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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 12 mai 2020, n° 19-04695

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Editions Dalloz (SAS), Editions Lefebvre Sarrut (Sté), Editions Législatives (SAS), Société des Editions Francis Lefebvre (SAS)

Défendeur :

Wuha (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chauve

Conseillers :

Mmes Zagala, Stella

T. com. Lyon, du 26 juin 2019

26 juin 2019

La société Wuha est spécialisée dans l'activité d'édition de logiciels applicatifs.

La société Wuha a signé un contrat de prestations de services et de partenariat avec la société Editions Francis Lefebvre, filiale du groupe ELS, en date du 7 septembre 2017, ainsi qu'un contrat intitulé contrat de commercialisation Plugin Wuha.

Un avenant a été signé le 9 mai 2018.

Les sociétés Editions Dalloz et Editions Législatives ont également conclu à leur tour avec la société Wuha un contrat de prestation de services et de partenariat et un contrat de commercialisation Plugin Wuha, respectivement les 4 décembre 2017 et 13 février 2018.

La société Wuha développe pour les filiales du groupe ELS un plugin " Wuha " permettant de disposer de résultats de recherche mêlant les données internes de l'utilisateur, celles propres au groupe ELS, et les données externes.

La société Wuha considérant que les filiales du groupe ELS ont manqué à leurs obligations contractuelles et commis des agissements déloyaux a fait réaliser un constat d'huissier le 7 février 2019 décrivant une solution, dénommée " Goolex " de la filiale espagnole, accessible sur le web présentant des fonctionnalités identiques à la solution " Wuha ".

Considérant que cette solution contrevenait à leur accord exclusif, la société Wuha a adressé une mise en demeure aux sociétés Editions Francis Lefebvre, Editions Législatives et Editions Dalloz, faisant état de manquements flagrants aux engagements contractuels.

La société Wuha a déposé une requête auprès du président du tribunal de commerce de Lyon en date du 19 mars 2019 et une ordonnance a été rendue le 28 mars 2019, faisant droit à la demande de la société Wuha concernant la mise en place d'une mesure de constat.

Le 4 avril 2019, la société Wuha a réalisé les opérations de constat ordonnées par l'ordonnance du 28 mars 2019.

La requête et l'ordonnance du 28 mars 2019 ont été signifiées le 12 avril 2019 aux filiales de ELS.

Les sociétés Editions Dalloz, Editions Lefebvre et Editions Législatives ont saisi le président du tribunal de commerce de Lyon en référé-rétractation en date du 25 avril 2019.

Par ordonnance du 26 juin 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon :

- s'est déclaré compétent territorialement et matériellement,

- a rejeté la demande de nullité pour vice de forme soulevée par les sociétés filiales du groupe ELS,

- a confirmé l'ordonnance en date du 28 mars 2019 en toutes ses dispositions,

- a ordonné la levée immédiate du séquestre portant sur le procès-verbal de constat et ses annexes,

- a condamné solidairement les sociétés filiales de ELS à verser à la société Wuha la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration d'appel en date du 4 juillet 2019, les sociétés Editions Dalloz, Editions Lefebvre et Editions Législatives ont interjeté appel de cette ordonnance.

Aux termes de leurs dernières conclusions, elles demandent à la cour de :

- déclarer leur appel recevable,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon en date du 26 juin 2019,

Et statuant à nouveau :

In limine litis,

- déclarer le président du tribunal de commerce de Lyon incompétent territorialement et matériellement,

Et par conséquent,

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir,

- prononcer la nullité des opérations de constatation réalisées sur le fondement de l'ordonnance rendue sur requête le 28 mars 2019, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les mérites de la requête,

- ordonner aux huissiers instrumentaires mandatés par la société Wuha de détruire les procès-verbaux effectués sur la base de l'ordonnance ainsi que leurs annexes, séquestrées ou non, qu'elles soient sur support papier ou numérique,

- ordonner à la société Wuha la restitution à leur profit, sans délais sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, l'ensemble des éléments saisis par l'huissier instrumentaire au cours des opérations de constat et qui ont été remis à la société Wuha, qu'ils soient sous format papier ou numérique,

- se réserver la liquidation de l'astreinte à intervenir,

Si par extraordinaire, la cour reconnaissait la compétence du tribunal de commerce de Lyon, à titre subsidiaire,

