 2016, l'a privée de toute possibilité de réorganisation en cas d'échec de sa candidature,
- qu'au surplus, la société Monoprix a refusé de décaler la fin du contrat alors qu'elle-même devait licencier 36 salariés suite à la perte de sa seule cliente et qu'elle a refusé de lui payer plus de 200 000 euros de factures pendant qu'elle était en cours de plan de sauvegarde de l'emploi.
Mais la société Monoprix, qui n'est pas partie à la convention de cession du fonds de commerce, n'a pu conditionner le versement d'un complément de prix à la signature d'un nouveau contrat avec elle.
Les intimées font justement valoir :
- qu'elles n'ont pas commis de faute en reportant le calendrier de leur appel d'offres et que MCI a décidé librement de ne pas participer aux appels d'offres lancés par des concurrents entre juin et décembre 2015, alors qu'aucune assurance ne lui avait été donnée sur la poursuite de ses relations avec Monoprix ;
- qu'elles n'avaient aucune obligation vis-à-vis de MCI s'agissant du rachat de sa branche d'activité et du transfert de ses salariés, lequel est régi par l'article L. 1224-1 du Code du travail qui n'est susceptible de s'appliquer qu'entre l'ancien et le nouvel employeur, soit en l'espèce entre les prestataires successifs ;
- qu'à la sommation qui lui a été faite le 15 juillet 2016 de payer des factures pour un montant de 210 531,11 euros, la société Monoprix a répondu le 29 juillet suivant qu'elles étaient payées à l'exception de celles qu'elle n'avait pas reçues auparavant, pour un montant global de 2 229 euros qu'elle mettait en paiement.
Aucune faute ne peut donc être retenue contre les intimées pendant l'exécution des contrats.
c) L'appelante prétend, en troisième lieu, au stade de la résiliation du contrat :
- que les intimées ne l'ont pas faite bénéficier de mêmes conditions de fin de contrat que celles dont M. X a bénéficié, à savoir la reprise de l'intégralité de son personnel et le rachat de son fonds de commerce ;
- qu'elles ont créé une distorsion de concurrence en appliquant des conditions commerciales différentes selon ses prestataires et selon son bon vouloir ;
- que Cogepart a calibré ses tarifs sans avoir la charge de la reprise des salariés de MCI et que Monoprix aurait dû intégrer cette condition dans son appel d'offres afin que l'ensemble des parties soient placées sur le même pied d'égalité ;
- qu'à l'inverse, Monoprix a choisi le mieux disant financièrement, a ensuite organisé une pseudo mise en relation avec Cogepart pour lui faire croire à elle que Cogepart reprendrait son fonds et a refusé toute intervention lorsque Cogepart a rompu les pourparlers ;
- que Monoprix a refusé de lui accorder un préavis plus long alors que les relations remontaient à 21 ans ;
- que Monoprix a agi de manière particulièrement déloyale à son encontre et ne peut conditionner la loyauté et la bonne foi contractuelle à la qualification juridique de son cocontractant de " partenaire commercial ", pour tenter d'échapper à sa responsabilité contractuelle.
Mais le rachat des éléments d'actifs de MCI et le transfert de ses salariés ne concernaient exclusivement que MCI et Cogepart ; les sociétés intimées étaient dépourvues du droit d'imposer à leur nouveau prestataire la reprise de salariés ou d'activités de son prédécesseur ; elles ne pouvaient s'immiscer dans la gestion de Cogepart et ne sont pas responsables des décisions prises par cette dernière.
C'est sans aucunement créer de distorsion de concurrence ni manquer à leur obligation de bonne foi que les sociétés intimées, après avoir résilié leurs relations avec M. X, ont passé un premier contrat à durée déterminée aux mêmes conditions avec MCI, puis conclu avec elle un second contrat - après appel d'offres - à échéance au 31 décembre 2015 et ont ensuite averti MCI, dès le 30 décembre 2014, qu'un nouvel appel d'offres serait lancé pour l'activité de livraison à domicile à compter du 1er janvier 2016 ; au regard de ces éléments, la rupture des relations qui résulte du fait que MCI n'a pas été retenue lors du second appel d'offres ne présente pas un caractère déloyal ni fautif.
