CA Versailles, 3eme ch., 18 mai 2020, n° 19-00117
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
ACS Services (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bou
Conseillers :
Mmes Bazet, Derniaux (rapporteur)
FAITS ET PROCÉDURE
Le 2 avril 2017 Mme Deborah P. a fait l'acquisition d'un véhicule de marque Mini Cooper modèle S 175CH Camden auprès de la société ACS Services située [...] pour un prix de 9 500 euros.
Le véhicule, garanti 3 mois, affichait un kilométrage de 129 340 kms.
Le 12 juin 2017, le véhicule est tombé en panne et a dû être remorqué. Il affichait alors 135 966 km.
Le 12 juillet 2017, Mme P. a saisi son assureur protection juridique qui a organisé une expertise amiable non contradictoire.
Par courrier daté du 10 août 2017, l'assureur a mis en demeure la société ACS Services de procéder à l'annulation de la vente et à lui rembourser le prix d'achat sur le fondement de la garantie des vices cachés. Le courrier n'a pas été réclamé par son destinataire.
Mme P. a assigné le 29 janvier 2018 la société ACS Services devant le Tribunal de grande instance de Versailles en résolution de la vente et réparation de son préjudice.
Par jugement réputé contradictoire du 15 novembre 2018, la juridiction a débouté Mme P. de l'intégralité de ses demandes et dit qu'elle conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.
Par acte du 8 janvier 2019, Mme P. a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 6 mars 2019, demande à la cour de :
dire que le véhicule litigieux est affecté de vices cachés,
réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
prononcer la résolution de la vente intervenue le 2 avril 2017 aux torts exclusifs de la société ACS Services.
A titre subsidiaire :
dire que le vendeur n'a pas livré un véhicule conforme à sa destination normale ni à son usage normal,
réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
prononcer la résolution de la vente intervenue le 2 avril 2017 aux torts exclusifs de la société ACS Services.
A titre très subsidiaire :
constater que le véhicule litigieux a présenté des défauts dans le délai de six mois suivant la vente,
dire que ces défauts sont présumés exister au moment de la délivrance du véhicule et que le vendeur ne rapporte pas la preuve du contraire,
réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
prononcer la résolution de la vente intervenue le 2 avril 2017 aux torts exclusifs de la société ACS Services.
A titre très infiniment subsidiaire :
constater que le véhicule litigieux a présenté des désordres pendant le délai contractuel de garantie de trois mois,
réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
prononcer la résolution de la vente intervenue le 2 avril 2017 aux torts exclusifs de la société ACS Services.
En conséquence et dans tous les cas :
réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
prononcer la résolution de la vente intervenue le 2 avril 2017 aux torts exclusifs de la société ACS Services,
condamner la société ACS Services à lui restituer le prix de vente du véhicule soit la somme de 9 500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 août 2017,
condamner la société ACS Services à lui payer les sommes suivantes :
- 444,76 euros au titre des frais d'immatriculation
- 853,24 au titre des frais d'assurance 2018, 506, 32 euros au titre des frais d'assurance 2019
- au titre des frais de remorquage non remboursés : 79 euros le 12 juillet, 79 euros le 18 juillet, 120 euros le 7 septembre
- facture BMW du 12 juin 2017 : 38,88 euros
- facture BMW du 18 juillet 2017 : 173,51 euros
- achat d'un nouveau véhicule : 5 765 euros
- préjudice de jouissance du 12 juin 2017 au 27 septembre 2017 (date achat du nouveau véhicule) : 2 000 euros
- résistance abusive : 2 000 euros
dire que la restitution du véhicule litigieux se fera aux entiers frais du vendeur et après règlement total des sommes dues,
condamner la société ACS Services à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
La déclaration d'appel et les conclusions de Mme P. ont été signifiées à la société ACS Services le 11 mars 2019 à personne habilitée. Elle n'a pas constitué avocat.
La cour renvoie aux écritures de l'appelante en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile pour un exposé complet de son argumentation.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2020.
SUR QUOI,
Le tribunal a rappelé les conclusions de l'expertise amiable diligentée par l'assurance protection juridique de Mme P. et a observé que celles-ci, si elles mettaient en évidence un problème de consommation anormale d'huile ne permettaient pas de déterminer son origine, l'expert se contentant d'indiquer qu'il aurait fallu faire des investigations supplémentaires au niveau de la culasse pour ce faire. Constatant donc que Mme P. ne rapportait pas la preuve de l'existence d'un vice caché suffisamment grave et préexistant à la vente, unique fondement de son action, les premiers juges l'ont déboutée de toutes ses demandes.
Mme P. qui ne formule aucune critique du jugement entrepris développe en appel de nouveaux fondements subsidiaires au soutien de son action : la délivrance non conforme, 'le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constituant le vice prévu par les articles 1641 et suivants du Code civil', le Code de la consommation, les articles L. 217-4 à 217-13 étant cités dans leur intégralité, sans aucun commentaire, et la garantie contractuelle de trois mois, sans plus de précision.
L'article L. 217-4 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance ".
