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Décisions

CA Rouen, ch. civ. et com., 2 juin 2020, n° 18-02346

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

LV Mat (SAS)

Défendeur :

Clean Service Normandie (SARL), Clean Service Ile-de-France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brylinski

Conseillers :

Mme Mantion, M. Chazalette

T. com. Evreux, du 24 mai 2018

24 mai 2018

FAITS ET PROCEDURE

Le 1er mai 2003, était immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Rouen, la société Clean Service Normandie, société à responsabilité limitée à associé unique exerçant sous le nom "Clean Matériel" dont l'objet est l'achat et vente de tous matériels de nettoyage et toute activité de commerce relative au matériel de nettoyage.

Le 25 mai 2011, était immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Rouen, la société Clean Service Ile de France, société à responsabilité limitée à associé unique exerçant sous le nom "Clean Service" dont l'objet est l'achat, la vente de tous matériel de nettoyage, la réparation et la maintenance de ces matériels et toute activité de commerce relatives au matériel de nettoyage, réparation et maintenance de matériel de nettoyage industriel.

Les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France sont associés à la société Clean Invest, société holding, dont la société Loca Clean est également associée.

Le 2 janvier 2016, un contrat de travail a été signé entre la Sarl Clean Invest, représentée par M. Gérard B. agissant en qualité de gérant, et M. Yohan L., recruté en qualité de gérant de la société Clean Service Normandie aux fonctions de gérant mandataire et directeur commercial.

Le 2 janvier 2016, un contrat de travail a également été régularisé entre la Sarl Clean Invest, représentée par M. Gérard B. agissant en qualité de gérant, et

M. François V., recruté en qualité de gérant de la société Clean Service Ile de France et directeur technique.

Le 25 juin 2016, soit quelques mois seulement après la signature des contrats de travail, M. François V. a démissionné de ses fonctions de salarié et de gérant en sollicitant une dispense d'exécution de son délai de préavis de trois mois qui lui a été accordée.

Il en est de même de M. Yohan L..

Dans ces conditions, la gestion des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France a été reprise par M. Gérard B..

Le 20 juillet 2016, M. Yohan L. et M. François V. se sont associés au sein de la société par actions simplifiées LV Mat ayant pour objet en France et dans tous pays, l'achat, la vente, la réparation, la location, la mise en service de tous engins industriels ou non ou tous dispositifs motorisés pour les particuliers et les entreprises, ladite société étant enregistrée le 10 août 2016 au Registre du Commerce et des Sociétés d'Evreux.

Suivant requête en date du 21 novembre 2016, les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France ont saisi le président du Tribunal de commerce d'Evreux sur le fondement de articles 145 et 493 du Code de procédure civile, faisant état de faits susceptibles de constituer le délit civil de concurrence déloyale et elles ont obtenu, par ordonnance du 25 novembre 2016, la désignation de Maître D., huissier de justice avec mission de :

- se rendre au siège social de la société LV Mat, sis zone d'activités commerciales de la marguerite à Les Andelys (27700),

- prendre connaissance et se faire remettre copie de l'ensemble des fichiers clients de la société LV Mat, des offres qu'elle a émises, des commandes qui ont été passées et de l'ensemble des factures établies depuis sa création,

- se faire remettre copie et saisir la comptabilité de cette société, comportant notamment les registres, documents comptables et relevés de comptes,

- dresser la liste des matériels présents au sein des entrepôts de la société LV Mat en identifiant leur marque et leur numéro de série,

- dresser procès-verbal de ses opérations.

Maître D. a rendu compte de l'exécution de sa mission suivant procès-verbal en date du 7 décembre 2016.

Par acte signifié le 8 août 2017, les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France ont fait assigner la Sarl LV Mat à comparaître devant le Tribunal de commerce d'Evreux afin que celui-ci :

- dise et juge que la société LV Mat s'est rendue coupable aux préjudices des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France du délit civil de concurrence déloyale ;

- dise et juge en conséquence que la société LV Mat devra indemniser les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France de l'intégralité de préjudices subis ;

- condamne la société LV Mat à payer à la société Clean Service Normandie les sommes et indemnités suivantes :

° perte de marge brute 192 000,00 €

° perte de clientèle 400 000,00 €

° remboursement des salaires et charges de M. L. 20 000,00 €

° remboursement de 1/2 du coût du procès-verbal d'huissier 611,12 €

- condamne la société LV Mat à payer à la société Clean Service Ile de France les sommes et indemnités suivantes :

° perte de marge brute sur l'année 2016 41 000,00 €

° perte de clientèle 150 000,00 €

° remboursement des salaires et charges de M. V. 10 000,00 €

° remboursement de 1/2 du coût du procès-verbal d'huissier 611,12 €

- condamne la société LV Mat à payer aux sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France, chacune la somme de 10 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La société LV Mat s'est opposée à ces prétentions et a formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Par jugement en date du 24 mai 2018, le Tribunal de commerce d'Evreux a :

