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Décisions

CJUE, 3e ch., 18 décembre 2019, n° C-447/18

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UB

Défendeur :

Generálny riaditeľ Sociálnej poisťovne Bratislava

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prechal

Président de chambre :

M. Lenaerts

Juges :

Mmes Silva de Lapuerta, Rossi (rapporteur) , M. Biltgen

Avocat général :

M. Tanchev

CJUE n° C-447/18

18 décembre 2019

LA COUR (troisième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, sous w), et des articles 4 et 5 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), ainsi que de l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant UB au Generálny riaditel’ Sociálnej poist’ovne Bratislava (directeur général de l’assurance sociale de Bratislava, Slovaquie) au sujet de la légalité de la décision refusant au premier le bénéfice d’une allocation versée à certains sportifs de haut niveau.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 1er du règlement no 883/2004, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins du présent règlement :

[...]

w) le terme “pension” comprend également les rentes, les prestations en capital qui peuvent y être substituées et les versements effectués à titre de remboursement de cotisations, ainsi que, sous réserve des dispositions du titre III, les majorations de revalorisation ou allocations supplémentaires ;

[...] »

4 L’article 3 de ce règlement, intitulé « Champ d’application matériel », dispose :

« 1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

a) les prestations de maladie ;

b) les prestations de maternité et de paternité assimilées ;

c) les prestations d’invalidité ;

d) les prestations de vieillesse ;

e) les prestations de survivant ;

f) les prestations en cas d’accidents du travail et de maladies professionnelles ;

g) les allocations de décès ;

h) les prestations de chômage ;

i) les prestations de préretraite ;

j) les prestations familiales.

[...]

3. Le présent règlement s’applique également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 70.

[...] »

5 L’article 4 dudit règlement, intitulé « Égalité de traitement », est rédigé comme suit :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci. »

6 L’article 5 du même règlement, intitulé « Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements », énonce :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s’appliquent :

a) si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre État membre ou de revenus acquis dans un autre État membre ;

b) si, en vertu de la législation de l’État membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet État membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre État membre comme si ceux-ci étaient survenus sur son propre territoire. »

7 Le titre III du règlement no 883/2004 contient un chapitre 9, intitulé « Prestations spéciales en espèces à caractère non contributif ». Ce chapitre comprend un article unique, à savoir l’article 70 de ce règlement, lui-même intitulé « Dispositions générales », qui prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Le présent article s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l’article 3, paragraphe 1, et d’une assistance sociale.

2. Aux fins du présent chapitre, on entend par “prestations spéciales en espèces à caractère non contributif” les prestations :

a) qui sont destinées :

i) soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimum de subsistance eu égard à l’environnement économique et social dans l’État membre concerné ;

ii) soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l’environnement social de ces personnes dans l’État membre concerné ;

et

b) qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d’attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d’une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d’une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives ;

et

c) qui sont énumérées à l’annexe X. »

8 L’article 7 du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (JO 2011, L 141, p. 1), prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé au chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. »

Le droit slovaque

9 L’article 1er du zákon č. 112/2015 Z.z. o príspevku športovému reprezentantovi a o zmene a doplnení zákona č. 461/2003 Z.z. o sociálnom poistení v znení neskorších predpisov (loi no 112/2015 sur les allocations aux représentants sportifs et sur la modification de la loi no 461/2003 sur l’assurance sociale), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi no 112/2015 »), dispose :

« La présente loi régit l’octroi d’une allocation aux représentants sportifs (ci-après l’“allocation”) sous la forme d’une prestation sociale publique ayant pour objet d’apporter la sécurité financière aux athlètes qui, en tant que représentants sportifs de la République tchécoslovaque, de la République socialiste tchécoslovaque, de la République fédérale tchécoslovaque, de la République fédérale tchèque et slovaque ou de la République slovaque, ont remporté une médaille aux jeux Olympiques, aux jeux Paralympiques, aux jeux Deaflympics, aux championnats du monde ou aux championnats d’Europe. »

10 L’article 2, paragraphe 1, de cette loi prévoit :

« Peut prétendre à une allocation toute personne physique qui :

a) a remporté, en tant que représentant sportif de la République tchécoslovaque, de la République socialiste tchécoslovaque, de la République fédérale tchécoslovaque, de la République fédérale tchèque et slovaque ou de la République slovaque,

1. une médaille d’or (première place), d’argent (deuxième place) ou de bronze (troisième place) aux jeux Olympiques, aux jeux Paralympiques ou aux jeux Deaflympics,

