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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 4 mars 2020, n° 17-01448

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FB Procédés (SAS)

Défendeur :

Biotrade (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Penavayre

Conseillers :

Mmes Truche, Delmotte

Avocats :

Mes Brunet Alayrac, Salles, Valade

T. com. Toulouse, du 15 sept. 2016

15 septembre 2016

EXPOSE DU LITIGE

La société FB Procédés est spécialisée dans le dégrillage automatique vertical, le dégrillage consistant en un prétraitement destiné à débarrasser les eaux usées des polluants solides les plus volumineux susceptibles de gêner les traitements ultérieurs et d'endommager les équipements. L'installation elle-même s'appelle un dégrilleur.

La société FB Procédés a développé depuis 2007 un dégrilleur SG 400, qui est son produit phare depuis plusieurs années. Le procédé a fait l'objet d'un brevet le 19 octobre 1983 qui est tombé dans le domaine public en 2003 et n'est donc plus protégé.

La société Biotrade est une société toulousaine qui développe et fabrique des équipements pour l'aération et le pré traitement des eaux usées.

En 2010, la société FB Procédés a vendu à la société Biotrade un dégrilleur SG 400 accompagné de l'ensemble de la documentation technique et commerciale.

À l'occasion du salon professionnel Pollutec qui s'est tenu dans l'agglomération lyonnaise en novembre 2012, la société Biotrade a présenté un dégrilleur vertical dénommé DV 400 s'inspirant de la technologie employée par la société FB Procédés.

Elle a utilisé des photographies du dégrilleur de la société FB Procédés qui ont été légèrement modifiées afin de les insérer dans sa propre documentation commerciale ainsi que sur son site Internet.

Me Montané, huissier de justice, agissant conformément à une ordonnance du président du tribunal de Commerce de Toulouse a saisi les plans du dégrilleur Biotrade les 7 et 9 janvier 2013.

Par ordonnance du 20 juin 2013, le tribunal de commerce a ordonné une expertise et désigné Monsieur X B qui a déposé son rapport le 1er mars 2014.

Par acte d'huissier du 8 août 2014, la société FB Procédés a fait citer la société Biotrade devant le tribunal de Commerce de Toulouse en concurrence déloyale et parasitaire pour avoir produit et commercialisé un dégrilleur vertical destiné au traitement des eaux usées qui serait une copie servile du modèle " SG 400 " qu'elle produit et qui est protégé par un brevet tombé dans le domaine public en 2003.

Par jugement du 15 septembre 2016, le tribunal de Commerce de Toulouse a :

- débouté la société FB Procédés de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la copie de son dégrilleur SG 400

- condamné la société Biotrade à payer à la société FB Procédés la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la reprise des photocopies et de la plaquette publicitaire du dégrilleur SG 400

- débouté la société FB Procédés de sa demande visant à interdire à la société Biotrade de poursuivre la commercialisation de tout dégrilleur sous astreinte

- condamné la société FB Procédés à payer à la société Biotrade les frais d'expertise

- condamné la société Biotrade à payer à la société FB Procédés la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire

- condamné la société Biotrade aux dépens.

Par déclaration du 6 mars 2017, la société FB Procédés a relevé appel total du jugement.

Par ordonnance du 26 octobre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise qui a été confiée à Monsieur Y afin d'examiner le dégrilleur vendu par la société Biotrade en 2016 à la SAUR pour être installé sur la station d'épuration de Mauvezin (Gers).

Le rapport d'expertise a été déposé le 23 mai 2018.

Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2018, les locaux de la société Biotrade et trois autres sociétés voisines ont été victimes d'un incendie. Le président de la société FB Procédés a été interpellé à proximité et a été mis en examen du chef notamment de destructions de biens publics par un moyen dangereux pour les personnes.

La société FB Procédés a notifié ses conclusions récapitulatives le 5 septembre 2019.

Elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la copie servile de son dégrilleur SG 400 par la société Biotrade et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à lui interdire sous astreinte de 15 000 € par infraction constatée la poursuite de la commercialisation du dégrilleur reproduisant les caractéristiques du dégrilleur SG 400 et en ce qu'il a limité la condamnation de la société Biotrade à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

En conséquence :

- de condamner la société Biotrade à lui verser la somme de 150 696,75 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la copie de son dégrilleur SG 400

- d'interdire à la société Biotrade sous astreinte de 15 000 € par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt, de poursuivre la commercialisation de tous dégrilleurs reproduisant les caractéristiques du dégrilleur SG 400

- de condamner la société Biotrade à lui verser la somme de 18 000 € au titre des frais irrépétibles en première instance et 18 500 € pour les frais exposés en cause d'appel

- de confirmer le jugement du tribunal de commerce en toutes ses autres dispositions

- de condamner la société Biotrade aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'expertise

- de rejeter l'ensemble des conclusions et prétentions adverses.

Au terme de ses conclusions notifiées le 6 septembre 2019, la société Biotrade demande la cour :

- de confirmer la décision en ce qu'elle a débouté la société FB Procédés de sa demande de dommages intérêts en réparation du dommage subi du fait de la prétendue copie de son dégrilleur SG 400 et en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande visant à interdire à la société Biotrade la commercialisation de tous dégrilleurs

- de réformer la décision pour le surplus

- de dire que l'expertise B, malgré une méthodologie contestable, a mis en évidence qu'il n'existait pas de stricte identité entre les plans comparés ni de copie servile du dégrilleur

- de dire que les plans du dégrilleur saisis chez Biotrade les 7 et 9 janvier 2013 portaient sur un dégrilleur en cours de développement qui n'a jamais été fabriqué ni commercialisé et qu'il était bien la seule et unique propriété de Biotrade

- de dire et juger que la commercialisation d'une copie même servile d'un produit ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale mais participe simplement au libre jeu de la concurrence

- de dire et juger que le produit couvert par un brevet tombé dans le domaine public peut être librement reproduit par un concurrent et commercialisé

- de dire et juger que la société FB Procédés n'est titulaire d'aucun droit de propriété industrielle en vigueur susceptible de lui permettre d'interdire que soit développé, fabriqué et/ou mis dans le commerce un dégrilleur vertical comportant des caractéristiques similaires au sien et même aux autres produits présents sur ce marché

- de dire que les plans litigieux analysés dans le cadre de l'expertise B correspondaient à une étape du développement par Biotrade de son propre dégrilleur mais ne correspondaient en aucun cas à la version définitive de ses dégrilleurs ou d'un dégrilleur qui aurait été fabriqué et vendu

- de dire que les rares constatations opérées dans le cadre de l'expertise Y permettent de démontrer que le dégrilleur qui est commercialisé depuis 2016 par la société Biotrade est bien différent de celui correspondant au plan saisi qui portait sur un dégrilleur en cours de développement

- de dire et juger que les conclusions de l'expertise Y doivent être écartées des débats car le dégrilleur Biotrade installé à Mauvezin n'a jamais été analysé par l'expert qui ne l'a jamais démonté ni mesuré et encore moins comparé au plan du dégrilleur objet de l'expertise B ni au dégrilleur SG 400 effectivement commercialisé par FB Procédés alors que c'était pourtant un point essentiel de sa mission

- de dire et juger que la société FB Procédés continue tout au long de ses écritures de comparer les plans objets de l'expertise B au plan de son propre dégrilleur alors qu'il a été démontré que les plans Biotrade étaient des plans d'un dégrilleur en cours de développement qui n'a jamais été commercialisé et que le dégrilleur finalement commercialisé s'éloigne par ses caractéristiques propres et uniques (notamment la grille incurvée) de celui développé par FB Procédés et de tous les autres dégrilleurs du marché

- de dire que la société FB Procédés qui n'a pour clients que des professionnels avertis ne peut au surplus se prévaloir d'un risque de confusion entre son dégrilleur et celui de la société Biotrade car les acheteurs sont bien conscients des différences existantes entre les fabricants et leurs produits

- de dire et juger que la société FB Procédés ne peut non plus se prévaloir d 'une commercialisation à vil prix puisque le dégrilleur de la société Biotrade a toujours été proposé à un prix supérieur au sien

- de dire et juger que la société Biotrade démontre qu'elle a, de son côté, effectué ses propres travaux de recherche et de développement et qu'elle a engagé des investissements pour mettre au point un produit concurrent mais non identique aux produits FB Procédés dont le prix de commercialisation est encore supérieur

