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Décisions

Cass. 1re civ., 20 mai 2020, n° 18-23.909

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Véliplane-club (association)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Conseillers :

M. Avel (rapporteur), Mme Kamara

Paris, pôle 2 ch. 2, 7 juin 2018

7 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 juin 2018), Gérard R. (la victime), qui exerçait les fonctions de pilote-instructeur sur l'aérodrome de Meaux-Esbly, a été victime d'un accident mortel d'aéronef ultra léger motorisé (ULM) survenu le 18 août 2009, au cours d'un vol d'agrément.

2. Après une mise en demeure infructueuse, M. B., propriétaire de l'ULM litigieux et président de l'association Véliplane-club (l'association) qui exploite l'aéroclub de Meaux-Esbly, a assigné en indemnisation Mme R., ainsi que Mme G. et M. Christian R., en leur qualité d'héritiers de la victime. Ces derniers ont assigné l'association en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. M. B. et l'association font grief à l'arrêt de rejeter la demande en paiement formée par M. B., alors : " 1°/ que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; que, pour débouter M. B. de sa demande, la cour d'appel a retenu que le prêt de l'ULM était un contrat sui generis et ne pouvait être qualifié de prêt à usage ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait des dernières conclusions en date du 8 avril 2015 des consorts R. devant le tribunal de grande instance de Meaux et des constatations du jugement de première instance que les défendeurs ne contestaient alors " ni l'existence d'un prêt à usage ni les relations contractuelles en résultant ", de telle sorte qu'ils ne pouvaient être admis à modifier leurs prétentions au cours du débat judiciaire et à adopter un comportement contradictoire au détriment de M. B. ayant pour effet de reporter sur lui la charge de la preuve d'une faute à l'origine de l'accident, la cour d'appel a violé le principe susvisé ; 2°/ qu'en tout état de cause, le prêt à usage est essentiellement gratuit ; que, pour débouter M. B. de sa demande, la cour d'appel a retenu que le caractère bénévole des cours de pilotage assurés par la victime n'était pas contesté, mais que la preuve était rapportée qu'ils constituaient la contrepartie au prêt d'appareils ULM par M. B. ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que le bénévolat étant gratuit par nature, la constatation du caractère bénévole des prestations de la victime excluait en soi l'existence d'une contrepartie à celles-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et énonciations et a violé les articles 1875 et 1876 du Code civil ; 3°/ que le prêt à usage est essentiellement gratuit ; qu'en retenant, pour débouter M. B. de sa demande, que le prêt d'appareils ULM constituait la contrepartie aux cours de pilotage assurés bénévolement par la victime, tout en constatant que l'accident n'était pas survenu lors d'un cours de pilotage en contrepartie duquel l'appareil ULM lui aurait été prêté, mais à l'occasion d'un vol d'agrément effectué en compagnie d'un ami, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et énonciations, violation à ce titre encore les articles 1875 et 1876 du Code civil ; 4°/ que le prêt à usage est essentiellement gratuit ; qu'en retenant, pour débouter M. B. de sa demande, que le prêt d'appareils ULM constituait la contrepartie aux cours de pilotage assurés bénévolement par la victime, tout en constatant que ces appareils lui étaient prêtés par M. B. et non par l'association au profit exclusif de laquelle M. R. assurait ses cours, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et énonciations, en violation de nouveau des articles 1875 et 1876 du Code civil. "

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, M. B. et l'association n'ayant pas soutenu, devant la cour d'appel, que les héritiers de la victime ne pouvaient être admis à se contredire au détriment de M. B., le moyen est, de ce chef, nouveau, et mélangé de fait et de droit.

5. En second lieu, l'arrêt relève que le prêt d'agrément d'ULM par M. B. à la victime avait pour contrepartie la dispense par celle-ci de formations de pilotage non rémunérées dont M. B. et l'association retiraient avantage pour leurs élèves, de sorte que le prêt de l'ULM s'analysait en un contrat sui generis qui ne pouvait être qualifié de prêt à usage. Il retient que la charge de la preuve de la responsabilité de la victime incombe à M. B. qui en demande réparation, que la faute du pilote ne résulte d'aucun élément du dossier et que l'origine de la faute de l'appareil demeure inconnue.

6. De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire que M. B. ne pouvait prétendre obtenir l'indemnisation, auprès des héritiers de la victime, de la perte de l'ULM pendulaire et de ses accessoires.

7. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

8. Mme R., Mme G. et M. Christian R. font grief à l'arrêt de rejeter leur demande reconventionnelle en indemnisation de leurs préjudices, alors : " 1°/ que les associations sportives doivent une obligation contractuelle de sécurité et de prudence aux sportifs qui utilisent le matériel mis à leur disposition, quand bien même ils exerceraient leur activité librement ; qu'en mettant hors de cause l'association, prétexte pris qu'elle n'était pas propriétaire de l'ULM à bord duquel la victime a trouvé la mort et qu'elle ne l'avait mis à sa disposition que pour un vol d'agrément, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 2°/ que la responsabilité de plein droit du fait des produits défectueux pèse sur le fabriquant qui met en circulation le produit dans un cadre professionnel ; qu'en écartant la responsabilité de l'association et de son président sur ce fondement, après avoir constaté que l'accident était survenu à bord d'un ULM que celui-ci avait personnellement monté, peu avant l'accident et sans livret technique, en vue de son exploitation par cette association sportive, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1386-5 et 1386-6 du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 3°/ que la mise à disposition par une association sportive de matériels aéronautiques dans des circonstances objectivement dangereuses laisse présumer la relation causale avec le dommage survenu lors de leur utilisation ; qu'en écartant la responsabilité de l'association et de son président, faute de lien de causalité certain, après avoir constaté que ce dernier avait remis à la victime un ULM qu'il avait personnellement monté, peu avant l'accident, avec l'aide d'un mécanicien professionnel en l'absence de livret technique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. "

Réponse de la Cour

9. L'arrêt constate, d'abord, que l'association n'était pas propriétaire de l'ULM et que son utilisation n'a pas été effectuée pour le compte de l'association dont la victime n'était pas membre.

10. Il relève, ensuite, que l'appareil était importé par la société Air club et que cette importation ne visait ni une vente ou une location ni une quelconque forme de distribution.

11. Il retient, enfin, qu'en exécution des relations contractuelles ayant existé entre la victime et M. B., celui-ci était tenu à une obligation de sécurité de moyens, qu'en dépit de l'absence de notice lors du montage de l'appareil, la preuve d'une faute dans ce montage n'est pas rapportée et que, la cause de l'accident demeurant indéterminée, aucun manquement à l'obligation de prudence et de sécurité ne peut être imputé à M. B. dans la survenance de celui-ci.

12. De ces constatations et appréciations souveraines, la cour d'appel a pu déduire que ni la responsabilité de l'association ni celle de M. B. n'étaient engagées.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Par ces motifs, LA COUR : Rejette les pourvois ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ; En application de l'article 700 du Code de procédure civile, rejette les demandes.