2. une médaille d’or (première place), d’argent (deuxième place) ou de bronze (troisième place) aux championnats du monde, ou une médaille d’or (première place) aux championnats d’Europe dans une discipline sportive inscrite par le Comité international olympique au programme des jeux Olympiques, par le Comité international paralympique au programme des jeux Paralympiques ou par le Comité international des sports des sourds au programme des jeux Deaflympiques, qui ont immédiatement précédé les championnats du monde ou les championnats d’Europe ou qui se sont tenus pendant l’année civile au cours de laquelle les championnats du monde ou les championnats d’Europe ont eu lieu ;

b) est citoyen de la République slovaque ;

c) a sa résidence principale sur le territoire de la République slovaque ou fait l’objet d’une réglementation spécifique ;

d) ne perçoit pas une allocation similaire à l’étranger ;

e) a atteint l’âge de retraite, et

f) a réclamé une prestation de retraite en vertu d’une réglementation spécifique. »

11 L’article 3 de ladite loi énonce :

« Le montant de l’allocation correspond à la différence :

a) entre la somme de 750 euros et la somme des montants des prestations de retraite octroyées en vertu d’une réglementation spécifique et des prestations de retraite similaires versées à l’étranger, pour autant que la personne physique ait remporté :

1. une médaille d’or au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), point 1,

2. une médaille d’or au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), point 2, aux championnats du monde ou

b) entre la somme de 600 euros et la somme des montants des prestations de retraite octroyées en vertu d’une réglementation spécifique et des prestations de retraite versées à l’étranger, pour autant que la personne physique ait remporté :

1. une médaille d’argent au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), point 1,

2. une médaille d’argent au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), point 2, aux championnats du monde ou

c) entre la somme de 500 euros et la somme des montants des prestations de retraite octroyées en vertu d’une réglementation spécifique et des prestations de retraites versées à l’étranger, pour autant que la personne physique ait remporté :

1. une médaille de bronze au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), point 1,

2. une médaille de bronze au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), point 2, aux championnats du monde ou

3. une médaille d’or au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), point 2, aux championnats d’Europe. »

Le litige au principal et la question préjudicielle

12 UB, ressortissant tchèque ayant sa résidence depuis 52 ans sur le territoire qui est aujourd’hui celui de la Slovaquie, a, au cours de l’année 1971, remporté la médaille d’or au championnat d’Europe de hockey sur glace et la médaille d’argent au championnat du monde de la même discipline, en tant que membre de l’équipe nationale de la République socialiste tchécoslovaque.

13 Lors de la dissolution de la République fédérale tchèque et slovaque, intervenue le 31 décembre 1992 à minuit, UB a opté pour la nationalité tchèque. Néanmoins, il a continué à résider sur le territoire de la Slovaquie. À l’audience, le gouvernement slovaque a par ailleurs précisé, sans être contredit par les autres intéressés, que, lors de l’adhésion de la République slovaque et de la République tchèque à l’Union européenne le 1er mai 2004, UB était employé dans une école primaire et a continué à exercer cet emploi au moins jusqu’à l’année 2006.

14 Le 17 décembre 2015, UB a demandé à bénéficier de l’allocation aux représentants sportifs prévue par la loi no 112/2015 (ci-après l’« allocation aux représentants sportifs »). Ayant constaté que l’intéressé ne satisfaisait pas à la condition relative à la possession de la citoyenneté slovaque, visée à l’article 2, paragraphe 1, sous b), de cette loi, l’assurance sociale de Bratislava a rejeté cette demande.

15 UB a introduit un recours contre cette décision devant le Krajský súd v Košiciach (cour régionale de Košice, Slovaquie) en faisant valoir que, au regard du droit de l’Union, la réglementation slovaque avait un effet discriminatoire fondé sur la nationalité et qu’elle ne tenait pas compte du fait qu’il résidait sur le territoire de la Slovaquie depuis 52 ans.

16 Ce recours ayant été rejeté, UB s’est pourvu en cassation devant la juridiction de renvoi.

17 Cette juridiction constate, à la lecture des travaux préparatoires de la loi no 112/2015, que le législateur slovaque a justifié son choix de subordonner le bénéfice de l’allocation en cause au principal à la possession de la citoyenneté slovaque par le fait que cette allocation constitue une prestation sociale publique, et non une prestation de retraite, et a pour objet de contribuer à la sécurité financière des athlètes de haut niveau qui, en tant que ressortissants slovaques, ont représenté la République slovaque ou les prédécesseurs en droit de celle-ci dans le cadre d’importantes compétitions sportives internationales. Par ailleurs, cette loi n’aurait pas pour vocation de s’appliquer aux représentants sportifs ressortissants d’autres États.

