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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 18 mars 2020, n° 18-00957

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aéroport de Bordeaux Mérignac (SA)

Défendeur :

Park and Trip (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chelle

Conseillers :

Mmes Fabry, Brisset

Avocats :

Mes Nougaret, Cariou-Martin

T. com. Bordeaux, du 15 janv. 2018

15 janvier 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La SA Aéroport de Bordeaux Mérignac (la société ADBM) propose, sur la zone aéroportuaire de Bordeaux, des services de stationnement.

La SARL Park & Trip (la société P&T) a créé, le 15 avril 2013, un service de parking situé à quelques kilomètres de l'aérogare, appelé " parking d'aéroport ".

Les 8 décembre 2014 et 4 février 2015, la société ADBM a mis en demeure la société P&T de ne plus utiliser le terme " parking d'aéroport Bordeaux " et de cesser son service de voiturier, cette dernière ayant répondu en contestant toute accusation de parasitisme ou de publicité trompeuse.

Par ordonnance de référé du 5 avril 2016, le président du tribunal de commerce de Bordeaux a notamment condamné la société P&T à substituer sans délai la mention " à proximité de l'aéroport " à celle de " parking aéroport ".

La société ADBM a, par acte du 27 septembre 2016, fait assigner la société P&T devant le tribunal de commerce de Bordeaux, aux fins de condamnation pour concurrence déloyale. Par acte du 28 février 2017, la société ADBM a assigné en intervention forcée la SARL Park My Car Group (la société PCG).

Par jugement contradictoire du 15 janvier 2018, le tribunal a :

- Reçu la société ADBM en son action contre les sociétés PT et PCG,

- Enjoint la société PT de :

Cesser sans délai toute utilisation ou exploitation des expressions suivantes : " parking aéroport Bordeaux ", " parking d'aéroport ", " parking aéroport " ou de toute expression entretenant la confusion du consommateur sur le rattachement de l'activité à celle de l'aéroport de Bordeaux Mérignac et ceci, sur les supports visibles par le consommateur,

Cesser sans délai de se prévaloir de la " gratuité " de son service de transport à l'aéroport,

- Débouté la société ADBM de sa demande relative à l'activité de voiturier,

- Débouté la société ADBM de sa demande au titre du préjudice subi,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné la société P&T à payer la somme de 3 000 euros à la société ADBM au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- Ordonné l'exécution provisoire.

La société ADBM a relevé appel partiel de la décision le 20 février 2018, sur les dispositions " l'ayant déboutée de sa demande relative à la cessation du service voiturier proposé par la société PT et non autorisé par elle ", " de sa demande visant à voir condamnée la société PT à lui verser la somme de 1 054 930 euros en réparation de son préjudice moral et économique " et " de sa demande visant à voir condamner la société PCG solidairement avec la société PT pour les faits de concurrence déloyale et les pratiques mensongères qui lui sont reprochées dans le cadre de l'utilisation du site internet www.parkandtrip.com ", intimant les sociétés P&T et PCG.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans ses dernières écritures en date du 19 février 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société ADBM demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du Code civil

Vu les articles L. 112-1 à L. 112-4, L. 121-19, L. 122-1, et L. 221-5 du Code de la consommation

Vu l'article 30 alinéa 1er du cahier des charges type de concession annexé au décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes

Vu l'article 38 de l'arrêté n 2012325-0007 du 20 novembre 2012 relatif aux mesures de police applicables sur l'aéroport de Bordeaux- Mérignac

Constater la mise en place par les sociétés intimées d'un service de voiturier aux abords de l'aérogare de Bordeaux sans autorisation préalable d'ADBM ;

Dire et juger que les sociétés intimées ont usé de pratiques commerciales déloyales fautives pour capter la clientèle d'ADBM en mettant en place un service de voiturier sur l'emprise de l'aéroport sans autorisation préalable d'ADBM, en utilisant de manière déloyale la dénomination de la société ADBM, et en exploitant une publicité mensongère et trompeuse ;

Dire et juger que le préjudice matériel de perte de chance subi par ADBM résulte des pratiques commerciales déloyales fautives des sociétés intimées ;

