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Décisions

ADLC, 7 mai 2020, n° 20-DCC-64

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif d'Europa Group par Comexposium

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : Mme de Silva

ADLC n° 20-DCC-64

7 mai 2020

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 3 mars 2020, relatif à la prise de contrôle exclusif d'Europa Group par Comexposium, formalisée par un contrat de cession d'actions en date du 19 décembre 2019 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. Comexposium Holding (ci-après, "Comexposium") est une société anonyme conjointement détenue et contrôlée par la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris - Île-de-France (ci-après, "CCIR") et Predica Prévoyance Dialogue (ci-après, " Predica "). Comexposium est spécialisée dans l'organisation de foires et de salons recouvrant près d'une vingtaine de secteurs d'activité, à destination du grand public et des professionnels. À titre marginal, Comexposium est active en matière d'organisation de congrès et autres événements.

2. La CCIR a été créée par le décret n° 2012-595 du 27 avril 2012 en vertu duquel les chambres de commerce et d'industrie de l'Essonne, de Seine-et-Marne, des Hauts-de-Seine, de Paris, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines ont été fondues le 1erjanvier 2013 en une chambre de commerce et d'industrie de région unique. La CCIR est un établissement public administratif à caractère économique placé sous la tutelle de l'État et administré par des dirigeants d'entreprises élus par leurs pairs. En vertu de l'article L. 710-1 du Code de commerce, le réseau des chambres de commerce et d'industrie doit contribuer au développement économique des territoires, des entreprises et de leurs associations en remplissant des missions de service public, d'intérêt général et d'intérêt collectif. Elles ont une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics. La CCIR contrôle, conjointement avec Unibail, la société Viparis, active dans le secteur de la gestion de sites dédiés à l'accueil des congrès, des foires et des salons.

3. Predica est une société détenue à 100 % par le groupe Crédit Agricole (ci-après "CGA"), lui-même détenu par 39 caisses régionales. GCA est principalement actif dans les secteurs bancaires, assurantiel et immobilier. Predica est active plus particulièrement sur le marché des assurances de personnes, notamment dans le secteur de l'assurance-vie, de l'épargne et de la retraite, à destination des particuliers et des entreprises. Predica détient un centre de congrès situé à Massy (91).

4. Europa Group (ci-après, "Europa "), société par actions simplifiée ultimement contrôlée par ses fondateurs, M. et Mme Doncieux, est la société de tête du groupe Europa. Le groupe Europa est principalement actif dans le secteur de l'organisation de congrès et autres événements, en particulier dans le secteur médical, via les sociétés Europa Group et Insight Outside. Le groupe Europa propose également à ses clients des prestations annexes à l'organisation de congrès, tels que des supports multimédia, l'accueil des congressistes ou des services de réservation hôtelière à travers sa filiale Europa Booking and Services. Enfin, le groupe Europa est actif dans le secteur de l'édition de publications dans le domaine médical et des relations presse-publics spécialisée dans le domaine médical.

5. L'opération consiste en l'acquisition par Comexposium de [...]% du capital et des droits de vote d'Europa. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d'Europa par Comexposium, l'opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Comexposium: [=150 millions] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2018 ; Europa : [=150 millions] d'euros pour le même exercice). Ces entreprises réalisent chacune, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (Comexposium: [=50 millions] d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2018 ; Europa :[=50 millions] d'euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Les activités des parties se chevauchent sur le marché de l'organisation de congrès et autres événements (A) et de la fourniture de prestations annexes (B). Seront également envisagés les marchés de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès (C) et de l'édition de publications (D) au titre des effets non-horizontaux de l'opération.

A. MARCHÉ DE L'ORGANISATION DE CONGRÈS ET AUTRES

ÉVÉNEMENTS

1. MARCHÉ DE PRODUITS

8. L'organisation d'événements (foires, salons, congrès, expositions, colloques, conventions, etc.) met en relation des sociétés savantes, des entreprises ou des fédérations et syndicats professionnels avec des spécialistes du métier de l'organisation. Il existe trois types d'organisateurs d'événements : les structures ad hoc créées à l'initiative de syndicats ou de fédérations, les sociétés généralistes, professionnels de l'organisation ou de la communication, souvent issues de groupes de presse ou d'éditeurs, et enfin les sociétés d'organisation spécialisées dans un secteur précis.