- prononcer la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce de Lyon en date du 28 mars 2019,

Et par conséquent,

- prononcer la nullité des opérations de constatation réalisées par l'huissier de justice instrumentaire en exécution de l'ordonnance rendue sur requête en date du 28 mars 2019,

- ordonner aux huissiers instrumentaires mandatés par la société Wuha de détruire les procès-verbaux effectués sur la base de l'ordonnance ainsi que leurs annexes, séquestrées ou non, qu'elles soient sur support papier ou numérique,

- ordonner à la société Wuha la restitution sans délais à leur profit, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, l'ensemble des éléments saisis par l'huissier instrumentaire au cours des opérations de constat et qui ont été remis à la société Wuha, qu'ils soient sous format papier ou numérique,

- se réserver la liquidation de l'astreinte à intervenir.

En tout état de cause,

- déclarer irrecevable la demande de mainlevée du séquestre,

En conséquence,

- ordonner à la société Wuha la restitution sans délais à leur profit, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, l'ensemble des éléments saisis par l'huissier instrumentaire au cours des opérations de constat et qui ont été remis à la société Wuha, qu'ils soient sous format papier ou numérique,

- faire interdiction à la société Wuha de faire un quelconque usage des éléments issus des opérations de constat, dont le PV de constat lui-même et ses annexes, ainsi que tous les éléments dont elle a eu connaissance à cette occasion,

- se réserver la liquidation de l'astreinte à intervenir,

- condamner la société Wuha à leur verser la somme de 2 000 € chacune au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sur le fondement des articles 696 et 699 du Code de procédure civile et ordonner leur distraction à Me Romain L., Avocat sur son affirmation de droit.

Les sociétés Editions Dalloz, Editions Législatives et Editions Francis Lefebvre soutiennent à l'appui de leur appel que :

- les tribunaux compétents pour obtenir des mesures à leur encontre étaient soit le tribunal de commerce de Paris ou celui de Nanterre au regard de la clause attributive de juridiction présente dans le contrat, et au regard de la situation de leurs serveurs en région parisienne et non à Lyon,

- la captation des données figurant sur leurs serveurs ne peut être exécutée, de manière fiable, intègre et garante de l'authenticité des données, qu'à la source, c'est à dire à partir de leurs serveurs,

- le différend s'inscrit dans un contexte mettant en cause à titre principal des actes de contrefaçon, de sorte que seul le juge des référés du tribunal de grande instance peut en connaître,

- elles n'ont jamais mis fin aux négociations, débuté fin 2018-début 2019, le 7 février 2019, ni après d'ailleurs, le partenariat et l'exploitation commerciale ont continué même dans les mois qui ont suivi,

- le PV de constant d'huissier du 7 février 2019 ne démontre pas que la solution Goolex de la filiale espagnole présenterait des fonctionnalités identiques à la solution Wuha, ni qu'elles seraient impliquées directement ou indirectement dans le lancement de cette offre,

- la preuve d'une décompilation éventuelle du logiciel Wuha ne peut être rapportée que par une expertise technique,

- le risque de dépérissement de la preuve n'est ni démontré, ni caractérisé par la société Wuha, ni par l'ordonnance du 28 mars 2019, puisque le caractère immatériel des fichiers ne suffit pas à fonder ce risque et que la société Wuha héberge leurs données informatiques,

- le débat contradictoire est rendu nécessaire par l'ambiguïté du fonctionnement du plug-in de la société Wuha,

- ils n'ont pas été en mesure d'assister aux opérations de constat puisque la société Wuha ne leur a pas signifié l'ordonnance le jour où les opérations ont été réalisées, et que celles-ci se sont déroulées à distance, à leur insu,

- le dispositif de séquestre ordonné n'était pas suffisant puisque la société Wuha a nécessairement eu connaissance des éléments recueillis en assistant aux opérations de constat et car la durée du séquestre n'était que de 15 jours,

- la mesure d'instruction ordonnée s'apparente à une mesure générale d'investigation puisqu'elle n'est pas limitée dans le temps, ni dans l'espace, que les mots-clés sont très généraux, et qu'elle est susceptible de concerner des éléments présentant un caractère confidentiel,

- la demande de mainlevée du séquestre par la société Wuha est irrecevable puisque ce n'est pas l'objet de l'instance en rétractation.