Déclarer mal fondé l'appel incident formé par les sociétés intimées à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 15 janvier 2018 ;

En conséquence :

Réformer la décision du tribunal de commerce de Bordeaux du 15 janvier 2018 en ce qu'elle a débouté la société ADBM de sa demande relative à la cessation sous astreinte du service de voiturier non autorisé mis en place par les sociétés intimées sur l'emprise de l'aéroport ;

Enjoindre aux sociétés intimées de cesser sans délai le service de voiturier non autorisé par

ADBM ;

Réformer la décision du Tribunal de commerce de Bordeaux du 15 janvier 2018 en ce qu'elle a débouté la société ADBM de sa demande au titre du préjudice subi ;

Condamner, à titre principal, solidairement les sociétés intimées à payer à la société ADBM la somme de 1 117 800 euros en réparation de la perte de chance subie par cette dernière de contracter avec des utilisateurs de parking entre 2014 et 2015 résultant de leurs pratiques commerciales déloyales, calculée sur la base d'une perte de chiffre d'affaires estimée à 1 863 000 euros, et qui s'est aggravée depuis cette date compte tenu du non-respect de la décision de première instance par les sociétés intimées ;

Condamner, à titre subsidiaire, solidairement les sociétés intimées à payer à la société ADBM la somme de 649 224,60 euros en réparation de la perte de chance subie par cette dernière de contracter avec des utilisateurs de parking entre 2014 et 2015 résultant de leurs pratiques commerciales déloyales, calculée sur la base d'une perte de marge estimée à 1 082 041 euros, et qui s'est aggravée depuis cette date compte tenu du non-respect de la décision de première instance par les sociétés intimées ;

Débouter les sociétés intimées de leur appel incident ;

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 15 janvier 2018 sur le surplus.

En toute hypothèse :

Condamner solidairement les sociétés intimées à payer à la société ADBM la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir que la société P&T l'a concurrencée de manière déloyale ce qui constitue une faute en mettant en place un service de voiturier dans l'enceinte de l'aéroport sans autorisation, en utilisant de manière déloyale sa dénomination aéroport de Bordeaux Mérignac et en exploitant une publicité mensongère et trompeuse. Elle soutient que ces fautes lui ont causé un préjudice, qu'elle n'a pas été en mesure initialement de chiffrer à raison de la carence de son adversaire dans la publication de ses comptes. Elle précise que son préjudice se caractérise par une absence de corrélation entre l'augmentation du trafic aérien et l'évolution de la fréquentation de ses parkings et que si l'intégralité du manque à gagner ne peut être imputé à son adversaire elle justifie d'une perte de chance. Elle invoque un rapport d'expertise qu'elle a fait établir pour étayer son argumentation.

Dans leurs dernières écritures en date du 18 février 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, les intimées demandent à la cour de :

Déclarer mal fondé l'appel interjeté par ADBM à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 18 janvier 2018 ; débouter ADBM de son appel,

Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par Park and Trip à l'encontre du jugement du tribunal commerce de Bordeaux du 18 janvier 2018 et réformer partiellement le jugement de première instance,

Vu les articles 1240 et suivants du Code civil (article 1382 antérieurement à l'ordonnance du 10 février 2016),

Vu les articles 6, 9 et 16 du Code de procédure civile,

Vu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits d'homme et des libertés fondamentales,

Vu le décret n° 2007-244 du 25 février 2007.

Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté ADBM de sa demande relative à la cessation sous astreinte du service voiturier de Park & Trip,

Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté ADBM de ses demandes indemnitaires ;

Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident des sociétés Park and Trip et Park My Car

Group et en conséquence,

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a enjoint Park & Trip à cesser tout utilisation ou exploitation des expressions suivantes " parking aéroport BORDEAUX ", " parking d'aéroport ", " parking aéroport " ou de toute autre expression entretenant la confusion du consommateur sur le rattachement de l'activité à celle de l'aéroport de Bordeaux Mérignac et ceci sur les supports visibles par le consommateur ;

Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a enjoint Park & Trip à cesser de se prévaloir de la " gratuité " de son service de transport à l'aéroport ;

Condamner la société ADBM à payer aux sociétés Park and Trip et Park My Car Group, la somme de 12 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la société Aéroport de Bordeaux

Mérignac.

