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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 16 juin 2020, n° 18-01802

CHAMBÉRY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Planet Voip International (Sa)

Défendeur :

Valccom (SAS), IFAG Lyon (Sté), Groupe Esc Clermont (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ficagna

Conseillers :

Mmes Fouchard, Real del Sarte

TGI Thonon-les-Bains, du 14 mai 2018

14 mai 2018

La société de droit suisse Planet VoIP International (ci-après Planet VoIP) ayant son siège à Vesenaz (Genève-Suisse) exerce une activité de service en matière de télécommunication et d'ingénierie informatique (Voix sur IP).

Le 1er juin 2012, elle a embauché M. Christophe L. en qualité d'informaticien.

Courant 2012, elle a employé plusieurs stagiaires étudiants, dont notamment M. Volodymyr B., étudiant à l'IFAG de Lyon et M. Lucas De F., étudiant à l'ESC Clermont, administrée alors par l'association France Business School.

Le 24 octobre 2013, soit quelques semaines après la fin de leur stage, M. Volodymyr B. et M. Lucas De F. ont constitué entre eux une nouvelle société dénommée Valccom ayant la même activité que la société Planet VoIP. Mme Eva L., épouse de M. L., prête nom de son mari, a également été associée.

  1. L. a démissionné de son emploi au sein de la société Planet VoIP le 9 septembre 2013 à effet au 31 décembre 2013 et a apporté une assistance technique à MM. B. et de F., début 2014.

Par ordonnance du 20 mars 2014, le président du tribunal de grande instance de Thonon les Bains a autorisé la société Planet VoIP à faire constater les faits de concurrence déloyale qu'elle dénonçait.

Maître C., huissier de justice, a dressé un constat le 7 avril 2014.

Par ordonnance du 23 septembre 2014, le président du tribunal de grande instance de Thonon les Bains a ordonné à la société Valccom, M. L., M. De F. et M. B. de cesser tous contacts avec la clientèle de la société Planet VoIP existant au 31 décembre 2013 et ce sous astreinte provisoire de 3 000 € par infractions constatées.

Par arrêt du 8 Septembre 2015, la cour d'appel de Chambéry a cependant réformé cette ordonnance sur ce point estimant qu'aucun trouble manifestement illicite n'était démontré.

Entre temps, par actes des 20, 26 mai 2015, 2 juin et 28 août 2015, la société Planet VoIP a assigné la société Valccom, M. L., M. De F. et M. B., l'IFAG Lyon et le groupe ESC Clermont devant le tribunal de grande instance de Thonon les Bains, en concurrence déloyale et paiement d'une somme de 500 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Le groupe Esc Clermont n'a pas constitué avocat.

La société Valccom, M. L., M. De F. et M. B. ont conclu au débouté et ont sollicité reconventionnellement la somme de 50 000 € chacun de dommages et intérêts en réparation de leurs propres préjudices, du fait des actes de concurrences déloyales commis par la société demanderesse.

L'IFAG Lyon a conclu au débouté.

Par jugement rendu le 14 mai 2018, le tribunal de grande instance de Thonon les Bains a :

- débouté la société Planet VoIP de l'ensemble de ses demandes,

- débouté M. Christophe L., M. Lucas De F., M. Volodymyr B. et la société Valccom de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné la société Planet VoIP à payer à l'IFAG Lyon la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Planet VoIP d'une part et M. Christophe L., M. Lucas De F., M. Volodymyr B. et la société Valccom d'autre part à supporter chacun la moitié des dépens de l'instance,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, comprenant les demandes plus amples et contraires.

La société Planet VoIP a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 septembre 2018, à l'encontre de toutes les parties.

Elle demande à la cour :

Vu les articles 1382 et 1384 du Code civil,

Vu l'article 1147 du Code civil,

- d'infirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Thonon les Bains en ce qu'il a débouté la société Planet VoIP de ses demandes,

et statuant de nouveau,

- de débouter MM.L., De F., B. et la société Valccom de l'intégralité de leurs demandes,

- de dire et juger que MM.L., De F., B. et la société Valccom se sont rendus coupables d'acte de concurrence déloyale,

- de juger l'IFAG Lyon et le groupe ECS Clermont responsables des agissements de MM. B. et De F.,

- de débouter l'IFAG Lyon et l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne de l'intégralité de leurs demandes,

- de condamner in solidum la société Valccom, M. L., M. B., M. De F., l'IFAG Lyon et l'ESC Clermont à lui payer la somme de 500 000 € en indemnisation du préjudice subi,

- subsidiairement de désigner tel expert qu'il plaira avec mission de déterminer son préjudice économique,

- de condamner in solidum les mêmes à payer à la société Planet VoIP la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Me B., avocat sur son affirmation de droit.