- de dire et juger que la société Biotrade a immédiatement retiré les photographies litigieuses de son site Internet dont l'utilisation, s'il est préalablement prouvé que ces photographies appartiennent bien la société FB Procédés, constituerait finalement la seule erreur commise mais aussitôt réparée,

En conséquence :

- de débouter la société FB Procédés de l'intégralité de ses demandes y compris les demandes indemnitaires puisque la société Biotrade n'a jamais vendu le moindre dégrilleur sur la base des plans litigieux et que la société FB Procédés a vu son chiffre d'affaires progresser entre 2012 et 2014

- de dire et juger que les mesures prises par la société FB Procédés se sont révélées excessives et inappropriées car elles n'avaient qu'une finalité, dissuader un concurrent de s'installer sur le marché des dégrilleurs et fausser ainsi le jeu de la libre concurrence, ce que le comportement criminel du représentant légal de la société est venu confirmer puisqu'il a mis le feu à la société Biotrade dans le but de la détruire

- de dire et juger que ce comportement justifie qu'elle garde à sa charge le coût des deux expertises puisque ces expertises n'ont pas permis d'apporter d'autres éléments que ceux déjà en possession de la société FB Procédés à l'issue de trois constats d'huissier qu'elle avait fait réaliser, ce qui confirme l'inutilité de la mesure

- de condamner la société FB Procédés à lui payer la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 9 septembre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les actes constitutifs de concurrence déloyale :

Le parasitisme économique se définit comme l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.

Le tribunal a pour l'essentiel considéré que le dégrilleur de la société Biotrade constitue une copie servile du dégrilleur de la société FB Procédés qui est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, indépendamment du point de savoir si le produit est protégé ou non par un droit de propriété intellectuelle ou dispose d'une quelconque originalité, qu'il a jugée en tout état de cause mineure.

Il a reconnu que la société Biotrade avait commis des actes de concurrence déloyale et avait eu la volonté de se placer dans le sillage de la société FB Procédés en s'inspirant, imitant ou copiant les produits de ladite société, fruits d'un savoir-faire et d'un travail de recherche et de développement.

Il y a lieu d'approuver entièrement ses motifs que la cour s'approprie.

En effet les parties sont en concurrence sur un même marché assez restreint qui consiste à fabriquer des installations de prétraitement des eaux usées appelés dégrilleurs.

Selon la société FB Procédés, elle est leader sur le marché français grâce au dégrilleur SG 400, dont la première commercialisation remonte à 1997 mais qu'elle a sans cesse développé depuis, la vente de ce produit représentant entre 35 et 40 % de son chiffre d'affaires.

Il n'est pas contesté par la société Biotrade que cette dernière, après avoir acheté un dégrilleur vertical automatique SG 400 à la société FB Procédés qui était accompagné de l'ensemble de la documentation technique afférente, notamment la notice de montage et d'entretien du produit ainsi que la documentation commerciale et diverses photographies, a désossé l'appareil pour en relever les côtes et l'a reproduit.

Elle l'a ensuite présenté lors du salon Pollutec, après s'être approprié la documentation technique et les photographies du dégrilleur SG 400 de la société FB Procédés qu'elle a inséré dans sa propre documentation commerciale accessible depuis son site Internet, les modifications, lorsqu'elles existent, étant tout à fait mineures et résultant pour l'essentiel d'un travail de retouche des photographies.

Alors qu'elle prétendait en première instance qu'elle n'avait pas fini de développer son produit qui en restait au stade du développement, il est apparu dans le cours de la procédure que la société Biotrade a vendu à la Saur, courant 2016 un nouveau dégrilleur en sorte qu'une nouvelle expertise a été ordonnée par le conseiller de la mise en état.