En réponse, la société Wuha conclut à la confirmation de l'ordonnance et y ajoutant, condamner in solidum les sociétés Editions Francis Lefebvre, Editions Législatives, Editions Dalloz et Editions Lefebvre Sarrut à lui payer 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SCP A.N., avocats à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle relève que :

- l'ordonnance sur requête autorise une mesure de constat dans ses locaux à Tassin, soit dans le ressort territorial du tribunal de commerce de Lyon, d'autant que toute clause attributive de compétence est inopposable,

- le constat a été effectué uniquement à partir de son serveur, sur lequel les données des serveurs des sociétés appelantes sont indexées,

- les mesures d'instruction autorisées par l'ordonnance ne tendent à aucune des mesures applicables en matière de contrefaçon, d'autant que les faits litigieux qu'elle décrit dans la requête sont exclusivement dénoncés comme relevant d'une concurrence déloyale et d'une violation d'engagements contractuels, et non d'une contrefaçon,

- le concept entre sa solution et celle diffusée par la société espagnole Lefebvre Derecho, filiale du groupe ELS, est identique au regard de sa fonctionnalité et de ses caractéristiques,

- la solution du groupe ELS est apparue à la même époque où les appelants ont décidé de renoncer à un important projet avec elle, et celle-ci a été retirée dès réception de la mise en demeure,

- aucune disposition légale n'imposait, ni autorisait l'huissier à être assisté par un technicien dès lors que la mission ne consistait qu'en une simple mesure de constat,

- l'ordonnance prévoit expressément l'exclusion de tout document couvert par le secret professionnel, d'autant que la mesure était strictement limitée à des mots-clés en rapport étroit avec les faits litigieux,

- la mesure de constat n'a pas été effectuée en un autre lieu qu'à son domicile, ce qui exclut toute obligation de notification de l'ordonnance, d'autant qu'elle a eu lieu quelques jours après la réalisation de la mesure,

- dès lors que la mesure de constat tendait à la recherche d'éléments susceptibles de mettre en cause les sociétés appelantes, ces dernières, si elles avaient été prévenues, auraient eu une propension évidente à faire disparaître d'éventuels éléments qu'elles auraient pu détenir,

- les données auxquelles elle a accès depuis ses serveurs n'étant qu'une indexation, toutes données dont les appelantes auraient procédé à l'effacement sur leurs propres serveurs ne lui auraient plus été accessibles.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence territoriale

Le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du Code de procédure civile, est le président du tribunal susceptible de connaître de l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum doivent, même partiellement, être exécutées, sans qu'une clause attributive de compétence territoriale puisse être opposée à la partie requérante.

La société Wuha a sollicité que la mesure d'instruction se tienne dans ses locaux situés dans le ressort du tribunal de commerce de Lyon, pour être effectuée à partir de son serveur sur lequel les données des serveurs des sociétés appelantes sont indexées, sans demander à rentrer dans les serveurs des appelantes qui ne justifient d'ailleurs pas d'une intrusion dans ceux-ci et l'exécution de la mesure se faisant matériellement dans les locaux de la société Wuha.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu sa compétence territoriale.

Sur la compétence matérielle

Les appelantes soutiennent que le différend s'inscrit dans un contexte mettant en cause à titre principal des actes de contrefaçon, de sorte que seul juge des référés du tribunal de grande instance est compétent pour en connaître.

L'action en contrefaçon et l'action en concurrence déloyale ont une nature, des causes et fins bien distinctes. La première vise à sanctionner l'atteinte à un droit de propriété intellectuelle tandis que la seconde tend à condamner une faute, un comportement contraire aux usages honnêtes du commerce. La concurrence déloyale peut résulter de la confusion des produits ou des entreprises, notamment lorsque le concurrent copie purement et simplement, ou s'inspire nettement, de la marque, du nom commercial d'une société ou du parasitisme qui est le fait pour l'entreprise de tirer profit sans effort de la réputation ou du résultat du travail d'un concurrent et qui réalise par là des économies injustifiées en recueillant les fruits d'efforts dont elle n'a pas supporté les frais.

La requête déposée par la société Wuha ne vise aucun acte de contrefaçon, ni de droit protégé par le Code de la propriété intellectuelle.