Elle soutient :

- qu'elle a été victime de la part de M. L. et de M. B. d'un détournement de ses fichiers clients et de ses logiciels d'exploitation qui ont permis à la société Valccom d'être immédiatement opérationnelle par un démarchage sytématique,

- que tous les contacts africains ont été approchés sur skype par M. De F. et M. B.,

- que les faits sont démontrés par les déclarations des intéressés, notamment de la société Valccom aux services de police suisses et par le constat d'huissier de justice,

- qu'elle a subi une perte de chiffre d'affaire considérable avec les clients des pays russophones et de l'Afrique francophone,

- que les conventions de stage signées avec les écoles IFAG Lyon et ESC Clermont prévoyaient que l'école garantissait la confidentialité des informations obtenues par le stagiaire,

- qu'elles doivent répondre des fautes commises par leurs étudiants conformément à l'article 1147 du Code civil,

- que la société de MM. L., De F. et B. est toujours active, actuellement via une société offshore,

- que les demandes de MM. L., De F. et B. sont injustifiées,

- qu'elle a perdu le trafic sur l'Afrique de Rovex, Lexico et autres partenaires russophones,

- que sa perte de chiffre d'affaires est en lien direct avec le pillage de ses données,

- que la société Valccom ne paye pas ses clients et prestataires ce qui déséquilibre les relations commerciales,

- qu'au titre de la seule marge brute des années 2014 et 2015, elle est bien fondée à solliciter une indemnisation de son préjudice à hauteur de 400 000 €,

- qu'elle a été contrainte d'engager des frais considérables en termes d'administration de la preuve, de constats, frais de conseils en Suisse et en France ce qui justifie une indemnisation complémentaire à hauteur de 100 000 €.

La société Valccom, M. Lucas De F., M. Christophe L. demandent à la cour :

Vu l'article 1382 et 1383 du Code civil,

- de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Thonon les Bains en date du 5 mars 2018 en ce qu'il a débouté la société Planet VoIP de l'intégralité de ses demandes,

- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Thonon les Bains en date du 5 mars 2018 en ce qu'il a jugé que la société Valccom s'était rendue coupable d'acte de concurrence déloyale,

- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Thonon les Bains en date du 5 mars 2018 en ce qu'il a jugé que MM. De F. et L. avaient violé leurs obligations contractuelles et débouté la société Valccom de ses demandes reconventionnelles,

En conséquence, statuer à nouveau, et,

- dire et juger que la responsabilité contractuelle de M. De F. et de M. L. n'est pas engagée,

- de dire et juger que la société Valccom n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale,

- de condamner la société Planet VoIP à payer à la société Valccom, M. De F. et M. L. la somme de 50 000 € chacun à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les actes de dénigrement commis par la société Planet VoIP,

- de condamner la société Planet VoIP à payer à la société Valccom, MM. De F. et L. la somme de 4 000 € chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profi t de la société M. & associés sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.

Ils soutiennent :

- que conformément à l'article 11 de la Convention de stage, M. De F. qui était soumis à une obligation de réserve et de confidentialité, n'a violé aucune de ces obligations,

- qu'il n'est nullement démontré que les stagiaires auraient utilisé des informations dans ces buts ou auraient manqué à leur engagement en conservant ou en copiant des documents ou logiciels appartenant à la société Planet VoIP, ni que les anciens stagiaires ont emporté des fichiers clients puis qu'ils les ont utilisés,

- que la clause de sa convention de stage n'interdisait pas à M. De F. de rejoindre à l'issue de ce stage une entreprise concurrente ou de devenir associé d'une entreprise ayant la même activité, et que tout comme M. B. et les autres anciens stagiaires de la société, il était libre à l'issue de son stage d'user des connaissances techniques et des compétences qu'il avait acquises dans le domaine si spécifique de la « Voice over IP » au cours de son stage de huit mois,