- jugé que la société LV Mat s'est rendue coupable au préjudice des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France du délit civil de concurrence déloyale ;

- dit que la société LV Mat devra indemniser les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France des préjudices subis selon l'évaluation du Tribunal ;

- condamné la société LV Mat à payer à la société Clean Service Normandie les sommes et indemnités suivantes :

- perte de marge brute sur l'année 2016 : 153 600,00 €

- perte de clientèle : 0 €

- remboursement des salaires et charges de monsieur L. : 0 €

- remboursement de la moitié du procès-verbal de maître D. : 611,12 €

- condamné la société LV Mat à payer à la société Clean Service Ile de France les indemnités suivantes :

- perte de marge brute sur l'année 2016 : 32 800,00 €

- perte de clientèle : 0 €

- remboursement des salaires et charges correspondant à l'emploi de monsieur V. : 0 €

-* remboursement de la moitié du coût du procès-verbal de constat de maître D. : 611,12 €

- débouté la société LV Mat de ses demandes reconventionnelles ;

- condamné la société LV Mat à payer à la société Clean Service Normandie la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société LV Mat à payer à la société Clean Service France la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la société LV Mat aux entiers dépens de l'instance dont frais de greffe de la décision liquidés à la somme de 99,31 € y ajoutant la somme de 611,12€ au titre du procès-verbal de constat ;

- ordonné, sauf en ce qui concerne les dépens de l'article 700 du Code de procédure civile, l'exécution provisoire de la décision.

La société LV Mat a formé appel de ce jugement, par déclaration reçue le 5 juin 2018 au greffe de la cour.

Par conclusions en date du 9 juillet 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, la société LV Mat demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner solidairement les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France à verser une somme de 50 000 € au titre du préjudice consécutif à l'obtention d'informations confidentielles ;

- condamner solidairement les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France à verser une somme de 20 000 € au titre de la procédure abusive ;

- condamner solidairement les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France à verser une somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France aux entiers dépens.

Par conclusions en date du 21 août 2018, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France demandent à la cour, au visa de l'article 1382 du Code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société LV Mat s'est rendue coupable au préjudice des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France du délit civil de concurrence déloyale ;

- le confirmer en ce qu'il a dit et jugé que la société LV Mat devait indemniser les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France des préjudices subis ;

- réformer le jugement sur le quantum des condamnations prononcées et condamner la société LV MAT à indemniser :

la société Clean Service Ile de France de la façon suivante :

* perte de marge brute : 192 000,00 €

* perte de clientèle : 400 000,00 €

* remboursement des salaires et charges de monsieur L. : 20 000,00 €

* remboursement de la moitié du coût du procès-verbal de constat de maître D.: 611,12 €

la société Clean Service Normandie de la façon suivante :

* perte de marge brute sur l'année 2016 : 41 000,00 €

* perte de clientèle : 400 000,00 €

* remboursement des salaires et charges de monsieur V. : 10 000,00 €

* remboursement de la moitié du coût du procès-verbal de constat de maître D.: 611,12 €

- confirmer le jugement pour le surplus, notamment en ce qu'il a débouté la société LV Mat de ses demandes reconventionnelles ;

- rejeter toute demande de la société LV Mat;

- condamner la société LV Mat aux dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût de la contribution acquittée en vertu de l'article 1635 bis P du Code général des impôts.

SUR CE:

L'action en concurrence déloyale, qui a pour fondement non une présomption de responsabilité, mais une faute engageant la responsabilité civile délictuelle au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil dans leur rédaction applicable aux faits de l'espèce, suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve, selon les exigences de l'article 1315 du Code civil, incombe à celui qui s'en prévaut.

Elle suppose en outre que la victime de tels actes démontre l'existence d'un préjudice résultant des faits délictueux.

Il convient en outre de rappeler que l'action en concurrence déloyale fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil est indifférente à l'existence ou non d'une clause de non-concurrence dont la violation justifierait la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de son auteur qui n'est pas invoquée, en l'absence d'une telle clause dans les contrats de travail liant

MM. V. et L. aux sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France.

De même les fautes imputées à M. L. et M. V. qui auraient utilisé les moyens mis à leur disposition pendant l'exécution du contrat de travail les liant à la société Clean Service Normandie et à la société Clean Service Ile de France ne sont pas suffisamment établies et se rapportent à une faute contractuelle, alors que l'action en concurrence déloyale a un fondement délictuel.