18 Cependant, selon la juridiction de renvoi, d’une part, l’allocation aux représentants sportifs n’a pas seulement le caractère d’une prestation sociale publique, étant donné qu’elle est versée sur une base régulière et parallèlement à la prestation de retraite, afin de porter le montant de cette dernière aux montants prévus à l’article 3, sous a) à c), de ladite loi. D’autre part, UB, en tant que représentant sportif dans le cadre d’un sport collectif, a été traité de manière différente que ses coéquipiers pour la seule raison que, contrairement à ces derniers, il n’est pas un ressortissant slovaque, bien qu’il ait, lui aussi, contribué par ses capacités sportives et les efforts déployés aux résultats collectifs de l’équipe nationale.

19 Dans ces conditions, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 1er, sous w), et les articles 4 et 5 du règlement [no 883/2004], lus en combinaison avec le droit à des prestations de sécurité sociale et à des avantages sociaux consacré à l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la [Charte], peuvent-ils être interprétés, dans des circonstances du cas d’espèce, en ce sens qu’ils s’opposent à l’application d’une règle nationale selon laquelle l’institution slovaque de sécurité sociale considère que la condition fondamentale ouvrant le droit au supplément de pension aux représentants sportifs est la nationalité du demandeur, même si une autre condition légale, à savoir le fait de faire partie de l’équipe nationale des prédécesseurs en droit de la République slovaque, y compris de la République socialiste tchécoslovaque, constitue toujours un élément de la réglementation nationale ? »

Sur la question préjudicielle

20 Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi souhaite savoir, en substance, si l’article 1er, sous w), et les articles 4 et 5 du règlement no 883/2004, lus en combinaison avec l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui subordonne le bénéfice d’une allocation instituée en faveur de certains sportifs de haut niveau ayant représenté cet État membre, ou les prédécesseurs en droit de celui-ci, dans le cadre de compétitions sportives internationales, notamment à la condition que le demandeur ait la nationalité dudit État membre.

21 Afin de répondre à cette question, il convient de vérifier à titre préliminaire si une allocation, telle que celle en cause au principal, relève du champ d’application matériel du règlement no 883/2004.

22 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, la distinction entre les prestations relevant du champ d’application du règlement no 883/2004 et celles qui en sont exclues repose essentiellement sur les éléments constitutifs de chaque prestation, notamment les finalités et les conditions d’octroi de celle-ci, et non pas sur le fait qu’une prestation soit ou non qualifiée de prestation de sécurité sociale par la législation nationale [arrêt du 25 juillet 2018, A (Aide pour une personne handicapée), C 679/16, EU:C:2018:601, point 31 et jurisprudence citée].

23 Ainsi, une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où, d’une part, elle est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d’une situation légalement définie et où, d’autre part, elle se rapporte à l’un des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004 [arrêt du 25 juillet 2018, A (Aide pour une personne handicapée), C 679/16, EU:C:2018:601, point 32 et jurisprudence citée].

24 Étant donné le caractère cumulatif des deux conditions mentionnées au point précédent, l’absence de satisfaction de l’une d’entre elles implique que la prestation en question ne relève pas du champ d’application du règlement no 883/2004 [arrêt du 25 juillet 2018, A (Aide pour une personne handicapée), C 679/16, EU:C:2018:601, point 33].

25 En ce qui concerne, en particulier, la seconde condition, il convient d’examiner si une prestation telle que celle en cause au principal se rapporte à l’un des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004.

26 S’agissant tout particulièrement de la qualification d’une prestation sociale comme étant une prestation de vieillesse, au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous d), de ce règlement, la Cour a précisé que peut être qualifiée de telle une allocation supplémentaire versée exclusivement aux bénéficiaires d’une pension de retraite et/ou de survie, dont les sources de financement sont les mêmes que celles prévues pour le financement des pensions de retraite et de survie, et qui accompagne la pension de retraite, en permettant aux bénéficiaires de subvenir à leurs besoins en leur garantissant un complément financier (voir, en ce sens, arrêts du 20 janvier 2005, Noteboom, C 101/04, EU:C:2005:51, points 25 à 29, et du 16 septembre 2015, Commission/Slovaquie, C 361/13, EU:C:2015:601, point 56).