- que M. L. a démissionné le 9 septembre 2013 en raison des différends profonds qui l'opposaient à M. R., plainte pour harcèlement, (litige prud'homal),

- que son contrat de travail ne prévoyait aucune clause de non-concurrence,

- que les accusations de la société à son égard sont le fruit d'extrapolations, de fausses suppositions, d'imprécisions qui ne font que trahir la mauvaise foi de la société Planet VoIP,

- que M. et Mme L. ont accepté pour rendre service à MM. B. et De F. de domicilier la société Valccom à leur adresse,

- que M. L. n'est alors intervenu d'aucune manière dans l'activité de cette société,

- qu'il a seulement réalisé à titre gratuit pour la société Valccom une base de données au mois de janvier 2014 et a formé M. De F. Lucas au langage SQL le 3 janvier 2014,

- qu'il n'est produit aucune preuve d'un éventuel détournement des fichiers clients ou de l'installation du logiciel «Teamwiever» par M. L.,

- que la concurrence entre deux sociétés commerciales étant libre, il appartient à celle qui se prétend victime d'un comportement fautif d'en rapporter la preuve,

- que le fait de démarcher des clients de son ancien employeur n'est pas suffisant, en l'absence de manœuvres déloyales,

- que même le fait qu'un salarié prépare la constitution d'une société concurrente avant même d'avoir donné sa démission ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, dès lors qu'il n'y a pas exercice effectif d'une activité concurrente alors que le salarié est encore dans les liens du contrat de travail,

- que le constat d'huissier du 7 avril 2014 montre qu'aucun fichier ou document et encore moins correspondance appartenant à la société Planet VoIP n'a été trouvé sur l'ordinateur de la société Valccom,

- que les sociétés Valccom et Planet VoIP évoluent dans un secteur d'activité très spécialisé, qu' il est donc normal qu'elles aient des interlocuteurs communs,

- que les recherches n'ont permis de retrouver dans les fichiers de la société Valccom que 20 références communes (soit environ 2 % des clients/fournisseurs de la société Planet VoIP),

- que seules 5 des références communes correspondent à des clients/fournisseurs effectivement en lien commercial avec la société Valccom (Lanck Telecom, Mmd Smart, Oxnp Telecom, Rovex Management et Scia Lexico Telecom), ce qui est infime comme l'a d'ailleurs souligné la cour d'appel de Chambéry dans son arrêt du 8 septembre 2015,

- qu'en ce qui concerne le logiciel de connexion «Teamwiever», la société Planet VoIP n'apporte aucun élément de preuve démontrant que ce logiciel a été installé par l'un des appelants,

- qu'en réalité, ce logiciel a été installé par M. L. sur les ordinateurs de M. B. et de Mme G. dès 2012 afin de lui permettre de leur apprendre à utiliser les systèmes informatiques depuis Poitiers où il passait une semaine par mois,

- que M. L. a réinstallé le logiciel sur le nouveau poste de M. B. le 15 août 2013 afin de pouvoir gérer à distance son compte en son absence, car il travaillait en binôme avec lui, de même que M. De F. travaillait en binôme avec M. M.,

- que la société Planet VoIP ne démontre pas que ce logiciel aurait été utilisé par M. De F., M. B. et M. L. de façon à démarcher ensuite ses clients et fournisseurs ou qu'il aurait été utilisé pour transférer des fichiers,

- que ce logiciel «Teamwiever» n'a pas été retrouvé sur l'ordinateur utilisé par la société Valccom,

- qu'il ressort du rapport d'expertise de la société KYOS, qu'« aucun flux de type streamtype-file et streamtype-filebox n'ont été trouvés ce qui indique que les deux fonctionnalités de transfert de fichier de l'application Team Viewer n'ont pas été utilisées durant l'utilisation du logiciel»,

- que les similitudes entre les contrats sont très limitées et concernent en réalité des clauses types pour ces contrats, et il n'existe aucun risque de confusion entre la société Valccom et la société Planet VoIP de ce chef,

- que MM. B. et De F., qui étaient chacun chargés du développement des réseaux fournisseurs dans une région spécifique, ayant acquis au cours de leurs stages une bonne connaissance du milieu de la «VoIP», n'ont fait, d'une part, qu'utiliser leurs compétences pour rechercher des clients et des fournisseurs,

