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Décisions

CA Pau, 2eme ch., sect. 1, 12 mars 2020, n° 18-02647

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Nouvelle Cbm Centre Bearn Motoculture (SAS)

Défendeur :

Société Charentaise de Moteur (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magnon (rapporteur)

Conseillers :

MM. Dupen, Darracq

T. com. Pau, 20 mars 2018

20 mars 2018

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Le 22 juin 2004, la SARL d'exploitation B. a acquis une rnoissonneuse batteuse Class Lexion Montana auprès de la Société Nouvelle CBM, concessionnaire de la marque, au prix de 184.184.00 euros TTC.

Le 6 octobre 2011, après environ 4 000 heures de marche, une avarie du moteur a immobilisé l'engin. Le 11 octobre 2011, Nicolas J., Expert automobile mandaté par l'assurance Bris de Machine de la SARL d'exploitation B., a constaté le bris d'une soupape au niveau de sa tête ayant engendré des dommages au niveau du piston et de la chambre sur la culasse. Il a préconisé le remplacement du moteur avec un abattement pour usure, puis convenu, avec Monsieur B., que l'utilisation d'un moteur de réemploi était acceptable.

La société SN CBM a démonté le moteur défectueux et sous-traité sa remise en état à la Société Charentaise de Moteur, puis remonté celui-ci sur la machine. Le 10 avril 2012, la Société Charentaise de Moteur (ci-après SCM) a facturé son intervention à la Société Nouvelle CBM, pour un montant de 10 322,01 euros TTC.

Le 22 mai 2012, la Société Nouvelle CBM a facturé son intervention à la SARL d'exploitation B. pour la somme de 23.305,26 euros TTC. Celle-ci a réglé partiellement la facture en retenant la somme de 8.709,69 euros.

Suite aux doléances de la SARL d'exploitation B. au sujet d'une consommation d'huile anormale, plusieurs interventions ont été réalisées en 2012 et 2013 : remplacement du turbo, remplacement de 5 injecteurs, remplacement des segments des cylindres, déglaçage des cylindres, sans permettre de résoudre l'anomalie signalée.

En 2014, la SARL d'exploitation B. a demandé assistance auprès de DAS, son assureur de protection juridique. DAS a mandaté le cabinet d'expertise AEB, qui a désigné comme expert Francis L.

De 2012 à 2016, la machine a été utilisée pour les récoltes, pour une durée cumulée d'utilisation d'environ 2 000 heures.

En octobre 2016, est apparu un défaut de pression d'huile dans certaines conditions d'utilisation.

Le 14 décembre 2016, à environ 5951 heures de marche cumulées, les parties (la SARL d'exploitation B., la Société Nouvelle CBM, la Société Charentaise de Moteur) ou leurs experts respectifs, ont constaté une fumée à l'échappement et des défauts de pression d'huile lorsque la machine est en dévers à gauche. La machine a été immobilisée à partir de cette date.

En janvier 2017, le moteur déposé a été partiellement démonté devant les parties ou leurs experts respectifs.

En mars 2017, l'expert du cabinet AEB, Francis L., a déposé son rapport de mission pour le compte de l'assureur de la SARL d'exploitation B., concluant à :

- l'existence de deux défauts indépendants : la consommation d'huile de graissage due à un défaut d'étanchéité de la segmentation ou des guides de soupapes d'échappement ;

- la chute de la pression d'huile, en dévers à gauche due au remontage de la pompe à huile avec un joint dont une partie était manquante ;

- deux défauts imputables, selon lui, à la Société Charentaise de Moteur,

Il a préconisé le remplacement du moteur.

Cet avis a été confirmé par le rapport de J. Nicolas, expert mandaté par l'assureur de protection juridique de la société CBM, qui a participé aux opérations d'expertise.

En revanche, Jean G., expert mandaté par l'assureur de la SARL Charentaise de Moteur, la CRAMA centre Atlantique, qui a lui aussi participé aux opérations d'expertise amiable contradictoire, a émis un avis différent.