27 En l’occurrence, il convient de relever, tout d’abord, que, même si l’une des finalités de l’allocation aux représentants sportifs est « d’apporter la sécurité financière aux athlètes », comme l’énonce expressément l’article 1er de la loi no 112/2015, il ressort du dossier soumis à la Cour que la raison d’être de cette allocation est principalement de reconnaître à un nombre très restreint d’athlètes de haut niveau les efforts exceptionnels accomplis et les résultats remarquables obtenus dans le cadre de certaines compétitions sportives internationales. La finalité essentielle de ladite allocation est, dès lors, de récompenser les bénéficiaires de celle-ci pour les exploits qu’ils ont réalisés dans le domaine sportif en représentation de leur pays.

28 Ensuite, cette finalité essentielle explique, d’une part, que ladite allocation est financée directement par l’État, en dehors des sources de financement du système national de sécurité sociale et indépendamment des contributions versées par ses bénéficiaires, et, d’autre part, qu’elle est versée non à tous les athlètes ayant participé à de telles compétitions, mais seulement à un nombre très restreint d’entre eux qui, dans ce cadre, ont remporté certaines médailles.

29 Enfin, même si le montant maximal de l’allocation en cause au principal est plafonné en référence à une éventuelle pension de retraite que le bénéficiaire percevrait par ailleurs, le versement de cette allocation est subordonné non au droit du bénéficiaire à percevoir une telle pension mais uniquement à une demande en ce sens introduite par celui-ci.

30 Il s’ensuit qu’une allocation telle que celle en cause au principal ne saurait être considérée comme étant une prestation de vieillesse et que, partant, elle ne se rapporte à aucun des risques énumérés expressément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004.

31 Il en résulte que la seconde condition visée au point 23 du présent arrêt n’est pas satisfaite.

32 Par ailleurs, dès lors que cette allocation ne couvre aucun des risques correspondants aux branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, qu’elle n’est pas destinée uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées et que, en tout état de cause, elle n’est pas énumérée à l’annexe X de ce règlement, elle ne saurait non plus être regardée comme étant une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif, au sens de l’article 70 dudit règlement.

33 Au vu de ce qui précède, une allocation telle que celle en cause au principal ne relève pas du champ d’application du règlement no 883/2004.

34 Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner la question posée sous l’angle de l’article 34, paragraphes 1 et 2, de la Charte.

35 Cela étant, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. En effet, la Cour a pour mission d’interpréter toutes les dispositions du droit de l’Union dont les juridictions nationales ont besoin afin de statuer sur les litiges qui leur sont soumis, même si ces dispositions ne sont pas indiquées expressément dans les questions qui lui sont adressées par ces juridictions. À ces fins, la Cour peut extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les normes et les principes du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (arrêt du 16 juillet 2015, Abcur, C 544/13 et C 545/13, EU:C:2015:481, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée).

36 En l’occurrence, bien que la juridiction de renvoi n’ait formellement interrogé la Cour que sur l’interprétation du règlement no 883/2004, il convient, ainsi que l’a suggéré la Commission, d’examiner si le règlement no 492/2011, en particulier l’article 7, paragraphe 2, de celui-ci, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre telle que celle en cause au principal.

37 En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 13 du présent arrêt, en réponse à une question posée par la Cour à l’audience, le gouvernement slovaque a précisé que, lors de l’adhésion de la République slovaque et de la République tchèque à l’Union, UB était employé dans une école primaire et avait continué à exercer cet emploi au moins jusqu’à l’année 2006.

38 Or, l’article 45, paragraphe 2, TFUE prévoit que la libre circulation des travailleurs implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (arrêt du 15 décembre 2016, Depesme e.a., C 401/15 à C 403/15, EU:C:2016:955, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

39 En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 est l’expression particulière, dans le domaine spécifique de l’octroi d’avantages sociaux, de la règle d’égalité de traitement consacrée à l’article 45, paragraphe 2, TFUE et doit être interprété de la même façon que cette dernière disposition (arrêt du 15 décembre 2016, Depesme e.a., C 401/15 à C 403/15, EU:C:2016:955, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

40 Or, selon l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, le travailleur ressortissant d’un État membre bénéficie, sur le territoire des autres États membres, des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

41 La Cour a considéré que cette disposition bénéficie indifféremment tant aux travailleurs migrants résidant dans un État membre d’accueil qu’aux travailleurs frontaliers qui, tout en exerçant leur activité salariée dans ce dernier État membre, résident dans un autre État membre (arrêts du 15 décembre 2016, Depesme e.a., C 401/15 à C 403/15, EU:C:2016:955, point 37, ainsi que du 10 juillet 2019, Aubriet, C 410/18, EU:C:2019:582, point 24).