Elles soutiennent que l'activité de voiturier ne nécessitait pas une autorisation et que si tel était le cas, c'est l'appelante qui ne respectait pas les règles de mise en concurrence dès lors qu'elle n'avait pas pu soumissionner à un appel d'offre. Elles se prévalent d'une ordonnance de référé du tribunal administratif de Bordeaux. Elles contestent avoir commis une faute et forment appel incident sur les injonctions contenues au dispositif du jugement alors qu'elles avaient cessé d'utiliser les mentions litigieuses depuis plusieurs mois et que l'appelante les met dans une situation désavantageuse ses concurrents employant les termes " parking aéroport ". Elles contestent l'existence d'un préjudice en faisant valoir que la cour ne peut se fonder sur un rapport non contradictoire alors en outre que la fréquentation des parkings de l'appelante a augmenté.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 19 février 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les intimées ont développé des écritures communes sans présenter un argumentaire particulier pour la société Park My Car Group. Aussi pour la commodité de l'exposé elles seront ci-après désignées, sauf précision expresse, comme les intimées ou la société P&T.

L'appelante sollicite en premier lieu qu'il soit fait injonction aux intimées de cesser le service de voiturier que la société P&T a mis en place. L'appelante fait valoir que cette activité où la société P&T propose de récupérer le véhicule du client dans l'enceinte de l'aéroport pour aller le stationner dans son parking et de le restituer dans l'enceinte de l'aéroport au retour constitue une activité commerciale sur l'emprise de l'aéroport, sans autorisation l'y habilitant.

Elle se prévaut des dispositions de l'arrêté de police du 20 novembre 2012 et de l'article 30 al 1 du cahier des charges type applicable aux concessions aéroportuaires annexé au décret du 23 février 2007.

Les intimées ne peuvent ainsi se prévaloir d'une autre espèce où il était fait application de dispositions différentes et plus précisément l'article 33 d'un arrêté préfectoral de 1995 relatif à l'exploitation de l'aéroport de Saint Denis de la Réunion.

Elles ne peuvent davantage soutenir utilement que l'appelante ne respecterait pas elle-même le droit de la concurrence faute d'avoir satisfait à la procédure d'appel d'offre pour la mise en concurrence. Ce point est contesté par la société ADBM mais en toute hypothèse relèverait d'une autre instance que celle introduite devant les tribunaux de l'ordre judiciaire. En outre, à supposer que la société ADBM ne se soit pas conformée aux procédures d'appel d'offre cela ne permettrait pas en soi une exploitation sans autorisation si celle-ci est nécessaire.

Les intimées opposent par ailleurs une ordonnance de référé du tribunal administratif de Bordeaux en date du 21 décembre 2017. Celle-ci rejette la demande de la société ADBM tendant aux mêmes fins au motif d'une contestation sérieuse. Contrairement aux affirmations des intimées, il ne peut être retenu que le débat aurait été " vidé " par cette décision puisqu'il s'agissait d'un débat portant non sur une question de concurrence mais sur une question d'occupation du domaine aéroportuaire et ce dans le cadre d'une instance en référé ayant abouti à une ordonnance, sans autorité de la chose jugée au principal, constatant l'existence d'une difficulté sérieuse.

Aux termes de l'article 30 al 1 susvisé l'exercice de toute activité industrielle, commerciale ou artisanale est soumise à autorisation du concessionnaire. Il n'est pas soutenu que la société P&T disposerait d'un comptoir ou d'un aménagement quel qu'il soit au sein de la zone aéroportuaire. Son activité de voiturier consiste uniquement dans cet espace, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de constat du 7 avril 2017, à dépêcher un préposé pour récupérer le véhicule qu'un passager lui remet à son arrivée dans l'enceinte aéroportuaire et à appliquer une procédure similaire au retour. Il n'est constaté aucune autre activité sur le site, autre que de passage dans des conditions identiques à la circulation courante, ouverte à tous, et sans emprise sur la zone concédée à l'appelante. Ainsi que retenu par les premiers juges, il n'est pas établi d'actes de vente du service lui-même dans l'enceinte aéroportuaire puisque c'est uniquement en ligne que ce dispositif est accessible. Il n'est ainsi pas établi que l'activité de voiturier entre en contradiction avec les dispositions susvisées.