- que les fournisseurs ont pour une grande majorité des sites internet sur lesquels ils mentionnent leurs numéros de téléphone et adresses mail,

- qu'il a donc suffi de les contacter par ce biais,

- qu'il est possible de consulter les forums publics, les réseaux sociaux (LINKEDIN),

- que la société Valccom n'avait nullement besoin de détourner les fichiers de la société Planet VoIP pour trouver des fournisseurs,

- que la société Planet VoIP n'apporte pas la preuve d'un préjudice,

- que cette dernière comme en première instance ne verse au débat aucun document comptable permettant d'attester une telle diminution,

- que MM. B., De F. et L. ne peuvent pas être tenus pour responsables puisqu'ils faisaient partie des effectifs de la société depuis au moins fin 2012 et que l'activité de la société Valccom n'a véritablement débuté qu'en 2014,

- que M. L. a confirmé que « l'année 2013 a été une année difficile notamment au niveau de la partie administrative et des objectifs de rendement qui devaient nous permettre d'engager tous les stagiaires qui voulaient rester qui avaient été formés par nous. Malheureusement cela n'est pas déroulé aussi bien que prévu et à la fin du mois de septembre 2013 tous les stagiaires sont partis »,

- que la grande majorité de ses fournisseurs et clients interrogés par M. L. affirmaient ne pas avoir de relation avec la société Valccom, si bien qu'aucun lien de causalité ne peut être établi,

- qu'aucun de ses clients ou fournisseurs n'a d'ailleurs eu à se plaindre d'un démarchage systématique de la société Valccom ou n'a annoncé à la société Planet VoIP préférer travailler avec la société Valccom,

- que la société Valccom n'a eu qu'une activité extrêmement réduite et a depuis été dissoute du fait des obstacles mis en œuvre par la société Planet VoIP,

- que la société Planet VoIP s'est montrée défaillante dans l'administration de la preuve et ne saurait obtenir une expertise pour suppléer sa carence,

- que dès lors que la société Planet VoIP a appris l'arrivée de la société Valccom sur le marché de la VoIP en décembre 2013, cette dernière a lancé une véritable campagne de dénigrement dirigée contre cette nouvelle concurrente,

- que ces agissements de la société Planet VoIP ont nécessairement causé un préjudice moral à la société Valccom, mais également un préjudice économique.

L'association « Groupe ESC Clermont-Auvergne », association régie par la loi du 1er juillet 1901, non comparante en première instance, demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Thonon-les-Bains le 14 mai 2018,

à titre principal,

- de dire et juger que le « Groupe ESC Clermont » n'est pas une entité juridique et n'a donc pas la personnalité morale,

- de dire et juger que M. Lucas De F. était étudiant de l'association France Business School,

- de dire et juger que l'association France Business School a été dissoute,

- de dire et juger que la reprise partielle d'apport de la branche d'activité n'impose pas à l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne d'assumer le passif de l'association France Business School,

- de dire et juger que l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne ne peut être tenue des agissements d'un élève lié à l'association France Business School,

- de dire et juger que l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne ne peut être tenue des agissements commis antérieurement à sa création,

- de mettre hors de cause l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne,

à titre subsidiaire,

- de dire et juger qu'aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée à l'encontre du Groupe ESC Clermont, ni de l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne,

- de condamner la société Planet VoIP à payer à l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne la somme de 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient :

- que le Groupe ESC Clermont, créé en 1919, a d'abord été une structure consulaire gérée par la CCI du Puy-de-Dôme, avant d'être ensuite exploitée, à compter du mois de juillet 2012 par l'association France Business School,

- que M. Lucas De F. a étudié au sein du campus de l'Ecole de commerce de Clermont-Ferrand qui était alors exploité par l'association France Business School, et a bénéficié d'une convention de stage tripartite conclue avec la société Planet VoIP pour la période du 4 février 2013 au 31 juillet 2013,

- que l'association France Business School a été dissoute en 2015, la branche d'activité d'enseignement et de formation professionnelle, initiale et continue située à Clermont-ferrand, a été transférée à une association nouvellement créée dénommée Groupe ESC Clermont-Auvergne,

- que cette cession portait sur des éléments d'actifs, mais en aucun cas sur le passif,

- que l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne qui a été créée le 2 juin 2015 est totalement étrangère au présent litige, puisque créée postérieurement à l'assignation initiale,

- que la convention de stage (article 11 : devoir de réserve et confidentialité) prévoyait des obligations spécifiques au stagiaire, et l'école n'avait aucune obligation à ce titre,

- que la société Planet VoIP n'a jamais fait part à l'école d'une quelconque difficulté avec M. Lucas De F. durant son stage,

- qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'école,

- qu'en tout état de cause aucune condamnation in solidum ne pourrait être prononcée.