Aucune solution transactionnelle n'ayant abouti, la SARL d'exploitation B. a fait assigner devant le tribunal de commerce de Pau, le 2 mai 2017, la SAS Société Nouvelle CBM-Centre Béarn Motoculture et la SARL SCM - Société Charentaise de Moteur, pour, en l'état de ses dernières écritures, voir :

- Dire que l'expertise de Francis L. est contradictoire,

- Dire que la cause des désordres mécaniques constatés est la remise en état défectueuse du moteur réalisée par la Société Charentaise de Moteur,

En conséquence,

- Dire que la Société Charentaise de Moteur a engagé sa responsabilité extra-contractuelle à l'égard de la SARL d'exploitation B.,

- Constater que la Société Nouvelle CBM a facturé à la SARL d'exploitation B. les interventions litigieuses de la Société Charentaise de Moteur,

- Dire que la Société Nouvelle CBM a engagé sa responsabilité contractuelle à1'égard de la SARL d'exploitation B.

- Condamner solidairement la Société Nouvelle CBM et la Société Charentaise de Moteur à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 26 439,68 euros HT soit 31.727.61 euros TTC au titre de la réparation des désordres constatés,

- Condamner les mêmes solidairement à payer à la SARL d'exploitation B., la somme de 3 744 euros correspondant au coût de la location d'une moissonneuse-batteuse de remplacement pour l'année 2016 outre 3 312 euros selon facture du 31 août 2017 et 22 464 euros selon facture du 17 novembre 2017,

- Condamner les mêmes, solidairement, à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 3 822,76 euros correspondant au coût des travaux d'entretien et de réparation sur le matériel loué en raison de l'impossibilité de la Société Nouvelle CBM d'assurer une maintenance du matériel mis à disposition dans le cadre du contrat de location,

- Condamner les mêmes solidairement à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis depuis l'acquisition du matériel litigieux,

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- Condamner solidairement la Société Nouvelle CBM et la Société Charentaise de Moteur à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement du 20 mars 2018, le tribunal de commerce de Pau a :

au visa des articles 1240 nouveau du Code civil et 1343 nouveau du Code civil,

- Vu les expertises des parties et toutes les autres pièces versées aux débats,

- Condamné solidairement la Société Nouvelle CBM et la Société Charentaise de Moteur à payer la SARL d'exploitation B. :

= la somme de 26 439,68€ au titre de la réparation des désordres constatés.

= la somme de 5 880€ au titre des frais engagés pour la location de machine de remplacement.

- Condamné solidairement la Société Nouvelle CBM et la Société Charentaise de Moteur à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Débouté les parties de toutes les demandes plus amples ou contraires à ce jugement.

- Condamné solidairement la Société Nouvelle CBM et la Société Charentaise de Moteur aux dépens de l'instance dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 88,94€ en ce compris l'expédition de la décision.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 02 août 2018, la Société Nouvelle CBM a interjeté appel de cette décision.

La clôture est intervenue le 5 novembre 2019.

L'affaire a été fixée au 9 décembre 2019.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées le 17 octobre 2018, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société nouvelle CBM SAS demande à la Cour de :

Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté.

Réformer le jugement définitif dans ses dispositions objet de la déclaration d'appel.

Y ajouter, dire et juger,

A titre principal :

Dire et juger que les dommages sont imputables à la seule Société Charentaise de Moteur, dont la responsabilité extra-contractuelle est recherchée par la demanderesse,

Par conséquent,

Rejeter les demandes formulées par la société B.

A titre subsidiaire :

Dire et juger que la Société Charentaise de Moteur engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société CBM,

En conséquence,

Condamner la Société Charentaise de Moteur à relever indemne et garantir la société CBM de l'ensemble des condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

Débouter la société B. de sa demande de condamnation à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Dire que les condamnations relatives aux prestations et matériels devront se faire Hors taxe,

En tout état de cause :

Condamner la Société Charentaise de Moteur à verser à la société CBM la somme de 37 473,49 euros en réparation des préjudices propres subis,

La condamner à verser la somme de 3 000 euros à la société CBM au titre des frais irrépétibles,

La condamner aux dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 29 novembre 2018, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la Société Charentaise de Moteur(SCM) demande à la Cour, au visa des articles 1240 et 1353 nouveau du Code civil,

Réformant la décision entreprise,

Sur les demandes de la SARL B.,

Voir dire et juger que la SARL B. ne rapporte pas la preuve que la SARL SCM a engagé sa responsabilité civile extra-contractuelle à son égard.

