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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 12 mai 2020, n° 19-02556

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Suravenir Assurances (SA)

Défendeur :

Zurich Insurance Group Limited (Sté), Groupama Méditerranée (Sté), Sorenti (SARL), Brandt Appliances (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monge

Conseillers :

Mme Verrier, M. Maury

TGI Bordeaux, du 19 févr. 2016

19 février 2016

EXPOSÉ :

Le 10 avril 2008, un incendie a fortement endommagé, au point de le rendre inhabitable, le pavillon d'habitation dont Sylvie K. et Christophe C. étaient propriétaires à Arsac, en Gironde, assuré auprès de la compagnie Suravenir.

Un dépanneur étant venu la veille du sinistre réparer la chaudière, qui était fréquemment tombée en panne auparavant, les propriétaires ont soupçonné que celle-ci puisse être à l'origine de l'incendie et avec leur assureur, ils ont fait assigner par actes des 21 et 28 mai 2008 devant le juge des référés la société Geminox, fabricant de la chaudière, la société ELM Leblanc, chargée de son entretien, ainsi que l'organisme de contrôle Qualigaz.

Une ordonnance du 18 août 2008 a désigné en qualité d'experts M. M. et G., qui ont assez rapidement dédouanné la chaudière et suspecté le lave-linge de marque " Brandt " en fonctionnement dans le cellier au moment du sinistre.

Les consorts K.-C. et la société Suravenir ont alors fait assigner, par actes des 11 et 16 décembre 2008, la société Sorenti auprès de laquelle ils avaient acheté l'appareil le 22 septembre 2004, la société Brandt représentée par son liquidateur judiciaire la SCB B., ainsi que deux autres sociétés, LB Élec et Cobatri, et par ordonnance de référé du 16 février 2009, les opérations d'expertise leur ont été déclarées opposables.

Les deux experts ont déposé leur rapport respectivement le 10 avril et le 28 mai 2009.

Les conclusions attribuaient l'origine du sinistre à un dysfonctionnement du lave-linge.

Selon acte du 5 août 2009, la société Sorenti, vendeur du lave-linge, et son assureur, la société Groupama Sud, faisaient assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux la société Brandt Appliances, qui avait vendu le lave-linge litigieux à la société Altima auprès de laquelle Sorenti s'était elle-même fournie, afin de voir juger qu'elle devrait être condamnée à régler toute somme qu'elles-mêmes seraient tenues de débourser au titre du sinistre, et en tout état de cause afin de la voir condamner à les relever indemnes de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre.

Selon actes des 16 octobre et 2 décembre 2009, les consorts K.-C. et la société Suravenir faisaient assigner au fond devant le même tribunal de grande instance de Bordeaux les sociétés Sorenti et Groupama Sud afin de les voir solidairement condamner à payer

- aux consorts : 55 978,40 euros au titre des préjudices demeurés à leur charge

- à M. C. : 679 euros au titre du prix du lave-linge qu'il avait acheté

- à la compagnie Suravenir, subrogée dans les droits des consorts K.-C. : 367 840,40 euros correspondant aux indemnités d'assurance qu'elle leur avait réglées.

Les deux instances ont été jointes le 30 mars 2010.

La société Brandt Appliances a appelé dans la cause par acte du 21 mai 2010 la société de droit allemand Beko Deutschland GmbH en qualité de fabricant supposé du lave-linge.

Par ordonnance du 2 novembre 2010, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle mesure d'expertise, confiée aux mêmes experts M. et G., afin qu'ils procèdent au contradictoire des sociétés Brandt Appliances et Beko, non parties à leurs opérations initiales.

Les experts ayant constaté la présence, à l'intérieur du lave-linge, d'une plaque au nom de " Blomberg " paraissant désigner le constructeur, la société Brandt Appliances a appelé dans la cause selon acte du 4 mars 2011 la société de droit allemand Blomberg Werke GmbH, venant aux droits de la société Blomberg Werke, et par ordonnance du 31 janvier 2012, le juge de la mise en état a étendu à cette société la mission d'expertise ordonnée le 2 novembre 2010.

L'expert M. a déposé en date du 9 juillet 2012 son rapport contenant, en annexe, les conclusions techniques de M. G. et concluant que tous les indices confirmaient que l'incendie avait pris naissance sur la face avant de la machine à laver de marque " Brandt " mise en service environ 30 minutes avant le début de l'incendie.

La société Brandt Appliances ayant été placée en cours d'instance en redressement, puis en liquidation judiciaires, les sociétés Sorenti et Groupama Sud ont déclaré à son passif la créance de 443 911,42 euros qu'elles invoquaient à son encontre et ont attrait en la cause son administrateur judiciaire la société FHB et son liquidateur judiciaire la Selarl Christophe B. prise en sollicitant la fixation de leur créance pour 443 911,42 euros.

Les consorts K.-C. et la compagnie Suravenir Assurances ont alors dirigé aussi leurs demandes contre Brandt Appliances, par conclusions notifiées le 7 octobre 2013

Selon acte du 18 mars 2014, les sociétés Sorenti et Groupama Sud ont également appelé en garantie la société de droit irlandais Zurich Insurance Group Ltd prise en la personne de sa succursale française Zurich Insurance Public Ltd Company (la société Zurich Insurance PLC) afin de l'entendre condamner en sa qualité d'assureur de Brandt Appliances à les relever indemnes de toutes sommes qu'elles seraient contraintes de régler aux consorts K.-C. et à Suravenir, pour un montant non inférieur à 411 978,40 euros.

Les consorts K.-C. et la compagnie Suravenir ont alors dirigé aussi leurs demandes contre ladite compagnie Zurich Insurance PLC, par conclusions du 5 février 2015.

Devant le tribunal, les consorts K.-C. et la société Suravenir, subrogée dans leurs droits, ont déclarer fonder leur action d'une part, sur la responsabilité du fait des produits défectueux de l'article 1386-7 du Code civil, et d'autre part sur l'article 1147 du Code civil et sur la garantie des vices cachés de la chose vendue visée aux articles 1641 et suivants du Code civil.

Sorenti et Groupama Sud ont principalement sollicité leur mise hors de cause au motif que les demandeurs n'établissaient pas la responsabilité de Sorenti. Elles ont subsidiairement demandé à être relevées indemnes par Brandt Appliances in solidum avec son assureur la Zurich.

