CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 13 mars 2020, n° 16-20997
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Europe et Communication (SARL)
Défendeur :
ML Conseil (SELARL), Ascagne AJ (SELAS), Mars (SELARL), Enez Sun (SARL), K-Pub (SARL), Altikon (SARL), Danhest Home (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gaber
Conseillers :
Mmes Lehmann, Barutel
ARRET :
Vu le jugement contradictoire rendu le 12 septembre 2016 par le Tribunal de commerce de Paris ;
Vu l'appel interjeté le 21 octobre 2016 par la société Europe et communication ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 12 novembre 2019 par la société Europe et communication, appelante et intimée incidente ;
Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 14 novembre 2019 par M. Jean-Christophe C. et la société Enez Sun, intimés ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 25 mars 2019 par la société Ascagne prise en la personne de Mme Julie L. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société K-Pub, la société Mars prise en la personne de M. Philippe S. ès qualités de mandataire judiciaire de la société K-Pub, la société ML Conseil prise en la personne de M. Cosme R. ès qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Enez Sun, intimées et incidemment appelantes ;
Vu l'ordonnance de clôture du 14 novembre 2019 ;
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Europe et Communication, créée en décembre 2004, a pour activité la conception, la réalisation et la commercialisation de bureaux de vente destinés à la promotion immobilière, et que son dirigeant M. V. est titulaire d'un brevet français relatif à un 'bungalow transportable' déposé le 23 décembre 2008.
Elle a embauché le 5 septembre 2005 en qualité de directeur commercial M. C., qui avait une expérience d'attaché commercial pendant 15 ans au sein de la société Pic 92, société concurrente dans le marché des bureaux de vente immobiliers. Ce dernier a démissionné de la société Europe et Communication le 27 novembre 2007.
M. C. a créé le 28 février 2008 la société Enez Sun, laquelle exerce une activité concurrente de bureaux de vente et services associés pour l'immobilier, en partenariat avec les sociétés Danhest Home et K-Pub, cette dernière collaborant avec la société Altikon, société de droit roumain dont M. Fabian R. est le gérant.
La société Enez Sun a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 19 août 2014 par le Tribunal de commerce de Versailles ayant donné lieu à une déclaration de créance de la société Europe et Communication le 9 septembre 2014 pour un montant de 3 324 028 euros. Par jugement du même tribunal du 12 avril 2016 un plan de sauvegarde de la société Enez Sun a été arrêté.
La liquidation judiciaire de la société Danhest Home a été prononcée le 20 janvier 2015 par le Tribunal de commerce de Reims.
La société K-Pub a été placée en redressement judiciaire le 16 février 2016 par jugement du Tribunal de commerce de Versailles. La société Europe et Communication a déclaré sa créance à la procédure le 22 février 2016 pour un montant de 2 691 412 euros.
Exposant soupçonner M. C. de détournement d'informations confidentielles et de clients, la société Europe et Communication l'a poursuivi devant le Conseil des prud'hommes de Poissy, qui par jugement du 19 février 2013 a dit qu'il a commis des actes déloyaux en violation de son contrat de travail, l'a condamné à une provision de 150 000 euros de dommages et intérêts et a désigné un expert chargé de chiffrer le préjudice subi par la société Europe et Communication entre fin février 2007 et fin février 2008, lequel a rendu son rapport le 21 novembre 2014.
Par jugement en date du 30 décembre 2014, le Conseil des prud'hommes de Poissy a notamment condamné M. C. à verser à la société Europe et Communication la somme de 431 928 euros comprenant 271 158 euros de dommages intérêts et 160 770 euros de remboursement de frais, outre la publication du jugement dans trois journaux professionnels.
Exposant que les sociétés Enez Sun, K-Pub, Danhest Home, Altikon ainsi que MM. C. et R. et la société de promotion immobilière Icade Promotion ont commis des actes de concurrence déloyale par détournement d'informations confidentielles et de clients ainsi que par débauchage de son personnel et sous-traitance illicite, la société Europe et Communication a saisi le Tribunal de commerce de Paris selon quatre assignations qui ont été jointes.