9. Le ministre de l'économie a distingué le marché de l'organisation des foires et salons du marché de l'organisation de congrès et autres événements (congrès, expositions, colloques ou convention). Il a relevé que, du côté de la demande, les foires et les salons répondent à la demande d'un groupement d'entreprises, éventuellement représentées par une fédération professionnelle, alors que les congrès répondent aux besoins d'une seule organisation telle qu'une société savante, un organisme public ou parapublic, un centre de recherche ou une entreprise spécifique. Du côté de l'offre, le ministre a constaté que les entreprises étaient spécialisées dans l'une ou l'autre des activités qui requièrent un savoir-faire différent1.

10. Il n'a pas lieu de remettre en cause cette délimitation du marché en l'espèce. Comexposium et Europa sont simultanément actives sur le marché de l'organisation de congrès et autres événements.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

11. Dans son avis n° 07-A-10 du 26 septembre 2007 relatif au rapprochement des activités de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et de la société Unibail Holding SA dans le secteur de la gestion de sites de congrès-expositions et de l'organisation de foires et salons, le Conseil de la concurrence a, tout en laissant la question ouverte, considéré que le marché de l'organisation de congrès et autres événements était de dimension au moins nationale, voire internationale.

12. Il n'y a pas lieu de remettre en cause la délimitation géographique du marché au cas d'espèce.

B. MARCHÉ DES PRESTATIONS ANNEXES

1. MARCHÉ DE PRODUITS

13. Dans le secteur des foires et salons, des prestataires fournissent aux gestionnaires, aux organisateurs, ou directement aux clients de ces derniers, des services variés dans le domaine de la signalétique, de l'accueil, de la conception et de l'installation de stands, de la sécurité, de la restauration, etc.

14. Le ministre de l'économie a considéré qu'il convenait d'isoler les prestations annexes qui sont directement liées au site. Il en est ainsi des prestations qui ne peuvent être rendues sans disposer d'une très bonne connaissance des sites et d'un droit d'accès étendu à ceux-ci, ou des prestations dont l'exécution engage la responsabilité civile et pénale de l'exploitant du site. Ce dernier peut dès lors légitimement exiger qu'elles soient réalisées par lui-même ou par des entreprises qu'il agrée. De telles prestations sont alors dites "obligatoires " si elles ne sont pas divisibles, ou " exclusives " si leur consommation est attribuable à un exposant en particulier. Ces prestations peuvent concerner les branchements électriques et de plomberie, l'élingage, la signalisation, la sécurité du site et éventuellement la gestion des caisses. Ces prestations directement liées à l'infrastructure du site relèvent donc davantage de la gestion des sites que d'un marché de prestations annexes, étant en réalité complémentaires à la location de surface2.

15. S'agissant des prestations de services annexes non directement liées au site, les exposants peuvent faire jouer la concurrence entre les gestionnaires de sites, les organisateurs de salons s'ils proposent ces prestations, et les prestataires spécialisés (ci-après, "prestations annexes concurrentielles ").

16. La pratique décisionnelle a donc retenu, s'agissant du secteur de l'organisation de foires et salons, un marché distinct relatif aux prestations annexes concurrentielles.

17. Ces constatations sont également applicables au secteur de l'organisation de congrès et autres événements. En effet, dans le secteur des congrès et autres événements, les opérateurs, organisateurs et gestionnaires de sites, sont à même de fournir ou de recevoir des prestations annexes semblables à celles décrites ci-dessus.

18. En conséquence, le marché de la fourniture de prestations annexes à l'organisation de congrès et autres événements sera envisagé au cas d'espèce.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

19. S'agissant du marché des prestations annexes relatives à l'organisation de foires et salons, le ministre de l'économie a laissé ouverte la question de sa délimitation géographique3.

20. La pratique décisionnelle ne s'est pas prononcée sur la dimension géographique du marché de la fourniture de prestations annexes concurrentielles en matière de congrès et autres événements. En l'espèce, ce marché est principalement concerné au titre des effets congloméraux de l'opération étant donné le lien de connexité existant entre, d'une part, les prestations annexes concurrentielles fournies par Europa et, d'autre part, les prestations annexes obligatoires ou exclusives fournies par CCIR, via Viparis et liées à la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès. Ainsi, à l'instar du marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès et autres événements, le marché des prestations annexes sera envisagé au niveau national.

21. Toutefois, la question d'une délimitation géographiquement plus large du marché peut être laissée ouverte, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

C. MARCHÉ DE LA GESTION DE SITES SUSCEPTIBLES D'ACCUEILLIR DES CONGRÈS ET AUTRES ÉVÉNEMENTS

1. MARCHÉ DE PRODUITS

22. La gestion de site consiste en la location de surfaces aux organisateurs d'événements.

23. Le ministre a considéré qu'il était pertinent de distinguer le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès de celui de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des foires et salons.