Monsieur Y indique dans son rapport déposé le 17 mai 2018 :

- que la société FB Procédés a apporté des améliorations au procédé en réalisant des équipements dont la fonctionnalité a rendu le dégrilleur plus performant (modification du système d'entraînement à chaîne du moteur remplacé par un motoréducteur décentré entraînant une sangle de traction du chariot et de la pelle, utilisation de mécanismes électriques afin d'améliorer la temporisation des déplacements et des enchaînements successifs des différents organes de l'équipement, amélioration d'une notice technique détaillée destinée à la clientèle)

- que le dégrilleur de la société Biotrade présente des similitudes avec le dégrilleur de la société FB Procédés (la cinématique du dispositif est rigoureusement identique, les modifications et améliorations du système apporté par la société FB Procédés se retrouvent sur le matériel de la société Biotrade, les caractéristiques dimensionnelles du dégrilleur dans sa forme générale sont similaires, les différences millimétriques de certains percements et géométrie des pièces n'apportant aucune valeur ajoutée technique probante)

- que seule la partie incurvée de la grille en pied du dégrilleur facilite l'appréhension des déchets mais elle représente une différence mineure eu égard à la spécificité générale des éléments constitutifs de l'appareil

- les autres modifications énoncées relèvent plus d'options pour faciliter l'utilisation et l'entretien que d'améliorations de la fonctionnalité du procédé.

Il conclut que le dégrilleur vendu à la Saur et installé sur le site de Mauvezin est globalement similaire au modèle SG 400 de la société FB Procédés et aux plans saisis les 7 et 9 janvier 2013, que les seules modifications observées, s'agissant principalement de la courbure de la grille en pied de colonne et de l'ajout de quelques équipements facilitant la maintenance ne confèrent pas au dégrilleur Biotrade une différence remarquable avec le SG 400 et qu'en définitive le dégrilleur Biotrade vendu à la Saur est une copie de la nouvelle génération des dégrilleurs de la société FB Procédés, sauf les aménagements complémentaires cités précédemment.

Enfin il indique que les nombreux dégrilleurs verticaux sur le marché français présentent une similitude de fonctionnement mais pour des dispositifs très différents dans leur forme, caractéristiques dimensionnelles et type d'équipement.

La société Biotrade conteste les conclusions de ce rapport comme elle avait contesté celui de Monsieur B en première instance sans pour autant apporter d'éléments nouveaux au débat.

En effet le dégrilleur FB Procédés présente incontestablement des signes distinctifs qui le distinguent des autres procédés existant sur le marché tandis que celui produit par la société Biotrade est très similaire au SG 400 de la société FB Procédés, l'expert le qualifiant de fac similé du SG 400 nouvelle génération de cette société.

Les caractéristiques techniques des deux produits sont donc identiques sans que cela ne soit justifié par aucune nécessité particulière, l'expert ayant relevé que les deux autres dégrilleurs verticaux sur le marché français présentaient certes une similitude de fonctionnement mais avec des dispositifs très différents, ce qui n'est pas le cas lorsqu'on compare les deux dégrilleurs litigieux.

Il a été parfaitement démontré par la société FB Procédés dans ses écritures les similitudes qui existent entre les deux produits tant en ce qui concerne ses composants, sa forme générale que sa conception d'ensemble, fruit d'une amélioration constante.

La seule différence relative à la courbure de la grille en pied de colonne ne peut être considérée comme un élément distinctif de nature à combattre cette similitude puisque l'expert a relevé que le bienfondé technique et l'efficacité de cet aménagement mineur par rapport à la spécificité technique du process dans son ensemble, n'était pas établie.

Il ne peut être sérieusement soutenu par la société Biotrade que l'appareil étant libre de droits puisque le brevet n'avait pas été renouvelé, elle était en droit de s'inspirer de cette technologie dans le cadre de la liberté de commerce pour développer son propre dégrilleur alors qu'en réalité, elle s'est appropriée le travail et le savoir-faire de son concurrent en réalisant une copie servile de son produit, sans y apporter de modification notable en ce qui concerne les éléments constitutifs du procédé d'ensemble.

La société FB Procédés n'invoque pas seulement l'antériorité de sa réalisation par rapport à son concurrent mais également et surtout le développement d'un produit sans cesse amélioré au fil des années qui est l'aboutissement d'une recherche accomplie de mise au point et d'améliorations fonctionnelles durant la période 2003/2010, ainsi que cela a été souligné dans le rapport d'expertise.

Enfin le fait que la société Biotrade se soit approprié les photographies du dégrilleur SG 400 sur sa plaquette publicitaire ainsi que la documentation technique fournis témoignent d'une absence de recherche propre dont les coûts ne sont pas plus justifiés en cause d'appel qu'en première instance.