Par jugement en date du 16 décembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris, considérant que l'instance était relative à des actes de concurrence déloyale connexes au brevet dont est titulaire le dirigeant de la société Europe et Communication, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris.
Par arrêt du 3 juillet 2014 la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement et renvoyé le litige devant le Tribunal de commerce de Paris, le pourvoi formé à l'encontre dudit arrêt ayant été rejeté par la Cour de cassation selon décision du 16 février 2016.
Par jugement dont appel, le Tribunal de commerce de Paris a notamment :
- Pris acte du désistement d'instance de la société Europe et Communication à l'encontre de la société Icade Promotion ;
-Débouté les défendeurs de leur demande d'annulation des constats diligentés les 31 janvier et 2 février 2012 dans les locaux des sociétés Enez Sun et de K-Pub ;
- Dit que le détournement de clientèle opéré par M. C. et les sociétés Enez Sun et K-Pub a été accompagné de manœuvres déloyales avec l'utilisation de documents appartenant à la demanderesse ;
- Débouté la société Europe et Communication de ses demandes de condamnation des sociétés Danhest Home, Altikon et de M. R. pour collaboration aux agissements de concurrence déloyale de M.C. et des sociétés Enez Sun et K-Pub ;
- Débouté la société Europe et Communication de l'ensemble de ses demandes concernant les mesures d'interdiction de toute activité dans les bureaux de vente réutilisables, de destruction de ces bureaux, de condamnation à un préjudice moral et à des dommages et intérêts au titre de la marge perdue, de condamnation des sociétés K-Pub, Altikon ainsi que de MM. C. et R. pour investissements détournés et enfin de publication du jugement à intervenir ;
- Condamné in solidum M. C. et la société Enez Sun à verser la somme de 200 000 euros à la société Europe et Communication pour détournement de clientèle accompagné de manœuvres déloyales ;
- Fixé à la même somme la créance de la société Europe et Communication au passif de la société K-Pub ;
- Condamné la société Europe et Communication à verser à la société Enez Sun, ainsi qu'à M. C. la somme de 25 000 euros pour dénigrement ;
- Débouté les sociétés K-Pub et Danhest Home de leur demande de dommages et intérêts ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné in solidum les sociétés Europe et Communication, Enez Sun et K-Pub ainsi que M. C. au dépens.
Sur la validité des constats des 31 janvier et 2 février 2012
M. C. et la société Enez Sun soutiennent que le juge du fond a le pouvoir d'annuler les procès-verbaux de constat irréguliers, que les constats effectués consistent en une mesure d'investigation générale devant conduire à l'annulation desdits procès-verbaux, l'huissier de justice ayant notamment procédé à des 'interpellations' des personnes présentes, et demandé la communication de tous documents relatifs à l'intégralité de la clientèle, des fournisseurs et des sous-traitants de la société Enez Sun.
La société Europe et Communication fait valoir que la contestation des procès-verbaux de constat relève de la procédure de référé-rétractation à l'exclusion de toute autre. Elle soutient subsidiairement le caractère mal fondé du moyen de nullité en ce que les investigations autorisées se rapportent à un marché précis et à un client déterminé.
La cour rappelle que l'instance en rétractation d'une ordonnance sur requête a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire, que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, et que le contentieux de l'exécution de la mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, qui n'affecte pas la décision ayant ordonné cette mesure, relève des pouvoirs du juge du fond.
Elle rappelle en outre que n'est pas légalement admissible au sens de l'article 145 précité une mesure générale d'investigation.
En l'espèce, il résulte tant du procès-verbal de constat du 31 janvier 2012 dans les locaux de la société Enez Sun que celui du 2 février 2012 au sein de la société K-Pub que la mission d'investigation effectuée par l'huissier de justice, qui s'est borné à recueillir les éléments mentionnés dans les ordonnances du président du Tribunal de commerce de Versailles du 22 décembre 2011 le désignant, a été circonscrite aux faits de concurrence déloyale et parasitaire dénoncés par la société Europe et Communication dont pouvait dépendre la solution du litige, que les marchés et les clients ont été précisément et expressément listés conformément auxdites ordonnances, de sorte qu'ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges il ne s'agit pas d'une mission générale d'investigation irrégulière, mais d'une mesure légalement admissible portant sur la recherche de preuves en rapport direct avec les faits dénoncés.