Cette notion de conformité ne rejoint pas totalement celle entendue dans la délivrance conforme du droit civil, laquelle se distingue elle-même du concept de vice caché. Le défaut de conformité évoqué à l'article L. 217-4 regroupe en réalité les notions traditionnelles de vice caché et de manquement à l'obligation de délivrance. La garantie légale de conformité repose ainsi sur une vision élargie de la conformité imposant que la chose non seulement corresponde aux spécifications convenues (obligation de délivrance) mais aussi soit apte à l'usage auquel elle est normalement destinée (absence de vices cachés).
Dans cette conception unitaire, le bien vendu doit satisfaire à plusieurs conditions énoncées à l'article L. 217-5 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, libellé comme suit :
Le bien est conforme au contrat :
1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
Au sein de cette vision élargie de la conformité, le consommateur bénéficie d'une présomption d'antériorité du défaut par rapport à la délivrance du bien, selon certaines conditions énoncées à l'article L. 217-7, dans sa rédaction applicable au litige : " Les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire. Le vendeur peut combattre cette présomption si celle-ci n'est pas compatible avec la nature du bien ou le défaut de conformité invoqué ".
Il résulte des pièces produites que le véhicule en cause a présenté une consommation d'huile excessive (environ 1,5 l pour 2 000 km) et un manque de puissance en juin 2017. Le garage, Passion Automobile Narbonne, auquel s'est adressée l'appelante a également noté un défaut de compression du moteur sur le cylindre 2.
L'expert amiable mandaté par l'assurance protection juridique de Mme P. n'a rien ajouté à ces constats puisqu'il a seulement indiqué que la dépose de la culasse était nécessaire afin de déterminer l'origine exacte de l'avarie et les frais de remise en état.
Mme P. n'a pas fait procéder à ces investigations complémentaires.
Toutefois, il est établi que le véhicule a présenté un dysfonctionnement en compromettant très sérieusement l'usage moins de 6 mois après son acquisition.
Cette impropriété à l'usage normalement attendu d'un véhicule est, en application des textes susvisés, présumée avoir existé lors de la vente du véhicule.
Le vendeur, qui n'a constitué avocat ni en première instance, ni en appel, ne combat pas cette présomption.
En conséquence, il sera jugé que le véhicule acquis par Mme P. présente un défaut de conformité au sens des dispositions du Code de la consommation
Aux termes de l'article L. 217-9 du même Code, en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien. Toutefois, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l'acheteur.
Selon l'article L. 217-10, si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix.
La même faculté lui est ouverte :
1° Si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 217-9 ne peut être mise en œuvre dans le délai d'un mois suivant la réclamation de l'acheteur ;
2° Ou si cette solution ne peut l'être sans inconvénient majeur pour celui-ci compte tenu de la nature du bien et de l'usage qu'il recherche.
La résolution de la vente ne peut toutefois être prononcée si le défaut de conformité est mineur.
En l'espèce, la réparation ou le remplacement du véhicule présenterait un inconvénient majeur pour Mme P. qui a été contrainte d'acheter une autre voiture.
En conséquence, il convient de faire droit à sa demande de résolution de la vente, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Il n'y a pas lieu d'assortir la condamnation du vendeur à restituer le prix de vente des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 août 2017, mais à compter de l'assignation en justice délivrée le 29 janvier 2018.
Dans ce cadre, il sera fait droit à la demande de Mme P. relative au remboursement des frais d'immatriculation d'un montant de 444,76 euros.
Aux termes des dispositions de l'article L. 217-11 du Code de la consommation, l'application des dispositions des articles L. 217-9 et L. 217-10 a lieu sans aucun frais pour l'acheteur. Ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts.
Le paiement des cotisations d'assurance résulte d'une obligation légale et ne constitue pas un préjudice indemnisable.
S'agissant des frais de remorquage, Mme P. justifie avoir dépensé une somme totale de 278 euros.
Le coût des factures du garagiste liées à la fourniture d'huile puis à des investigations sur le moteur pour un montant total de 212,39 euros sera également mis à la charge du vendeur.
Mme P. ne saurait à la fois récupérer le prix de vente du véhicule dans le cadre de la résolution de la vente et le prix auquel elle a acquis une nouvelle voiture, ce qui constituerait un enrichissement sans cause, et elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
S'agissant du préjudice de jouissance subi du 12 juillet 2017 au 27 septembre 2017 (date de l'achat du nouveau véhicule), il n'est pas produit la moindre pièce justificative des frais qu'a dû exposer l'intéressée pour pallier l'absence de véhicule. Cette demande sera donc rejetée.
Mme P. ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de l'obligation d'ester en justice qui sera indemnisée au titre des frais irrépétibles. Sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive sera rejetée.
La société ACS Services sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et supportera les dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Ordonne la résolution de la vente du véhicule Mini Cooper modèle S 175CH Camden acquis le 2 avril 2017 par Mme P. auprès de la société ACS Services ; Condamne la société ACS Services à rembourser à Mme P. le prix de vente, soit la somme de 9 500 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2018 ; Dit qu'après paiement de cette somme, Mme P. devra restituer le véhicule à la société ACS Services aux frais de cette dernière ; Condamne la société ACS Services à payer à Mme P. les sommes de 444,76 euros au titre des frais d'immatriculation, de 278 euros au titre des frais de remorquage et de 212,39 euros au titre des frais de garage ; Rejette toutes les autres demandes indemnitaires ; Condamne la société ACS Services à payer à Mme P. la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société ACS Services aux dépens de première instance et d'appel.