L'association IFAG Lyon demande à la cour :

Vu les dispositions d'ordre public du Code de l'éducation (L. 124-7 et suivants), Vu l'article 146 du Code de procédure civile,

- de constater que la convention de stage n'est pas signée par M. B.,

- de dire qu'aucune faute contractuelle ne peut lui être reprochée,

- de constater les fautes et négligences de Planet VoIP ayant seules concouru à son éventuel préjudice,

- de dire et juger que la convention tripartite est nulle puisque Planet VoIP a attribué à M. B. des fonctions salariales au-delà de sa mission de stagiaire,

- de dire et juger que le préjudice sollicité par Planet VoIP n'est ni établi ni démontré par des pièces probantes,

en conséquence,

- de confirmer le jugement rendu le 14 mai 2018 par le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains,

y ajoutant,

- de condamner la société Planet VoIP aux entiers dépens, outre une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle soutient :

- qu'en octobre 2012, l'IFAG a régularisé la convention de stage de M. B. avant de la transmettre à la société Planet en Suisse,

- que cette dernière devait faire signer le document à M. B., ce qu'elle n'a pas fait,

- qu'une telle convention tripartite qui n'est signée que par deux parties n'a pas de sens et n'est pas valable, à tout le moins se trouve frappée de caducité,

- que l'IFAG n'a pas souscrit de garantie au titre d'éventuelles fautes commises par un stagiaire,

- que le stage se réalise matériellement sous la surveillance de l'entreprise a fortiori lorsque la prestation se réalise en Suisse,

- que la confidentialité des informations ne vaut que pour les informations qui ont été portées à la connaissance de l'IFAG, à savoir celles figurant au rapport de stage élaboré par le stagiaire en fin de période,

- qu'il n'est pas démontré que l'IFAG ait violé une quelconque obligation à ce titre,

- que M. L. avait accès à toutes les bases de données (et notamment tous les fichiers des partenaires), à tous les systèmes et programmes informatiques, ainsi qu'à tous les mots de passe des employés, et n'avait nul besoin des deux stagiaires pour détourner des éléments confidentiels,

- qu'aucune pièce adverse ne démontre d'ailleurs que les stagiaires, et en particulier M. B., ait matériellement détourné des informations des fichiers de la société Planet, notamment pendant ses congés d'août 2013, comme tente de le soutenir l'appelante,

- qu'au contraire la société Planet a manqué à ses obligations en s'abstenant de tout encadrement effectif du stagiaire et en ayant considéré M. B. comme un véritable salarié, en lui faisant véritablement tenir un poste permanent dans l'entreprise en violation des dispositions de l'article L. 124-7 du Code de l'éducation,

- que la relation avait dépassé le cadre restreint du stage pour s'inscrire dans un cadre véritablement professionnel,

- que dans la mesure où Planet n'a pas respecté la convention de stage ni même l'article L. 124-7 du Code de l'éducation d'ordre public, le contrat de stage est nul, à tout le moins, Planet ne peut se prévaloir des éventuels manquements de l'IFAG quant à l'exécution de la clause de confidentialité,

- que la convention de stage ne portait aucune clause de non concurrence, susceptible d'interdire au stagiaire de travailler pour une entreprise concurrente ou d'en créer une,

- qu'il est surprenant que Planet ne livre pas au contrôle des juges français ses bilans et pièces comptables afin d'établir la véracité de ses affirmations quant à ses chiffres d'affaires,

- qu'aucun élément ne démontre un quelconque lien de causalité entre le préjudice et une éventuelle faute des co-intimés,

- que la société Planet tente d'obtenir la désignation d'un expert pour suppléer sa carence dans l'administration de la preuve.

  1. Volodymyr B. n' a pas constitué avocat.

L'appelante lui a signifié par actes d'huissier de justice :

- sa déclaration d'appel, le 7 novembre 2018 (procés-verbal de recherches)

- ses conclusions d'appelante avec assignation devant la cour, le 28 décembre 2018 (procés-verbal de recherches).