La demande de nullité desdits procès-verbaux sera donc rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur les fautes de concurrence déloyale et parasitaire
La société Europe et Communication prétend que M. C. a fait bénéficier les sociétés K-Pub et Enez Sun des informations techniques et commerciales dont il avait été destinataire à titre confidentiel, et qu'ainsi elles ont réalisé à partir de février 2008 des bureaux de vente autoportés reproduisant les caractéristiques des siens, à savoir des dimensions identiques, la présence d'un châssis rigide permettant le transport et la dépose, pour le compte de ses clients, et selon un modèle économique identique caractérisé par l'installation du bureau de vente, sa location, la vente d'accessoires, des services de ménage et d'entretien ainsi que de pose de panneaux publicitaires. Elle reproche également le débauchage de son attaché commercial, M. L., embauché par la société K-Pub dès le lendemain de sa démission, ainsi que le démarchage de deux autres techniciens formés à l'installation des bureaux de vente, MM N. et Marinho L., qui ont démissionné respectivement en octobre 2008 et février 2009, ces débauchages ayant entraîné une désorganisation de la société. Elle invoque enfin à l'encontre de l'ensemble des intimés des distorsions de concurrence à son détriment qui résulteraient du recours à une fausse sous-traitance.
M. C. et la société Enez Sun, exposent que la société Europe et Communication ne démontre pas les procédés déloyaux, ni l'existence d'un savoir-faire secret, le principe même du caractère transportable des bureaux étant librement reproductible par tous, tout comme le modèle économique de location. Ils ajoutent que la société Europe et Communication n'apporte aucune précision sur les faits de débauchage et sur la désorganisation de l'entreprise, et qu'aucune violation à la législation relative à l'embauche de travailleurs étrangers n'a été commise.
La société Ascagne prise en la personne de M. L. et la société Mars prise en la personne de M. S. ès qualités respectives d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société K-Pub, ainsi que la société ML Conseil prise en la personne de M.R. ès qualités de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société Enez Sun, font valoir qu'il n'est pas justifié d'un détournement de savoir-faire car la commercialisation de bureaux de vente autoportés n'est pas protégée et que le caractère secret et inaccessible de ces informations n'est pas démontré, outre que les demandes d'interdiction de commercialisation et de destructions des produits concurrents sont mal fondées et abusives.
Le seul fait de commercialiser des produits identiques à ceux distribués par un concurrent, et de conquérir les clients d'une société exerçant dans le même secteur d'activité, relève de la liberté du commerce et n'est pas fautif, dès lors que cela n'est pas accompagné de manœuvres déloyales constitutives d'une faute.
En l'espèce, il résulte du jugement du conseil des prud'hommes du 30 décembre 2014 devenu définitif, que M. C., qui aux termes de son contrat de travail en qualité de directeur commercial assure la 'surveillance de la direction technique concernant la fabrication des bureaux de vente, 'élabore en étroite collaboration avec le directeur général la politique commerciale de l'entreprise, 'négocie directement les contrats les plus importants et de façon générale développe les contacts avec les principaux clients, a été condamné pour des actes déloyaux caractérisés notamment par le détournement en 2007 d'informations relatives à la conception et à la fabrication des bungalows transportables de la société Europe et Communication et d'une partie de sa clientèle en violation de l'engagement de confidentialité résultant de son contrat de travail.
