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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 2 juillet 2020, n° 17-16598

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Allianz Iard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Mes Bouillot, Meynard, Morel-Faury

T. com. Paris, du 29 mai 2017

29 mai 2017

FAITS ET PROCÉDURE :

M. K... G... était expert automobile.

Il était en relation d'affaires avec la société AGF devenue Allianz IARD.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 octobre 2011, la société Allianz, en raison de la mise en place d'une nouvelle organisation des missions d'expertise conseil, a avisé M. G... qu'elle mettait fin à leurs relations « dans le cadre existant et ce, moyennant un préavis conforme aux dispositions légales ».

Par courriel du 10 janvier 2012, la société Allianz a informé M. G... des dates de mise en place de la nouvelle organisation et du fait que ses missions pour les « VVNR » (véhicules volés non retrouvés) et « d'Expertise Conseil » prendraient fin le 31 janvier suivant.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 janvier 2012, M. G... a indiqué à la société Allianz qu'il restait dans l'attente des modalités de son préavis.

Par courriel du 27 janvier 2012 adressé à l'ensemble de ses experts conseils régionaux dont M. G..., la société Allianz a précisé la nouvelle organisation des experts conseil régionaux mise en place à compter du 1er février 2012 dont M. G... ne faisait pas partie.

Contestant cette rupture, M. G... a, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 juin 2012, mis en demeure la société Allianz de lui payer une somme de 363 515 euros en réparation des préjudices résultant de la brutalité de la rupture.

Cette mise en demeure étant demeurée vaine, la SARL G... a assigné la société Allianz, par acte du 28 janvier 2013, devant le tribunal de commerce de Paris en vue d'obtenir une indemnisation sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.

M. G... et la société Automobile Expertise des Charentes (AEC) sont intervenus volontairement à l'instance.

M. G... est décédé le 19 septembre 2014.

M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T... en qualité d'administratrice légale de son fils mineur H... G... et Mme F... Q... en qualité d'administratrice légale de son fils mineur M... G...-Q... ont repris l'instance.

Par jugement du 11 décembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a déclaré M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T... en qualité d'administratrice légale de son fils mineur H... G..., Mme F... Q... en qualité d'administratrice légale de son fils mineur M... G...-Q..., la société G... et la société AEC irrecevables en leurs demandes à l'encontre de la société Allianz faute d'intérêt à agir.

Par exploit du 18 janvier 2016, M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T... en qualité d'administratrice légale de son fils mineur H... G... et Mme F... Q... en qualité d'administratrice légale de son fils mineur M... G...-Q... ont assigné la société Allianz IARD en leur qualité d'héritiers de M. G... devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 29 mai 2017, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit qu'en rompant sa relation avec M. G... avec un préavis de 21 jours, la société Allianz IARD a rompu brutalement ladite relation ;

- fixé à 12 mois la durée du préavis qui aurait dû être accordée ;

- condamné la société Allianz IARD à payer à M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T... prise en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur H... G... et Mme F... Q... prise en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur M... G...-Q... agissant en qualité d'héritier de M. K... V... G... la somme de 68 941 euros au titre de la rupture brutale avec intérêt à taux légal à compter du 26 juin 2012, et capitalisation desdits intérêts en vertu des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

- débouté les demandeurs de leurs autres demandes ;

- condamné la société Allianz IARD à payer à M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T... prise en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur H... G... et Mme F... Q... prise en sa qualité d'administratrice légale de son fils mineur M. M... G...-Q... agissant en qualité d'héritier de M. K... V... G... la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Allianz IARD aux dépens.

La société Allianz IARD a interjeté appel de cette décision le 22 août 2017.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions du 18 septembre 2018, la société Allianz IARD demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce

- infirmer le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils H... G... et Mme C... Q..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils N... G...-Q..., de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- déduire du préavis raisonnable alloué par la cour le délai de prévenance effectivement accordé à M. G...,

- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation allouée, en considération non seulement du volume annuel d'activité de M. G... mais aussi du fait qu'il ne réalisait que 18 % de son activité globale pour son compte,

- condamner in solidum M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils H... G... et Mme C... Q..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils N... G... - Q... à payer à la société Allianz IARD la somme de 5 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils H... G... et Mme C... Q..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils N... G...- Q... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Allianz soutient qu'aucune rupture brutale des relations commerciales ne peut lui être reprochée. Elle fait observer que M. G... a fait le choix de ne participer qu'à l'appel d'offres pour exercer en tant qu'expert conseil régional et non à celui pour exercer en tant qu'expert automobile. Elle affirme par ailleurs avoir avisé, par lettre du 28 octobre 2011, de manière claire M. G... de la rupture de leurs relations à compter du 31 janvier 2012. Elle estime ainsi qu'un préavis de trois mois a été respecté et qu'en réalité, les relations se sont poursuivies jusqu'au 30 juin 2013 à travers la société AEC, dont M. G... était l'unique associé et le gérant. Elle estime que ce préavis était suffisant au regard de l'ancienneté des relations, de la nature même de l'activité exercée ainsi que de l'absence de dépendance économique. Elle souligne à cet égard qu'elle ne représentait que 18 % du chiffre d'affaires réalisé par M. G..., soit à titre personnel, soit à titre indirect, à travers ses sociétés SARL G... et SARL AEC. Elle observe que les consorts G... ne justifient pas d'une antériorité et d'une continuité des relations commerciales remontant à 1991 comme ils le prétendent. Elle dément par ailleurs le préjudice invoqué en affirmant que les intimés ne versent aux débats aucune pièce comptable. Elle affirme qu'il ne peut être réclamé une double indemnisation au titre de la prétendue absence de préavis et au titre de la brutalité de la rupture, dès lors qu'il s'agit du même préjudice. Elle dénie l'existence d'une atteinte à l'image commerciale.