La société Brandt Appliances a conclu au principal au rejet des demandes dirigées contre elle au motif que la preuve que le lave-linge soit à l'origine de l'incendie ou qu'il ait été affecté d'un vice caché ou d'un défaut de sécurité n'était pas rapportée, et elle a subsidiairement demandé à être relevée indemne de toute condamnation par la société Blomberg Werke, constructeur de l'appareil.

La société Zurich Insurance a invoqué à titre principal la prescription de l'action dirigée contre elle. Elle a subsidiairement conclu à son rejet en soutenant que la preuve de l'implication du lave-linge dans l'incendie n'était pas rapportée ; elle a invoqué l'inopposabilité à son égard du rapport d'expertise judiciaire et sollicité sa mise hors de cause ; elle a subsidiairement demandé à être entièrement garantie par Blomberg Werke.

La société Beko GmbH a sollicité sa mise hors de cause et subsidiairement demandé à être relevée indemne par Brandt Appliances.

La société Blomberg GmbH, et les organes de la procédure collective de Brandt Appliances, la société FHB et la Selarl Christophe B.- n'ont pas comparu.

Par jugement du 19 février 2016, le tribunal de grande instance de Bordeaux a

Déclaré irrecevables les demandes fondées sur l'article 1147 du Code civil, au motif que les demandeurs ne pouvaient cumuler ce fondement avec celui tiré de la responsabilité du fait des produits défectueux qu'ils invoquaient

Rejeté la fin de non-recevoir tirée par la Zurich de la prescription au motif que l'action avait été engagée contre son assurée Brandt Appliances

- avant l'expiration du délai de cinq ans gouvernant la prescription de l'action en garantie du vice caché tendant à faire sanctionner l'inexécution par le vendeur d'une obligation contractuelle de sécurité

- et avant l'expiration du délai de trois ans gouvernant la prescription de l'action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux, compte-tenu des interruptions du délai induites par les différentes procédures de référé

Déclaré irrecevable la demande des consorts K.-C. et de Suravenir à l'encontre des sociétés Sorenti, Groupama Sud, Brandt Appliances et Zurich Insurance PLC sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, au motif que le producteur ayant été identifié, en la personne de la société Blomberg GmbH, c'est uniquement contre celle-ci que les demandeurs devaient agir sur ce fondement

Débouté les consorts K.-C. et la société Suravenir de leurs demandes fondées sur les articles 1641 et suivants du Code civil au motif que la preuve d'un défaut du lave-linge n'était pas établie avec certitude, et qu'à tenir même le vice pour établi, il n'était pas prouvé qu'il existait au moment de la vente

Mis hors de cause la société Beko au motif qu'elle n'était pas le fabricant de l'appareil

Condamné aux dépens les consorts K.-C. et la société Suravenir.

Les consorts K.-C. et la société Suravenir ont relevé appel le 11 mars 2016 et intimé la société Sorenti, la société Blomberg Werke, la société Brandt Appliances ainsi que les organes de sa procédure collective les Selarl FHB et Christophe B., la société Zurich Insurance PLC et la société Groupama Sud devenue Crama du Sud.

Devant la cour, les consorts K.-C. et Suravenir ont sollicité la condamnation solidaire de la société Sorenti, de son assureur Groupama Sud, de la société Blomberg et de la société Zurich Insurance PLC en qualité d'assureur de Brandt Appliances à payer

- la somme indexée de 55 978,40 euros à Sylvie K. et Christophe C.

- celle indexée de 367 840,40 euros à Suravenir subrogée dans les droits de ses assurés.

Par arrêt du 18 avril 2017, la cour d'appel de Bordeaux a

Confirmé le jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes fondées sur l'article 1147 du Code de procédure civile sauf à rectifier pour dire qu'il s'agit du Code civil, et en ce qu'il avait mis hors de cause la société Beko Deutschland GmbH

Infirmé le surplus du jugement, et statuant à nouveau :

- dit que la société Blomberg Werke et la société Brandt Appliances étaient responsables des dommages causés par l'incendie causé par la défectuosité du lave-linge de marque Brandt fabriqué par Blomberg Werke et importé par Brandt Appliances qui a apposé la marque Brandt

- condamné solidairement la société Blomberg Werke et la société Zurich Insurance PLC en qualité d'assureur de Brandt Appliances à verser

- 55 978,40 euros à Sylvie K. et Christophe C.

- 356 000 euros à Suravenir

- déclaré irrecevables les demandes de Zurich Insurance PLC envers Blomberg Werke

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes fondées sur la garantie des vices cachés ni sur les demandes de relevé indemne formées par la société Groupama

- condamné en application de l'article 700 du Code de procédure civile

- Suravenir Assurances à verser 1 000 euros à la Selarl Chr. B. ès qualités

- Zurich Insurance et Blomberg, solidairement, à verser 3 000 euros à Suravenir

- Zurich Insurance PLC à verser 2 500 euros à Groupama Sud

- condamné Suravenir aux dépens de première instance incluant les frais d'expertise

- condamné solidairement Blomberg Werke et Zurich Insurance PLC aux dépens d'appel.

Sur pourvoi principal de la société Zurich Insurance PLC et pourvoi incident des consorts K.-C. et de la société Suravenir la Cour de cassation a, par arrêt du 13 juin 2019

Déclaré irrecevable le pourvoi incident selon lequel les consorts K.-C. et la société Suravenir faisaient grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes formées à l'encontre de la société Sorenti et de son assureur Groupama Méditerranée (venant aux droits de Groupama Sud) sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, au motif qu'en dépit de la formule générale du dispositif qui " déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ", l'arrêt n'avait pas statué sur ces demandes, dès lors qu'il ne résultait pas de ses motifs que la cour les ait examinés, de sorte qu'il s'agissait d'une omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du Code de procédure civile

Cassé et annulé l'arrêt rendu le 18 septembre 2017 mais seulement en ce qu'il a condamné la société Zurich Insurance PLC en qualité d'assureur de la société Brandt Appliances à verser à Mme K. et M. C., ensemble, la somme de 55.978,40 euros et à la société Suravenir la somme de 356 000 euros, et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes présentées par Mme K., M. C. et la société Suravenir à l'encontre de la société Sorenti et son assureur la société Groupama Méditerranée au titre de la garantie des vices cachés, et remis sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt, en les renvoyant devant la cour d'appel de Poitiers

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la Selarl Christophe B. prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Brandt Appliances, la société Sorenti et la société Groupama Méditerranée.