Il est également établi que ce détournement d'informations et de clientèle s'est opéré au profit des sociétés K-Pub et Enez Sun, cette dernière ayant été créée par M. C. en février 2008 à la suite de son départ de la société Europe et Communication, la seconde ayant exécuté des missions de sous-traitance, lesquelles se sont ainsi appropriées par des moyens déloyaux les informations confidentielles relatives à l'activité de leur concurrent, leur permettant de faire des économies de frais d'études et de recherches, et de prospection de clientèles, ainsi qu'il résulte notamment de la remise à l'huissier de justice lors des opérations de constat du 31 janvier 2012 dans les locaux de la société K-Pub, d'un plan d'un bureau de vente réalisé par la société Europe et Communication ainsi que de factures à l'entête de cette dernière adressées à la société Icade Promotion, et du rapport d'expertise judiciaire du 21 novembre 2014 démontrant que les sociétés Atemi, Geoxia, Icade, logindi, Nexity, Oswald et Windsor qui étaient des clients de la société Europe et Communication ont ensuite contracté avec les sociétés K-Pub et Enez Sun qui ont ainsi réalisé avec lesdits clients un chiffre d'affaires en 2008 respectivement de 369 975 euros et 563 358 euros.
Les faits de concurrence déloyale par détournement de clientèle par utilisation déloyales d'informations confidentielles sont dès lors établis à l'encontre des sociétés K-Pub et Enez Sun. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
En revanche, les distorsions de concurrence qui résulteraient du recours à une fausse sous-traitance invoquées par la société Europe Communication à l'encontre de M. C. et des sociétés K-pub et Enez Sun mais aussi des sociétés Danhest Home, Altikon, de son dirigeant M. R. ne sont pas caractérisées alors que le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines, en date du 27 septembre 2018, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 12 septembre 2019, a annulé le redressement de l'URSSAF adressé à la société Enez Sun pour une somme de 1 687 457 euros au titre de cotisations et majorations de retard le 8 août 2014, que l'inspecteur principal des finances publiques selon courrier du 14 août 2012 a considéré que la société Altikon n'était pas redevable de la TVA pour l'ensemble de son activité exercée en France, et que le Procureur de la république de Versailles, après que le dirigeant de la société Europe et Communication a été entendu et a transmis divers documents, a classé la procédure sans suite en date du 26 juillet 2017 au motif d'une infraction insuffisamment caractérisée l'enquête préliminaire ouverte pour sous-traitance illégale et délit de marchandage à l'encontre de la société Enez sun et de son dirigeant, tout comme avait été classée le 23 octobre 2015 celle diligentée à l'encontre de la société Danhest Home. Enfin, il n'est pas davantage établi de distorsions de concurrence du fait de prix pratiqués anormalement bas alors que le rapport d'expertise judiciaire contradictoire du 21 novembre 2014 a au contraire conclu que de façon globale il n'est pas constaté de différences de prix pour des prestations comparables, et qu'il existe des situations variées selon les services proposés, les prix de K-Pub et de Enez Sun étant parfois plus élevés, parfois comparables et parfois inférieurs à ceux de la société Europe et Communication. Les demandes formées du chef de distorsion de concurrence par fausse sous-traitance à l'encontre des sociétés K-Pub, Enez Sun, Danhest Home, Altikon et de M. R. seront en conséquence rejetées, et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
Il ne peut davantage être retenu des actes de concurrence déloyale du fait d'un débauchage de salariés alors que la liberté du commerce comprend la liberté d'embauche du personnel d'une entreprise concurrente laquelle ne peut être de nature à engager la responsabilité du nouvel employeur que dans l'hypothèse où elle est exercée de manière fautive, ce qui n'est pas démontré en l'espèce, les quatre démissions invoquées ayant eu lieu entre mai 2007 et le 21 décembre 2010 sur une période de trois ans et demi, et n'ayant entraîné aucune désorganisation de l'entreprise s'agissant de postes d'attaché commercial et de technicien de montage dont il n'est pas démontré qu'ils seraient difficiles à remplacer. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Enfin, la responsabilité de M. C. ne peut pas être retenue au titre des faits allégués dans la présente instance postérieurs à son départ de la société Europe et Communication, alors qu'il n'est pas justifié à compter de 2008 d'actes détachables de ses fonctions, incompatibles avec l'exercice normal de ses fonctions de gérant de la société Enez Sun de nature à engager sa responsabilité personnelle, ni de détournement à son profit, et qu'il résulte au contraire du soit transmis de l'officier de police judiciaire au procureur de la République de Versailles le 13 juin 2017 que MM.L. et R. entendus en leurs qualités respectives d'administrateur judiciaire de la société K-Pub et de mandataire judiciaire de la société Enez Sun, ont précisé qu''aucune difficulté émanant du dirigeant de la société Enez Sun n'a été relevée pendant la période d'observation'. Le jugement entrepris qui a retenu la responsabilité personnelle de M. C. sera donc infirmé de ce chef.