En conséquence,

Voir débouter la SARL B. de l'intégralité de ses demandes formulées contre la SARL SCM.

Sur les demandes de la SAS CBM,

Voir dire et juger que la SAS CBM ne rapporte pas la preuve que la SARL SCM a engagé sa responsabilité civile contractuelle à son égard.

En conséquence,

Voir débouter la SAS CBM de l'intégralité de ses demandes formulées à l'égard de la SARL SCM.

A titre subsidiaire,

Limiter les éventuelles condamnations à la seule remise en état du moteur,

Dire et juger que les montants des condamnations seront Hors Taxe.

Voir condamner solidairement sinon in solidum la SARL B. et toute partie succombante à payer à la SARL Société Charentaise de Moteur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Voir les mêmes condamnées solidairement sinon in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 24 janvier 2019, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société B. demande, au visa des articles 1147 et suivants du Code civil pour la SAS Société Nouvelle CBM ' Centre Béarn Motoculture, et 1382 du Code civil pour la Société Charentaise de Moteur, de :

- Dire et juger que l'Expertise de Francis L. est contradictoire,

- Dire et juger que la cause des désordres mécaniques constatés est la remise en état défectueuse du moteur réalisée par la Société Charentaise de Moteur,

En conséquence,

- Dire et juger que la Société Charentaise de Moteur a engagé sa responsabilité extra-contractuelle à l'égard de la SARL d'exploitation B.,

- Constater que le contrat de réparation a été conclu avec la SAS Société Nouvelle CBM qui a confié et facturé à la SARL d'exploitation B. les interventions litigieuses de la Société Charentaise de Moteur,

En conséquence,

- Dire et juger que la SAS Société Nouvelle CBM a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SARL d'exploitation B.,

- Condamner solidairement la SAS Société Nouvelle CBM et la Société Charentaise de Moteur à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 26 439,68€ HT soit 31 727,61€ TTC au titre de la réparation des désordres constatés,

- Condamner les mêmes solidairement à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 3.744 euros correspondant au coût de la location d'une moissonneuse-batteuse de remplacement en 2016 (pièce 9) outre 3.312€ selon facture justificative du 31 août 2017 (pièce 13) outre 22.464€ selon facture justificative du 17 novembre 2017 (pièce 14) et 17 928€ selon facture justificative du 27 décembre 2018 (pièce 20).

- Condamner les mêmes, solidairement, à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 3822,76 euros correspondant au coût des travaux d'entretien et de réparation pour assurer la maintenance du matériel mis à disposition dans le cadre du contrat de location (pièces 15 à 17),

- Condamner les mêmes solidairement à payer à la SARL d'exploitation B. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis depuis l'acquisition du matériel litigieux,

- Condamner solidairement la SAS Société Nouvelle CBM et la Société Charentaise de Moteur à la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIVATION :

Sur les opérations d'expertise et la chronologie des réparations :

Bien que conduites dans un cadre amiable, les opérations d'expertise diligentées à la demande de l'assureur de protection juridique de l'entreprise B. ont été réalisées de manière contradictoire en présence des représentants des trois parties et/ou des experts mandatés par leurs assureurs, qui ont chacun rédigé un rapport exposant le déroulé des opérations, leurs constatations et leur avis respectif.

Il ressort des rapports de messieurs L. et G. que, faute de trouver un moteur d'occasion, il a été décidé de remettre en état le moteur d'origine, opération confiée par la société SN CBM à la SARL Société Charentaise de Moteur (SCM). Le devis établi par cette société n'est pas produit. Selon ces deux experts, le devis n°975 de la Société Charentaise de Moteur, adressé à la société SN CBM, portait sur le remplacement d'une chemise et piston avec segmentation et soupapes, un injecteur, et prévoyait le contrôle des 5 autres injecteurs.

La facture éditée le 10 avril 2012, par la société SCM, fait état notamment des postes suivants :

- chemisage de cylindre

- surfaçage du groupe

- surfaçage de culasse

- remplacer les sièges (4 sièges de soupapes correspondant à un cylindre)

- injecteurs (1 injecteur)

- pompe.