42 De même, la Cour a déjà jugé qu’un travailleur qui exerçait une activité salariée dans l’État membre d’accueil lors de l’adhésion de son État membre d’origine à l’Union et qui a continué à exercer une telle activité après cette adhésion peut, dès la date de ladite adhésion, invoquer l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO 1968, L 257, p. 2), dont le libellé a été repris à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, à moins que le régime transitoire prévu par l’acte d’adhésion n’en dispose autrement (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1989, Lopes da Veiga, 9/88, EU:C:1989:346, points 9, 10 et 19).

43 À cet égard, depuis l’adhésion, le 1er mai 2004, de la République slovaque et de la République tchèque à l’Union, la libre circulation des travailleurs s’applique, en principe, pleinement aux ressortissants tchèques travaillant en Slovaquie, conformément à l’article 24 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33), ainsi qu’au point 1.1 de l’annexe V de cet acte, uniquement sous réserve des dispositions transitoires prévues aux points 1.2 à 1.14 de ladite annexe. L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 ne faisant pas l’objet de telles dispositions transitoires, cette disposition s’applique, à l’égard desdits ressortissants tchèques, depuis le 1er mai 2004 (voir, par analogie, arrêt du 27 septembre 1989, Lopes da Veiga, 9/88, EU:C:1989:346, point 9).

44 Par conséquent, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 bénéficie également à un travailleur, tel que UB, qui, tout en n’ayant pas déplacé son lieu de résidence, s’est trouvé, en raison de l’adhésion à l’Union de l’État dont il est le ressortissant et de l’État sur le territoire duquel il a fixé sa résidence, dans la situation d’un travailleur migrant.

45 Il y a donc lieu de vérifier si une allocation aux représentants sportifs, telle que celle en cause au principal, relève de la notion d’« avantage social », au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011.

46 À cet égard, la référence faite par ladite disposition aux avantages sociaux ne saurait être interprétée limitativement (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 1975, Cristini, 32/75, EU:C:1975:120, point 12, et du 17 avril 1986, Reed, 59/85, EU:C:1986:157, point 25).

47 Il résulte en effet de l’objectif de l’égalité de traitement recherché par l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 que la notion d’« avantage social » étendue par cette disposition aux travailleurs ressortissants d’autres États membres comprend tous les avantages qui, liés ou non à un contrat d’emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison principalement de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 17 avril 1986, Reed, 59/85, EU:C:1986:157, point 26 ; du 12 mai 1998, Martínez Sala, C 85/96, EU:C:1998:217, point 25, et du 15 septembre 2005, Ioannidis, C 258/04, EU:C:2005:559, point 35) et, partant, leur intégration dans l’État membre d’accueil.

48 Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, constituent de tels avantages, notamment, une allocation de chômage destinée aux jeunes qui viennent de terminer leurs études et qui sont à la recherche de leur premier emploi (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2005, Ioannidis, C 258/04, EU:C:2005:559, point 34), une allocation d’éducation pour l’enfant d’un travailleur (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala, C 85/96, EU:C:1998:217, point 26), la faculté, pour la veuve et les enfants mineurs d’un travailleur migrant, de bénéficier des réductions sur les prix de transports ferroviaires applicables aux familles nombreuses (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 1975, Cristini, 32/75, EU:C:1975:120, point 13), la faculté, pour l’inculpé ayant la qualité de travailleur, d’utiliser une des langues disponibles pour les résidents d’une commune de l’État membre d’accueil (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1985, Mutsch, 137/84, EU:C:1985:335, points 16 et 17), ou encore la faculté d’obtenir que le partenaire d’un travailleur, non marié et non ressortissant de l’État membre d’accueil, soit autorisé à y séjourner avec lui (voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 1986, Reed, 59/85, EU:C:1986:157, point 28), dès lors que toutes ces mesures peuvent contribuer à l’intégration du travailleur migrant dans le milieu du pays d’accueil et donc à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des travailleurs.