24. Il a relevé à cet égard que les foires et salons ont une finalité différente des congrès. Les foires et salons se définissent comme "des manifestations commerciales constituées par le groupement périodique d'exposants présentant aux acheteurs potentiels ou au public des échantillons de produits ou services dans l'intention d'en faire connaître les qualités et d'en provoquer les commandes ". En revanche, un congrès est "organisé par une association professionnelle, une association scientifique, les pouvoirs publics ou une organisation internationale. Il est sans but commercial et vise à rapprocher des participants appartenant à des horizons variés, qui pourront se rencontrer et échanger des informations. "

25. En outre, le ministre a relevé que ces deux types d'événements nécessitent des équipements techniques différents (les congrès, expositions, colloques ou conventions nécessitent des amphithéâtres et des salles de réunions alors que les foires requièrent de vastes halls d'exposition plus ouverts, permettant une circulation aisée des visiteurs), ce qui explique la relative spécialisation des sites en France pour l'un ou l'autre type de manifestations5.

26. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation du marché en l'espèce.

27. CCIR est actif sur ce marché via la société Viparis, co-contrôlée avec Unibail. Viparis exploite les sites suivants : Paris Convention Centre, les Salles du Carrousel, Paris Nord Villepinte, le Palais des Congrès de Paris, le Palais des Congrès d'Issy, Paris Le Bourget, l'Espace Champerret, l'Espace Grande Arche, l'Hôtel Salomon de Rothschild et Paris Expo Porte de Versailles. Predica est active sur ce marché par la détention d'une salle de congrès située à Massy (91).

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

28. Le marché de la gestion de sites de congrès a été considéré par la pratique décisionnelle comme étant de dimension au moins nationale et souvent internationale. Comme l'a souligné le ministre, de manière générale, les gestionnaires de sites hors Ile-de-France considèrent qu'ils sont en concurrence avec tous les autres sites des villes françaises. Par ailleurs, les congrès ayant un objet scientifique ou professionnel peuvent aussi revêtir une dimension touristique. Il existe de plus une réelle pression des sites internationaux sur les sites français, et parisiens en particulier.

29. À cet égard, le ministre a relevé que Paris bénéficiait "d'un statut tout à fait spécifique compte tenu de son attrait touristique, même si ses sites sont exposés à un réel risque d'érosion face aux investissements très importants des collectivités locales de certains pays pour construire des palais des congrès de très grande taille, offrant des services de haute technologie "6.

30. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette définition au cas d'espèce.

D. LES MARCHÉS DE L'ÉDITION DE PUBLICATIONS

1. LES MARCHÉS DE LA PRESSE ÉCRITE

31. Les autorités de concurrence considèrent que la presse écrite constitue un marché distinct des autres médias traditionnels (télévision, radio, etc.), en particulier parce que ces derniers n'offrent pas une analyse de l'information aussi large et aussi approfondie que la presse écrite. Au regard de l'évolution du secteur, l'Autorité a envisagé d'inclure dans le marché les sites internet des titres de presse, ainsi que les acteurs spécialisés en ligne et les "agrégateurs d'informations "7.

32. Au sein du secteur de la presse écrite, l'Autorité opère une distinction entre la presse quotidienne nationale, la presse quotidienne régionale, la presse magazine, la presse gratuite et la presse spécialisée8.

33. Pour chaque type de presse, trois marchés sont distingués9 : le lectorat, la vente d'espaces publicitaires et la vente de petites annonces.

34. En l'espèce, Europa exerce une activité d'édition de revues relatives au secteur médical.

35. S'agissant de la délimitation géographique de ces marchés, elle correspond à la zone de diffusion des titres concernés. En l'espèce, la dimension géographique pertinente est nationale.

2. LES MARCHÉS DE L'EXPLOITATION DE SITES ÉDITORIAUX EN LIGNE

36. L'Autorité considère que les sites éditoriaux, qui constituent le prolongement de la version papier des titres de presse (ou " sites compagnons "), forment un marché distinct des sites dédiés à des thèmes spécifiques tels que les sites de petites annonces (annonces généralistes, immobilier, emploi)10.