Sur la réparation des préjudices
La société Europe et Communication demande à la Cour d'indemniser les préjudices subis postérieurement à la fin du contrat de travail de M. C. qu'elle évalue à 200 000 euros au titre du préjudice moral, à 1 716 412 euros au titre de la marge perdue, et à 500 000 euros pour le détournement de ses investissements.
M. C. et la société Enez Sun soutiennent en substance que la société Europe et Communication ne rapporte pas la preuve de l'existence et du quantum de ses préjudices.
Les organes des procédures collectives des sociétés K-Pub et Enez Sun font valoir que les demandes d'indemnisation ne sont pas individualisées.
La cour rappelle que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.
S'agissant du préjudice résultant de la perte de marge, il résulte du rapport d'expertise judiciaire (page 64 du rapport) que l'expert a listé les clients qui étaient ceux de la société Europe et Communication, déloyalement détournés au profit des sociétés K Pub et Enez Sun, à savoir les sociétés Atemi, Geoxia, Icade, logindi, Nexity, Oswald et Windsor représentant en 2008 pour la société K Pub un chiffre d'affaires de 362 000 euros, et en 2008 et 2009 pour la société Enez Sun un chiffre d'affaires respectivement de 582 311 euros et 1 485 758 euros, et a relevé que le taux de marge moyen de la société Europe et Communication (pages 81 et 96) s'élève à 14 % . Il s'ensuit que le détournement déloyal desdits clients a occasionné une perte de marge à la société Europe et Communication qui peut être évaluée au profit de la société K-Pub pour l'année 2008 à 50 000 euros, et au profit de la société Enez Sun pour les années 2008-2009 à 290 000 euros. En revanche, il ne peut être tenu compte des pertes de marges alléguées à partir de l'année 2010 alors qu'il ressort du rapport de gestion de la société Europe et Communication du 30 décembre 2010 (pièce 42) que sa perte de marge en 2010 s'explique par le ralentissement général de l'activité économique, outre que le libre jeu de la concurrence lui permettait de reconquérir ses clients, et qu'en conséquence le lien de causalité avec les faits litigieux n'est pas établi.
Les faits de détournement déloyaux d'informations et de clientèle commis par les sociétés K-Pub et Enez Sun en 2008 ont causé à la société Europe et Communication un préjudice moral du fait de l'atteinte portée à son image auprès des clients, qu'il convient d'évaluer à la somme de 10 000 euros.
S'agissant du préjudice résultant du détournement de ses investissements, la société Europe et Communication produit une attestation de son expert-comptable listant la totalité des investissements réalisés depuis 2003 en matière industrielle, numérique et de transport, sans distinguer année par année ni isoler les investissements de recherche ou de mise au point qui auraient été détournés et auraient injustement profité aux sociétés Enez et K-Pub en leur faisant faire des économies, de sorte que le lien de causalité avec les faits litigieux n'est pas établi, et le préjudice de ce chef non constitué.
Il résulte des développements qui précèdent que la société Enez Sun sera condamnée à payer à la société Europe et Communication la somme de 300 000 euros au titre de la perte de marge et du préjudice moral, qui répare intégralement le préjudice subi, sans qu'il y ait lieu de décider en application de l'article L. 626-21 3° du Code de commerce que la société Europe et Communication participera à titre provisionnel, aux répartitions faites avant l'admission définitive de sa créance.
Il y a lieu en outre, compte tenu des éléments précités, de fixer la créance de la société Europe et Communication de ces chefs au passif de la société K-Pub à la somme de 60 000 euros.