Le contrôle des injecteurs non remplacés n'est pas mentionné. Le 11 avril 2012, la société SCM a informé par téléphone la société SN CBM que l'injecteur facturé n'avait pas été changé et a adressé par la suite un injecteur neuf à CBM qui a procédé à son montage sur le moteur.

Il résulte de la chronologie des différentes interventions, sur laquelle s'accordent les trois experts mandatés par les assureurs des parties, que le moteur réparé a été remonté sur la machine par la société SN CBM, le 2 mai 2012, avec démarrage et essais, le 3 mai, au cours desquels a été constatée l'émission d'une forte fumée blanche avec odeur d'huile brûlée. Consultée à ce sujet par téléphone, la société SCM a considéré qu'il s'agissait d'un phénomène normal après la rénovation du moteur.

Par la suite, le 19 juillet 2012, un nouvel ordre de réparation a été établi, sur signalement d'une fuite d'huile moteur au niveau de la pompe d'injection, élément qui n'était pas compris dans les travaux confiés à la société SCM. Le changement de la pompe d'injection a été effectué par la société SN CBM.

A la suite du signalement par la SARL d'exploitation B., en août 2012, d'une consommation anormale d'huile après 110 heures de fonctionnement du moteur, depuis sa remise en service, la défaillance des injecteurs a été mise en évidence par la société Diesel Energie, mandatée par la société SN CBM qui a également chargé la société Turbos Moteur M. de contrôler le turbo compresseur. Cette opération a mis en évidence la présence d'aubes endommagées, par introduction d'un corps étranger, sur la turbine d'échappement du turbo compresseur. Les injecteurs ont été changés par la société SN CBM qui a confié la remise en état du turbo à la société M.

Ces nouvelles réparations ont eu lieu en septembre et octobre 2012 et ont été prises en charge par la société SN CBM.

A la suite de nouvelles doléances de l'entreprise B., concernant la persistance d'une consommation d'huile excessive, la société SCM a accepté de remplacer les segments avec déglaçage des cylindres et de prendre en charge le démontage et remontage du moteur effectué par la société SN CBM.

Cette dernière intervention a été réalisée entre le mois d'avril et le mois de juin 2013.

Toutefois, la société B. a de nouveau signalé, le 20 septembre 2013, une consommation anormale d'huile de graissage, de l'ordre de 7,5 litres toutes les 100 heures d'utilisation, selon les relevés de consommation remis à l'expert Francis L.

Des analyses d'huile moteur n'ont cependant révélé aucune usure prématurée ou excessive du moteur, la consommation d'huile pouvant se rattacher à un glaçage des chemises ne remettant pas en cause la fiabilité du moteur mais induisant une consommation d'huile plus importante.

Le 5 octobre 2016, il a été constaté, sur le lieu d'emploi de la moissonneuse et sur nouveau signalement de l'entreprise B., le déclenchement d'une alerte de chute de pression d'huile de graissage, enregistrée à 32 reprises, sur près de 250 heures d'utilisation, selon le relevé des données du calculateur. Les tests effectués ont montré que cette anomalie apparaissait lorsque la machine se trouvait en dévers à gauche, entraînant une chute des performances du moteur, par mesure de sécurité.

A la suite de ce constat, il a été décidé d'immobiliser de nouveau l'engin et de déposer le moteur. A l'issue de cette opération, les trois experts mandatés par les assureurs des parties, en présence des représentants des sociétés SN CBM et B., ont pu constater :

- après dépose de la pompe à huile, l'absence d'une partie du joint d'étanchéité entre la crépine et cette pompe ;

- après dépose du collecteur d'échappement, la présence d'huile sur les guides et queues de soupapes des cylindres numéros 1, 2, 3, 5, 6 ;

- des traces de cokéfaction sur les guides et soupapes des cylindres 1, 5, 6 ;

- de l'huile cokéfiée sur le pourtour du carter d'échappement.

Ces constatations sont venues confirmer l'anomalie signalée par l'entreprise B. d'une consommation anormale d'huile de graissage.

