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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 28 mai 2020, n° 17-03955

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Trumpf Systemes Medicaux (SAS)

Défendeur :

Philips France Commercial (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mmes Soudry, Lignières

T. com. Paris, du 23 janv. 2017

23 janvier 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Trumpf Systèmes Médicaux (ci-après désignée " Trumpf "), est une société exerçant son activité dans le négoce, la distribution, la maintenance et la représentation de tout matériel biomédical pour la médecine et la chirurgie ainsi que toutes prestations associées aux activités principales.

Cette société immatriculée en 1955 avait pour dénomination sociale au début des années 1980 "Auvergne Médical", à compter du 29 juin 1999 "AMSA", à compter du 17 novembre 2003 "Trumpf Amsa" puis à compter du 24 janvier 2014 "Trumpf Systèmes Médicaux".

La société Philips opère sur le marché des équipements et consommables médicaux destinés aux hôpitaux et cliniques. Elle produit et commercialise du matériel destiné au marché dit " PCCI " ou (soins aux patients et informatique médicale) intra-hospitalier ainsi que du matériel destiné au marché de l'imagerie médicale, marché dit "X-Ray".

Par convention n° F3538 conclue le 1er septembre 1984, la société Auvergne Médical (ancienne dénomination de la société Trumpf) s'est vue confier par la société Hewlett Packard France SA la distribution de produits médicaux pour une durée ferme d'un an.

Les produits visés par ce contrat de distribution étaient du matériel d'électro cardiographie, des moniteurs de patients, et des défibrillateurs notamment, gamme de produits qui correspond aux désignations PCCI intra-hospitalier, PCMS ou encore CMS, ci-après désignées " gamme monitorage ".

Ce contrat visait une gamme de produits, ci-après désignée "gamme monitorage" par Trumpf et "PCCI" par Philips.

Au titre de l'article 20 dudit contrat, cette convention pouvait être "renouvelée par période d'un an d'un commun accord" et ce contrat a été reconduit d'année en année.

Par courriers des 9 août 1999 et 20 septembre 1999, la société Hewlett Packard confirmait à la société AMSA (ancienne dénomination de la société Trumpf) que suite à sa scission, la nouvelle entité chargée des activités "test & mesure" et médical prenait pour dénomination "Agilent Technologies".

Par courrier du 21 mai 2001, la société Agilent Technologies confirmait à la société AMSA la cession de son contrat de distribution à Philips. Un avenant au contrat a été signé le 13 juin 2001.

Par courrier du 14 janvier 2002, Philips adressait à la société AMSA, une proposition d'extension de la convention de distribution qui la liait à cette société, à une nouvelle gamme de produits, ci-après désignée "gamme radiologie mobile" ou "X-Ray".

Cette extension de mission a pris la forme d'un avenant, qui s'est traduit par l'ajout au contrat de distribution en cours d'une annexe relative aux conditions de vente des produits "X-Ray".

Un avenant au contrat de distribution pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002 était adressé par Philips à la société AMSA, le 28 mars 2002.

Par courrier du 10 février 2003, Philips adressait à la société AMSA, un nouveau contrat de distribution n° FM 410.

Un nouveau contrat portant le même numéro (FM 410) était signé par les parties le 28 décembre 2004.

En 2005 et 2006, différentes annexes assimilées aux contrats de distribution étaient expédiées par Philips à Trumpf. En janvier 2007, Philips établissait cette annexe pour la période du 1/1/2007 au 31/12/2007.

Les contrats suivants étaient conclus entre les parties :

- n° 020012 en janvier 2006 ;

- n° 020003 le 12 mars 2007 ; ce contrat était renouvelé en 2008, en 2009, en 2010, en 2011 ;

- n° 110009 du 28 décembre 2011 adressé par Philips à Trumpf le 2 février 2012.

Le dernier contrat qui a scellé la relation entre les parties est un contrat n° 110009, en date du 28 décembre 2011. Ce contrat de distribution était d'une durée déterminée de douze mois.

Lors d'une réunion en date du 16 décembre 2013, Philips faisait part à ses distributeurs dont Trumpf de sa volonté de réorganiser son réseau de distribution.

Par correspondance du 19 décembre 2013, Philips indiquait à Trumpf sa décision de mettre un terme aux relations commerciales qui les unissaient.