L'ensemble de ces éléments permettent de caractériser les faits de concurrence déloyale de type parasitaire puisque la société Biotrade s'est incontestablement placée dans le sillage d'un concurrent pour bénéficier des fruits d'une technologie aboutie en faisant l'économie des frais de conception, de recherche et de développement engagés par ce dernier.

À ce stade il importe peu de savoir si la société Biotrade a eu le temps de commercialiser son produit et en quelle quantité dès lors qu'il est constant qu'elle l'a présenté à ses clients et l'a mis en vente sur son site public, une vente en 2016 étant dûment établie.

Ces agissements justifient de faire droit à la demande de réparation formée par la société FB Procédés.

Sur le préjudice subi :

Après avoir constaté que la société Biotrade s'était livrée à des agissements parasitaires, le tribunal a néanmoins rejeté la demande de réparation faute pour la société FB Procédés de rapporter la preuve d'une commercialisation du dégrilleur DV 400, objet du litige, ou que la tentative de commercialisation ait freiné le développement des ventes de son propre dégrilleur SG 400.

Ce faisant il n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations alors qu'il reconnaissait l'existence d'un préjudice, au moins dans son principe.

Tout acte de concurrence déloyale occasionne nécessairement un préjudice, ne serait-ce que moral, qu'il incombe à la juridiction de réparer.

La société FB Procédés réclame la condamnation de la société intimée à lui verser la somme de 150 696,75 euros à titre de dommages et intérêts en expliquant que le préjudice lié aux agissements parasitaires permet en réalité à son concurrent de bénéficier des investissements qu'elle a réalisés et que pour lui, il s'agit d'économies puisqu'il n'aura pas à effectuer les investissements correspondants.

Elle soutient qu'il est possible d'identifier, dans son chiffre d'affaire global, la part liée au développement dont elle est ainsi spoliée, qu'elle évalue à 15 % de l'investissement réalisé.

En réponse, la société intimée fait valoir que la société FB Procédés ne justifie d'aucun préjudice actuel dès lors qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du public puisque les produits s'adressent à des professionnels, qu'elle a également engagé des investissements conséquents pour développer son propre dégrilleur et que les quatre dégrilleurs qu'elle a commercialisé ont été vendus à un prix plus cher en sorte que la société appelante n'a subi aucune perte ni manque à gagner puisqu'elle ne lui a pris aucune part de marché.

En matière de parasitisme il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve d'un risque de confusion, le seul fait de bénéficier des investissements d'un concurrent sans bourse délier étant source d'un profit abusif qui vient rompre l'égalité entre les partenaires et perturber le jeu de la libre concurrence.

En ce qui concerne les frais qu'elle aurait prétendument exposés pour assurer la production de son propre dégrilleur, le tribunal de commerce a justement fait observer qu'il s'agit de coûts de production et non pas d'investissements en termes de recherche et de développement. Il n'est d'ailleurs pas justifié d'investissements postérieurs à l'année 2014 alors qu'elle prétend que le dégrilleur vendu à la Saur en 2016 constituerait l'aboutissement de ses propres recherches.

La société FB Procédés ne peut certes invoquer aucune perte de chiffre d'affaires significative dès lors que la société concurrente n'a pas eu le temps de développer son marché et n'a vendu en tout et pour tout que quatre dégrilleurs à un prix qui s'est avéré plus élevé que celui de la société appelante (de l'ordre de 9 000 € pour l'exemplaire vendu à la Saur).

Par contre elle démontre l'existence d'un trouble commercial et des conséquences économiques négatives dès lors qu'elle expose des frais de développement importants dont sa concurrente s'approprie les fruits sur un produit qu'elle commercialise depuis plus de 17 ans, ce qui lui permet de bénéficier de la notoriété acquise sans supporter aucun risque.

Il sera observé que la société Biotrade n'a pas hésité à choisir un nom similaire à celui du produit commercialisé par la société appelante et à utiliser ses plaquettes de publicité et documents techniques pour se faire connaître auprès du public dès son entrée sur le marché des dégrilleurs.

Elle a proposé à la vente un dégrilleur abouti sans en passer par la phase de recherche et de développement.

Ces agissements parasitaires lui ont procuré un avantage concurrentiel incontestable par gain de temps et d'économie de moyens lors du lancement de son produit.