Selon l'avis formulé par Jean G., expert mandaté par l'assureur de la Société Charentaise de Moteur (SCM), les passages d'huile sur les guides de soupapes proviennent de températures trop élevées des tiges de soupapes pour le type d'huile utilisée, dont l'analyse a fait apparaître qu'elle présentait une viscosité, à 40°C, inférieure à l'huile préconisée par le constructeur. Ils pourraient également être lié à un défaut d'étanchéité des joints des injecteurs posés par la société CBM.

En ce qui concerne la fuite au niveau de la jonction entre crépine et pompe à huile, élément changé par la société SCM, il s'agit selon lui d'une panne indépendante, apparue au bout de 4 saisons d'utilisation, après la réfection du moteur, par suite du vieillissement du joint situé entre ces deux éléments.

Les deux autres experts, Francis L. et Nicolas J. considèrent quant à eux que :

- la consommation de l'huile de graissage du moteur, avec rejet par l'échappement, ne peut provenir que d'un défaut d'étanchéité de la segmentation ou des guides de soupapes d'échappements, défaut imputable à la remise en état du moteur par la société SCM ;

- le défaut découvert au démontage de la pompe à huile qui impacte la pression d'huile, résulte du montage de la pompe avec un joint défectueux qui présentait un morceau manquant, désordre imputable lui aussi à la Société Charentaise de Moteur (SCM).

Nicolas J. ajoute que la société SCM n'a pas fait preuve de toute la rigueur attendue d'une rénovation, 'en minimisant son intervention aux seuls dommages apparents'.

Francis L. et Nicolas J. ont préconisé le remplacement du moteur, considérant qu'une nouvelle rénovation serait inacceptable.

Sur la responsabilité contractuelle de la société nouvelle Centre Béarn Motoculture (SN CBM) envers la SARL d'exploitation B. :

En droit, en application de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En application de ce texte, le réparateur d'un véhicule est tenu, en ce qui concerne les réparations effectuées, d'une obligation de résultat qui emporte présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, pour le cas où la réparation serait défectueuse.

Il lui appartient de renverser cette présomption en établissant qu'il n'a commis aucune faute.

Il n'est pas contesté que la société SN CBM s'est engagée contractuellement envers la société SARL d'exploitation B., sur la base du devis du 18 janvier 2012, à effectuer le remplacement du moteur endommagé de la moissonneuse-batteuse appartenant à sa cliente, par un moteur d'occasion, au prix de 19486 euros hors taxe.

C'est bien cette intervention qui a été facturée à la SARL d'exploitation B., par la société SN CBM, au prix convenu, selon facture du 22 mai 2012, une fois les travaux achevés.

En exécution de ce contrat, la société SN CBM était tenue d'une obligation de résultat, fournir et monter un moteur d'occasion, en état de marche, permettant de remplir normalement son usage.

Sous couvert de cette prestation facturée, la société SN CBM a en réalité fait réparer le moteur en panne, par son sous-traitant, la société SCM, remise en état qui s'est révélée incomplète et insuffisante, puisqu'elle a été suivie, à intervalles rapprochés, d'autres interventions pour changer une pompe d'injection, les injecteurs, puis réparer le turbo compresseur, lui-même endommagé, et enfin refaire la segmentation du moteur, sans permettre de résoudre le problème de la consommation d'huile de graissage.

Pour échapper à sa responsabilité, la société SN CBM soutient qu'elle n'a commis aucune faute car seule l'intervention de la société SCM est stigmatisée par le rapport d'expertise contradictoire de M J. établi pour le compte de CBM. Elle ajoute que SCM a été chargée d'une rénovation moteur et non pas d'une réparation partielle, comme essaie de le faire croire l'expert G. Elle ajoute qu'elle n'est pas spécialiste de la motorisation, contrairement à la Société Charentaise de Moteur.

Elle considère ainsi qu'elle n'a commis aucune faute.

Cependant, c'est bien l'entreprise SN CBM qui a choisi de confier à l'entreprise SCM la réparation du moteur défaillant, au vu d'un devis qu'elle était en mesure, en sa qualité de professionnel de la vente et de la maintenance de machines agricoles, de vérifier, de façon à ce que tous les postes de travaux ou de contrôle nécessaires à une rénovation d'effet équivalent à la fourniture d'un moteur d'occasion, en bon état, soient envisagés.