Au début de l'année 2014, Philips adressait à Trumpf un projet d'avenant au contrat du 28 décembre 2011, destiné à confirmer d'un commun accord que le terme de ce contrat interviendrait à l'issue du préavis de 18,5 mois soit le 30 juin 2015. Cet avenant intitulé " avenant n° 1 au contrat de distribution n° 110009 " était établi le 21 février 2014 et ratifié par Trumpf le 25 mars 2014.

Par courrier en date du 7 janvier 2015, Trumpf, par l'intermédiaire de son conseil, a contesté la durée ainsi que le point de départ du préavis accordé par Philips et la portée générale de la rupture notifiée par Philips le 19 décembre 2013 ce qu'a contesté la société Philips.

Par assignation en date du 23 juin 2015, la société Trumpf a saisi le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir le versement par la société Philips de la somme de 1 529 624 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice allégué sur le fondement de l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce.

Par jugement du 23 janvier 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la relation entre les parties présente bien le caractère d'une relation commerciale établie et ce, pendant 29 ans,

- dit que le préavis accordé de 18,5 mois est suffisant et que la rupture des relations n'est pas brutale ; débouté la SAS Trump Systèmes Médicaux de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,

- condamné la SAS Trumpf Systèmes Médicaux à payer à la SAS Philips France Commercial venant aux droits de la SAS Philips France de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes, fins et prétentions,

- condamné la SAS Trumps Systèmes Médicaux aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.

Par déclaration du 21 février 2017, la SAS Trumpf Systèmes Médicaux a interjeté appel de ce jugement.

Par décision de son associé unique en date du 18 octobre 2017, la société Trumpf système Médicaux a fait l'objet d'une dissolution à la suite de la réunion de toutes ses parts en une seule main et son patrimoine a été transmis à son associé unique, la SAS Hill Rom.

La radiation a pris effet le 20 décembre 2017 et la SAS Hill-Rom a repris l'instance aux lieu et place de la SAS Trumpf Systèmes Médicaux.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 21 février 2019, la SAS Hill Rom, venant aux droits de la société Trumpf Systèmes Médicaux demande à la cour de:

Vu les articles L. 442-6 I, 5° et D. 442-3 du Code de commerce,

Vu l'article 1382 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 févier 2016),

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Trumpf Systèmes Médicaux aux droits de laquelle se situe aujourd'hui la SAS Hill Rom à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 janvier 2017 ;

Y faisant droit,

- infirmer ledit jugement sauf en ce qu'il a retenu l'existence, entre la société Trumpf Systèmes Médicaux et la société Philips France Commercial d'une relation commerciale établie au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, et ce depuis 1984.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater que le courrier du 19 décembre 2013 n'a pas emporté de rupture de la relation commerciale établie concernant la gamme de produits " X-Ray ", mais uniquement concernant la gamme de produits " Monitorage ";

- constater en conséquence que la société Trumpf Systèmes Médicaux, aux droits de laquelle se situe désormais la SAS Hill Rom, a bénéficié, dans le cadre de cette rupture en deux temps, d'un préavis de 18,5 mois pour la gamme de produits "Monitorage", et de 7 mois pour la gamme de produits "X-Ray", alors que le préavis suffisant était en l'espèce de 24 mois pour chacune des deux gammes de produits ;

- constater que, ce faisant, ladite rupture a été brutale, et que cette brutalité a été préjudiciable à la société Trumpf Systèmes Médicaux aux droits de laquelle se situe la SAS Hill Rom ;

En conséquence,

- condamner la société Philips France Commercial à payer et porter à la société Hill Rom la somme de 1 217 624 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice consécutif à cette rupture brutale.

Subsidiairement, et dans l'hypothèse où la cour retiendrait que la société Philips a notifié le 19 décembre 2013, une rupture globale de la relation commerciale établie,

- constater que la société Trumpf Systèmes Médicaux a bénéficié, dans le cadre de cette rupture globale, d'un préavis de 18,5 mois alors que le "préavis suffisant" était en l'espèce de 24 mois ;

En conséquence,

- condamner la société Philips France Commercial à payer et porter à la société Hill Rom la somme de 542 217,50 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice consécutif à cette rupture brutale.