Les demandes complémentaires de mesures d'interdiction, de retrait sous astreinte et de publication seront rejetées dès lors que les faits de concurrence déloyale ont cessé, la poursuite de l'exploitation de la société Enez Sun ayant lieu sous le contrôle d'un mandataire judiciaire et d'un commissaire à l'exécution du plan, et l'officier de police judiciaire ayant mentionné sur son soit transmis le 7 mars 2017 que M. L., administrateur judiciaire de la société K-pub et M. R., mandataire judiciaire et commissaire à l'exécution du plan de la société Enez Sun ont précisé qu' 'aucune difficulté émanant du dirigeant de la société Enez Sun n'a été relevée pendant la période d'observation'. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.
Sur les demandes reconventionnelles de M. C. et de la société Enez Sun au titre de la concurrence déloyale par dénigrement
M. C. et la société Enez Sun soutiennent être victimes de dénigrement auprès des clients du fait de courriers de nature à jeter le discrédit sur leur activité.
Les sociétés Ascagne, Mars et ML Conseil, ès qualités, s'associent aux demandes de condamnation pour dénigrement.
La cour rappelle que la divulgation de propos dénigrants émis par une société commerciale à l'encontre d'un de ses concurrents, de nature à jeter le discrédit sur ses produits, constitue une faute engageant sa responsabilité.
Il convient cependant d'observer que le courrier (pièce 9) adressé le 2 octobre 2008 par la société Europe et Communication à M. C. dans lequel elle reproche à ce dernier son comportement pendant son contrat de travail et après sa cessation ne peut aucunement être constitutif de dénigrement en ce qu'il n'est pas démontré ni même allégué qu'il a été communiqué à un tiers de sorte qu'il n'est constitutif d'aucun discrédit.
En outre le courrier (pièce 11) adressé par la société Europe et Communication à un de ses anciens clients la société Icade Promotion, qui ne mentionne pas le mot de 'plagiat' comme l'ont retenu à tort les premiers juges, et a pour finalité de l'informer qu'elle a été contrainte de solliciter l'autorisation de procéder dans ses locaux à des constats par voie d'huissier de justice afin de protéger ses intérêts économiques et industriels ne caractérise pas des propos malveillants de nature à jeter le discrédit sur les produits de la société Enez Sun qui n'est au surplus pas citée.
Enfin le courrier adressé par la société Icade Promotion à la société Europe et Communication à la suite des opérations de constat, qui n'engage que son auteur, ne peut être retenu sur le fondement du dénigrement à l'encontre de la société appelante, pas plus qu'un extrait d'article de presse relatant l'intervention de policiers dans une entreprise de construction de chalets du fait de salariés roumains non déclarés, qui ne peut être imputé à la société Europe et Communication en ce qu'il émane d'un journaliste du quotidien Le Parisien, outre que le nom de la société Enez Sun n'y est pas cité.
Les demandes formées par M. C. et la société Enez Sun sur le fondement du dénigrement seront donc rejetées, et le jugement entrepris infirmé de ce chef.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a retenu la responsabilité personnelle de M. C., débouté la société Europe et Communication de ses demandes au titre de la perte de marge et du préjudice moral, fixé à 200 000 euros le montant du préjudice en réparation des actes de concurrence déloyale et condamné la société Europe et Communication pour dénigrement ; Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant ; Déboute la société Europe et Communication de toutes ses demandes à l'encontre de M. C. ; Condamne la société Enez Sun à payer à la société Europe et Communication la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale ; Fixe la créance de la société Europe et Communication au passif de la société K-Pub en réparation des préjudices financier et moral subis du fait des actes de concurrence déloyale à la somme de 60 000 euros ; Déboute M. C. et la société Enez Sun de leurs demandes sur le fondement de la concurrence déloyale par dénigrement ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne la société Enez Sun aux dépens d'appel et, vu l'article 700 du Code de procédure civile, la condamne à payer à la société Europe et Communication la somme de 10 000 euros sur ce fondement, et rejette toutes les autres demandes formées à ce titre.