Que la société SCM ait elle-même manqué à ses propres obligations et aux règles de l'art, ce qui n'est pas démontré à ce stade, ne saurait établir, en conséquence, que la société SN CBM n'a commis aucune faute, ni caractériser une cause étrangère.

La responsabilité contractuelle de la société SN CBM est ainsi engagée en application de l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, pour manquement à son obligation de résultat.

Sur la responsabilité délictuelle de la Société Charentaise de Moteur (SCM) envers la SARL d'exploitation B. :

La société B. recherche la responsabilité délictuelle de la société SCM en application de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.

Elle considère que la Société Charentaise de Moteur a commis une faute à l'origine du préjudice subi par la concluante, en réalisant des réparations défectueuses.

Le jugement a exclu la responsabilité délictuelle de la société SCM, envers le propriétaire de la moissonneuse, sans en tirer les conséquences, puisqu'il a finalement condamné la société SCM, solidairement avec la société CBM, à indemniser la SARL B., au motif que le sous-traitant aurait manqué à son obligation de résultat envers son donneur d'ordre.

Il ressort de la chronologie des interventions sur le moteur endommagé que la société SCM est intervenue dans un premier temps, en 2012, pour réaliser principalement un chemisage du cylindre endommagé, un surfaçage de la culasse et remplacer les quatre sièges de soupapes de ce même cylindre outre les segments et soupapes. Il n'est pas fait état d'une intervention sur les autres cylindres. En 2013 et devant la persistance d'une consommation d'huile excessive, elle a accepté d'intervenir de nouveau, pour remplacer les segments et réaliser le déglaçage des cylindres.

Cette intervention n'a pas mis un terme à la surconsommation d'huile, sans fuite constatée.

En janvier 2017, trois ans plus tard, le démontage de la tubulure d'échappement a permis de constater des traces d'huile et de résidus cokéfiés d'huile au niveau des guides et queues de soupapes et sur le pourtour du carter d'échappement.

Selon l'expert L., le rejet d'huile dans l'échappement ne peut provenir que d'un défaut d'étanchéité de la segmentation ou des guides de soupapes d'échappement, défaut qui est imputable, selon lui, à la remise en état du moteur par la société Charentaise de Motorisation.

Cet avis rejoint celui de l'expert J. qui considère que la Société Charentaise de Motorisation aurait dû envisager de remplacer toutes les pièces d'usure du moteur, lors de son intervention initiale.

Pour exclure sa responsabilité, la société SCM se retranche derrière l'avis de l'expert G. pour faire valoir que :

- les injecteurs, remontés par la SAS CBM, peuvent être en cause et c'est à cette société qu'il revenait de réaliser les joints assurant l'étanchéité au niveau des injecteurs,

- elle ne peut être tenue d'une obligation de résultat que sur les opérations qui lui ont été confiées et qu'aucune critique technique étayée par des constatations matérielles ne permet de remettre en cause la qualité de son intervention,

- la défaillance du joint de la pompe à huile, quatre ans après son remplacement, résulte d'un vieillissement, alors que son changement périodique n'est pas préconisé par le constructeur,

- la nécessité de remplacement du moteur n'est pas démontrée,

- le préjudice de la SARL B. est dû à ses propres erreurs, l'utilisation intensive de la moissonneuse avec une huile inadaptée moins visqueuse que celle préconisée par le fabricant.

Sur ce, la cour retient qu'en l'absence de démontage complet du moteur, il n'a pas été possible de vérifier l'hypothèse de fuites affectant la segmentation, supposée avoir été changée par la société SCM en 2012 puis 2013, plutôt que celle d'un défaut d'étanchéité des guides de soupapes d'échappement. Pour les mêmes raisons, l'hypothèse d'une perte d'étanchéité au niveau des joints d'injecteurs n'est ni infirmée ni confirmée. Enfin il ressort de l'avis de l'expert Nicolas J. que l'utilisation d'une huile différente de celle préconisée par le fabricant n'est pas en cause et n'a pas entraîné une usure prématurée des éléments du moteur.