Pour statuer ainsi, la Haute juridiction a dit qu'en énonçant, pour condamner la société Zurich en qualité d'assureur de Brandt Appliances à payer diverses sommes à Mme K., M. C. et Suravenir, que le point de départ du délai de la prescription prévue par l'article 1386-17 du Code civil était la date à laquelle le demandeur avait eu connaissance du dommage, du défaut ou de l'identité du producteur ; que ce point de départ était en l'espèce le 9 novembre 2008 date à laquelle l'expert avait mis en cause le lave-linge ; et que l'action des consorts K.-C. et de Suravenir contre la société Zurich était recevable dès lors qu'elle avait été engagée par actes des 16 octobre et 2 décembre 2009, la cour d'appel avait violé l'article 4 du Code de procédure civile en modifiant les termes du litige, dès lors que dans leurs conclusions d'appel, Mme K., M. C. et Suravenir expliquaient que les assignations des 16 octobre et 2 décembre 2009 avaient été délivrées à la société Sorenti et à son assureur Groupama et qu'ils ne faisaient référence à aucune assignation du même jour délivrée à la société Zurich.

La Cour de cassation a également cassé l'arrêt pour défaut de base légale au visa de l'article 1641 du Code civil et du principe selon lequel chacun des coresponsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, en jugeant que pour dire n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de Mme K., M. C. et la société Suravenir formées à l'encontre de la société Sorenti et son assureur Groupama sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'arrêt, après avoir relevé que la responsabilité du fabricant et de l'importateur était solidairement engagée en raison de la défectuosité du produit acheté neuf en 2004, se bornait à énoncer qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les demandes formées sur ce fondement dès lors qu'il était fait droit à la demande formée au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux, alors que les demandeurs avaient intérêt à agir contre chacun des coresponsables du dommage, et que la cour devait rechercher si la société Sorenti en sa qualité de vendeur n'avait pas engagé sa responsabilité sur le fondement des vices cachés en application de l'article 1641 du Code civil et si son assureur, Groupama, ne devait pas sa garantie à ce titre.

Mme K., M. C. et la société Suravenir ont saisi la cour de céans par déclaration du 22 juillet 2019, et la société Zurich Insurance PLC par déclaration du 8 août 2019, les deux procédures ayant été jointes par ordonnance du 10 octobre 2019.

La SAS Brandt Appliances, non comparante, a été assignée par acte du 10 octobre 2019 délivré à étude.

La SARL Sorenti, également non comparante, n'a pu être assignée, l'huissier de justice instrumentaire ayant dressé le 4 octobre 2019 un procès-verbal de difficulté consignant qu'elle ne dispose plus d'établissement à l'adresse désignée et qu'il ressort de l'extrait Kbis qu'il a levé qu'elle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire qui a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 22 février 2016 et que le liquidateur judiciaire, dessaisi, lui a indiqué refuser de recevoir l'acte.

Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l'article 954 du Code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique

Le 18 septembre 2019 par Mme K., M. C. et la société Suravenir

Le 3 décembre 2019 par la Selarl FHB et la Selarl Chr B. ès qualités

Le 6 décembre 2019 par la société Zurich Insurance

Le 9 décembre 2019 par la Crama Méditerranée venant aux droits de Groupama Sud.

Mme K., M. C. et la société Suravenir indiquent que le litige dévolu à la cour d'appel de Poitiers sur renvoi de cassation ne concerne pas l'application de la législation sur les produits défectueux à l'encontre de la société Sorenti et de son assureur Groupama Sud, laquelle fera l'objet d'une saisine de la cour d'appel de Bordeaux dans le cadre d'une requête en omission de statuer.

Affirmant rester recevables à agir contre Sorenti et son assureur Groupama sur le fondement de la garantie des vices cachés quand bien même ils ont aussi invoqué la responsabilité du fait des produits défectueux contre d'autres, ils soutiennent que l'existence d'un tel vice est établie en l'espèce par les conclusions des experts sur la défaillance du lave-linge, et qu'il s'agit bien d'un vice caché existant au moment de la vente, lesdits experts incriminant le bandeau de commande de l'appareil, qui n'avait jamais été modifié ou changé.

Les demandeurs recherchent aussi la responsabilité de la société Brandt Appliances et la garantie de l'assureur de celle-ci Zurich Insurance sur le fondement de la garantie du fait des produits défectueux, en indiquant que Brandt Appliances était l'importateur du lave-linge et qu'ils conservent un intérêt à agir ainsi bien qu'ils aient obtenu la condamnation du fabricant Blomberg Werke et que cette condamnation soit désormais définitive, dès lors qu'il s'avère que cette société allemande est devenue une " coquille vide ". Ils soutiennent que l'importateur répond du défaut de sécurité de l'appareil, qui est avéré au vu de l'expertise. Ils récusent toute prescription de leur action envers Zurich Insurance en indiquant que le point de départ du délai de trois ans courait à compter du moment où ils ont su que Brandt Appliances était l'importateur du lave-linge, à savoir lorsqu'une jonction eut lieu entre la procédure qu'ils avaient eux-mêmes intentée contre Sorenti et Groupama Sud et la procédure intentée par ceux-ci contre Brandt Appliances, soit le 30 mars 2010, et ils soutiennent que le délai a ensuite été interrompu par l'ordonnance du 2 novembre 2010 ayant institué une expertise au contradictoire de Brandt Appliances, puis par la mise en cause de Zurich Insurance par Sorenti et Groupama selon acte du 18 mars 2014, de sorte que l'action n'était nullement prescrite lorsqu'ils ont notifié le 5 février 2015 des conclusions demandant la condamnation de l'assureur.

Ils demandent ainsi à la cour de condamner solidairement Groupama Méditerranée et Zurich Insurance à verser les sommes suivantes indexées sur l'indice BT01 valeur 28 mai 2009 :

- 55 978,40 euros à Sylvie K. et Christophe C.

