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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 juin 2020, n° 17/10033

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Profialis (Sasu)

Défendeur :

Flaurea Chemicals (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Bodard-Hermant, M. Gilles

T. com. Nancy, du 7 avr. 2017

7 avril 2017

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 7 avril 2017 qui :

- déclare la SAS Profialis recevable mais mal fondée en sa demande de voir la SA Flaurea Chemicals condamnée à lui verser la somme de 443 439 euros pour rupture abusive des relations commerciales,

- l'en déboute,

- condamne la SAS Profialis à verser à la SA Flaurea Chemicals la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Profialis, appelante suivant déclaration du 7 avril 2017, déposées et notifiées le 22 décembre 2017 par lesquelles il est demandé à la Cour, au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, d'infirmer ce jugement et, statuant à nouveau, de :

- dire que la société Flaurea Chemicals a engagé sa responsabilité à l'égard de la Société Profialis,

- débouter la société Flaurea Chemicals de ses prétentions fins et demandes,

- condamner la société Flaurea Chemicals à régler à la société Profialis la somme globale de 443 439 euros, sauf à parfaire, en indemnisation de ses préjudices,

- condamner la société Flaurea Chemicals à régler à la société Profialis une indemnité de procédure de 5 000 euros et aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société Flaurea Chemicals, intimée, déposées et notifiées le 5 février 2019 par lesquelles elle demande à la Cour, au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société Profialis à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros ainsi qu'aux dépens.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels.

Une relation commerciale « établie » présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité.

En l'espèce, la société Profialis soutient qu'elle s'approvisionnait depuis 2004 auprès de la société Floridienne Chimie pour un stabilisant incorporé dans la matière première qu'elle prépare, utilisée pour les produits en profilés PVC et que la société Flaurea Chemicals, cessionnaire d'actifs de celle-ci par un jugement belge du 26 juin 2014 (pièce intimée 13) ne peut, du seul fait de cette cession, se prévaloir d'une discontinuité des relations commerciales établies entre elles trois pour s'affranchir de tout préavis de cession de la fabrication de ce stabilisant.

Cependant, les premiers juges ont exactement retenus, par motifs adoptés, que s'il existait une relation commerciale établie du 8 mars 2008 au 24 juillet 2014 entre la société Profialis et la société Floridienne Chimie, en revanche, la société Profialis ne démontrait pas la volonté de la société Flaurea Chemicals de reprendre cette relation commerciale, relevant :

- que celle-ci, n'avait pas repris le fonds de commerce de la société Floridienne Chimie mais seulement des éléments de ses actifs,

- et qu'elle avait informé la société Profialis par courriel dès le 23 septembre 2014 qu'elle disposait d'un stock de stabilisants CaZn qu'elle pouvait lui vendre et lui avait confirmé que la production de ce produit était stoppée.

Il suffira d'ajouter ce qui suit, étant observé que la société Profialis n'apporte aucun élément nouveau pour discuter ces motifs.

La société Profialis ne justifie d'aucun contrat-cadre avec la société Flaurea Chemicals et n'établit pas ni même ne prétend que la reprise de sa relation commerciale avec la société Floridienne Chimie résulte des dispositions du jugement belge précité relatif à la cession de partie des actifs de celle-ci.

En cet état, la confirmation, le 15 septembre 2014 par la société Flaurea Chemicals, dans le contexte de la procédure collective de la société Floridienne Chimie, de la seule commande que la société Profialis lui a passée directement le 24 juillet 2014 ne suffit pas à établir la continuité alléguée de la relation commerciale précédemment établie avec cette dernière. Au contraire, la société Flaurea Chemicals établit qu'elle n'a pas entendu reprendre cette relation commerciale, faisant qu'elle a normalement livré les matières commandées encore en stocks mais que du fait des modifications intervenues dans l'entreprise, la production du produit CaZn était stoppée, ainsi qu'elle en a informé la société Profialis dès 15 juillet 2014 par courriel confirmé le 23 septembre suivant, lequel indiquait expressément "...comme vous le savez, notre production de stabilisants CaZn est malheureusement stoppée. Souhaitez-vous prendre ce solde" (pièce intimée 4 et pièce appelante 6).

Par suite, la société Profialis ne peut prétendre avoir été sereine quant à la pérennité de cette relation nouvelle après cette seule commande du 24 juillet 2014, dès lors qu'elle est intervenue dans le contexte ainsi décrit de la procédure collective de la société Floridienne Chimie et de ces courriels.

A cet égard, la communication dans la presse du 25 juin 2014 après la reprise des actifs de la société Floridienne Chimie, annonçant la reprise de l'activité (pièce appelante 28) importe peu puisqu'elle est antérieure à ces deux courriels, qu'elle précède au surplus de quelques jours et qu'elle ne peut donc suffire à fonder la croyance alléguée en la création d'un flux d'affaires avec la société Flaurea Chemicals. Il en est de même de l'absence de distinction au titre des activités cédées dans les rapports financiers produits (pièces appelante 28 et 29), la société Profialis ne précisant pas en quoi elle est déterminante de cette croyance. Enfin, il ne résulte aucune assurance quant à la continuité de l'activité de l'échange de courriels des 12 et 13 mars 2014 (pièce appelante 13), dont il résulte seulement :

- que la société Profialis s'interroge quant à la réorganisation en cours, craignant un dépôt de bilan,

- et que la société Floridienne Chimie tente de lui expliquer la procédure judiciaire, indiquant "des ventes d'activité sont possibles- dans tous les cas la continuité est maintenue par la procédure".

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Conformément aux articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la société Profialis, partie perdante doit supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure et l'équité commande de la condamner à ce dernier titre dans les termes du dispositif de la présente décision.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; y ajoutant, Condamne la société Profialis aux dépens d'appel ; Condamne la société Profialis à payer à la société Flaurea Chemicals une indemnité de procédure de 3 000 euros et rejette toute autre demande.