S'agissant de la rupture du joint entre le tuyau de crépine et la pompe à huile, à l'origine de la chute de pression d'huile constatée en 2016, il convient de relever qu'aucune baisse de pression d'huile n'a été enregistrée par le calculateur de la machine entre 2012 et 2015. Si le joint était endommagé au moment du montage de la pompe et n'avait pas été changé, il est manifeste que la même cause aurait produit les mêmes effets, dès la réparation de 2012, ce qui n'est pas le cas.

Dans ces conditions, il n'est pas possible d'affirmer que la segmentation des cylindres n'a pas été refaite correctement par la société SCM, ou que celle-ci aurait dû changer les guides de soupapes ou conseiller leur changement, ni, non plus, qu'elle a omis de changer le joint de crépine.

La SARL B. ne démontre pas ainsi les manquements de la société SCM et doit être déboutée de ses demandes tendant à faire constater qu'elle a engagé sa responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle.

Le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il a condamné la Société Charentaise de Moteur, solidairement avec la société CBM, à indemniser le préjudice de la société B.

Sur la réparation du préjudice de la société d'exploitation B. :

Les deux experts désignés par les assureurs des sociétés CBM et B. s'accordent sur la nécessité de remplacer le moteur défectueux, une nouvelle rénovation se révélant hasardeuse.

Selon le devis des Etablissements CBM, le coût de remplacement s'élève à 26 439,68 euros HT somme retenue par le tribunal et réclamée par la société B. qui demande, en outre, la réparation des préjudices complémentaires résultant de l'immobilisation de sa moissonneuse, bien au-delà du jugement déféré qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire, ce qui l'a contrainte à exposer des frais de location d'un engin de remplacement.

Elle réclame ainsi :

- 3 744 euros au titre d'une facture de location du 22 décembre 2016

- 3 312 euros au titre d'une facture de location du 31 août 2017

- 22 464 euros au titre d'une facture de location du 17 novembre 2017

- 17 928 euros au titre d'une facture de location du 27 décembre 2018

Elle demande également le remboursement des frais d'entretien et de réparation qu'elle a engagés sur le matériel loué afin d'assurer une maintenance adaptée à l'activité continue imposée par la récolte des céréales, soit la somme de 3 822,76 euros TTC.

Elle sollicite enfin une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts complémentaires en faisant valoir que les nombreux problèmes mécaniques auxquels elle a dû faire face ont impacté sa productivité et sa trésorerie et qu'en outre la moissonneuse immobilisée voit sa valeur argus diminuer au fil du temps.

Comme l'a retenu le tribunal, par une appréciation des circonstances de la cause que la cour fait sienne, la machine est immobilisée depuis le 14 décembre 2016 et le défaut qui a entraîné cette ultime immobilisation, apparu en octobre 2016, est sans rapport avec le défaut à l'origine du litige. Il était réparable pour un coût estimé à 2 412,98 euros HT par l'un des experts. Le moteur est ainsi déposé depuis janvier 2017, alors qu'il aurait pu être remonté après changement du joint de pompe à huile défectueux, solution provisoire qui, en attendant l'issue du litige, aurait permis d'éviter de devoir louer une machine, systématiquement, pour chacune des récoltes depuis trois ans.

La cour fait sienne, également, la motivation du tribunal quant au rejet de la demande relative aux frais d'entretien des machines louées, frais de maintenance qui, de toute façon, auraient étaient exposés, dans des circonstances d'utilisation équivalentes, sur la propre machine de la société B.

Enfin, la société B., qui ne démontre pas la perte de trésorerie qu'elle allègue, ni la dépréciation de la moissonneuse immobilisée qui a vocation à recevoir un moteur neuf, doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts complémentaires.

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a retenu, au titre du préjudice subi, le coût de remplacement du moteur pour 26 439,68 euros hors taxe et les seuls frais de location établis par les factures des 22 décembre 2016 et 31 août 2017, pour leur montant hors taxe global de 5 880 euros, à l'exclusion de toutes autres sommes.

Sur la demande de la société CBM tendant à être relevée indemne et garantie des condamnations prononcées à son encontre, par la Société Charentaise de Moteur :

L'appelante considère que la société SCM a engagé sa responsabilité contractuelle et manqué à son obligation de résultat, les désordres constatés étant, selon elle, exclusivement causés par la défaillance de la société sous-traitante au cours de ses prestations : non contrôle des injecteurs, joint du tuyau de crépine à la jonction de la pompe à huile, défaillant, défaut d'étanchéité de la segmentation ou des guides de soupape.

