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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 juin 2020, n° 18/27793

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Impérial Pub (SAS)

Défendeur :

Monoprix (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocats :

Me Gaftarnik , Me Hardouin

T. com. Paris, du 20 nov. 2018

20 novembre 2018

FAITS ET PROCÉDURE

La société Imperial pub exerce, sous le nom commercial MGP, l'activité de distribution de prospectus publicitaires, et avait pour client la société Monoprix.

Estimant que la société Monoprix avait brutalement rompu les relations commerciales qu'elle entretenait avec elle depuis 2004 et par acte extrajudiciaire du 22 août 2017, la société Imperial pub l'a assignée en dommages-intérêts devant le Tribunal de commerce de Paris.

C'est dans ces conditions que par jugement du 20 novembre 2018, le Tribunal de commerce de Paris a :

- dit que la société Monoprix et la société Imperial pub, exerçant sous le nom commercial MGP, ont été liées par une relation commerciale établie depuis janvier 2004 qui a été rompue à la mi-février 2016, à l'issu de 12 ans et 1,5 mois ;

- dit que, le préavis accordé de 16 mois et demi ayant été suffisant, la rupture n'a pas été brutale au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- débouté la société Imperial pub de sa demande de réparation à ce titre ;

- débouté la société Imperial pub de sa demande en réparation d'un prétendu préjudice subi en raison d'une perte de marge indirecte ;

- condamné la société Imperial pub à payer à la société Monoprix la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Imperial pub aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 janvier 2019, la société Imperial pub, appelante, demande à la Cour de :

vu l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

- débouter la société Monoprix de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la société Monoprix à lui payer la somme de 222 816 euros TTC à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2017 et jusqu'à parfait paiement ;

- condamner la société Monoprix à lui payer la somme de 74 440,50 euros TTC à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice spécifique subi du fait du couplage des zones de distribution Monoprix avec d'autres enseignes, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2017 et jusqu'à parfait paiement ;

- condamner la société Monoprix à lui payer une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 avril 2019, la société Monoprix prie la Cour de :

- débouter la société Imperial pub de toutes ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner la société Imperial pub à lui payer une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

SUR CE, LA COUR

Alors qu'il est constant que la société Imperial pub distribuait depuis 2004 des prospectus publicitaires pour la société Monoprix, celle-ci lui a adressé, le 17 février 2016, une lettre recommandée avec accusé de réception annonçant la cessation des relations commerciales au 31 décembre 2016, précisant que le préavis commençait de courir.

Par courriel du 17 février 2016 également, la société Monoprix, expliquant compléter l'envoi en recommandé de la lettre de résiliation, adressait à la société Imperial pub un projet de contrat pour l'année 2016 uniquement, invitant celle-ci à le lui retourner et indiquant qu'elle serait consultée en fin d'année 2016 pour 2017. Ce projet de contrat mentionne pour terme la date du 31 décembre 2016 et exclut toute reconduction tacite à l'échéance.

Par lettre recommandée du 16 janvier 2017, la société Monoprix a annoncé à la société Imperial pub qu'en raison de la mise en place tardive de l'appel d'offres, le préavis était prolongé jusqu'au 31 mars 2017, précisant que le contrat ne serait renouvelé que si l'appel d'offres était remporté.

Par lettre recommandée du 24 février 2017, la société Monoprix a annoncé à la société Imperial pub qu'elle n'était pas retenue dans le cadre de l'appel d'offres, précisant : « Aussi, comme convenu ensemble, nous vous confirmons la prolongation de vos prestations aux mêmes charges et conditions jusqu'au 30 juin 2017, date à laquelle elles s'achèveront. »

Par lettre recommandée du 28 février 2017, la société Imperial pub exposait qu'à son sens, le délai de préavis n'avait commencé à courir qu'à compter du 24 février 2017 et que, compte tenu de l'ancienneté de la relation contractuelle, il ne pouvait pas s'interrompre avant le 23 février 2019.

Il est constant les relations commerciales se sont arrêtées au 30 juin 2017.

A l'appui de son appel, la société Imperial pub soutient que le délai de préavis, qui selon elle aurait dû être de 18 mois, n'a pas couru avant le 24 février 2017, aux moyens que :

- la lettre de rupture du 17 février 2016 n'a jamais été mise en pratique, la société Monoprix ayant dans le même temps manifesté par courriel sa volonté de poursuivre la relation commerciale en 2016, envisageant même de la poursuivre en 2017, étant observé que les catalogues pour 2017 lui ont été envoyés en octobre 2016, ainsi que la nouvelle configuration des zones en novembre 2016 ;

- les premiers juges ont méconnu le fait que la société Monoprix avait créé un contexte laissant à penser que la relation commerciale n'était pas rompue.

Toutefois, les moyens soutenus par la société Imperial pub au soutien de son appel relatif au point de départ du préavis ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il sera seulement souligné que, contrairement à ce que soutient la société Imperial pub, la position de la société Monoprix ne lui a pas légitimement laissé croire jusqu'en février 2017 que la relation commerciale allait se poursuivre, nonobstant les lettres et courriels de 2016 et 2017.

Les premiers juges ont exactement retenu que dès la lettre de janvier 2016, la société Imperial pub ne pouvait plus légitimement croire que la relation allait se poursuivre au-delà de la date annoncée, aucune ambiguïté ne résultant du courriel adressé parallèlement, ni d'aucun autre élément émanant de la société Monoprix, rien ne laissant penser qu'elle avait renoncé à la rupture.

Le courriel du 7 novembre 2016 de la société Monoprix, en la personne de Mme X, à la société Imperial pub, en la personne de M. Y, par lequel celle-là demande à celui-ci si compte tenu des délais de mise en place de l'appel d'offres, il voyait un inconvénient à assurer la distribution de janvier 2017, a été exactement analysé par le Tribunal de commerce et n'a pas légitimement permis au prestataire de croire que les relations allaient se poursuivre comme si la société Monoprix avait renoncé à l'appel d'offres.

Les premiers juges ont donc exactement retenu que le préavis avait couru depuis la lettre de février 2016 et avait été prolongé jusqu'au 30 juin 3017.

En outre, alors que la dépendance économique n'est nullement caractérisée en l'espèce, par suite de l'absence de toute contrainte juridique ou technique ayant gêné le prestataire pour se réorganiser, et en l'absence de toute autre circonstance de nature à imposer un allongement particulier de ce préavis, la rupture brutale alléguée n'est nullement établie en l'espèce.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Les demandes indemnitaires de la société Impérial pub, qui découlent toutes de la brutalité alléguée mais non établie de la rupture, seront rejetées.

La société Imperial pub sera condamnée aux dépens d'appel et, en équité, versera à la société Monoprix une somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, telle que précisée au dispositif du présent arrêt.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Rejette toutes les demandes de la société Imperial Pub, Condamne celle-ci à payer à la société Monoprix une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Imperial Pub aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.