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que la société Trumpf systèmes Médicaux a bénéficié, dans le cadre de cette rupture globale, d'un préavis de 18,5 mois alors que le "préavis suffisant" était à tout le moins de 22 mois ;

En conséquence,

- condamner la société Philips France Commercial à payer et porter à la société Hill Rom la somme de 345 047,50 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice consécutif à cette rupture brutale ;

En tout état de cause,

- débouter la société Philips France Commercial de tout appel incident ;

- condamner la société Philips France Commercial à payer et porter à la société Hill Rom la somme de 30 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner enfin la même aux entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître X, avocat au barreau de Paris.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 11 mars 2019, la société Philips France Commercial demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel formé par Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom SAS ;

- l'en débouter ;

- dire et juger recevable et fondé l'appel incident interjeté par Philips ;

Y faisant droit,

Sur l'absence de faute susceptible d'être imputée à Philips sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la rupture notifiée par Philips les 16 et 19 décembre 2013, oralement puis par écrit, constitue une rupture globale de la relation commerciale litigieuse ;

- dire et juger que la " rupture " de la relation commerciale litigieuse résulte d'un accord intervenu entre les parties, de sorte qu'elle ne saurait donner prise à l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- infirmer sur ce point le jugement entrepris en ce qu'il a admis l'existence d'une rupture unilatérale, par Philips, de la relation litigieuse ;

- subsidiairement, dire et juger que Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom SAS, ne démontre pas l'existence d'une relation commerciale " établie " depuis 1984, de sorte que le préavis de 18,5 mois qui lui a été accordé par Philips constitue un préavis suffisant au regard du droit positif ;

- infirmer sur ce point le jugement entrepris en ce qu'il a retenu sans preuve que la relation litigieuse constituait une relation commerciale établie depuis 29 ans ;

Plus subsidiairement encore,

- dire et juger qu'aucune rupture " brutale " n'est intervenue en l'espèce, Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom SAS, étant parvenue, avant la fin du préavis litigieux, à substituer au flux d'affaires qui existait avec Philips d'autres sources de chiffre d'affaires ;

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le préavis accordé de 18,5 mois était suffisant et que la rupture des relations n'était pas brutale ;

Sur l'absence de préjudice indemnisable susceptible d'être allégué par Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom SAS,

- dire et juger que Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom SAS, n'administre pas la preuve d'un préjudice indemnisable à l'encontre de Philips ;

- la débouter en conséquence de ses demandes d'indemnisation ;

- débouter Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom SAS, de toutes demandes, fins et prétentions contraires.

En tout état de cause,

- condamner Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom SAS, à s'acquitter d'une somme de 50 000 euros entre les mains de Philips au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2019.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de la société Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas.

Sur la durée des relations commerciales établies

La société Trumpf, aux droits de laquelle vient Hill-Rom, soutient que :

- il existe une relation commerciale établie depuis le 1er septembre 1984 ;

- la durée de la relation commerciale à prendre en compte est celle d'une relation exécutée par plusieurs partenaires venus aux droits du partenaire initial ;

- le préambule du contrat de distribution du 28 décembre 2011 reconnaît expressément et sans équivoque l'antériorité de la relation commerciale depuis 1984 et la continuité juridique entre les différentes entités ayant été en relation avec la société Trumpf et la société Philips ;

- une succession de contrats ponctuels caractérise une relation commerciale établie dès lors que celle-ci est régulière, significative et stable ;

- les éléments chiffrés communiqués par Trumpf démontrent l'évolution du flux d'affaires avec la société Philips.

La société Philips réplique que :

- il appartient à la victime de rapporter la preuve d'une relation commerciale régulière, stable et significative ;

- la qualification de relation commerciale établie suppose un volume significatif d'affaires ;

- les pièces produites aux débats ne recèlent aucune information relative à la stabilité et à l'intensité du flux d'affaires qui a pu exister entre elle et ses cocontractants successifs depuis 1984 ;

- le préambule du contrat de distribution du 28 décembre 2011 admet que Trumpf a entretenu une relation avec deux partenaires avant Philips, sans receler la reconnaissance du caractère significatif et établi de la relation commerciale dès le départ ;

- les extraits de comptes fournis ne sont pas certifiés ;

- l'attestation du commissaire aux comptes de Trumpf n'est pas de nature à pallier la carence probatoire de Trumpf.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

La société Trumpf justifie de l'existence d'un contrat n° F3538 en date du 1er septembre 1984 entre la société Auvergne Médical et la société Hewlett Packard France portant sur la distribution de produits médicaux sous marque Hewlett Packard, pour une durée ferme d'un an.