Dans leurs dernières conclusions du 21 août 2018, M. B... G..., M. P... G..., Mme A... T..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils H... G... et Mme C... Q..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils N... G..., agissant en qualité d'héritiers de M. G..., demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1101 et suivant, 1134, 1147 et 1185 du Code civil, L. 442-6, 5° du Code de commerce,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le courrier du 28 octobre 2011 émanant de la société Allianz ne constitue pas le point de départ du préavis de rupture prévu à l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Allianz a rompu brutalement la relation commerciale avec M. G... ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un pourcentage de marge brute de 70 % et retenu comme base de calcul du préjudice un chiffre d'affaire moyen annuel de 104 505 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il leur a alloué la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Faisant droit à leur appel incident,

- dire et juger établie la relation commerciale entre M. G... et la société Allianz depuis 1991 soit plus de 20 ans au moment de la rupture brutale ;

- constater que M. G... réalisait la totalité de son chiffre d'affaire avec les missions confiées par la société Allianz et dire et juger le lien de dépendance économique établi ;

En conséquence, condamner la société Allianz à leur payer, en leur qualité d'héritiers de M. G..., la somme de 292 614 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de préavis et donc brutalité de la rupture ;

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012, date de la mise en demeure, avec la capitalisation desdits intérêts en vertu des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

- condamner la société Allianz à leur payer la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais dont ils ont effectué l'avance pour faire assurer leur défense devant la cour ;

- condamner la société Allianz aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Les consorts G... reprochent à la société Allianz d'être à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales. Ils soutiennent que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, aucun préavis écrit n'a précédé la rupture des relations avec M. G... qui a eu lieu le 31 janvier 2012. Ils expliquent en effet que la lettre du 28 octobre 2011 faisait état d'une cessation des relations dans le cadre précédemment mis en place et d'une réorganisation. Ils ajoutent que cette lettre annonçait qu'un préavis serait ultérieurement notifié, ce qui n'a jamais été suivi d'effet. Ils prétendent que le courriel du 10 janvier 2012 n'était pas plus explicite quant à la volonté de rompre toute relation. Ils affirment que M. G... n'a découvert que le 27 janvier 2012 qu'aucune mission ne lui était confiée dans le cadre de la nouvelle organisation mise en place à compter du 1er février 2012.

Ils démentent ensuite une poursuite des relations à travers la société AEC dès lors que ces relations sont distinctes et concernent deux entités juridiques différentes. Ils font valoir que les relations entre M. G... et la société Allianz remontent au 1er mai 1991 et sont issues d'un contrat à durée indéterminée tandis que les relations entre la société AEC et la société Allianz résultent d'un contrat à durée déterminée de deux ans.

Ils prétendent que les relations établies entre M. G... et la société Allianz ont duré plus de vingt ans et qu'il existait une dépendance économique puisque M. G... réalisait la totalité de son chiffre d'affaires avec la société Allianz. Ils revendiquent en conséquence une indemnisation sur la base d'un préavis de quatre années qui aurait dû être respecté et d'une marge brute de 70 % s'agissant d'une activité essentiellement intellectuelle avec des frais de fonctionnement limités. Ils prétendent que le chiffre d'affaires réalisé par M. G... avec la société Allianz sur dix années s'est élevé à 947 597 euros, soit une moyenne annuelle de 104 505 euros HT.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2019.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 23 mai 2019.

Par arrêt du 14 novembre 2019, la réouverture des débats a été ordonnée à l'audience du 23 janvier 2020 en vue de recueillir les observations des parties sur la nullité des conclusions prises au nom de U... et C... Q... en qualité de représentantes légales de leurs fils mineurs et sur le pouvoir de ces dernières de représenter leur fils devenus majeurs.

