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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 30 avril 2020, n° 16-09037

RENNES

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

Mme Pothier, M. Barthe-Nari

TGI Saint-Brieuc, du 21 oct. 2016

21 octobre 2016

Le 4 août 2013, M. Frédéric B. a vendu à M. Alexandre Le B. un véhicule automobile Audi A4 V6 TDI 2,5, WAUZZZ8H93K028901 immatriculé sous le n° AH 156 BM dont le compteur affichait un kilométrage de 176 000 kms, au prix de 12 000 euros.

Ce véhicule avait été acquis par M. B. le 2 mars 2013 au prix de 12 000 euros.

Informé au cours d'une visite dans le réseau Audi, que le kilométrage du véhicule était erroné, M. Le B. a saisi son assurance protection juridique qui a missionné le cabinet d'expertise BCA.

L'expert s'est procuré l'historique des réparations duquel il résulte un kilométrage de 249 127 kms lors de la visite du 22 septembre 2009 en progression depuis la mise en circulation en 2003. Puis, lors d'une intervention le 11 juillet 2011, le kilométrage a brutalement chuté à 148 183 kms, soit un abaissement de 100 944 kms.

M. Le B. a assigné M. B. devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc en résolution de la vente sur le fondement du défaut de conformité.

Considérant que le défaut de conformité était antérieur à son achat du véhicule, M. B. a assigné son vendeur M. M. par acte du 28 octobre 2014 en résolution de la vente avec demande de restitution du prix. Par acte du 24 mars 2015, M. M. faisait assigner son propre vendeur M. Rudy Lubaki E. en garantie des condamnations pouvant être prononcées à son encontre.

L'instance engagée par M. Le B. et celle engagée par M. B. n'ont pas été jointes.

Par jugement du 9 mai 2016, le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a :

- prononcé la résolution de la vente conclue le 4 août 2013 entre M. Le B. et M. B. ;

- condamné M. B. à payer la somme de 12 000 euros en restitution du prix ;

- dit qu'une fois le prix restitué, M. Le B. devra mettre le véhicule à disposition de M. B. qui en reprendra possession à ses propres frais et charges ;

- condamné M. B. au paiement d'une indemnité de 1 000 € au titre de l'article 700 Code de procédure civile/ ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement du 21 octobre 2016, le tribunal de grande instance a débouté M. B. de son recours en garantie, qu'il a estimé mal fondé sur la garantie des vices cachés, tandis que la condamnation avait été prononcée à son encontre sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme.

Le tribunal a dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie de M. M..

M. B. est appelant de ce jugement et par dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2017 il demande de :

- Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc le 21 octobre 2016 ;

- Débouter M. François M. de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Dire et juger que M. François M. sera tenu de garantir M. Frédéric B. des condamnations mises à sa charge aux termes du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc le 9 mai 2016 sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme ;

- En tant que de besoin, condamner M. François M. à verser à M. Frédéric B. la somme de :

- 12 000 euros au titre de la restitution du prix de vente ;

- 2 306,66 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile, frais de procédure, frais et accessoires ;

- Dit qu'une fois les sommes versées, M. François M. reprendra possession du véhicule Audi A4 V6 TDI 2,5 à ses propres frais et charge ;

- Allouer à M. Frédéric B. une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Le condamner aux entiers dépens en ce compris ceux de première instance.

Par dernières conclusions signifiées le 12 avril 2017, M. M. demande de :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc le 21 octobre 2016 en ce qu'il a débouté M. Frédéric B. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de M. François M. au titre de la garantie des vices cachés ;

- Débouter M. Frédéric B. de sa demande de résolution judiciaire de la vente et de sa demande de condamnation de M. François M. à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de M. Alexandre Le B., tant en principal qu'intérêts et accessoires (frais irrépétibles et dépens) au titre de la délivrance conforme ;

- Condamner M. Frédéric B. à verser à M. François M. la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions des articles 1604, 1183 et 1184 du Code civil,

- Pour le cas où la résolution judiciaire de la vente serait prononcée entre M. Frédéric B. et M. François M. :

- Condamner M. Frédéric B. à restituer à M. François M. le véhicule Audi A4 V6 TDI 2,5 dès la restitution du prix de vente ;

- Condamner M. Rudy Lubaki E. à garantir M. François M. de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, tant en principal, qu'intérêts, frais et accessoires au profit de M. Frédéric B. ;

- Prononcer la résolution judiciaire de la vente du véhicule dont s'agit, intervenue entre M. Rudy Lubaki E. et M. François M. le 20 novembre 2010 ;

- Condamner M. Rudy Lubaki E. à payer à M. François M. le prix de vente à hauteur de 12 000 € ;

- Dire et juger que M. François M. mettra le véhicule Audi A4 V6 TD I 2,5 à la disposition de M. Rudy Lubaki E., qui en reprendra possession à ses propres frais et charges ;

- Condamner M. Rudy Lubaki E. à payer à M. François M. la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner le même au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- Condamner le même aux entiers dépens.

M. Rudy Lubaki E., assigné par acte du 7 mars 2017 remis à domicile, n'a pas constitué avocat.

M. B. lui a signifié ses conclusions par acte extra-judiciaire remis à l'étude le 11 décembre 2017 et M M. lui a signifié ses conclusions par acte extra-judiciaire remis à l'étude le 18 avril 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de résolution de la vente :

M. B. sollicite la résolution de la vente pour manquement de délivrance conforme en ce qu'il ressort de la consultation du système ELSA Pro du constructeur du véhicule retraçant les interventions effectuées en concession sur le véhicule que ce dernier présentait un kilométrage de 249 137 Kms le 22 septembre 2009 alors qu'au 11 juillet 2011, ce même véhicule présentait un kilométrage de 148 183 Kms.