Conformément à l'article 20 du contrat qui prévoyait que la convention pouvait être renouvelée par période d'un an d'un commun accord, la société Trumpf démontre par la production de contrats ou avenants que la convention initiale a été reconduite annuellement jusqu'au 1er septembre 1995.

En mai 1999, la société Hewlett Packard France réorientait partiellement ses activités ce qui impliquait une scission de la société en deux entités sans incidence "sur le plan juridique sur les contrats qui se poursuivent normalement" selon l'information qu'elle donnait à son cocontractant. La nouvelle entité chargée des activités "test & mesure" et médical, prenait pour dénomination " Agilent Technologies ".

Le 21 mai 2001, la société Agilent Technologies informait la société Auvergne Médical devenue la société AMSA de la cession de sa division santé ("Healthcare Solutions Group") à la société Philips France ce qui entraînait la signature d'un avenant au contrat de distribution le 13 juin 2001 puis le 11 octobre 2001.

Par courrier du 14 janvier 2002, la société Philips adressait à la société AMSA, une proposition d'extension de la convention de distribution qui la liait à cette société, à une nouvelle gamme de produits, les amplificateurs de brillance pour blocs opératoires. (Gamme X-RAY ou radiologie mobile). Un avenant au contrat de distribution pour la période du 1/1/2002 au 31/12/2002 était adressé par la société Philips à la société AMSA, le 28 mars 2002.

Un nouveau contrat portant le numéro FM 410 était signé par les parties le 28 décembre 2004.

Le contrat était prorogé chaque année.

Par courrier du 25 avril 2006, Philips annonçait à la société Trumpf-AMSA que le contrat de distribution du 28 décembre 2004, serait expressément étendu à la gamme radiologie mobile ou X-Ray pour une durée indéterminée et que la contractualisation de cette extension interviendrait par l'adjonction à ce contrat d'une annexe spécifique à ces équipements. En janvier 2007, Philips établissait cette annexe pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007.

Les contrats suivants étaient conclus :

- n° 020012 en janvier 2006 ;

- n° 020003 le 12 mars 2007 ; ce contrat était renouvelé en 2008, en 2009, en 2010, en 2011 ;

- n° 110009 du 28 décembre 2011 adressé par Philips à Trumpf le 2 février 2012.

Dans le préambule du contrat de distribution n° 110009 du 28 décembre 2011, il est mentionné que " le distributeur distribue et assure la promotion depuis plus de 25 ans de diverses gammes de dispositifs médicaux commercialisés successivement par les sociétés Hewlett Packard, Agilent et à ce jour Philips ", cette dernière reconnaissant ainsi la durée de la relation commerciale.

Il résulte de ces éléments que les deux sociétés ont contractualisé leurs relations depuis le 1er septembre 1984 sans que les modifications des entités juridiques aient une incidence sur la nature des relations commerciales.

La relation commerciale liant la société Philips à la société Trumpf (aux droits de laquelle vient la société Hill Rom) portait sur deux types de produits :

- une gamme monitorage dont la distribution a été confiée à la société Auvergne Médical depuis le 1er septembre 1984 ;

- une gamme radiologie mobile dont la distribution a été confiée à la société AMSA le 14 janvier 2002.

Les extraits du grand livre client de la société Trumpf établissent que son chiffre d'affaires avec la société Philips était de 3 132 721 euros en 2003 et de 5 705 703 euros en 2014/2015, sans pouvoir justifier des comptes à une période plus ancienne, l'obligation de conserver les livres comptables étant de 10 ans aux termes de l'article L. 123-22 du Code de commerce.

La société Trumpf justifie de contrats régulièrement renouvelés, sans interruption et donc d'une relation commerciale régulière significative et stable avec la société Philips.

Le renouvellement annuel des contrats, le volume d'affaires conséquent et régulier justifié par des pièces comptables et la reconnaissance par les parties elles-mêmes fin 2011 d'un courant d'affaires depuis plus de 25 ans établissent l'existence d'une relation commerciale établie entre Philips à Trumpf aux droits de laquelle vient Hill Rom d'une durée de 29 ans lors de la rupture intervenue le 19 décembre 2013.