- 356 000 euros à Suravenir

Outre 15 000 euros d'indemnité de procédure.

La Selarl FHB en qualité d'ancien administrateur judiciaire de l'entreprise Brandt Appliances sollicite sa mise hors de cause en indiquant que la société a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 15 avril 2014 qui a mis fin à sa mission.

La Selarl Chr. B. en qualité de liquidateur judiciaire de la société Brandt Appliances, soutient que la responsabilité de celle-ci ne peut être engagée puisqu'elle n'est, comme Sorenti, qu'un intermédiaire et non pas le fabricant du matériel, lequel a été identifié. Elle affirme que l'article 1386-7 du Code civil, dans sa rédaction applicable au litige, fait obligation à la victime du défaut d'agir contre le producteur lorsqu'il est identifié, et lui interdit d'agir aussi cumulativement contre un fournisseur professionnel simple intermédiaire, et elle observe que les demandeurs ont agi contre le fabricant, Blomberg Werke, et ont obtenu sa condamnation par un chef de décision qui est définitif. Elle demande à la cour de mettre hors de cause la société Brandt Appliances et de lui allouer 5 000 euros d'indemnité de procédure.

La société Zurich Insurance demande à la cour de juger prescrite l'action des consorts K.-C. et de Suravenir à son encontre. Elle relève qu'il n'y a pas à épiloguer sur le point de départ du délai puisque la Cour de cassation a indiqué qu'il se situait au 9 novembre 2008, date à laquelle l'expert avait mis en cause le lave-linge. Elle conteste l'argumentation des demandeurs selon laquelle c'est la jonction des deux instances prononcée le 30 mars 2010 qui leur aurait révélé que Brandt Appliances était l'importateur du lave-linge, en soutenant que toutes les parties l'avaient su par cette note expertale du 9 novembre 2008. Elle indique que le délai de prescription de l'action directe du tiers lésé contre l'assureur étant celui de droit commun de trois ans, il expirait donc théoriquement le 9 novembre 2012 ; qu'un an et sept jours avaient couru lorsque le délai a été suspendu le 2 novembre 2010 par l'ordonnance du juge de la mise en état ordonnant une nouvelle expertise au contradictoire de Brandt Appliances et Beko GmbH, puis qu'il a recommencé à courir à compter du 13 juillet 2012, date de dépôt du rapport, pour expirer donc le 20 juillet 2013 ; et que l'action des demandeurs est ainsi irrecevable puisqu'ils n'ont formulé leurs demandes à son encontre que le 5 février 2015. Ils ajoutent que l'assignation que Sorenti et Groupama Sud lui avaient fait délivrer le 18 mars 2014 n'a eu d'effet interruptif qu'à leur égard, et pas au profit des consorts K.-C. et de Suravenir.

À titre subsidiaire, la société Zurich Insurance conclut à l'irrecevabilité de la demande dirigée contre elle en objectant au visa de l'article 1245-6 du Code civil que lorsque le fabricant a été désigné, comme c'est le cas en l'espèce, l'action doit être dirigée à son encontre, et elle ajoute que Brandt Appliances n'est pas la fabricant du lave-linge puisque la plaque apposée sur l'appareil a montré qu'il s'agissait de Blomberg Werke ; qu'elle n'en était pas non plus l'importateur puisqu'il avait été fabriqué dans l'union européenne.

S'agissant du fondement tiré d'un vice caché, la société Zurich Insurance observe que les consorts K.-C. et la société Suravenir n'ont jamais formé de demandes de condamnation de la société Brandt Appliances et d'elle-même sur ce fondement, de sorte que la cour n'est pas saisie d'une action à ce titre.

S'agissant de la prétention subsidiaire en garantie articulée à son encontre par la compagnie Groupama pour le cas où celle-ci serait condamnée sur ce fondement, la société Zurich Insurance soutient au visa de l'article 638 du Code de procédure civile que la cour d'appel, cour de renvoi, n'est pas saisie de ce point, non inclus dans le périmètre du renvoi sur cassation. Subsidiairement, si la cour s'en estimait néanmoins saisie, elle invoque la prescription de cette demande au motif que Groupama comme Sorenti devaient agir contre elle en application de l'article 1642-1 du Code civil dans les deux ans du dépôt du rapport d'expertise intervenu le 28 mai 2009 soit au plus tard le 28 mai 2011 alors qu'ils ont formulé leurs demandes contre elle par assignation du 18 mars 2014. À titre plus subsidiaire, elle conclut au rejet de la demande au motif que les conclusions du rapport d'expertise du 9 juillet 2012 ne lui sont pas opposables ; qu'elles sont tirées de constatations contenues dans le précédent, déposé le 28 mai 2009, qui ne sont pas contradictoires à l'égard de Brandt Appliances ni d'elle-même, dont les coordonnées figuraient pourtant sur la facture et qui ont été soigneusement tenues à l'écart des opérations d'expertise par toutes les parties ; et que ces conclusions ne permettent au demeurant pas d'attribuer avec certitude le sinistre au lave- linge, alors qu'il y avait d'autres appareils, et qu'aucune investigation n'a été faite sur les raccordements.

Elle réclame en toute hypothèse 10 000 euros d'indemnité de procédure.

La mutuelle Crama Méditerranée venant aux droits de Groupama Sud, invoque l'irrecevabilité des demandes formulées à son encontre sur le fondement de la garantie du vice caché par les consorts K.-C. et la société Suravenir, aux motifs que ceux-ci ne peuvent cumuler leur action avec celle fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux qu'en établissant que le dommage résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit ce qui n'est pas le cas en l'espèce, où par ce bais du vice caché, les demandeurs tentent pareillement de faire sanctionner un prétendu défaut de sécurité du lave-linge.

Subsidiairement, elle conclut au rejet de la demande au motif que la preuve d'un vice du produit n'est pas rapportée, et encore moins celle de son antériorité à la vente, et elle fait valoir, à cet égard, que l'expert a conclu que la cause précise de la mise à feu du bandeau du lave-linge ne peut être déterminée ; et que les consorts K.-C. ont utilisé sans incident l'appareil pendant quatre années.