Elle se fonde sur des violations des clauses des contrats liant les parties et notamment l'engagement de non-concurrence prévue à l'article 15 des contrats liant les parties, le parternariat exclusif les liant, la crainte de la violation également de l'interdiction de la décompilation de sa solution spécifique, la découverte en février 2019 du développement d'une solution équivalente à celle qu'elle a créée par une société espagnole détenue à 100 % par Editions Francis Lefebvre, et le détournement de son savoir-faire.

Comme l'ordonnance rendue le 28 mars 2019 puis l'ordonnance frappée d'appel l'ont justement retenu, les faits invoqués par la société Wuha semblent s'apparenter à un acte de concurrence déloyale dans la mesure où la filiale espagnole développe un procédé similaire au sien en violation des contrats liant les parties.

L'ordonnance comme la requête vise des actes de concurrence déloyale relevant de la compétence matérielle du tribunal de commerce.

Le moyen tiré de l'incompétence matérielle du président du tribunal de commerce sera donc écarté.

Sur le motif légitime

Aux termes de l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il appartient donc à la requérante d'apporter des éléments suffisamment plausibles et en lien avec un litige éventuel sur le fond pour justifier la mesure sollicitée qui doit elle-même être pertinente et indispensable à la protection de ses intérêts.

Il ressort des pièces versées aux débats et notamment des documents de présentation de chaque société, des mails et courriers échangés comme des procès-verbaux de constat d'huissier dressés antérieurement à la requête, que :

- la société Wuha a conclu avec les sociétés Editions Dalloz, Editions Législatives et Editions Francis Lefebvre des contrats de commercialisation Plugin Wuha et de prestations de services et de partenariat les 4 décembre 2017, 14 février 2018 et 12 septembre 2017, les deux contrats étant indivisibles,

- le plug in Wuha est un moteur de recherche intelligent capable de rechercher n'importe quelle information d'une base de données, et permettant un affichage direct des résultats de la banque de données juridiques sur Google à droite des résultats Google,

- ces contrats sont limités à la France métropolitaine et Dom-Tom,

- les cocontractants de Wuha prennent l'engagement aux articles 4 et 6.2 du contrat de commercialisation de ne pas décompiler le produit et notamment à des fins de conception, réalisation, diffusion ou commercialisation d'une application/logiciel/solution numérique similaire, équivalente ou de substitution, et de ne pas transcrire ou traduire dans d'autres langues informatiques le produit, la documentation ou les Codes-sources et de ne pas autoriser un tiers à copier ou reproduire le produit en tout ou partie,

- la société Wuha en contrepartie s'engage à ne pas participer directement ou indirectement à la conception, l'élaboration, le développement de produits similaires au plug in auprès d'éditeurs de bases de données juridiques situées sur le territoire,

- la société Wuha a découvert que la filiale espagnole des éditions Francis Lefebvre a mis en place un moteur de recherche Goolex ainsi qu'en atteste un constat d'huissier du 7 février 2019 permettant d'effectuer les recherches professionnelles sans quitter Google, avec un affichage des résultats Google et ceux de la base de données Lefebvre à droite, soit de façon identique à celui résultant du plug in Wuha, alors même qu'elle avait été sollicitée pour présenter à cette filiale son plug in en mars 2018,

- la société Wuha a mis en demeure le 12 février 2019 les appelantes de respecter leurs engagements contractuels et fait part de la découverte de la solution numérique " Goolex " identique à la sienne,

- l'accès à cette solution " Goolex " a été suspendue après ce courrier ainsi que l'établit le constat d'huissier dressé le 14 février 2019, alors que les appelantes décidaient l'arrêt d'un projet important avec la société Wuha.

Le premier juge a considéré à bon droit que ces éléments constituaient un faisceau d'indices suffisant pour justifier une mesure d'instruction pour obtenir la preuve de la commission d'actes de concurrence déloyale par les appelantes, au regard du possible détournement du savoir-faire spécifique développé par la société Wuha et de la possible décompilation et du fait que la limitation territorialement prévue contractuellement n'autorisait pas pour autant les appelantes à détourner le savoir-faire de la société Wuha dans un pays étranger.

Sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire

Les mesures d'instruction nécessaires à la manifestation de la vérité visées à l'article 145 du Code de procédure civile doivent, en principe, suivre une procédure contradictoire, en référé.

