CAA Paris, 3e ch., 9 juin 2020, n° 18PA03745
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Central Park (Sté)
Défendeur :
Centre national pour le développement du sport (CNDS), Syndicat Intercommunal de Gestion et de Valorisation de l'Aérodrome de Douzy (SIGVAD
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bouleau
Conseillers :
M. Bernier, Mme Pena
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Central Park a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 6 avril 2012 par laquelle le directeur général du Centre national pour le développement du sport (CNDS) a accordé une subvention d'un montant prévisionnel maximum de 250 000 euros au syndicat intercommunal de gestion et de valorisation de l'aérodrome de Douzy (SIGVAD) pour la construction d'un bowling.
Par un jugement n° 1219963 du 30 décembre 2014, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15PA00906 du 27 février 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de la société Central Park contre ce jugement.
Par une décision n° 410116 du 28 novembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la société Central Park, a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 27 février 2017 et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 février 2015 et le 9 février 2017 sous le n° 15PA00906, la société Central Park, représentée par la SCP Pierre Blocquaux et Associés, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 6 avril 2012 par laquelle le directeur général du Centre national pour le développement du sport (CNDS) a accordé une subvention d'un montant prévisionnel maximum de 250 000 euros au Syndicat intercommunal de gestion et de valorisation de l'aérodrome de Douzy (SIGVAD) pour la construction d'un bowling et de condamner le SIGVAD à rembourser cette subvention sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du CNDS la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable au regard de la notion d'aide d'Etat dès lors que la subvention accordée a le caractère d'une aide publique et en sa qualité d'entreprise concurrente dont la position sur le marché serait substantiellement affectée par l'aide faisant l'objet de la décision ;
- le CNDS ne justifie pas avoir obtenu l'avis du comité régional olympique sportif ni celui du comité national olympique et sportif français, ni celui du mouvement sportif régional, représentée par la Ligue régionale de Bowling, de sport de quilles de Champagne-Ardenne ;
- l'avis du délégué territorial, l'avis de la fédération et l'avis du comité de programmation sont irréguliers ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le caractère sportif de l'équipement n'est pas assuré, le projet ne s'inscrit pas dans une catégorie d'équipements éligible à une subvention d'équipement national, le projet subventionné est disproportionné par rapport au contexte géographique, économique et social de son implantation ;
- l'attribution de la subvention a pour origine une fraude, le bâtiment ne répondant pas à des besoins de caractère sportif, et le projet reposant sur un plan de financement fantaisiste ;
- la subvention, qui présente le caractère d'une aide, n'a pas été notifiée à la Commission Européenne.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2015, le Centre national pour le développement du sport, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Central Park la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société requérante ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la requête est tardive ;
- le courrier du 6 avril 2012 n'a pas le caractère d'une décision, mais d'une simple notification de la décision constituée par la délibération du 22 mars 2012 ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2017, le syndicat intercommunal de gestion et de valorisation de l'aérodrome de Douzy (SIGVAD), représenté par Me Occhipinti, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Central Park au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute pour la société requérante de justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Après l'annulation de l'arrêt du 27 février 2017 par le Conseil d'Etat et le renvoi de l'affaire à la cour, la requête n°15PA00906 a été enregistrée à nouveau sous le n° 18PA03745.
Par des mémoires enregistrés les 13 février 2019, 21 et 27 février 2020, la société Central Park conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elle conclut également à ce que les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soient mis à la charge de l'Agence nationale du sport, venant aux droits du CNDS et de la commune de Douzy, venant aux droits du SIGVAD.
Par un mémoire enregistré le 13 mars 2019, l'Agence nationale du sport, venant aux droits du CNDS, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme réclamée sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative soit portée à 5 000 euros.
Elle retire la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 18 février 2020, la commune de Douzy, venant aux droits du SIGVAD, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Central Park sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Elle retire la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- le traité de fonctionnement de l'Union européenne ;
- le Code général des collectivités territoriales ;
- le Code de commerce ;
- le Code du sport ;
- le Code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public ;
- et les observations de Me E... pour la société Central Park et de Me D... pour l'Agence nationale du sport.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat intercommunal de gestion et de valorisation de l'aérodrome de Douzy, créé en 1999, était chargé de la gestion et de la valorisation de cet aérodrome, et plus largement, d'assurer le développement économique de la zone, située au sud de Sedan, en organisant la construction de locaux industriels et de loisirs qui seront ultérieurement loués à des entreprises. En 2011, le syndicat a décidé de construire un bâtiment à usage de bowling, sous maîtrise d'ouvrage publique, d'une superficie de 1 836 m2 et comportant quatorze pistes, dont l'exploitation serait confiée à une personne privée. A cette fin, il a sollicité et obtenu du Centre national pour le développement du sport une subvention de 250 000 euros. La société Central Park relève appel du jugement du 30 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du Centre national pour le développement du sport du 6 avril 2012 octroyant cette subvention.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de Paris a rejeté comme irrecevable la demande présentée par la société Central Park au motif que celle-ci ne justifiait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour contester cette décision.