La société SCM s'oppose à cette demande en faisant valoir que sa responsabilité n'est pas engagée aucune faute n'étant démontrée concernant les travaux qu'elle a réalisés.

En droit, le mécanicien spécialisé, sous-traitant du réparateur principal, est tenu d'une obligation de résultat envers ce dernier dont il ne peut s'exonérer qu'en prouvant qu'il n'a commis aucune faute.

Cependant, il appartient au préalable au donneur d'ordre qui recherche la responsabilité contractuelle de son sous-traitant, d'établir que le dysfonctionnement constaté après réparation trouve son origine dans l'élément sur lequel le sous-traitant devait intervenir.

En l'espèce, cette démonstration n'est pas faite par la société CBM. En effet, il n'est pas possible d'établir laquelle des causes possibles des coulées d'huile observées sur les guides et queues de soupapes doit être retenue, en l'absence de démontage du moteur, et donc d'incriminer la qualité des travaux réalisés par la société SCM, ou la non-réalisation de travaux qui lui incombaient.

S'agissant de la perte d'étanchéité constatée au niveau du joint entre tuyau de crépine et pompe à huile, et dont les manifestations sont apparues quatre ans après la réparation effectuée par la société SCM, il n'est pas non plus établi que cette dernière aurait omis de changer en 2012 le joint retrouvé endommagé en 2017. Cette panne est en outre étrangère au défaut qui justifie le changement du moteur.

Ainsi, la société CBM ne démontre pas que le dommage qu'elle doit indemniser trouve son origine dans les travaux de réparation effectués par la société SCM.

Elle est en conséquence déboutée de sa demande tendant à être relevée indemne et garantie, par la société SCM, des condamnations prononcées à son encontre.

Sur la demande reconventionnelle de la société CBM contre la Société Charentaise de Moteur :

La société CBM sollicite la condamnation de la société SCM à lui régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre le règlement de la facture de 18 763,80 euros, pour travaux complémentaires (injecteurs et turbo-compresseur) et frais de location d'une moissonneuse, pris en charge par la société CBM en octobre 2012, outre la somme de 8 709,69 euros au titre du solde de la facture initiale adressée à la société B., au total 37 473,49 euros.

S'agissant des réparations complémentaires prises en charge par la société CBM, à savoir le changement des 5 injecteurs sur les cylindres non endommagés et le remplacement ou la réparation du turbo compresseur, il apparaît que ces éléments n'étaient pas inclus dans le devis des travaux confiés à la société SCM en 2012, alors qu'aucun des documents contractuels produit n'établit que cette société était chargée d'une rénovation globale du moteur en panne, impliquant un diagnostic d'ensemble des éléments à remplacer.

La responsabilité contractuelle de la société SCM n'étant pas engagée, la société SN CBM est donc déboutée de sa demande reconventionnelle.

Sur les demandes annexes :

La société SAS SN CBM qui succombe en totalité, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité justifie, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, de condamner la SAS CBM à payer à la société B. et à la Société Charentaise de Moteur, et à chacune, une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ; Infirme le jugement sauf en ce qui concerne l'évaluation du préjudice de la société SARL d'exploitation B. ; Statuant à nouveau des chefs infirmés, Dit et juge que la société Nouvelle CBM a engagé sa responsabilité contractuelle envers la société SARL d'exploitation B. ; Condamne la Société Nouvelle CBM à payer à la SARL d'exploitation B. : - la somme de 26 439,68 euros au titre du coût hors taxe du remplacement du moteur de sa moissonneuse-batteuse, - la somme de 5 880 euros hors taxe au titre des frais engagés pour la location d'une machine de remplacement ; Déboute la société SARL d'exploitation B. du surplus de ses demandes dirigées contre la Société Nouvelle CBM et de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la Société Charentaise de Moteur ; Déboute la Société Nouvelle CBM de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la Société Charentaise de Moteur ; Condamne la Société Nouvelle CBM aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne la Société Nouvelle CBM à payer à la SARL d'exploitation B. et à la Société Charentaise de Moteur, et à chacune, une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.