Les sociétés intimées soutiennent que la société LV Mat s'est rendue coupable de faits de concurrence déloyale aux motifs que par leurs agissements,

MM. V. et L. ont détourné la clientèle des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France et généré, rapidement après la constitution de ladite société, un chiffre d'affaire révélateur des moyens anormaux employés qui s'est accompagné d'une baisse corrélative du chiffre d'affaire des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France.

Pour justifier les faits reprochés à la société LV Mat, les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France se fondent d'une part sur les déclarations de MM. V. et L. qui ont reconnu devant Maître D. avoir 11 clients communs avec elles sur 69, les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France ayant pour leur part identifié 25 noms de clients communs (pièce n° 81 ) sur le journal des ventes de la société LV Mat établi pour la période du premier janvier 2016 au 7 décembre 2016 qu'elles rapprochent du chiffre d'affaires, qu'elles ont réalisé en 2014, 2015 et 2016 pour ces mêmes clients, tel qu'il ressort du relevé établi par leur l'expert-comptable (pièce 97).

Or, le démarchage de la clientèle de l'ancien employeur n'est pas constitutif à lui seul de concurrence déloyale s'il n'est pas réalisé par des moyens critiquables car contraires aux usages loyaux du commerce. De même, il n'est pas illégitime que l'ancien employé mette au service de son nouvel employeur ses connaissances et son expérience acquise

En l'espèce, les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France font valoir plusieurs faits auxquels elles attribuent un caractère déloyal à savoir :

- le fait d'avoir provoqué lé résiliation d'un marché passé auprès du syndicat mixte des gymnases de Fleury et Romilly sur Andelle,

- le démarchage de la société Onet que MM. V. et L. savaient liée aux deux sociétés dont ils étaient dirigeants,

- le fait que la société LV Mat se présente comme le premier réseau de distribution de matériel de nettoyage d'occasion en France,

- l'organisation du départ de MM. V. et L. en vue de la création de la société LV Mat par le détournement d'informations confidentielles et la commande de matériel,

- l'utilisation abusive du nom commercial Clean Matériel,

chacun de ces faits devant être examinés.

S'agissant de la commande passée par le syndicat mixte des gymnases de Fleury et Romilly sur Andelle, les sociétés intimées produisent le bon de commande portant sur deux autolaveuses neuves de marque RCM type Mega 1552 pour un montant de 12 558 € TTC ayant reçu l'accord du client en date du 22 juin 2016, alors que la facture a été émise le 2 septembre 2016 par la société LV Mat pour ce même matériel livré au client pour le même montant.

Or, il n'est pas contesté que Monsieur L. connaissait l'existence de cette commande, aucun élément du dossier ne venant démontrer que les représentants du Syndicat mixte des gymnases de Fleury et Romilly sur Andelle auraient sollicité l'intervention de la société LV Mat.

En effet, cette dernière ne produit pas le bon de commande qui aurait été passé auprès d'elle.

M. Mesnil A., président du Syndicat a par ailleurs rédigé une attestation dont il résulte que la livraison du matériel a été effectuée courant juillet 2016 et que la facture lui a été présentée en date du 29 août 2016 sous l'entité ' LV Mat '.

Ainsi, le matériel a été livré au syndicat mixte des gymnases de Fleury et Rommily sur Andelle alors que la société LV Mat n'était pas encore créée, ni immatriculée au greffe du Tribunal de commerce.

Ce fait n'est pas sérieusement contesté par la société LV Mat qui se contente d'évoquer les relations personnelles privilégiées entre M. L. et le collège de Fleury sur Andelle où il a été scolarisé.

Enfin, l'absence de résiliation de la part de la société Clean Normandie à l'égard de son client est sans intérêt au regard du détournement du marché opéré par la société LV Mat et du risque de mettre le client en difficulté au regard du règlement opéré par celui-ci directement auprès de la société LV Mat.

Les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France font valoir que ce n'est à l'évidence pas le seul client détourné.

Elles versent aux débats un échange de mails entre Mme B. Céline exerçant au sein de l'entreprise Onet en date du 27 octobre 2016, lequel démontre que M. L. a pris contact avec cette entreprise pour l'informer des offres disponibles sur 'notre nouveau site' le mail comportant un bandeau et un logo 'Clean Service'.

Or, le fait d'insérer dans des annonces commerciales la dénomination ' Clean Service' a permis à la société LV Mat d'être référencée sous ce vocable et de voir diriger vers elles toutes les recherches comportant ces termes, la société LV Mat indiquant que la lettre adressée à la société Onet correspond à un démarchage systématique adressé à toutes les sociétés susceptibles de lui vendre des machines de nettoyage d'occasion.

Ainsi, il se déduit de ce qui précède que la société LV Mat a utilisé un moyen propre à opérer une confusion dans l'esprit des opérateurs sur le marché concurrent de celui des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France au détriment de ces dernières, n'hésitant pas en outre à se présenter comme le premier réseau de distribution de matériel de nettoyage d'occasion en France.