37. Les sites éditoriaux adossés à un titre de presse écrite sont toutefois en concurrence avec les sites internet liés à d'autres médias (télévision ou radio) et les sites d'acteurs spécialisés de la presse en ligne11.

38. Au sein de la catégorie des sites "compagnons ", une segmentation a été envisagée selon le type d'information publiée sur les sites (information d'actualité politique et générale ou information économique et financière) ou la thématique abordée12.

39. En l'espèce, Europa exerce une activité d'exploitation de sites éditoriaux en ligne relatifs au secteur médical.

40. S'agissant de la délimitation géographique des marchés de l'exploitation de sites éditoriaux en ligne, l'Autorité considère qu'elle est au moins de dimension nationale13.

41. Il n'y a pas lieu de revenir sur ces délimitations à l'occasion de la présente instruction.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX

1. MARCHÉ DE L'ORGANISATION DE CONGRÈS ET AUTRES ÉVÉNEMENTS

42. Afin d'estimer la part de marché cumulée des parties sur le marché de l'organisation de congrès et autres événements, la partie notifiante a proposé plusieurs indicateurs. Au niveau national, la part de marché cumulée des parties est de [0-5]% en valeur (Comexposium: [0-5]%; Europa : [0-5]%), et de [5-10]% en nombre de participants aux congrès organisés (Comexposium: [0-5]%; Europa : [5-10]%). La part de marché est inférieure à [0-5]% en nombre de congrès organisés (Comexposium: [0-5]%; Europa : [0-5]%)

43. Ainsi, quel que soit l'indicateur de part de marché envisagé, les positions de la nouvelle entité seront très limitées, avec une addition de part de marché systématiquement inférieure à deux points, au niveau national.

44. En outre, la nouvelle entité fera face à la concurrence de nombreux opérateurs actifs en matière d'organisation de congrès, tels que GL Events, MCI France, MCO Colloquim, Hopscotch qui sont, pour certains, spécialisés dans le secteur de la santé, à l'instar de la cible.

45. Compte tenu de ces éléments, au vu du paragraphe 384 des lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations (ci-après, " lignes directrices "), l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de l'organisation de congrès et autres événements par le biais d'effets horizontaux.

2. MARCHÉ DES PRESTATIONS ANNEXES À L'ORGANISATION DE CONGRÈS ET AUTRES ÉVÉNEMENTS

46. Selon les estimations de la partie notifiante, la part de marché cumulée des parties sur le marché des prestations annexes concurrentielles est inférieure à [0-5]% au niveau national (Comexposium: [0-5]%; Europa : [0-5]%), avec une addition de part de marché marginale.

47. Compte tenu de ces éléments, et au vu du paragraphe 384 des lignes directrices, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais d'effets horizontaux.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

48. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents distributeurs (verrouillage des intrants), ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux (verrouillage de clientèle). Cependant, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère, en principe, qu'un risque d'effet vertical peut être écarté dès lors que la part de marché de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés, amont et aval, ne dépasse pas 30 %14.

49. En l'espèce, CCIR est active, via Viparis, sur le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès, qui se situe en amont du marché de l'organisation de congrès et autres événements15.

a) Verrouillage des intrants

50. CCIR pourrait décider de cesser de fournir aux concurrents d'Europa sur le marché de l'organisation de congrès et autres événements, les sites nécessaires à l'organisation de leurs événements, afin de les évincer du marché aval.

51. Sur la base de l'hypothèse conservatrice d'une définition nationale du marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès, Viparis détient, selon les estimations de la partie notifiante, une part de marché n'excédant pas 11 % sur la base d'un indicateur correspondant au nombre de places assises et comprise entre 25 % et 35 % sur la base d'un indicateur correspondant à la surface.

52. Comme indiqué au paragraphe 29 de la présente décision, l'Autorité relève la forte attractivité de la région parisienne dans l'organisation d'événements. Toutefois, et ainsi que l'avait souligné le ministre de l'économie en 200716, le pouvoir de marché de Viparis sur le marché de la gestion de sites de congrès et autres événements est limité par plusieurs facteurs. Tout d'abord, il convient de souligner que l'hypothèse d'un marché de la gestion de sites de congrès défini au niveau national constitue une hypothèse conservatrice. En effet, les sites détenus par Viparis font face à la pression concurrentielle exercée par l'offre de grands sites européens capables de répondre au besoin des congrès de dimension nationale ou internationale. Par ailleurs, l'offre de nombreux hôtels parisiens permet de satisfaire le besoin en surfaces des petites manifestations. De plus, des sites comme la Maison de la Chimie, le Palais de la Bourse, la Cité des Sciences et de l'Industrie ou le complexe de Disneyland permettent de répondre à la demande des manifestations de taille moyenne. Enfin, les collectivités locales de province réalisent d'importants investissements afin d'offrir des sites capables d'accueillir des manifestations de plus petite dimension.