Il sera statué par arrêt de défaut à son égard.

MOTIFS

1°) sur la création par M. B. et M. de F. d'une société concurrente

En l'absence de toute clause contractuelle de non-concurrence un salarié, a fortiori un ancien stagiaire, peut exercer une activité concurrente de celle de son ancien employeur, cette activité devant toutefois être exercée de façon loyale.

En l'espèce, les deux anciens stagiaires MM. B. et de F. n'étaient liés à l'égard de leur maître de stage, l'entreprise Planet VoIP qui les a accueillies, par aucune clause de non concurrence à l'issue de leur stage.

Il ne saurait donc leur être fait grief d'exercer le métier qu'il ont appris au cours de leur stage.

Cependant, il convient de relever que MM. B. et de F. ont préparé la création de leur entreprise concurrente dénommée Valccom, avant même la fin de leur présence dans l'entreprise, et ce, en «secret», alors qu'ils savaient que leur stage devait déboucher sur une proposition d'embauche qu'ils ont refusée.

Ainsi, ils ont immatriculé un site au nom de leur future société «Valccom.com» le 9 septembre 2013, soit en ce qui concerne M. De F., pendant la durée de son stage qui s'achevait le 30 septembre 2013.

D'autre part, ils ont associé à ce projet un salarié en exercice au sein de l'entreprise, en la personne de M. Christophe L., informaticien de premier plan société (Information Technology Manager of the Company).

En effet, il est établi que parmi les associés de la société Valccom créée le 24 octobre 2013, figure comme associée, Mme Eva L., prête-nom de son mari, Christophe L., qui était à cette date toujours lié à la société Planet Vo IP, et ce en violation de son contrat de travail qui stipulait :

« Conflit d'intérêts : l'employé ne devra pas exercer d'activités ou faire quoi que ce soit qui pourrait créer ou raisonnablement amener à créer, un conflit d'intérêt entre ses intérêts personnels et ceux de la société ou ses filiales. Plus précisément l'employé ne devra pas exercer dans, travailler pour ou participer à une entreprise concurrente partenaire ou qui est en affaire avec la société ou ses filiales...»

Dans un message Skype du 12 septembre 2013, entre M. B. et M. de F., les intéressés indiquent : «Chirstophe est en train de couler la boîte, plus de trace..», ce qui conforte l'idée d'une concertation déloyale entre les intéressés.

Il est démontré également par les propres déclarations de M. B. et de M. de F. que le site internet Valccom. com a été crée par M. Anthony D., également employé au sein de l'entreprise Planet VoIP.

Il résulte de ces éléments que la société Valccom a été créée avec la participation de salariés de l'entreprise tenus par une clause de conflit d'intérêts ce qui est déloyal.

2°) Sur les autres faits de concurrence déloyale dénoncés par la société Planet Voip

Le démarchage de la clientèle d'autrui est libre dès lors qu'il ne s'accompagne pas d'un acte déloyal.

En l'espèce, M. B. a déclaré aux services de police de Genève: « ayant de bonnes relations avec des clients et des fournisseurs, je me suis personnellement rendu en Russie et en Ukraine pour les approcher et discuter de nos projets.»

Il apparaît de fait que M. B. a exploité abusivement les «bonnes relations» qu'il avait acquises dans le cadre de son stage avec les clients de la société Planet VoIp pour les prospecter immédiatement à l'issue de son stage.

Ainsi, lors de conversations, du 27 août 2013, il annonce à un client (Rovex) : « je vais partir et il directement perdre tous les clients russophones (...) personne ne doit savoir (...)» etc. ... ce à quoi le client répond : «oui ok, j'ai compris que c'est une grosse conspiration»...

En revanche, il n'est produit aucune pièce relativement à un vol de fichier, ou à un démarchage systématique des clients de la société Planet VoIP, hormis quelques clients communs lesquels ont été mis en évidence par l'huissier de justice mandaté à cet effet.

La société Planet VoIP soutient encore, mais sans le démontrer qu'elle a perdu ces clients en raison de leur passage chez Valccom, et que pour certains d'entre eux, elle était seule à détenir leurs coordonnées.