Elle conteste pouvoir être tenue à garantie au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux, en objectant que le fabricant a été identifié en la personne de la société Blomberg, aux droits de laquelle vient Beko Deutschland, qu'auparavant, Brandt Appliances, qui a apposé sa marque sur l'appareil et doit être assimilée au producteur, avait d'emblée était identifiée ; que toutes deux ont été attraites aux opérations d'expertise et recherchées ; et que son assurée Sorenti ne peut donc être recherchée elle-même.

Subsidiairement, elle considère que le défaut de sécurité du lave-linge n'est pas démontré.

Encore plus subsidiairement, elle conteste dans la demande la somme de 11 840 euros correspondant aux honoraires des experts privés mandatés par Suravenir, et elle fait valoir que Suravenir récupère la TVA, de sorte qu'elle ne peut prétendre qu'à 320 400 euros HT.

Si une condamnation était néanmoins prononcée à son encontre, elle demande à la cour de condamner alors la compagnie Zurich Insurance à l'en relever indemne en faisant valoir

- que sa demande est recevable sur la garantie du vice caché car elle a assigné Brandt Appliances dans les deux ans où elle avait été elle-même et son assurée Sorenti assignée par les demandeurs, et qu'elle a assigné Zurich Insurance le 18 mars 2014 dans les deux ans du dépôt du rapport du 9 juillet 2012 qui seul était opposable à Brandt Appliances, le délai de prescription n'ayant pas couru à compter du premier rapport qui, lui, ne l'était pas

- que sa demande est recevable sur le fondement de la garantie du fait des produits défectueux, comme l'a jugé le tribunal, puisque les experts avaient soupçonné le lave-linge dans une note du 2 novembre 2008 et qu'avec son assurée Sorenti elle a assigné Brandt Appliances les 5 août 2009

- que le rapport d'expertise du 9 juillet 2012 est bien opposable à Brandt Appliances, à laquelle le juge de la mise en état avait étendu par ordonnance du 2 novembre 2010 les opérations d'expertise et qui a participé à la réunion du 20 janvier 2011 où le lave-linge a été examiné en l'étude de l'huissier de justice Casimiro

- qu'en l'absence de fraude de l'assurée, qui a pu discuter ce rapport, il est opposable à l'assureur.

Elle réclame en toute hypothèse 10 000 euros d'indemnité de procédure.

L'ordonnance de clôture est en date du 6 janvier 2020.

Il est statué par défaut, en application de l'article 474, al 2 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'action dirigée par les consorts K.-C. et la société Suravenir contre la société Brandt Appliances et son assureur la société Zurich Insurance PLC sur le fondement de la garantie du fait des produits défectueux

Il échet en préalable de mettre hors de cause la Selarl FHB, nommée administrateur judiciaire de l'entreprise Brandt Appliances du temps où celle-ci se trouvait en redressement judiciaire, et dont la mission a pris fin en vertu du jugement consulaire du 15 avril 2014 qui a converti la procédure collective en liquidation judiciaire.

Les consorts K.-C. et la société Suravenir agissent à l'encontre de Zurich Insurance PLC, assureur de la société Brandt Appliances, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux prévue aux articles 1386-7 et suivants du Code civil.

La compagnie Zurich invoque la prescription de l'action dirigée contre elle, et les appelants concluent sur ce moyen tant à son égard qu'à l'égard de Brandt Appliances (cf. leurs conclusions page 14).

Selon l'article 1386-17du même Code, devenu 1245-16, l'action en réparation fondée sur ces dispositions se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Ce délai gouverne aussi le régime de prescription de l'action du demandeur contre l'assureur du responsable.

La société Zurich Insurance PLC n'est pas fondée à prétendre que la Cour de cassation aurait jugé que le point de départ de ce délai s'établirait au 9 novembre 2008, date à laquelle l'expert judiciaire a mis en cause le lave-linge, alors que cette mention figure dans sa citation de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux qu'elle censure dans le paragraphe suivant, où c'est alors elle qui s'exprime et où elle ne dit rien de tel ni ne reprend à son compte cette position, mais juge seulement qu'aucune des deux assignations regardées par la cour d'appel comme interruptives du cours de la prescription n'avait été délivrée à la Zurich.

Or à cette date du dépôt de ce rapport, les consorts K.-C. et la société Suravenir savaient certes que l'expert judiciaire imputait l'incendie au lave-linge, mais ils ne connaissaient pas l'identité du producteur, condition requise cumulativement par le texte susvisé.

Le rapport indiquait en effet seulement que l'appareil était de marque " Brandt ", sans fournir aucune information sur son fabricant ni son importateur, au point que dans cette ignorance, les demandeurs, se fiant à ce qui n'était qu'une marque, ont d'abord assigné une société Brandt qui s'est révélée dépourvue d'existence juridique pour cause de clôture de sa procédure de liquidation judiciaire.

La première mention de la société Brandt Appliances -à la personnalité juridique distincte de celle de cette société Brandt- n'apparaît, chronologiquement, dans les productions, que dans l'acte du 5 août 2009 par lequel la société Sorenti et son assureur Groupama Sud l'assignaient devant la juridiction du fond en demandant qu'elle soit condamnée à les relever indemnes de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, cet acte énonçant que dans leur rapport déposé le 28 mai 2009 les experts judiciaires -dont les opérations avaient été étendues en référé par ordonnance du 16 février 2009 à Sorenti et d'autres personnes- venaient d'imputer l'incendie du pavillon au lave-linge, et indiquant que la société Sorenti avait vendu ce lave-linge aux consorts K.-C. après l'avoir acheté à une société Altima qui l'avait elle-même acquis de Brandt Appliances conformément à une facture du 31 mai 2004 jointe à cette assignation sous bordereau de pièce n° 3.

Mais rien n'établit -en l'état des contestations des intéressés, et alors qu'ils n'étaient pas eux-mêmes parties à l'instance ouverte par cette assignation- que les consorts K.- C. et la société Suravenir aient eu alors connaissance de ces indications et de cette pièce propres à les éclairer sur l'identité du producteur ou de l'importateur son substitué, et il n'est pas démontré qu'ils en aient été informés avant que cette instance ne soit jointe, par ordonnance du juge de la mise en état du 30 mars 2010, avec celle qu'ils avaient entre-temps introduite eux-mêmes devant la même juridiction par assignations des 16 octobre et 2 décembre 2019 contre Sorenti et Groupama Sud.