53. Ainsi, dans l'hypothèse où Viparis mettrait en œuvre une stratégie de verrouillage des intrants, les concurrents des parties sur le marché aval disposeraient d'alternatives crédibles à Viparis de sorte qu'une telle stratégie aurait un effet limité sur le marché.

54. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à générer des effets verticaux par le biais d'un verrouillage des intrants.

b) Verrouillage de clientèle

55. La nouvelle entité pourrait décider de cesser d'organiser ses congrès au sein des sites détenus par les concurrents de Viparis afin d'évincer ces derniers du marché amont de la gestion de sites.

56. Toutefois, comme indiqué au paragraphe 42 de la présente décision, la part de marché de la nouvelle entité sur le marché aval sera très faible, ne dépassant pas [5-10]%. La nouvelle entité continuera de faire face à la concurrence de nombreux opérateurs sur le marché aval, qui constituent des alternatives crédibles pour les concurrents de Viparis sur le marché amont.

57. Compte tenu de ces éléments, et au vu du paragraphe 384 des lignes directrices, l'opération n'est pas de nature à générer des effets verticaux par le biais d'un verrouillage de clientèle.

C. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX

58. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d'accroître son pouvoir de marché. En règle générale, de tels effets sont analysés lorsqu'une opération de concentration étend ou renforce la présence d'une nouvelle entité sur plusieurs marchés distincts mais qui sont considérés comme connexes. Ces effets peuvent également être analysés lorsque le renforcement de la position d'une nouvelle entité prend place sur un même marché, mais qu'il s'agit d'un marché de produits suffisamment différenciés pour que d'une part, un effet de levier puisse être exercé à partir de l'un d'entre eux et que, d'autre part, les mêmes clients achètent régulièrement plus d'un produit au sein de cette gamme de produits. Si les concentrations conglomérales peuvent généralement susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu'elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.

59. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère en principe qu'un risque d'effet congloméral peut être écarté dès lors que la part de l'entité issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %17.

a) S'agissant des prestations annexes

60. Le ministre de l'économie a identifié un lien de connexité entre, d'une part, les prestations obligatoires ou exclusives, et, d'autre part, les prestations annexes concurrentielles18.

61. En l'espèce, CCIR pourrait décider, après l'opération, de lier commercialement la fourniture de prestations annexes obligatoires ou exclusives à l'achat de prestations annexes concurrentielles, prestées par Europa, afin d'évincer les concurrents sur le second marché19.

62. Comme l'indiquait le ministre de l'économie dans sa lettre C2007-14 précitée, les prestations annexes obligatoires et exclusives sont essentiellement liées à l'infrastructure du site concerné et relèvent à ce titre davantage de la gestion de sites que d'un marché de prestations annexes.

63. Or, ainsi qu'exposé au paragraphe 51 de la présente décision, la position de Viparis sur le marché de la gestion de sites n'excède potentiellement 30 % que sous l'hypothèse conservatrice d'une définition nationale du marché et sur la base d'un indicateur de part de marché fondé sur la surface des sites. Viparis fait en outre face à la pression concurrentielle de nombreux opérateurs aux niveaux international, national et local, représentant pour ses clients des alternatives crédibles.

64. Par conséquent, la mise en œuvre d'une stratégie de verrouillage telle que celle évoquée au paragraphe 61 de la présente décision n'aurait qu'un effet limité sur le marché.

65. Par ailleurs, la nouvelle entité pourrait décider de lier la fourniture des prestations annexes concurrentielles des parties à l'achat de prestations obligatoires ou exclusives fournies par Viparis via la location d'un site exploité par cette dernière.

66. Toutefois, comme indiqué au paragraphe 46, la position de la nouvelle entité sur le marché de la fourniture de prestations annexes concurrentielles est marginale. Au vu du paragraphe 384 des lignes directrices, tout risque d'effet congloméral lié à la mise en œuvre d'une telle stratégie peut donc être écarté.