3. La société Central Park exploite à Charleville-Mézières un complexe de loisirs comprenant un bowling de seize pistes. La décision de subvention contestée a été prise pour permettre la mise en œuvre de la décision de construire un bâtiment à usage de bowling sur le site de l'aérodrome de Douzy, situé à une trentaine de kilomètres de Charleville-Mézières. Le bowling de Douzy a vocation à attirer le public intéressé résidant dans l'est du département des Ardennes qui allait précédemment à Charleville-Mézières, et il est également susceptible d'attirer une partie de ce public résidant dans le chef-lieu du département qui constitue l'agglomération la plus peuplée. Il est donc en situation de concurrence avec le bowling de Charleville-Mézières et peut avoir un impact significatif sur son activité. La société Central Park justifie ainsi d'un intérêt suffisant lui donnant qualité à contester la subvention octroyée à son concurrent. Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son jugement en date du 30 décembre 2014 doit, dès lors, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Central Park devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les autres fins de non-recevoir opposées par les défendeurs :
5. Si le conseil d'administration du Centre national pour le développement du sport a approuvé dans sa séance 22 mars 2012 la liste des bénéficiaires et des montants des subventions d'équipements sportifs, la subvention contestée a été accordée par une décision CNDS-DES-DN n°5152 du directeur du Centre national pour le développement du sport du 6 avril 2012. Cet acte a le caractère d'une décision et ne saurait être regardé comme la notification de la délibération du conseil d'administration. En en demandant l'annulation, la société Central Park ne s'est pas méprise sur la décision qui lui faisait grief.
6. Il est constant que la décision contestée du 6 avril 2012 n'a pas fait l'objet d'une publication et qu'elle n'a pas été notifiée à la requérante qui avait la qualité du tiers. S'il ressort des pièces du dossier que la société Central Park aurait pu avoir eu connaissance fin juin 2012, par des rumeurs, de l'existence de cette décision, elle n'avait à cet égard aucune certitude, ce qui l'a conduite à demander, par lettre adressée le 7 septembre 2012 au président du Centre national pour le développement du sport si une telle décision existait et dans l'affirmative de lui en adresser une copie. Elle n'en a obtenu confirmation que par lettre du 21 septembre 2012 à laquelle était jointe une copie de la décision du 6 avril 2012. Par suite, la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 20 novembre 2012, n'était pas tardive.
Sur la légalité de la décision du Centre national pour le développement du sport d'octroyer une subvention au syndicat intercommunal de gestion et de valorisation de l'aérodrome de Douzy :
S'agissant de la régularité de la procédure :
7. Aux termes de l'article R.411-9 du Code du sport : " Un comité de programmation est chargé de donner un avis au conseil d'administration sur l'attribution des subventions d'équipement proposées par le directeur général./ Outre son président, le comité comprend cinq membres nommés par arrêté du ministre chargé des sports :/ 1° Deux représentants de l'Etat ;/ 2° Deux représentants du mouvement sportif désignés par le président du Comité national olympique et sportif français ;/3° Un représentant de l'Association nationale des élus en charge du sport désigné par celle-ci./Le président du comité de programmation, membre du conseil d'administration de l'établissement, est nommé par arrêté du ministre chargé des sports, sur proposition du président du Comité national olympique et sportif français./La durée du mandat des membres est de quatre ans. Ce mandat est renouvelable une fois. /Le comité de programmation se réunit au moins deux fois par an sur convocation de son président. /Le directeur général de l'établissement assiste de plein droit avec voix consultative aux réunions du comité de programmation. / Les avis du comité sont adoptés à la majorité des voix des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante ".
8. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas de l'article R. 411-9 du Code du sport, ni d'aucun principe, que les avis émis par le comité de programmation sur les dossiers de demande de subvention d'équipement sportif doivent comporter des mentions attestant de la régularité de sa composition, et notamment l'identité et le nombre des membres présents à chacune de ses réunions. Par suite, le moyen tiré de ce que les mentions figurant dans l'avis signé par le président de ce comité le 22 mars 2012, en ce qu'elles seraient insuffisantes, entacheraient la régularité de cet avis et donc de la procédure d'attribution de la subvention, doit être écarté.
9. L'article 4-2-7 bis alors applicable du règlement général du Centre national pour le développement du sport prévoit que : " Le mouvement sportif régional, notamment le CROS, émet un avis sur les projets faisant l'objet d'une demande de subvention d'équipement. Le délégué de l'établissement transmet au directeur général les dossiers de demande de subvention instruits par les services déconcentrés de l'Etat, chargés des sports, revêtus de son avis. Les fédérations sportives sont sollicitées pour faire part de leurs priorités entre les différents projets concernant la pratique d'une discipline pour laquelle elles ont reçu délégation ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le délégué de l'établissement et la fédération française de bowling et sports de quilles ont émis un avis conformément à ces dispositions du règlement. Aucune disposition réglementaire n'exigeait que soit également consultée la ligue régionale de bowling et sports de quilles de la région Champagne Ardennes. Si la consultation du comité régional olympique et sportif de la région Champagne Ardennes n'est attestée que par une capture d'écran, le Centre national pour le développement du sport fait valoir que cet organisme transmet toujours ses avis sous une forme électronique sans les confirmer par un courrier. Aucune disposition réglementaire n'imposait que le Comité national olympique et sportif français soit consulté sur l'octroi de cette subvention, l'invocation de la circulaire du
16 novembre 2011 étant à cet égard inopérante. Ainsi donc les irrégularités alléguées ne sont pas établies. En tout état de cause, une omission ou une irrégularité dans la consultation de ces organismes n'aurait pas privé les intéressés d'une garantie, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles auraient été susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision prise.
11. Si la société Central Park conteste la teneur des avis émis par le délégué de l'établissement et par la fédération française de bowling et sports de quilles, qu'elle estime trop favorables au projet de subvention, mal fondés et reposant sur une appréciation erronée de la demande du public en matière sportive, cette critique est étrangère à la régularité de la procédure.
S'agissant des allégations de fraude :
12. Si un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré, il n'est pas, du seul fait de la fraude, nul et non avenu et il incombe uniquement à l'autorité administrative de tirer, le cas échéant, toutes les conséquences légales de cet acte aussi longtemps qu'il n'y a pas été mis fin. Il en résulte que les allégations relatives à la fraude qui aurait entaché la demande de subvention ne peuvent être utilement invoquées pour obtenir l'annulation de la décision attaquée. En tout état de cause, et à supposer même que la société requérante aurait établi que la société X-Trem bowling, appelée à utiliser l'équipement sportif, n'aurait été créée que pour les besoins du dossier de demande de subvention et qu'elle n'aurait eu qu'une existence assez brève, cette circonstance ne serait pas de nature à caractériser une fraude.
S'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation :
13. Aux termes des dispositions de l'article R. 411-2 du Code du sport, alors applicables : " Le Centre national pour le développement du sport a pour missions, dans le cadre des orientations générales fixées par le ministre chargé des sports, de :/1° Contribuer au développement de la pratique du sport par le plus grand nombre ;/ 2° Favoriser l'accès au sport de haut niveau et l'organisation de manifestations sportives ;/3° Promouvoir la santé par le sport ;/4° Améliorer la sécurité des pratiques sportives et la protection des sportifs ;/5° Renforcer l'encadrement de la pratique sportive./ Il exerce ces missions par l'attribution de concours financiers, sous forme de subventions d'équipement ou de fonctionnement, au Comité national olympique et sportif français, aux associations sportives, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, aux organismes assurant le fonctionnement des antennes médicales de prévention du dopage mentionnées à l'article L. 232-1, ainsi qu'aux associations et groupements d'intérêt public qui interviennent dans le domaine des activités physiques et sportives ".
14. Il est constant qu'aucun texte réglementaire ne détermine les conditions et critères d'attribution des concours financiers par le Centre national pour le développement du sport. La circulaire du 16 novembre 2011 relative à la mise en œuvre de subventions aux équipements sportifs en 2012 par le Centre national pour le développement du sport ne saurait être utilement invoquée par la requérante.
15. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures de la société requérante que le département ne comptait que deux bowlings. La subvention contestée a été accordée pour offrir aux amateurs de jeux de quille de l'est du département des Ardennes un équipement sportif où ils seraient en mesure de pratiquer l'activité sportive qui a leur faveur dans le cadre d'un projet global de revitalisation d'une zone économique déprimée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet subventionné aurait été dénué de tout sérieux. Les allégations de la requérante selon lesquelles le plan de financement aurait été fantaisiste ne sont pas établies. Le montant de la subvention, 250 000 euros, soit moins de 15% du coût du projet, n'est pas disproportionné pour un projet qui ne présente pas, contrairement à ce que soutient la société Central Park, un caractère somptuaire. La décision n'est donc pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
16. Enfin, si la société requérante fait valoir que la subvention contestée aurait été accordée sur les instances d'élus locaux particulièrement attachés à ce que le projet aboutisse, il ne ressort pas des pièces du dossier que la subvention aurait été octroyée pour des motifs, étrangers à l'intérêt général, autres que ceux qui la justifient. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
S'agissant de l'absence de notification préalable à la Commission Européenne de la subvention litigieuse :
17. Aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (...) ". Selon le paragraphe 3 de l'article 108 du même traité : " La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ".
18. Il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 107 précité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par le traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 108 du traité, d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution. L'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide.
19. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, peuvent être qualifiées d'aide d'Etat, au sens des stipulations précitées de l'article 107, les aides qui constituent une intervention de l'Etat ou au moyen de ressources d'Etat, qui sont susceptibles d'affecter les échanges entre Etats membres, accordent un avantage à leurs bénéficiaires et faussent ou menacent de fausser la concurrence.
20. D'une part, la subvention litigieuse a été accordée sur le fondement, cité au point 14 de l'article R. 411-2 du Code du sport, par le Centre national pour le développement du sport, établissement public administratif chargé notamment de contribuer au développement de la pratique du sport par le plus grand nombre, au SIGVAD, établissement public intercommunal chargé de la valorisation de l'aérodrome de Douzy en vue de participer au financement de la construction, sous maîtrise d'ouvrage public, d'un équipement de locaux et d'installation d'un bowling devant être mis à la disposition d'une association afin de permettre le développement, sous le contrôle de cet établissement public, de la pratique de l'activité du sport de quilles. Même si l'existence de cet équipement sportif peut notamment contribuer indirectement à la revitalisation économique de la région de Sedan, le SIGVAD ne saurait être regardé en l'espèce comme une entreprise.
21. D'autre part, si la société Central Park allègue que la mise en service de cet équipement sportif, en ce qu'il entrera en concurrence avec d'autres équipements de même nature situés en Belgique, est susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres de l'Union Européenne, les établissements qu'elle cite, situés à Namur ( 125 km, 1h 35 de route), Dinant (109 km, 1h 20 de route), Sambreville (159 km, 2h de route) et Gembloux (146km, 1h45 de route), Arlon (65 km) et Foetz (93 km) sont trop éloignés pour que les échanges entre Etats membres soient susceptibles d'être affectés. Aucune précision n'est par ailleurs apportée sur le bowling qui serait susceptible d'exister à Alle sur Semois, distant d'une trentaine de kilomètres. Dans ces conditions, la subvention ne présente pas le caractère d'une aide accordée à une entreprise susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres. L'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 108 du traité, d'en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, n'a donc pas été méconnue.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Central Park n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 6 avril 2012 par laquelle le directeur général du Centre national pour le développement du sport a accordé une subvention d'un montant prévisionnel maximum de 250 000 euros au syndicat intercommunal de gestion et de valorisation de l'aérodrome de Douzy. Ses conclusions tendant à ce que le syndicat soit condamné sous astreinte à reverser cette somme doivent être rejetées par voie de conséquence.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que la somme de 5 000 euros que la société Central Park demande au titre des frais liés à l'instance soit mise à la charge de l'Agence nationale du sport, qui n'est pas la partie perdante à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Douzy, venant aux droits du syndicat intercommunal de gestion et de valorisation de l'aérodrome de Douzy, et par l'Agence nationale du sport, venant aux droits au Centre national pour le développement du sport, au titre de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 30 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Central Park devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Central Park, à l'Agence nationale du sport et à la commune de Douzy. Copie en sera adressée au ministre chargé des sports.