3°) Sur l'utilisation du fichier clientèle et d'un logiciel espion

La société Planet VoIP ne produit pas de pièces probantes démontrant que l'installation du logiciel Teamwiever sur le poste informatique de M. B., alors que ce dernier était en congé, a été le fait de ce dernier et qu'il aurait servi à télécharger des données.

L'analyse de la société KYOS mandatée par la société Planet VoIP indique au contraire qu'« aucun flux de type streamtype-file et streamtype-filebox n'ont été trouvés ce qui indique que les deux fonctionnalités de transfert de fichier de l'application Team Viewer n'ont pas été utilisées durant l'utilisation du logiciel ».

En conséquence, ce grief n'est pas établi.

4°) Sur le préjudice et le lien de causalité

a - Sur la demande à hauteur de 400 000 euros au titre du préjudice économique

La société Planet VoIP soutient que les agissements de MM. L., de F. et B. et de la société Valccom lui ont causé un « préjudice considérable», puisqu'elle a réalisé en 2014 un chiffre d'affaire de 4 608 000 USD contre 6 945 000 USD en 2013, tout en admettant que ce chiffre d'affaire perdu n'a pas été aspiré par la société Valccom... mais que cependant la perte de chiffre d'affaire est en « lien direct avec le pillage de ses données».

Or, elle se borne à produire une seule pièce, à savoir une attestation du 15 septembre 2014 de son expert-comptable mentionnant :

«Nous soussignons expert-comptable de la société Planet VoIP international attestons par la présente que le société Planet Void International a réalisé en 2012 un chiffre d'affaire moyen mensuel de 750 000 USD pour 3 effectifs principaux . En 2013, avec 3 effectifs principaux et quelques contrats d'apprentissage en plus elle a réalisé un chiffre d'affaire moyen mensuel de 620 000 USD. Depuis janvier 2014, le chiffre d'affaire moyen mensuel de la société Planet VoIP International est de 410 000 USD.»

Ce seul document est insusceptible de démontrer un lien de causalité entre les faits de concurrence déloyale et le montant du préjudice allégué à hauteur de 400 000 euros pour une perte de chiffre d'affaire de plus de 3 000 000 USD.

Il sera relevé que la société Planet Void qui avait 25 employés à plein temps en 2008, n'a plus fonctionné qu'avec 3 employés entre 2009 et 2012.

Il est aussi établi que l'entreprise a connu en 2013, de sérieuses difficultés ainsi qu'un climat délétère « au début de l'été 2013» qui s'est caractérisé par une démotivation des employés et des stagiaires et notamment de M. L., salarié, qui s'est plaint de harcèlement dans le cadre des relations avec l'employeur.

Il apparaît également que les stagiaires, se sont vus confier des fonctions de responsable commercial avec des objectifs à atteindre . Ainsi M. B. « devait s'occuper de la partie CEI (pays de l'europe de l'Est) et M. de F. de la partie europpéenne. Ces missions correspondaient manifestement à de véritables emplois et non seulement aux activités de formation d'un stage en entreprise.

Il n'est donc pas établi que la situation ait été imputable à la concurrence de la société Valccom, laquelle n'a été effective qu'en 2014, alors que de l'aveux même de la société Planet VoIP la baisse de chiffre d'affaire a débuté en 2013.

Il apparaît plutôt que c'est le déficit d'attractivité de la société Planet VoIP qui a conduit les 5 stagiaires à ne pas envisager de collaborer plus avant avec l'entreprise et qui a amené également au départ de M. L. et de M. D..

En ce qui concerne le départ de ces deux informaticiens la société Planet VoIP n'indique pas par quel moyen elle a pourvu à leur remplacement.

En conséquence, l'unique pièce produite sus-mentionnées est insuffisante à justifier la demande de dommages et intérêts au titre de la baisse du chiffre d'affaire, dont la cause doit être recherchée dans la désorganisation de l'entreprise imputable à un défaillance dans le management, la fidélisation et le recrutement du personnel.

  1. b) sur la demande de 100 000 euros au titre des « frais considérables en termes d'administration de la preuve, de constat frais de conseil en suisse et en France»

Les faits de concurrence déloyale ont occasionné des frais particuliers représentés par le temps passé a reconstituer les événements, à contacter les clients, à prendre la mesure des conséquences de l'apparition de ce concurrent, et à gérer les procédures initiées à juste titre.