C'est ainsi à la date de cette jonction, par laquelle ils purent découvrir les actes - dont l'assignation du 5 août 2009 à Brandt Appliances - et les pièces - dont la facture du 31 mai 2004 - que les consorts K.-C. et la société Suravenir doivent être regardés comme ayant eu connaissance de l'identité de l'importateur du lave-linge et, cumulant la connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur au sens requis par l'article 1386-7, comme ayant été à même d'agir sur le fondement de ce texte à l'encontre de Brandt Appliances en qualité d'importateur ne leur ayant pas révélé l'identité du producteur dans le délai de trois mois prévu audit article.

Le délai triennal de prescription a ainsi couru à compter du 30 mars 2010.

Contrairement à ce qui est soutenu, le délai n'a pas été suspendu ou interrompu par la saisine sur incident du juge de la mise en état en vue d'instituer une nouvelle expertise au contradictoire de Brandt Appliances, ni par l'ordonnance du 2 novembre 2010 par laquelle ce magistrat a fait droit à cette demande et désigné les mêmes techniciens.

En effet, l'article 2239 du Code civil dispose que la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction " avant tout procès ", soit donc essentiellement en référé sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, alors que l'expertise instituée le 2 novembre 2010 l'était dans le cadre d'un procès, et même de deux procès puisque la jonction ordonnée le 30 mars 2010 avait laissé subsister les liens de deux instances distinctes, l'une opposant Sorenti et Groupama Sud à Brandt Appliances sur assignation au fond du 5 août 2009, et l'autre opposant les consorts K.-C. et Suravenir à Sorenti et Groupama Sud selon assignations des 16 octobre et 2 décembre 2009.

Les consorts K.-C. et la compagnie Suravenir n'ayant ni assigné la société Brandt Appliances et la Zurich dans le délai de trois ans ouvert le 30 mars 2010, ni conclu sur le fond à leur encontre, alors qu'ils connaissaient depuis cette date le dommage, le défaut et l'identité du réputé producteur, le délai de prescription était donc expiré

Contre Brandt Appliances lorsqu'ils ont formulé pour la première fois une demande à son encontre dans des conclusions notifiées le 7 octobre 2013

Et contre la Zurich Insurance PLC lorsqu'ils ont formulé pour la première fois une demande à son encontre par conclusions du 5 février 2015.

Les consorts K.-C. et la société Suravenir sont donc irrecevables en leur action contre la société Zurich Insurance PLC, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur l'action dirigée par les consorts K.-C. et la société Suravenir contre la Crama Méditerranée sur le fondement de la garantie des vices cachés due par le vendeur

Sur la recevabilité, déniée, de cette action

La caisse Crama Méditerranée soutient -notamment en référence à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et d'un arrêt de la Cour de cassation Première chambre civile du 10 décembre 2014 n° 13-14314- que l'acheteur ne peut se prévaloir d'un régime de responsabilité distinct du régime de responsabilité du fait des produits défectueux que s'il établit que le dommage résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit en cause, et elle affirme que par le biais de l'action en garantie des vices cachés, c'est également un défaut de sécurité que l'acheteur cherche à faire sanctionner.

Mais les demandeurs ne cumulent pas deux actions dirigées contre une même personne sur des fondements différents : ils cumulent une action fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux à l'encontre du producteur (Blomberg Werke, dont ils ont définitivement obtenu la condamnation) et de l'importateur qui ne leur a pas dénoncé le producteur (Brandt Appliances, ce en quoi ils viennent d'être jugés irrecevables), et une action en garantie du vice caché dirigée contre l'assureur de Sorenti le vendeur du lave-linge.

De plus, le vice caché est distinct du défaut de sécurité.

Et dans son arrêt du 13 juin 2019, la Cour de cassation a dit en la présente instance au visa de l'article 1641 du Code civil et du principe selon lequel chacun des coresponsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, que Mme K., M. C. et la société Suravenir avaient intérêt à agir contre chacun des coresponsables du dommage et qu'ils étaient en droit de voir rechercher si la société Sorenti en sa qualité de vendeur n'avait pas engagé sa responsabilité sur le fondement de la grantie des vices cachés en application de l'article 1641 du Code civil, et si son assureur, la société Groupama Sud -devenue Crama Méditerranée- ne devait pas sa garantie à ce titre.

Il sera ajouté que la condamnation d'un responsable d'un dommage à le réparer ne prive pas la victime d'intérêt à agir contre les autres responsables du même dommage, tant qu'elle n'a pas reçu effectivement réparation (cf. Cass. Civ. 1re 20.06.2000 P n° 97-22660), or les appelants indiquent sans être contredits ou réfutés n'avoir pu recevoir aucune réparation de la société de droit allemand Blomberg Werke dont ils ont obtenu la condamnation, indiquant n'avoir pu exécuter la décision à son encontre car elle s'est avérée une véritable " coquille vide "

Sur le bien ou mal fondé de cette action

Il n'est pas discuté, et établi en tant que de besoin par la facture d'achat (leur pièce n° 5) que les consorts K.-C. avaient acheté le lave-linge le 16 septembre 2004 à la société Sorenti.

Aux termes de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Après avoir formellement exclu que la chaudière initialement suspectée soit impliquée dans l'incendie, les experts judiciaires Rémy M. et Xavier G. ont conclu dans le rapport déposé le 28 mai 2009 - qui est opposable à la société Sorenti, partie aux opérations - que l'ensemble des indices désigne le lave-linge " Brandt " en fonctionnement comme étant à l'origine de la mise à feu du cellier.

M. M. indique (cf. page 10) que cet engin acheté en septembre 2004 n'était pas en fin de vie, et conclut : " il est manifeste que les désordres sont dus à la défaillance de cet appareil ".

Ces conclusions procèdent de constatations et analyses circonstanciées et détaillées, mettant en lumière des convergences des lignes de feu désignant un foyer sur la face avant de la machine, les particularités de la combustion des matériaux et la présence de perlages électriques au droit de la machine.

À nouveau désignés dans le cadre d'une expertise étendue à d'autres parties, mais à laquelle les sociétés Sorenti et Groupama Sud étaient évidemment parties, ces deux techniciens ont précisé dans leur rapport du 9 juillet 2012 que le foyer de l'incendie se situait sur le bandeau plastique de la face avant du lave-linge.