Il fait valoir qu'ainsi le kilométrage du véhicule avait été minoré de plus de 100 000 Kms lors de son achat le 2 mars 2013, le contrôle technique réalisé le 20 février 2013 mentionnant un kilométrage de 169 620 Kms.

M. M. conteste la valeur probante du rapport d'expertise amiable établi par l'expert d'assurance de M. Le B. s'agissant de constatations non contradictoires puisqu'il n'avait pas été convoqué aux opérations d'expertise.

Mais il convient de relever sur ce point que l'historique des réparations effectuées en concession est une pièce communiquée par le constructeur dont l'analyse ne requiert aucune compétence particulière ; que le conseil de M. B. a obtenu un nouvel historique des interventions effectuées sur le véhicule portant le numéro WAUZZZ8H93K028901 qui confirme qu'entre l'intervention en concession effectuée le 22 septembre 2009 et cette effectuée le 11 juillet 2011, le kilométrage affiché au compteur du véhicule a subi une minoration de plus de 100 000 Kms.

M. B. fait ainsi suffisamment la preuve de ce qu'avant son achat au mois de mars 2013, le compteur kilométrique avait été altéré minorant de manière importante le kilométrage parcouru par le véhicule.

Il apparaît ainsi que le véhicule vendu présentait un kilométrage réel sans rapport avec le kilométrage apparent lors de la vente, caractérisant un défaut de conformité.

Pour s'opposer aux demandes de M. B., M. M. fait valoir qu'il n'a pas directement vendu le véhicule à M. B. en mars 2013 mais qu'il l'avait cédé au mois de septembre 2012 à Madame D. exerçant un commerce de véhicules d'occasion.

Il produit aux débats le certificat de cession du véhicule à Mme D. en date du 21 septembre 2012 ainsi que des photographies extraites du compte FaceBook de " D. Auto occasion " présentant le véhicule Audi immatriculé AH-156-BM en date du 27 septembre 2012.

Il est constant que M. M. a acquis le véhicule le 20 novembre 2010 et l'a revendu le 21 septembre 2012.

L'historique des interventions a établi que l'altération du compteur kilométrique est intervenue entre le 22 septembre 2009 et le 11 juillet 2011, et il en résulte que le défaut de conformité était présent lorsque M. M. a lui-même cédé le véhicule.

Dès lors en sa qualité de sous acquéreur, M. B. dispose d'une action directe lui permettant d'agir contre M. M. en sa qualité de vendeur antérieur en réparation de ce défaut de conformité. M. M. ne saurait faire échec à cette demande en soutenant l'existence d'un cas de force majeure pour avoir ignoré la manipulation du compteur alors même qu'il était lui-même en mesure de s'en convaincre en obtenant du constructeur l'historique du véhicule.

M. M. sera en conséquence condamné à restituer le prix versé par M. B. en contrepartie de la restitution du véhicule.

Il sera également condamné à garantir M. B. des frais de procédure mis à sa charge par le jugement du 9 mai 2016.

M. M. qui succombe sera condamné à payer à M. B. une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur l'action en garantie de M M. à l'encontre de M. Rudy Lubaki E.

Suivant certificat de cession que M. M. a acquis le véhicule litigieux de M. Rudy Lubaki E. le 20 novembre 2010. M. M. précise l'avoir acquis pour la somme de 12 000 euros.

Il ressort d'une attestation en date du 12 octobre 2015 de M. Jean-Camille D. exerçant sous l'enseigne Garage D. Automobile que celui-ci a assisté M. M. lors de l'achat du véhicule et qu'il atteste que le compteur affichait un kilométrage d'environ 148 000 Kms lors de la réception du véhicule le 20 novembre 2010.

Il résulte de ces éléments non contredits que le défaut de conformité existait à la date de la vente du véhicule par M. Rudy Lubaki E. et que dès lors, M. M. est fondé à obtenir la résolution de la vente et la restitution du prix payé.

M. M. ne justifiant d'aucun autre préjudice sera débouté de sa demande de dommages-intérêts complémentaire formée contre M. Rudy Lubaki E..

M. Rudy Lubaki E. qui succombe sera condamné aux entiers dépens d'appel et à payer à M. M. une indemnité de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Infirme le jugement rendu le 21 octobre 2016 par le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc ; Condamne M. François M. à payer à M. Frédéric B. la somme de 12 000 euros en restitution du prix du véhicule Audi A4 V6 TDI 2,5, WAUZZZ8H93K028901 immatriculé sous le n° AH 156 BM ; Dit qu'après restitution du prix, M. B. devra mettre ledit véhicule à disposition de M. François M. qui en reprendra possession à ses frais et charges ; Condamne M. François M. à garantir M. Frédéric B. des frais et dépens mis à sa charge au profit de M. Le B. par le jugement du 9 mai 2016 ; Condamne M. François M. à payer à M. Frédéric B. la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. François M. aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne M. Rudy Lubaki E. à payer à M. François M. la somme de 12 000 euros en restitution du prix du véhicule Audi A4 V6 TDI 2,5, WAUZZZ8H93K028901 immatriculé sous le n° AH 156 BM ; Dit qu'après restitution du prix, M. M. devra mettre ledit véhicule à disposition de M. Rudy Lubaki E. qui en reprendra possession à ses frais et charges ; Condamne M. Rudy Lubaki E. à garantir M. François M. de toutes condamnations prononcées à son encontre au profit de M. Frédéric B. au titre des frais et dépens et indemnité de procédure ; Condamne M. Rudy Lubaki E. à payer à M. François M. la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Rudy Lubaki E. à garantir M. François M. de toutes condamnations au titre des dépens de première instance et d'appel ; Rejette toutes autres demandes.