Dans de telles conditions c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de la société ABDM tendant à l'injonction à la société P&T de cesser son activité de voiturier.

La société ABDM invoque d'autres éléments pour caractériser une concurrence déloyale alors que la société P&T conteste le principe de sa responsabilité. Le fait que la société P&T ait pu se conformer à l'ordonnance de référé du 5 avril 2016 puis au jugement entrepris, revêtu de l'exécution provisoire, est contesté et surtout inopérant puisqu'il convient d'apprécier si la société ABDM établit la réalité des fautes qu'elle invoque devant la cour et qu'elle invoquait dès la première instance.

Il apparaît ainsi que la société P&T a utilisé la dénomination sociale de l'appelante et que par ailleurs elle a utilisé les termes parking aéroport Bordeaux. Plus précisément et sans tenir compte d'éléments extérieurs à l'intimée pouvant procéder d'une relation d'un tiers ne lui étant pas imputable (articles de presse), la société P&T faisait apparaître sur son site les mentions " parking aéroport de Bordeaux ". Il était, sur certaines pages, fait référence au Code international d'identification de l'aéroport (BOD). La communication pouvait en outre faire apparaître la mention suivante le parking économique de votre aéroport.

Une telle communication était bien de nature à opérer une confusion dans l'esprit du public entre la société ABDM et la société P&T, laquelle par la communication qui était la sienne laissait entendre que son parking était un parking officiel de l'aéroport et non un parking exploité par une société distincte dans sa proximité immédiate. Si le principe est bien celui de la liberté de la concurrence, ce principe doit s'exercer sans recours à des mentions faisant naître un risque de confusion dans l'esprit du consommateur. Tel était bien le cas en l'espèce.

C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont fait injonction à la société P&T de cesser sans délai toute utilisation ou exploitation des expressions parking aéroport de Bordeaux, parking d'aéroport ou toute expression entretenant la confusion du consommateur sur le rattachement de l'activité à celle de l'aéroport de Bordeaux Mérignac. Contrairement aux affirmations des intimées, il ne saurait être soutenu qu'à la date où le tribunal s'est prononcé toute communication de ce type avait cessé puisqu'il est produit des captures d'écran, dont la date n'est pas spécialement contestée, qui font apparaître de telles mentions y compris pendant l'instance d'appel (pièces 36 et 74).

Il est également soutenu par l'appelante que son adversaire en faisant mention d'une navette gratuite a procédé à une affirmation trompeuse constitutive d'une vente avec prime revêtant un caractère déloyal au sens de l'article L. 121-35 (désormais 121-19) du Code de la consommation. Le tribunal a considéré que la navette ne pouvait pas être mentionnée comme gratuite mais que son prix était inclus dans le tarif du parking.

Il n'en demeure pas moins que pour qu'elle soit constitutive d'une vente avec prime prohibée, il faut qu'elle altère ou soit de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé à l'égard du bien ou du service concerné. Tel n'est pas le cas en l'espèce, dans la mesure où le service de navette entre le parking de la société P&T et l'aérogare ne peut pas, pour un consommateur, avoir un intérêt en lui-même. Indépendamment de la prestation de parking, le service de navette est dépourvu de toute attractivité alors qu'il est nécessaire à la prestation de parking puisqu'il ne peut être sérieusement envisagé que les utilisateurs, normalement pourvus de bagages, se rendent par leurs propres moyens dans l'aérogare située à quatre kilomètres selon les indications de l'appelante. Il n'est pas soutenu que le parking pourrait présenter une utilité pour des personnes ne se rendant pas à l'aéroport.

La mention de la gratuité de la navette ne constitue donc pas une vente avec prime prohibée et le jugement sera réformé en ce qu'il a fait injonction à la société P&T de cesser de s'en prévaloir. Cette mention de la gratuité ne peut davantage constituer un élément de concurrence déloyale.