Ces conclusions sont-elles-aussi argumentées et convaincantes.

Elles sont fondées sur une élimination des autres causes d'incendie, et sur une observation positive du foyer, localisable dans ce bandeau du lave-linge.

Conformément à ce qui avait été prévu et annoncé au printemps 2009 à l'issue de l'examen des experts avec l'accord du conseil de la société Sorenti (cf. rapport page 11), l'appareil, a été retiré tel quel des décombres par des déménageurs agissant sur instructions d'un huissier de justice, qui en a dressé procès-verbal avec photos à l'appui, puis conservé par cet officier public ministériel dans des conditions ménageant son intégrité dans des locaux où il a ensuite été examiné par l'expert sans réserves.

Même si l'appareil avait été saisi sans ses éléments de raccordement, comme le consigne le technicien, il n'existe aucun motif de considérer que ses branchements ou plus généralement que le câblage soient en cause, le technicien ayant localisé le foyer sur le bandeau de commande et noté que seule cette partie présentait des stigmates de corrosion bien particuliers, étant relevé que la société Sorenti, représentée à la première expertise, avait été mise à même d'examiner son environnement, et que spécialement interrogé par voie de dire sur ce point, M. G. a maintenu ses conclusions.

Celles-ci sont convaincantes et n'ont pas été réfutées.

Il n'existe aucun indice en faveur d'une incidence causale de l'utilisation de l'appareil ou de son ancienneté

Les éléments recensés par les experts caractérisent la preuve d'un défaut de l'appareil qui, tel qu'il était situé, au niveau du bandeau de commande où l'utilisation n'est pas en cause, et tel qu'il s'est manifesté, ne peut qu'avoir existé, en germe, dès le moment de la vente, et qui constitue donc un vice caché au sens de l'article 1641 susdit.

La responsabilité du vendeur, Sorenti, est donc engagée.

Devant cette cour, les demandeurs ne formulent aucune demande contre la société Sorenti, dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 22 février 2016, et qui n'a pu être assignée.

La mutuelle Crama Méditerranée, qui a participé aux opérations d'expertises, qui ne dénie pas sa garantie à son assurée Sorenti, et qui n'oppose aucun moyen tiré du contrat d'assurance aux appelants, est tenue de garantir cette responsabilité avérée de Sorenti.

Les indemnités principales sollicitées par les appelants sont conformes aux évaluations, non contredites, des experts judiciaires dégagées au vu de justificatifs et de devis de remise en état probants. Deux contestations formulées par l'intimée doivent toutefois être examinées.

La somme de 367 840 euros réclamée par la société Suravenir correspond à hauteur de 356 000 euros à l'indemnité TTC qu'elle justifie avoir réglée à ses assurés consécutivement au sinistre, et dont ceux-ci lui ont délivré quittance subrogative, et à hauteur de 11 840,40 euros à des frais d'expertise unilatérale qu'elle a exposés.

Celle de 55 978,40 euros correspond à la part du dommage avérée mais non prise en charge par la Crama et restée à la charge des consorts K.-C..

La caisse Crama Méditerranée est fondée à refuser de supporter le coût de l'expertise unilatérale, d'autant que des experts judiciaires étaient désignés, et ce poste peut seulement relever éventuellement du champ d'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle n'est, pour le reste, pas fondée à prétendre déduire la TVA des autres sommes, alors qu'il s'agit non d'indemnités versées à des sociétés qui récupèreraient cette taxe, mais d'une indemnité de sinistre déboursée par les consorts K.-C., simples particuliers, soit eux-mêmes soit pour leur compte par leur assureur, subrogé à due concurrence dans leurs droits, afin de faire réparer leur maison incendiée et remplacer les équipements et mobiliers détruits.

La caisse Crama Méditerranée sera donc, par infirmation du jugement, condamnée à verser à la société Suravenir, subrogée dans les droits de ses assurés, la somme de 356 000 euros TTC, et aux consorts K.-C. celle de 55 978,40 euros.

La créance de l'assureur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une somme d'argent. Il en résulte que les intérêts sont dus à l'assureur subrogé à compter de la mise en demeure, soit l'assignation du 16 octobre 2009 en l'absence d'autre acte de sommation, et que la société Suravenir, qui a déjà financé en 2009 la réparation de l'immeuble sinistré, n'est pas fondée à solliciter que sa créance soit indexée sur l'indice BT 01 de la construction.

S'agissant des intérêts assortissant la créance des consorts K.-C., ils courent à compter de l'assignation en l'absence de production d'une mise en demeure antérieure, et faute d'explications et de justificatifs sur la nature -qui n'est pas nécessairement immobilière- des postes de dommages restés à leur charge parce que non indemnisés par leur assureur, il n'y a lieu d'indexer la somme allouée sur l'indice BT01 du coût de la construction.

Sur la demande en garantie formée par la caisse Crama Méditerranée contre la société Zurich Insurance PLC

Sur le moyen tiré par la compagnie Zurich de l'article 638 du Code de procédure civile et du périmètre du renvoi sur cassation

La société Zurich Insurance PLC n'est pas fondée à soutenir que l'article 638 du Code civil ferait obstacle à ce que la présente cour de renvoi connaisse de cette demande en garantie, alors qu'il ne s'agit aucunement d'un chef de décision non atteint par la cassation prononcée, l'arrêt du 13 juin 2019 de la Haute juridiction ayant cassé l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en ce qu'il avait dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande des consorts K.-C. et de Suravenir à l'encontre des sociétés Brandt Appliances et Zurich au titre de la garantie des vices cachés, qui est donc en débat céans, y compris avec la demande en garantie qui en est l'accessoire et sur laquelle l'arrêt cassé n'avait, par hypothèse, point statué.

Sur la fin de non-recevoir tirée par la Zurich de la prescription de l'action en garantie

La compagnie Zurich invoque la prescription de cette action en garantie au motif que les sociétés Sorenti et Groupama, devenue Crama, devaient conformément à l'article 1648 du Code civil l'assigner dans les deux ans du dépôt du rapport des experts judiciaires intervenu le 28 mai 2009 et qu'elles n'en auraient rien fait.