49 Dans le même esprit, il convient d’admettre que la possibilité pour un travailleur migrant de se voir récompensé, au même titre que les travailleurs ressortissants de l’État membre d’accueil, pour les résultats sportifs exceptionnels qu’il a obtenus en représentation de cet État membre, ou des prédécesseurs en droit de celui-ci, peut contribuer à l’intégration de ce travailleur dans le milieu dudit État membre et donc à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des travailleurs.

50 Cette interprétation ne saurait, contrairement aux observations du gouvernement slovaque faites lors de l’audience, être remise en question par les arrêts du 31 mai 1979, Even et ONPTS (207/78, EU:C:1979:144), et du 16 septembre 2004, Baldinger (C 386/02, EU:C:2004:535).

51 Certes, dans ces arrêts, la Cour a jugé que des allocations accordées aux anciens combattants atteints d’une incapacité de travail imputable à un fait de guerre ou aux anciens prisonniers de guerre justifiant d’une captivité prolongée, en témoignage de reconnaissance nationale pour les épreuves endurées, ne relevaient pas, en tant qu’elles étaient versées en contrepartie des services rendus à leur pays, de la notion d’« avantage social », au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68, et cela alors même que les demandeurs de telles allocations étaient des travailleurs migrants. Ainsi, ces allocations ne contribuaient pas à l’intégration de ces travailleurs dans l’État membre d’accueil.

52 En revanche, l’allocation en cause au principal a pour finalité de récompenser des athlètes de haut niveau ayant représenté l’État membre d’accueil, ou les prédécesseurs en droit de celui-ci, à des compétitions sportives internationales et remporté des résultats remarquables. En particulier, cette allocation a pour effet non seulement d’apporter à ses bénéficiaires une sécurité financière visant, notamment, à compenser l’absence d’insertion pleine dans le marché du travail pendant les années consacrées à la pratique d’un sport à haut niveau, mais également et principalement de leur conférer un prestige social particulier en raison des résultats sportifs qu’ils ont remportés dans le contexte d’une telle représentation. Le fait, pour le travailleur migrant, de bénéficier de ce prestige, dont jouissent également les ressortissants de l’État membre d’accueil se trouvant dans la même situation, voire ayant remporté des médailles dans la même équipe lors de compétitions de sport collectif, est de nature à faciliter l’intégration desdits travailleurs migrants dans la société de cet État membre. D’ailleurs, la Cour a déjà reconnu l’importance sociale considérable du sport dans l’Union, notamment du sport amateur, reflétée à l’article 165 TFUE, ainsi que le rôle de ce sport comme facteur d’intégration dans la société de l’État membre d’accueil (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C 22/18, EU:C:2019:497, point 33).

53 Il s’ensuit qu’une allocation telle que celle en cause au principal relève de la notion d’« avantage social », au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011, de sorte qu’un État membre qui accorde une telle allocation à ses travailleurs nationaux ne saurait la refuser aux travailleurs ressortissants des autres États membres sans commettre une discrimination fondée sur la nationalité, prohibée par cette disposition.

54 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la question préjudicielle que

– l’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens qu’une allocation versée à certains sportifs de haut niveau ayant représenté un État membre, ou les prédécesseurs en droit de celui-ci, dans le cadre de compétitions sportives internationales ne relève pas de la notion de « prestation de vieillesse », au sens de cette disposition, et est, partant, exclue du champ d’application de ce règlement ;

– l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 492/2011 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui subordonne le bénéfice d’une allocation instituée en faveur de certains sportifs de haut niveau ayant représenté cet État membre, ou les prédécesseurs en droit de celui-ci, dans le cadre de compétitions sportives internationales, notamment à la condition que le demandeur ait la nationalité dudit État membre.

Sur les dépens

55 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, LA COUR (troisième chambre) dit pour droit :

1) L’article 3, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu’une allocation versée à certains sportifs de haut niveau ayant représenté un État membre, ou les prédécesseurs en droit de celui-ci, dans le cadre de compétitions sportives internationales ne relève pas de la notion de « prestation de vieillesse », au sens de cette disposition, et est, partant, exclue du champ d’application de ce règlement.

2) L’article 7, paragraphe 2, du règlement (UE) no 492/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui subordonne le bénéfice d’une allocation instituée en faveur de certains sportifs de haut niveau ayant représenté cet État membre, ou les prédécesseurs en droit de celui-ci, dans le cadre de compétitions sportives internationales, notamment à la condition que le demandeur ait la nationalité dudit État membre.