Sur les circonstances et l'étendue de la rupture

La société Trumpf fait valoir que :

- Le courrier de rupture du 19 décembre 2013 vise de façon générique le contrat de distribution mais il se réfère expressément au réseau de distribution PCCI intra hospitalier (gamme monitorage) ;

- La référence au contrat n° 110009 dans le courrier litigieux est inopérant dans la mesure où il y a lieu de tenir compte de la dernière version du contrat, soit celle modifiée par l'avenant adressé le 28 août 2013, lequel n'évoque expressément que la gamme PCCI et ne fait aucune référence à la gamme radiologie - X-ray ;

- Philips ne rapporte par la preuve que cet avenant concernait également la gamme X-ray ;

- L'annonce de la rupture doit être exprimée de façon claire et efficace et ne pas laisser de doute à la partie qui s'apprête à subir la rupture ;

- Le fait qu'un autre distributeur de la société Philips ait compris différemment la portée du courrier litigieux n'a nullement pour effet de lui ôter son caractère équivoque et ambigu ;

- L'emploi du pluriel " nos relations commerciales " est démuni de caractère probant et peut être employé de manière générique pour désigner des relations d'affaires relatives à une seule gamme de produits. Le courrier n'évoque à aucun moment la gamme X-Ray. En tout état de cause, il demeure une imprécision qui ne saurait profiter à l'auteur de la rupture ;

- Les éléments de chronologie confirment le caractère partiel de la rupture notifiée le 19 décembre 2013 ;

- Les documents de présentation remis à Philips et non contestés sur leur contenu confirment que dans l'esprit de Trumpf la rupture notifiée le 19 décembre 2013 était partielle ;

- La rédaction de la correspondance du 27 novembre 2014 confirme le périmètre limité de la rupture.

La société Philips répond que :

- Lors de la réunion du 16 décembre 2013, Philips a expressément informé ses quatre distributeurs de sa volonté de réorganiser son réseau de distribution "PCCI" mais également "X-Ray";

- La lettre de confirmation de rupture adressée le 19 décembre 2013 utilise à dessein le pluriel et énonce qu'il est mis fin à "nos relations commerciales", sans opérer de distinction entre les produits "PCCI" et "X-Ray";

- La lettre fait expressément référence au contrat de distribution n° 110009, lequel régissait la distribution par Trumpf des produits "PCCI" et "X-Ray";

- La lettre de rupture n'a suscité aucune réaction de la part de Trumpf démontrant l'absence d'ambiguïté ;

- Le caractère global de la rupture est réaffirmé dans le projet d'avenant au contrat de distribution soumis à Trumpf au début de l'année 2014 et que cette dernière a signé sans la moindre réserve ; Trumpf a consenti à proroger le contrat jusqu'à la fin de la période de préavis, acceptant qu'il y soit mis un terme dans toutes ses composantes le 1er juillet 2015 ;

- L'offre remise par Trumpf dans le cadre du processus de mise en concurrence organisé par Philips et auquel Trumpf a participé concernait aussi bien les produits "PCCI" que "X-Ray";

- La mention " CF annexe A2 jointe " au bas de la page 16 de l'avenant confirme le caractère global de la rupture, l'annexe susvisée concernant les produits "X-Ray" ;

- L'examen de la lettre adressée à Philips par AVF (autre distributeur des produits Philips) en réponse à la lettre de rupture - identique à celle reçu par Trumpf - confirme l'absence d'ambiguïté de la rupture globale ;

- Lorsqu'une partie exprime son souhait de mettre un terme à une relation et que par son comportement l'autre partie adhère à cette décision, il devient impossible de soulever une "rupture brutale" au sens de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce.

Les dispositions légales visent à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné [...]. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le volume d'affaires et la progression du chiffre d'affaires, les investissements spécifiques effectués, les relations d'exclusivité, la spécificité des produits et la dépendance économique.

La rupture est matérialisée par le courrier suivant en date du 19 décembre 2019 adressé par la société Philips à la société Trumpf avec pour objet "Rupture de nos relations commerciales" :

" Nous faisons suite à la réunion qui a eu lieu à Suresnes le 16 décembre au cours de laquelle Philips Healthcare vous a annoncé sa décision de réorganiser son réseau de distribution PCCI intra-hospitalier.

Par conséquent, par la présente, comme nous vous l'avons indiqué au cours de cette réunion, nous mettons un terme à nos relations commerciales. Nos deux sociétés étant liées par un contrat de distribution jusqu'au 28 février 2014, la rupture de nos relations commerciales prendra effet au 30 juin 2015 soit un préavis d'une durée de 18 mois.