La Crama répond que le délai de prescription est celui de trois ans pour agir contre l'importateur assimilé au producteur, et que ce délai n'a couru qu'à compter du 30 mars 2010 jour de l'ordonnance de jonction, et qu'il a ensuite été interrompu par l'ordonnance du 2 novembre 2010 puis les conclusions notifiées le 7 octobre 2013.

Recherchée sur le fondement de la garantie du vice caché due par le vendeur son assurée Sorenti, la Crama indique exercer son action en garantie envers la société Brandt Appliances sur le double fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux et de la garantie du vice caché due par le vendeur (cf. page 26 de ses conclusions).

L'action des victimes fondée sur la garantie du fait des produits défectueux est irrecevable, et l'action en garantie de l'assureur de Sorenti sur ce fondement l'est tout autant.

L'action en garantie est ouverte à la Crama en tant qu'assureur du sous-acquéreur exerçant une action directe contre l'assureur de Brandt Appliances, vendeur intermédiaire qui avait vendu le lave-linge litigieux à la société Altima auprès de laquelle Sorenti s'était fournie.

Pareille action est enfermée dans le délai prévu par l'article 1648.

L'action directe contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable, et ne peut être exercée contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré (Cass. Civ. 1re 14.06.1996 P n° 93-18876).

Il s'ensuit, par application de l'article L.114-1 du Code des assurances, que l'action ne peut plus être exercée contre l'assureur plus de deux ans à compter du recours contre l'assuré.

En l'espèce, la société Sorenti et son assureur, auxquels le rapport d'expertise judiciaire déposé le 28 mai 2009 avait révélé que le sinistre pouvait être imputé au lave-linge fonctionnant dans le pavillon incendié, et qui savaient que cet appareil avait été vendu à la société Altima, fournisseur de Sorenti, par Brandt Appliances, ont fait assigner sur le fond ladite société Brandt Appliances par acte du 5 août 2009 devant le tribunal de grande instance de Bordeaux afin de voir juger qu'elle devrait être condamnée à régler toute somme qu'elles-mêmes seraient tenues de débourser au titre du sinistre, et en tout état de cause afin de la voir condamner à les relever indemnes de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre.

Elles devaient agir dans les deux ans contre la Zurich, assureur de Brandt Appliances, or elles l'ont fait par assignation délivrée le 18 mars 2014, et le délai de prescription n'avait pas été entre-temps interrompu, contrairement à ce que soutient la Crama, et notamment pas par la saisine du conseiller de la mise en état et l'expertise ordonnée par celui-ci le 2 novembre 2010 au contradictoire de Brandt Appliances mais à laquelle la Zurich n'était pas partie

Alors que l'interruption de la prescription de l'action en responsabilité dirigée contre l'assuré est sans effet sur l'action directe exercée contre l'assureur (Civ. 2e 17.02.2005 P n° 03-16590)

Que si toute désignation d'expert a un effet interruptif de prescription, cette interruption ne peut avoir d'effet contre l'assureur que si celui-ci a été convoqué ou a participé aux opérations d'expertise (cf Cass. Civ. 1re 21.10.2003 P n° 01-01614)

Que les ordonnances déclarant communes les opérations d'expertise n'ont pas d'effet interruptif à l'égard de celui qui n'y est pas partie (Cass. Civ. 3e 06.07.2017 P n° 14-11507)

Et que l'article 2239 du Code civil ne s'applique qu'avant tout procès.

L'action de la caisse Crama Méditerranée contre la société Zurich Insurance PLC est donc prescrite, et comme telle irrecevable.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La caisse Crama Méditerranée, venant aux droits de Groupama Sud, qui succombe, supportera les dépens de première instance -incluant le coût des expertises judiciaires- et les dépens d'appel sur renvoi de cassation, qui incluront ceux de la procédure d'appel ayant abouti à l'arrêt cassé du 18 septembre 2017 de la cour d'appel de Bordeaux, et elle versera une indemnité de procédure en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Suravenir Assurances versera une indemnité de procédure

- à la société Brandt Appliances, représentée par son liquidateur judiciaire

- et à la société Zurich Insurance PLC.

Par ces motifs LA COUR statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort, sur renvoi de cassation et dans les limites de la cassation : Met hors de cause la Selarl FHB en sa qualité d'ancien administrateur judiciaire de la SAS Brandt Appliances, Constate qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de la société Sorenti, dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif et qui n'a pu être assignée, Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la société Zurich Insurance PLC aux consorts K.-C. et à la société Suravenir, en ce qu'il a débouté ces derniers de leur demandes fondées sur les articles 1641 et suivants du Code civil et en ses chefs de décision relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, statuant à nouveau de ces chefs : Déclare prescrite, et comme telle irrecevable, l'action dirigée par les consorts K.-C. et la société Suravenir Assurances contre la société Zurich Insurance PLC, Dit les consorts K.-C. et la société Suravenir Assurances recevables à agir contre la caisse Crama Méditerranée sur le fondement de la garantie des vices cachés due par son assurée la société Sorenti, vendeur intermédiaire du lave-linge litigieux, Condamne la caisse Crama Méditerranée, venant aux droits de Groupama Sud, à payer avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2009 - aux consorts K.-C. : la somme de 55 978,40 euros - à la société Suravenir Assurances subrogée dans les droits desdits consorts : la somme de 356 000 euros TTC, Déclare la caisse Crama Méditerranée, venant aux droits de Groupama Sud, irrecevable pour cause de prescription à agir en garantie contre la société Zurich Insurance PLC, Rejette toutes prétentions autres ou contraires, Condamne la caisse Crama Méditerranée, venant aux droits de Groupama Sud, aux dépens de première instance -incluant le coût des expertises judiciaires- et aux dépens d'appel sur renvoi de cassation, qui incluront ceux de la procédure d'appel ayant abouti à l'arrêt cassé du 18 septembre 2017 de la cour d'appel de Bordeaux, Condamne la caisse Crama Méditerranée, venant aux droits de Groupama Sud, à payer 15 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile aux consorts K.-C. et à la société Suravenir Assurances, ensemble, Condamne la société Suravenir Assurances à verser en application de l'article 700 du Code de procédure civile - 2 000 euros à la société Brandt Appliances, représentée par son liquidateur judiciaire - 3 500 euros à la société Zurich Insurance PLC.