Dès lors le montant de la réparation du préjudice sera évalué en prenant en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale au détriment de son concurrent rapporté à la taille respective des deux sociétés et à leur implantation sur le marché particulier dont s'agit.

La société FB Procédés calcule son préjudice en prenant en compte le chiffre d'affaires réalisé pour les 1065 dégrilleurs qu'elle a vendus à ce jour auquel elle effecte un pourcentage de 15 % représentant la part réservée aux investissements pour la commercialisation, la recherche et le développement du produit. Sur ce résultat, elle estime que la société Biotrade s'en est approprié 15 % ce qui représente au final une somme de 143 775 €.

Cependant cette somme qui correspond au montant maximum que la société Biotrade est susceptible de s'approprier dans les investissements réalisés par son concurrent pour développer le dégrilleur SG 400 ne peut être retenue dès lors qu'elle n'a à ce jour commercialisé qu'un faible nombre d'installations et que l'on ignore le potentiel de développement de son produit.

Au vu du préjudice commercial subi par la société FP Procédés du fait de la perte de clients potentiels, notamment de la Saur qui était un gros client, du nombre d'unités vendues par son concurrent mais également des chiffres d'affaires respectifs des deux sociétés et des autres éléments d'appréciation fournis au débat , il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité due au titre de l'accaparement dans les investissements et le développement technique réalisé par la société Biotrade au détriment de l'appelante à la somme de 30 000 €.

Par contre il y a lieu de confirmer la décision du tribunal qui a justement réparé le préjudice lié au détournement des photographies du dégrilleur

SG 400 et de la documentation technique et commerciale qui a été diffusé sur les plaquettes publicitaires et son site Internet ainsi qu'il a été constaté par l'huissier de justice mandaté par elle, à la somme de 5 000 €.

Sur les mesures nécessaires pour obtenir la cessation des actes déloyaux :

Il est demandé de faire interdiction à la société Biotrade de commercialiser sous astreinte de 15 000 € par infraction constatée tous dégrilleurs reproduisant l'apparence et/ou les caractéristiques du dégrilleur SG 400.

Cette interdiction est justifiée dès lors que malgré l'instance engagée devant le tribunal de commerce, la société Biotrade a poursuivi le développement d'un dégrilleur en tous points similaire actuellement dénommé DV 450.

Elle n'est pas excessive dès lors qu'elle n'interdit pas à la société Biotrade de développer ses propres produits et ne saurait faire obstacle à la liberté du commerce.

Dès lors que les deux dégrilleurs développés par la société Biotrade sont des copies serviles du dégrilleur SG 400 de la société FB Procédés, il y a lieu de lui faire interdiction de commercialiser l'un ou l'autre de ces produits sous astreinte de 3 000 € par infraction constatée.

Sur les autres demandes :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société FB Procédés partie des frais irrépétibles par elle exposés pour assurer sa représentation en justice, en ce compris les frais de constat d'huissier de justice. Il lui sera alloué la somme de 5 000 € de ce chef.

La partie qui succombe ne peut se voir allouer aucune indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et doit supporter les frais de l'instance en ce compris les frais d'expertise de Monsieur B et de Monsieur Z

Par ces motifs LA COUR statuant après en avoir délibéré, Confirme le jugement du tribunal de Commerce de Toulouse en date du 15 septembre 2016 sauf en ce qu'il a débouté la société FB Procédés de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la copie servile de son dégrilleur SG 400 et rejeté sa demande visant à interdire sous astreinte la poursuite de la commercialisation de tout dégrilleur présentant des caractéristiques comparables, Et statuant à nouveau des chefs infirmés, Condamne la société Biotrade à payer à la société FB Procédés la somme de 30 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l'accaparement de ses frais des recherches et de développement, Fait injonction à la société Biotrade de cesser de commercialiser les dégrilleurs DV 400 et DV 450 qui sont une copie servile du dégrilleur SG 400 de la société FB Procédés, sous astreinte de 3000 € par infraction constatée , passé un délai de un mois suivant la signification du présent arrêt , Condamne la société Biotrade à payer à la société FB Procédés la somme de 5 000 € pour les frais supplémentaires exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Biotrade de l'ensemble de ses demandes et prétentions contraires, Condamne la société Biotrade aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise de Monsieur B et de Monsieur Z.