Ces faits suffisent à caractériser les actes de concurrence déloyale de la part de la société LV Mat, la cour comme le Tribunal estimant néanmoins que les fautes des ex salariés M. L. et M. V. auxquels il est reproché d'avoir utilisé les moyens de l'employeur en vue de leur association au sein de la société LV Mat ne sont pas suffisamment caractérisés s'agissant tant de la commande de matériel ( 2 clés à cliquet refacturées à M. V.) que de la suppression des boîtes mail de MM. L. et V. qui ne pourrait caractériser qu'un manquement au contrat de travail, sans lien avec les faits délictuels reprochés à la société LV Mat.

S'agissant du préjudice en lien avec le fait démontrés à l'encontre de la société LV Mat, les sociétés intimées se fondent sur les informations recueillies par Maître D. qui a relevé que sur le journal des achats de la société LV Mat figurent 11 fournisseurs dont 10 sont identiques à ceux des sociétés du groupe Clean alors que le fichier client recense 73 contacts, dont 24 identiques aux clients du groupe Clean.

Or, pour évaluer le préjudice subi à raison des faits survenus en fin d'année 2016, il convient de comparer l'activité des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France en 2016 par rapport aux exercice antérieurs ; les sociétés intimées n'ont pas cru bon, malgré l'appel, de produire des pièces actualisées sur leur situation respective qui auraient permis de démontrer la persistance d'un préjudice indemnisable au-delà du seul exercice 2016.

Elles versent aux débats un tableau (pièce n°86) établi par leur expert-comptable COGESFI dont il ressort que le chiffre d'affaire de la société Clean Service Normandie relativement aux clients détournés par la société LV Mat était en baisse régulière depuis 2014 soit :

CA 2014 196 790€

CA 2015 188 370€

CA 2016 173 190€

S'agissant de la société Clean Service Ile de France l'évolution du chiffre d'affaires pour ces mêmes clients sur la même période s'établit comme suit :

CA 2014 21 633€

CA 2015 24 277€

CA 2016 22 828€

la baisse du chiffre d'affaires de 2016 étant relative alors que ce chiffre est en augmentation par rapport à 2014.

Toutefois, ce document correspond au chiffre d'affaire exclusivement réalisé avec les clients communs des sociétés intimés et de la société LV Mat, le cabinet COGESFI indiquant dans une attestation du 17 mars 2017 que le chiffre d'affaire de 2016 de la société Clean Service Normandie recule de 413 000€ entre 2015 et 2016, celui de la société Clean Service Ile de France étant en recul de 118 000€ sur la même période.

Or, la création de la société LV Mat étant intervenue en août 2016, la perte de marge brute sur l'année entière doit être mise en relation avec le montant du chiffre d'affaire réalisé par la société appelante par détournement de la clientèle des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France évalué à 120 028,43€ HT ( pièce n° 81 des intimées) d'où il se déduit que la perte de marge brute ne peut être retenue intégralement comme le demandent les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France.

Enfin, le préjudice ayant une nature purement économique, la notion de perte de chance ne peut être invoquée pour pallier l'insuffisance des preuves produites par les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France dont la pérennité était en outre conditionnée à l'aboutissement du projet de cession mis en place à la faveur du départ à la retraite de M. B..

Ainsi, il y a lieu compte tenu de ce qui précède et des éléments produits par les sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France de dire que les sommes allouées par le jugement entrepris les indemnisent suffisamment du préjudice économique résultant des faits de concurrence déloyale commis par la société LV Mat et de les débouter de toutes autres demandes sauf s'agissant du remboursement des frais de constat d'huissier.

Le jugement étant confirmé en ce qui concerne la responsabilité de la société LV Mat et le montant des sommes allouées, il y a lieu de débouter l'appelante de ses demandes de dommages et intérêts, aucune faute n'étant démontrée à la charge des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge des sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France les sommes qu'elles ont dû exposer non comprises dans les dépens. Il y a donc lieu de condamner la société LV Mat

à payer à chacune la somme de 5 000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée par le jugement dont appel.

Par ces motifs, LA COUR, statuant par décision rendue contradictoirement, Déboute la société LV Mat des fins de son appel, Confirme le jugement du Tribunal de commerce d'Evreux tant en ce qui concerne le principe de la responsabilité de la société LV Mat que les montant des indemnités allouées à titre de dommages et intérêts et à titre remboursement des frais de constat d'huissier et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Y ajoutant, Condamne la société LV Mat à payer aux sociétés Clean Service Normandie et Clean Service Ile de France chacune la somme de 5 000€ par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société LV Mat aux entiers dépens de première instance et d'appel.