Il est également invoqué par l'appelante une publicité par une comparaison trompeuse de tarifs pour des services non comparables. Le tribunal n'a pas retenu cet élément en considérant qu'il n'était pas possible de considérer que le concurrent visé était l'appelante ou d'autres sociétés.

Il est cependant produit un procès-verbal de constat ainsi que des captures d'écran, non spécialement contestées, du site internet et du compte twitter de la société P&T où il est mentionné notamment tarif préférentiel, payer moins cher le parking d'aéroport. Cette notion de tarif inférieur visait bien le parking de l'aéroport et non les parkings à proximité exploités par d'autres sociétés au regard en particulier des éléments retenus ci-dessus sur la confusion entretenue par la société P&T avec la société ADBM. Ces éléments, par leur généralité, ne respectent pas les dispositions de l'article L. 122-1 du Code de la consommation sur la publicité comparative en particulier quant à une comparaison objective de caractéristiques essentielles, pertinentes et vérifiables.

Si la mention de la gratuité de la navette n'est pas retenue, il résulte des autres éléments caractérisés ci-dessus que la société P&T a bien commis des actes constitutifs d'une concurrence déloyale à l'encontre de la société ABDM et caractérisant une faute au sens des dispositions de l'article 1240 du Code civil.

Subsiste la question essentielle du préjudice. Le tribunal a rejeté la demande en considérant que la société ADBM ne rapportait pas la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec les agissements de concurrence déloyale. La société P&T conclut à la confirmation de ce chef en considérant qu'aucun préjudice n'est caractérisé.

Si, conformément au droit commun de la responsabilité, c'est sur la société P&T que repose la charge de la preuve de la réalité et de l'étendue de son préjudice, il n'en demeure pas moins que dès lors qu'il est caractérisé des actes de concurrence déloyale, l'appelante rappelle à juste titre qu'il s'en infère nécessairement un trouble commercial générant un préjudice.

L'appelante a fait établir un rapport d'expertise par M. F., lequel a été établi à la demande d'une partie et en dehors de tout débat contradictoire. Contrairement aux affirmations de la société P&T, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats puisqu'il a été soumis à la libre discussion des parties. Il ne peut en revanche constituer le seul élément de preuve pour caractériser un préjudice. Il ne s'agit pas en l'espèce du seul document présenté à la cour puisqu'il s'agit d'une analyse de différents éléments en particulier comptables qui n'ont pas davantage à être écartés des débats mais dont la pertinence doit être appréciée.

Il y a donc lieu d'apprécier la pertinence de l'ensemble des éléments produits, comprenant l'analyse critique que la société P&T a fait établir par son expert-comptable.

La société ADBM soutient qu'elle n'a pas bénéficié dans les proportions attendues de l'augmentation du trafic passager de l'aéroport et estime que si l'ensemble des conséquences ne peut être imputé à la société P&T les actes de concurrence déloyale lui ont fait perdre une chance d'augmenter son chiffre d'affaires à proportion de 60 %. Elle en déduit un préjudice dont elle demande réparation à titre principal sur la base d'une perte de recettes et à titre subsidiaire sur la base d'une perte de marge.

Il apparaît tout d'abord que le préjudice ne saurait être envisagé sur la base d'une perte de recettes et donc de chiffre d'affaires puisque ceci ne peut caractériser le dommage qui ne pourrait résulter que d'une perte de marge.

Même sur cette base d'une perte de marge les chiffres avancés par la société ADBM ne peuvent être considérés comme pertinents. Outre le caractère non contradictoire du rapport de M. F., un certain nombre des critiques qui lui sont opposées par la société P&T sont justifiées. Ainsi, la société ADBM prétend à une corrélation entre l'augmentation du trafic passager et l'augmentation de la fréquentation de ses parkings, il résulte des chiffres qu'elle invoque dans ses écritures (p. 42) pour les années précédant l'implantation de la société P&T que cette corrélation n'est pas parfaite. L'analyse proposée prend en considération l'ensemble de la fréquentation des parkings P0, P2 et P4. Or, compte tenu de la configuration des lieux, c'est le parking P4 qui était le plus susceptible d'être atteint par les actes de concurrence déloyale alors qu'il a connu une augmentation sensible de sa fréquentation. Il y a lieu également de tenir compte de la possible saturation des parkings de la société ADBM. Celle-ci conteste cette éventualité en produisant des tableaux d'occupation qui constituent des documents unilatéraux et non vérifiables alors que la société P&T justifie de ce que l'appelante a ouvert en 2019 une extension du P4 proposant 900 places supplémentaires de stationnement, ce qui démontre à tout le moins qu'il existait une nécessité de places de stationnement. Enfin, même si l'appelante admet devoir raisonner en termes de perte de chance, elle ne saurait méconnaître qu'y compris en l'absence d'actes de concurrence déloyale, l'implantation de la société P&T ainsi que d'autres sociétés exploitant des parkings dits borduriers était susceptible d'avoir un impact sur son activité, ce qui ne constituerait pas un dommage indemnisable mais le jeu normal de la concurrence.