Nous vous ferons parvenir courant janvier un projet d'avenant au contrat dans lequel les conditions commerciales pour la durée du préavis seront applicables. "

Aux termes de ce courrier, si la société Philips fait part à la société Trumpf de la réorganisation de son réseau de distribution PCCI intra-hospitalier, elle met également expressément un terme aux relations commerciales qu'elle entretient avec la société Trumpf en visant le contrat de distribution les liant.

L'avenant faisant suite à ce courrier est ainsi rédigé :

" Les parties ont signé un contrat de distribution n° 110009 le 28/12/2011 (le " Contrat ") dans lequel le Distributeur a accepté d'acheter et de revendre à ses clients (les (ou le) " Client (s) ") les produits commercialisés par Philips (les " Produits ") dont la liste figure en Annexe(s) A.

Le Contrat, qui avait un terme extinctif de plein droit au 31 décembre 2012, a fait l'objet d'un avenant N° FRD 110009 qui a notamment prorogé la durée jusqu'au 28 février 2014. Les dispositions du contrat et de l'avenant N° FRD 110009 non modifiés restent en vigueur.

[...] Le 16 décembre 2013, Philips a annoncé au Distributeur, au cours d'une réunion qui s'est tenue dans ses locaux, son intention de réorganiser son réseau de distribution. Cette annonce a fait l'objet d'une lettre recommandée avec avis de réception mettant fin aux relations commerciales entre les Parties avec effet au 1er juillet 2015.

Les parties se sont rapprochées en vue, notamment, de proroger la durée du Contrat jusqu'à la fin de la période du préavis.

Le Contrat est renouvelé la durée du préavis et prendra fin le 1er juillet 2015, terme extinctif de plein droit. "

Il y est ajouté "en deux exemplaires originaux", le lieu et la date du 21 février 2014. Cet avenant est signé des deux parties et revêtu du cachet commercial de Trumpf, le 25 mars 2014.

Le courrier du 19 décembre 2013 fait expressément référence à la rupture des relations commerciales entre les parties et propose un préavis de 18 mois. L'avenant du 25 mars 2014 fait référence à la prorogation "de la durée du Contrat jusqu'à la fin de la période du préavis" et fixe la fin des relations au 30 juin 2015.

Les modalités de la rupture sont claires et expresses. Le fait que la rupture provienne de la société Philips n'est pas contestable ; pour autant, la société Philips démontre qu'elle a accordé à sa cocontractante un préavis de 18 mois auquel celle-ci a adhéré.

Enfin la durée du préavis qui a pour but d'éviter une rupture brutale et qui été proposée et acceptée est en adéquation avec l'intensité et la durée de la relation commerciale de 29 ans.

Les parties sont en opposition sur l'étendue de la rupture des relations qui concernerait l'ensemble de celles-ci pour la société Philips et seulement la gamme de matériels PCCI pour la société Trumpf et non la gamme X Ray.

Aux termes de son courrier du 19 décembre 2013, la société Philips a indiqué sa décision de réorganiser son réseau de distribution PCCI intra-hospitalier " en rappelant la réunion qui a eu lieu le 16 décembre 2013. Le courrier a pour objet "Rupture de nos relations commerciales" et la société Philips fait savoir à la société Trumpf que "nous mettons un terme à nos relations commerciales" sans autre précision.

L'avenant en date du 21/02/2014 organisant l'aménagement d'un préavis en faveur de la société Trumpf se réfère au contrat de distribution n° 110009 en date du 28/12/2011 auquel il est mis fin. Ce contrat est relatif aux deux gammes de matériels.

Il y est mentionné la prorogation du contrat au 28 février 2014, par avenant N° FRD 110009 et la non modification des autres dispositions du contrat et de l'avenant ce qui signifie que doivent être pris en compte le contrat et ses avenants et non le dernier avenant qui ne modifie qu'une partie des dispositions de la convention.

Contrairement à la société Trumpf qui allègue que "l'avenant du 28.08.2013 (pièces n° 52 et 53) auquel fait référence l'avenant au contrat de distribution n° 110009 du 21 février 2014 ne concernait que la gamme monitorage (PCCI), la société Philips verse aux débats un courrier en date du 26/07/2013 aux termes duquel elle adresse à la société Trumpf, le 6 mai 2013, une Annexe A2 au contrat de distribution, relative aux conditions commerciales des produits contractuels " Imagerie Busines lines X Ray " pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 en référence à la mention "Annexe A2" figurant page 16 de l'avenant ce qui signifie que le contrat de distribution n° 110009 en date du 28/12/2011 comme l'avenant ultérieur concerne l'ensemble des gammes PCCI et X Ray qui ont chacune des conditions de vente différentes.