Ce n'est que par exception, lorsque les circonstances exigent que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement, qu'elle peut l'être sur requête en application de l'article 493 du Code de procédure civile.

Il en résulte que la requête et l'ordonnance doivent exposer les circonstances propres au cas d'espèce susceptibles de justifier qu'il soit procédé non contradictoirement.

En l'espèce, la requête présentée au président du tribunal de commerce de Lyon mentionne que dans l'hypothèse où les sociétés appelantes seraient appelées en la cause au stade de la mesure d'instruction, le risque de disparition de preuves matérielles par effacement volontaire de fichiers serait flagrant.

Cette motivation se réfère cependant à des agissements précis détaillés en amont et rappelés ci-dessus et résultant notamment de la découverte de la solution " Goolex " puis de son indisponibilité rapidement après le courrier de protestation de la société Wuha.

L'ordonnance qui vise la requête a pu alors légitimement retenir que " l'efficacité de la mesure est conditionnée à l'effet de surprise ", le risque de dépérissement des preuves résultant d'ailleurs des éléments mis en évidence pour suspecter des actes de concurrence déloyale.

Le moyen tiré de l'absence de nécessité de déroger au contradictoire sera donc écarté.

Sur le périmètre de la mesure

L'ordonnance rendue le 28 mars 2019 autorise l'huissier à procéder à une mesure de constat à partir de tout outil informatique disponible sur le(s) serveur(s) de la société Wuha et portant sur tous documents/fichiers informatiques hébergés par le(s) serveur(s) utilisé par les sociétés appelantes ou toute filiale du groupe Editions Lefebvre Sarrut (ELS) matériellement accessibles à la société Wuha et répondant aux mots-clés suivants " Wuha ", " Wuha présentation meeting ", " Goolex ", " Gooled ", " Wuha Gooled ", " Gooled en Espagne ", " Gooled demo ", " Gooled copier-coller ", " Competition Commitment ", à l'exception de tout document couvert par le secret professionnel.

Les appelantes reprochent le caractère trop général et disportionné de cette mesure en soulignant qu'elle n'est pas limitée dans le temps, que son périmètre est trop large puisqu'il vise toutes les filiales du groupe Editions Lefebvre Sarrut, que les mots-clés sont trop généraux, que la désignation d'un expert informaticien aurait été nécessaire, qu'aucune mesure n'a été prévue pour rendre effective le fait que les documents couverts par le secret professionnel soient écartés, qu'un séquestre aurait été préférable.

Si effectivement aucune limite temporelle n'est donnée expressément, celle-ci résulte cependant des mots-clés prévus qui de fait limitent dans le temps la mesure puisque liés principalement aux mots-clés Wuha, Goolex et Gooled, les deux derniers correspondant à des solutions très récentes et le premier au début des relations contractuelles entre les parties qui date de 2017. Ces mots-clés sont tous en rapport avec les faits de concurrence supposée déloyale décrits dans la requête.

La mesure sollicitée tend à des constats et ne nécessitait donc pas les compétences d'un informaticien ou d'un expert.

Le juge de la requête a pris soin de limiter le constat aux documents non couverts par le secret professionnel. Les difficultés d'exécution de la mesure à supposer qu'elles existent à ce titre ne concernent pas le juge de la rétractation.

Sur l'absence de notification préalable de la requête

Les dispositions de l'article 495 alinéa 3 du Code de procédure civile prévoient que copie de l'ordonnance est laissée à la personne à qui elle est opposée.

Ces dispositions ne s'appliquent qu'à la personne qui supporte l'exécution de la mesure qu'elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé. Dès lors, le moyen tiré de la notification tardive de la requête et de l'ordonnance ne saurait prospérer.

Dans ces conditions, l'ordonnance rendue le 26 juin 2019 sera intégralement confirmée, en ce compris la levée du séquestre qui découle de la validation de la mesure.

Les appelantes qui succombent seront condamnées aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'intimée.

Par ces motifs LA COUR, Confirme l'ordonnance critiquée. Y ajoutant, Condamne in solidum la société Editions Francis Lefebvre, la société Editions Dalloz, la société Editions Lefebvre Sarrut et la société Editions Législatives aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à payer à la société Wahu la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code précité.