Pour l'ensemble de ces motifs, la cour ne peut retenir l'estimation du préjudice telle que proposée par l'appelante. Il ne s'en déduit pas comme le soutient à tort la société P&T qu'il n'existe aucun préjudice ou qu'il serait nécessaire de recourir à une expertise, qu'elle ne sollicite toutefois pas.

Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus un préjudice s'infère nécessairement d'actes de concurrence déloyale ne serait-ce que sous la forme d'un trouble commercial, notion expressément invoquée par l'appelante. Les actes retenus ci-dessus ont conféré à la société P&T un avantage concurrentiel indu. Les éléments comptables produits devant la cour permettent de déterminer les volumes d'affaires respectifs des sociétés. Ainsi pour les années 2014 et 2015, les seules pour lesquels l'appelante produise des éléments chiffrés, la société ABDM a enregistré des recettes d'environ 13 300 000 euros pour l'année 2014 et 16 900 000 euros pour l'année 2015 au titre de l'activité parcs de stationnement (extrait du compte 706440 annexé au rapport de M. F.). La production des comptes de la société P&T permet de constater, en excluant les comptes autres que 706100, puisque ces autres comptes sont rattachés à des activités étrangères au présent débat, un volume d'affaires entre 580 000 et 750 000 euros. Si, la société P&T ne donne pas de précisions quant au chiffre d'affaires généré par des activités annexes, il est cependant exact qu'elle ne se borne pas à proposer un stationnement mais que son offre commerciale comprend également des prestations complémentaires.

Compte tenu de ces éléments et de ces volumes d'activité, la cour est en mesure, sans recourir à une expertise, d'évaluer à 50 000 euros le préjudice subi par la société ADBM à raison du trouble commercial généré par les actes de concurrence déloyale.

Si la société ADBM a intimé également la société Park My Car Group, toute son argumentation est dirigée contre la société P&T exploitante du parking de sorte qu'elle sera seule condamnée au paiement de cette somme et le jugement réformé en ce sens.

Le jugement sera confirmé sur ses autres dispositions tenant aux frais et dépens dès lors que l'action de la société ADBM était bien fondée.

S'il est très partiellement fait droit à l'appel incident sur la notion de navette gratuite, il demeure que l'appel de la société ADBM est au principal bien fondé de sorte que la société P&T sera condamnée à lui payer une somme complémentaire de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ces motifs Confirme le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 15 janvier 2018 en ce qu'il a : - enjoint la société PT de cesser sans délai toute utilisation ou exploitation des expressions suivantes : " parking aéroport Bordeaux ", " parking d'aéroport ", " parking aéroport " ou de toute expression entretenant la confusion du consommateur sur le rattachement de l'activité à celle de l'aéroport de Bordeaux Mérignac et ceci, sur les supports visibles par le consommateur, - débouté la SA Aéroport de Bordeaux Mérignac de sa demande relative à l'activité de voiturier, - condamné la SARL Park & Trip au paiement de la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Déboute la SA Aéroport de Bordeaux Mérignac de sa demande au titre de la mention de la gratuité de la navette ; Condamne la SARL Park & Trip à payer à la SA Aéroport de Bordeaux Mérignac la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, Condamne la SARL Park & Trip à payer à la SA Aéroport de Bordeaux Mérignac la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Park & Trip aux dépens.