Suite au courrier de la société Philips du 19 décembre 2013, la société AVF qui distribue les produits de la gamme " X-Ray " de Philips au même titre que Trumpf a répondu le 21 janvier 2014 : " Nous prenons acte de votre courrier du 19 décembre 2013, nous faisant part de l'arrêt de notre contrat de distribution, envoyé au même moment à chacun des quatre distributeurs PCCI/BV Philips et faisant suite à la réunion des 4 distributeurs du 16 décembre 2013. Lors de cette réunion, vous nous avez signifié votre décision de réorganiser la distribution PCCI et Ampli de brillance en France avec une organisation nationale spécialisée par cycles de soins.'

Ce courrier n'émane pas de la société Trumpf, mais d'un distributeur tiers ; il a été rédigé par le représentant d'une société présente à la réunion du 16 décembre 2013 et laisse entendre que la société Philips a réorganisé l'ensemble de son réseau de distribution mais la société Philips reste tenue par les engagements qu'elle a pris avec la société Trumpf.

La société Trumpf verse aux débats deux documents de présentation en date des 10 juillet et 30 juillet 2014 de l'analyse du marché français en ce qui concerne la gamme X-Ray (radiologie mobile).

Les mentions figurant sur ces documents page 4 de ce document, Enjeu : nouvelle activité devant générer au minimum 1,7 M€ pour compenser la perte de PCCI ne sont pas probantes en ce qu'elles émanent de la société Trumpf qui présente un projet dans le cadre de la nouvelle réorganisation décidée par la société Philips.

Si la société Philips ne justifie pas du recours à l'appel d'offre, ces projets émanant de la société Trumpf démontrent qu'elle a émis au cours de l'exécution du préavis des propositions dans le cadre de la réorganisation par la société Philips de son réseau de distribution.

Par courrier en date du 27 novembre 2014, la société Philips a adressé le courrier suivant à la société Trumpf :

"Nous faisons suite à notre rendez-vous tenu dans nos locaux à Suresnes le 8 octobre au cours duquel nous vous avons annoncé notre décision de ne pas retenir votre offre pour la distribution de nos produits à compter du 1er juillet 2015. Après étude des différentes propositions, il est apparu que votre offre ne répondait pas au mieux à notre cahier des charges pour la partie PCMS. Concernant la partie amplis de brillance, nous avons étudié attentivement votre offre mais avons finalement décidé de reprendre la commercialisation en direct de ces produits. Nous vous confirmons donc que le préavis prendra fin le 30 juin 2015."

Ce courrier caractérise la poursuite des relations entre les parties durant la période de préavis et la tentative de la société Trumpf de participer à la nouvelle organisation du réseau de distribution de la société Philips. Il concerne tant la partie "PCMS" que la partie "amplis de brillance ou X-Ray" et ne fait que rappeler comme l'a prévu l'accord des parties que les relations commerciales prendront fin le 30 juin 2015 pour le contrat en cours.

Si aux termes de son courrier du 19 décembre 2013, la société Philips a fait part de la seule réorganisation de son réseau de distribution PCCI intra-hospitalier, elle a mis fin aux relations commerciales la liant à la société Trumpf en visant dans l'avenant prévoyant la fin des relations commerciales la référence au contrat de distribution n° 110009 en date du 28 décembre 2011. La société Trumpf ne démontre pas l'existence de contrats différents par gamme de produits alors que la société Philips a contractualisé ses relations commerciales avec celle-ci y compris pour l'exécution du préavis précédent la rupture des relations.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a retenu que la société Trumpf avait bénéficié d'un préavis de 18,5 mois accordé par la société Philips pour l'ensemble de l'activité et que la rupture n'avait pas été brutale et a en conséquence débouté la société Trumpf de ses demandes d'indemnisation.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner la société Hill Room venant aux droits de la société Trumpf Systèmes Médicaux à payer à la société Philips France Commercial la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; l'appelante sera déboutée de sa demande de ce chef.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne la société Hill Room venant aux droits de la société Trumpf Systèmes Médicaux à payer à la société Philips France Commercial la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Condamne la société Hill Room venant aux droits de la société Trumpf Systèmes Médicaux aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 Code de procédure civile.