En conséquence, toutes les demandes formées à titre principal par MCI seront rejetées.
2) L'appelante soutient, à titre subsidiaire, que Monoprix a rompu de façon brutale les relations commerciales établies
Elle invoque une durée de relations ininterrompues de 20 années, leur continuité étant démontrée, selon elle, par :
- la lettre du 17 juin 2011 dans laquelle M. X demande à Monoprix de lui confirmer son accord écrit sur la reprise de son activité de livraison de courses par MCI ;
- la lettre de M. X du 21 juillet dans laquelle M. X précise qu'à compter du 1er août 2011 et sous réserve de la signature de l'acte de cession du fonds de commerce, MCI lui succédera dans l'exécution des prestations pour le compte de Monoprix ;
- le préambule de l'acte de cession qui mentionne que le 27 juin 2011, Monoprix a confirmé son intérêt à régulariser un nouveau contrat de livraison à domicile avec MCI, aux charges et conditions habituelles de l'enseigne avec les partenaires de livraison à domicile.
Mais par la lettre du 27 juin 2011 adressée à M. X, la société Monoprix a expressément indiqué :
" Nous sommes tout à fait disposés à travailler avec MCI à compter du 1er juillet prochain dans le cadre d'un contrat d'une durée que nous acceptons de fixer au 31 décembre 2012.
Nous rappelons néanmoins que Monoprix n'a aucune obligation de poursuivre une quelconque relation commerciale dans d'autres conditions que celles rappelées ci-dessus et que nous ne nous engageons sur aucune autre durée de relations commerciales que celles que nous avons mentionnée au paragraphe précédent. "
Cette lettre étant annexée au contrat de cession du fonds de commerce, MCI a eu parfaite connaissance de son contenu ; elle est donc mal fondée à se prévaloir de relations entretenues avec les sociétés intimées avant le 21 juillet 2011, date de la signature de son premier contrat à durée déterminée à échéance au 31 décembre 2012.
Il convient de rappeler que c'est à la suite d'un appel d'offres lancé le 5 mars 2012, que MCI a été retenue et qu'un second contrat a été signé le 11 décembre 2012, pour une durée déterminée, à échéance au 31 décembre 2015 ; MCI a accepté la prorogation de cette échéance au 30 juin 2016, alors qu'elle était informée du nouvel appel d'offres lancé par la société Monoprix le 15 janvier 2016 et auquel elle a participé.
Au regard de ces circonstances, le tribunal a justement considéré que MCI ne pouvait légitimement croire à la pérennité des relations, celles-ci ayant toujours été strictement délimitées dans le temps et se trouvant dépourvues du caractère suivi et stable permettant l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce.
Dès lors c'est en vain que MCI allègue que l'annonce et le lancement de l'appel d'offres aurait dû intervenir au même moment pour faire courir le délai de préavis et qu'un préavis de 26 mois aurait dû lui être accordé au lieu de 5 mois.
En conséquence, MCI sera déboutée de sa demande formée à titre subsidiaire.
3) Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
MCI, qui succombe en toutes ses prétentions, doit supporter les dépens d'appel comme ceux de première instance, le jugement ayant exactement statué sur ce point, comme sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
A ce dernier titre, en appel et en équité, il y a lieu d'allouer à chacune des sociétés intimées une somme telle que précisée au dispositif du présent arrêt.
Par ces motifs LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la société Messagerie du commerce et de l'industrie, sigle MCI, à payer, par application de l'article 700 du Code de procédure civile : - la somme de 10 000 euros à la société Monoprix, - la somme de 10 000 euros à la société Monoprix exploitation, Déboute la société Messagerie pour le commerce et l'industrie, sigle MCI, de toutes ses demandes, Condamne la société Messagerie pour le commerce et l'industrie, sigle MCI, aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.