De même certains clients ont pû avoir une image dégradée de l'entreprise.

Eu égard aux faits et aux pièces produites ( listings, recherches auprès des clients, pièces de procédure, il sera alloué une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts.

5°) Sur la demande subsidiaire d'expertise

La société Planet VoIP est mal fondée à solliciter une expertise aux fins de chiffrer son préjudice économique, une telle demande ne pouvant avoir pour fonction de suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.

6°) Sur la demande dirigée contre l'association Groupe Esc Clermont

La convention de stage de M. de F. a été passée avec « l'ESC Clermont 4, Bd Trudaine à Clermont Ferrand».

Cette ancienne école supérieure, créée par la chambre de commerce du Puy de Dôme, avait été apportée à une association dénommée France Business School, créée en 2012.Cette association a fait l'objet d'une liquidation amiable en 2015.

A cette occasion, elle a restitué à la CCIT du Puy de Dôme l'apport qu'elle avait fait correspondant à l'ESC.

Concomitamment, la CCIT du Puy de Dôme et la CCIR Auvergne ont créé une nouvelle association loi 1901 dénommée association « Groupe ESC Clermont-Auvergne» à laquelle la CCIT Puy de Dôme a apporté la « branche d'activité» représentée par l'ESC.

Il résulte de ces éléments que la convention de stage de M. de F. est intervenue sous l'égide de la société France Business School.

En conséquence, l'association Groupe Clermont-Auvergne doit être mise hors de cause, la convention de stage n'étant plus en cours et en l'absence de transmission du passif.

7°) Sur la demande dirigée contre l'IFAG Lyon ( stagiaire : M. B.)

La société Planet VoIP fonde sa demande uniquement sur la responsabilité contractuelle de l'IFAG résultant d'un manquement à la clause de la convention de stage qui prévoyait que l'école « garantit la confidentialité des informations obtenues».

Cette clause précise exactement :

«L'IFAG garantit la confidentialité des informations obtenues. L'étudiant sera soumis à l'obligation de discrétion et de réserve. Tout manquement à cette obligation sera sévèrement sanctionnée».

Cette clause consiste à mettre à la charge de l'établissement une obligation de moyen afin de sensibiliser ses étudiants aux exigences de confidentialité et de réserve qui leur incombent.

Cette convention est bien signée par M. B. ce dont il résulte qu'il a eu connaissance de ses obligations.

D'autre part, il n'est pas établi que l'IFAG a eu connaissance des faits pouvant être reprochés à M. B., ou bien que les ayant connus, elle les aurait laissés perdurer.

En conséquence, la demande n'est pas fondée.

8°) Sur la demande reconventionnelle de la société Valccom, M. Lucas De F., M. Christophe L.

Les intéressés ayant commis des actes de concurrence déloyale, ils sont mal fondés à faire grief à la société Planet VoIP qui en était la victime, d'avoir mis en oeuvre les moyens appropriés pour aviser ses clients, les mettre en garde contre le peu d'expérience de ses deux fondateurs et les informer des actions qu'elle comptait entreprendre à l'encontre de la société Valccom.

En conséquence, la demande n'apparaît pas fondée.

9°) Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par défaut, Réformant le jugement déféré et statuant de nouveau sur le tout, Déclare in solidum la société Valccom, M. Christophe L., M. Lucas de F., et M. Volodymyr B. responsables de faits de concurrence déloyale à l'égard de la société Planet VoIP, Déboute la société Planet VoIP de sa demande d'expertise, Condamne in solidum la société Valccom, M. Christophe L., M. de Lucas de F., et M. Volodymyr B. à payer à la société Planet VoIP la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Met hors de cause l'association Groupe ESC Clermont-Auvergne, Déboute la société Planet VoIP de ses demandes dirigées contre l'association IFAG de Lyon, Condamne la société Planet VoIP à payer à l'association Groupe ESC Clermont Auvergne la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à l'association IFAG de Lyon la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute la société Valccom, M. Christophe L., M. de Lucas de F. de leur action en responsabilité pour dénigrement dirigée contre la société Valccom, Condamne in solidum la société Valccom, M. Christophe L., M. de Lucas de F., et M. Volodymir B. aux entiers dépens de première instance et d'appel. Ainsi prononcé publiquement le 16 juin 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, et signé par Michel Ficagna, Président et Sylvie Laval, Greffier.