67. En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux liés à la connexité existant entre, d'une part les prestations annexes obligatoires ou exclusives fournies par Viparis à travers son activité de gestion de sites, et, d'autre part, les prestations annexes concurrentielles fournies par Europa.

b) S'agissant de l'édition de publications dans le secteur médical

68. Dans la mesure où Europa dispose d'une activité d'édition de publications dans le secteur médical, la nouvelle entité pourrait décider de promouvoir les congrès organisés par Comexposium afin de leur offrir une visibilité accrue par rapport aux congrès organisés par les concurrents des parties sur ce marché.

69. Toutefois, la position d'Europa sur le marché de l'édition de revue médicale est limitée et s'établit, selon les estimations des parties, à [5-10]% en nombre de parutions et [5-10]% en valeur, incluant les parutions en papier et en ligne.

70. Par conséquent, la mise en œuvre d'une telle stratégie n'aurait qu'un effet limité sur le marché.

71. La nouvelle entité pourrait par ailleurs décider, lors des congrès organisés par Comexposium, de promouvoir particulièrement les publications éditées par Europa en vue d'évincer les concurrents de cette dernière sur le marché.

72. Cependant, comme exposé au paragraphe 42 de la présente décision, la position de Comexposium sur le marché de l'organisation de congrès est marginale. Comexposium est, en outre, propriétaire de seulement [0-5] salons relatifs au secteur médical, de sorte que la mise en œuvre d'une telle stratégie aurait un effet marginal sur le marché. En conséquence, au vu du paragraphe 384 des lignes directrices, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux liés à la connexité existant entre l'activité d'organisation de congrès exercée par Comexposium et l'activité d'édition de publications exercée par Europa.

DÉCIDE : Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 20-023 est autorisée.

Notes :

1 Voir lettre du ministre de l'économie C2007-14 du 13 novembre 2007 aux conseils de la société CCIP, relative à une concentration dans le secteur de l'organisation de foires et salons.

2 Lettre C2007-14 précitée.

3 Lettre C2007-14 précitée et décision de l'Autorité n° 15-DCC-82 du 8 juillet 2015 relative à la prise de contrôle conjoint de Comexposium Holding SAS par Watling Street Capital Partners LLP et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Région Paris-Île-de-France.

4 Lettre C2007-14 précitée.

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Décisions n° 19-DCC-141 du 24 juillet 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mondadori France par la société Reworld Media n° 15-DCC-189 du 23 décembre 2015 relative à la prise de contrôle conjoint de la société 20 Minutes France par la société Rossel & Cie aux côtés de SIPA et n° 15-DCC-139 du 20 octobre 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de l'activité d'édition et de commercialisation des journaux Le Parisien et Aujourd'hui en France par le groupe LVMH-Moët Hennessy -Louis Vuitton.

8 Décisions de l'Autorité n° 19-DCC-141, n° 15-DCC-139 et n° 15-DCC-189 précitées, décision n° 17-DCC-76 du 13 juin 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de Groupe News Participations par SFR Group et n° 18-DCC-63 du 23 avril 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aufeminin par TF1.

9 Ibid.

10 Décisions de l'Autorité n° 09-DCC-72 du 14décembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société EBRA par la Banque Fédérative du Crédit Mutuel, n° 10-DCC-129, n° 11-DCC-114, n° 13-DCC-46, n° 13-DCC-150, n° 14-DCC-76, n° 15-DCC-63, n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189, n° 17-DCC-76, n° 18-DCC-63 et 19-DCC-141 précitées.

11 Décisions n° 11-DCC-114, n° 13-DCC-46, n° 14-DCC-76, n° 15-DCC-139, n° 15-DCC-189, n° 17-DCC-76, n° 18-DCC-63et 19-DCC-141 précitées.

12 Décisions n° 10-DCC-129, n° 13-DCC-150, n° 15-DCC-63, n° 15-DCC-66, n° 15-DCC-139, n° 17-DCC-76, n° 18-DCC-63et 19-DCC-141 précitées.

13 Ibid.

14 Lignes directrices, paragraphe 384.

15 Predica détient une salle de congrès située àMassy. Toutefois, compte tenu de la présence marginale de Predica sur le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès et autres événements et des éléments développés aux paragraphes 42 et suivants de la présente décision, tout risque d'effet vertical peut être écarté.

16 Lettre C2007-14 précitée.

17 Ibid.

18 Lettre C2007-14 précitée.

19 Predica détient une salle de congrès située à Massy. Toutefois, compte tenu de la présence marginale de Predica sur le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès et autres événements et des éléments développés aux paragraphes 42 et suivants de la présente décision, tout risque d'effet congloméral peut être écarté.