Par conclusions du 18 décembre 2019, M. H... G... est intervenu volontairement à l'instance en qualité d'héritier de son père. Dans ses conclusions, il demande à la cour de :

- révoquer l'ordonnance de clôture du 18 avril 2019,

- lui donner acte de son intervention,

- dire et juger que la cause de l'irrégularité de fond est couverte et qu'il n'y a lieu de prononcer la nullité des conclusions pour défaut de capacité d'ester en justice,

Vu les dispositions des articles 1101 et suivant, 1134, 1147 et 1185 du Code civil, L. 442-6, 5° du Code de commerce,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le courrier du 28 octobre 2011 émanant de la société Allianz ne constitue pas le point de départ du préavis de rupture prévu à l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Allianz a rompu brutalement la relation commerciale avec M. G... ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un pourcentage de marge brute de 70 % et retenu comme base de calcul du préjudice un chiffre d'affaire moyen annuel de 104 505 euros ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué aux intimés la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Faisant droit à leur appel incident,

- dire et juger établie la relation commerciale entre M. G... et la société Allianz depuis 1991 soit plus de 20 ans au moment de la rupture brutale ;

- constater que M. G... réalisait la totalité de son chiffre d'affaire avec les missions confiées par la société Allianz et dire et juger le lien de dépendance économique établi ;

En conséquence,

- condamner la société Allianz à leur payer, en leur qualité d'héritiers de M. G..., la somme de 292 614 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de préavis et donc brutalité de la rupture ;

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2012, date de la mise en demeure, avec la capitalisation desdits intérêts en vertu des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

- condamner la société Allianz à leur payer la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, pour les frais dont ils ont effectué l'avance pour faire assurer leur défense devant la cour ;

- condamner la société Allianz aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Dans ces mêmes conclusions, Mme C... Q..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils N... G..., a par ailleurs été précisé que celui-ci était né le ... et non le 19 juillet 2000 comme indiqué par erreur dans les conclusions du 21 août 2018, de sorte que son fils étant toujours mineur, elle a qualité pour le représenter en justice.

Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

A l'audience du 23 janvier 2020, les débats ont repris devant une autre composition que celle de l'audience du 23 mai 2019.

MOTIFS :

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et l'intervention volontaire de M.

H... G...

Selon l'article 802 du Code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

Par ailleurs, l'article 803 du même Code dispose que : «L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout. L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal. »

En l'espèce, l'intervention volontaire de M. H... G... par conclusions postérieures à l'ordonnance de clôture du 18 avril 2019 en vue de régulariser les conclusions déposées en son nom par sa mère ne justifie pas la révocation de ladite ordonnance.

En revanche, il convient de recevoir M. H... G... en son intervention volontaire.

Par ailleurs, il sera constaté que Mme C... Q... a bien pouvoir d'agir au nom de son fils mineur N... G..., né le ..., en sa qualité d'administratrice légale.

Sur la rupture brutale des relations commerciales

L'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Sur la brutalité de la rupture

Les parties ne contestent pas l'existence d'une relation établie entre M. G... et la société Allianz. En revanche, elles s'opposent quant au caractère brutal de la rupture.

En effet, le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l'absence de préavis écrit ou l'insuffisance de préavis.

Or le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

Contrairement à ce que soutient la société Allianz, qui conteste l'ancienneté des relations alléguée par les consorts G..., il ressort de sa propre lettre de rupture de la relation commerciale datée du 28 octobre 2011 que les relations d'affaires avec M. G... ont débuté en 1990. Ce point est en outre corroboré par une note de service de la société AGF assurances, devenue société Allianz, datée du 12 juin 1991, dans laquelle celle-ci indique que M. K... G... est entré en fonction aux AGF le 6 mai 1991 et exercera en qualité d'expert conseil régional à Bordeaux à compter de la fin de l'année 1991. En conséquence, il convient de retenir que les relations ont débuté le 6 mai 1991.

En ce qui concerne le volume d'affaires, les consorts G... se contentent de verser aux débats une attestation d'expert comptable certifiant que les prestations réalisées par le cabinet G... pour la société Allianz se sont élevées à 950 545 euros hors taxe et hors frais de déplacements pour la période de 2003 à 2011 inclus. Toutefois cette attestation, qui est contestée par la société Allianz, ne concorde ni avec le tableau produit par les consorts G... concernant le montant des ventes du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2012 qui fait état d'un montant total d'honoraires perçus de 851 328 euros sur même cette période et d'honoraires perçus de 106 105 euros en 2008 et de 117 920 euros en 2009, ni avec le chiffre d'affaires porté au bilan de l'entreprise G..., qui s'élevait à 93 506 euros en 2008 et à 92 709 euros en 2009 ni encore avec les notes d'honoraires versées aux débats par la société Allianz qui font mention d'honoraires versés, hors frais de déplacement, de 74 660 euros en 2008 et de 63 105 euros en 2009.

En l'absence, de comptes analytiques produits aux débats, ces derniers chiffres, seuls à même d'attester avec certitude l'activité exercée par M. G... au profit de la société Allianz, seront retenus.

Par ailleurs, les consorts G... prétendent que M. G... exerçait sa mission d'expert conseil exclusivement auprès de la société Allianz mais n'en rapportent pas la preuve. Il apparaît en effet que le chiffre d'affaires porté au bilan des comptes annuels de M. G... ne correspond pas aux notes d'honoraires qu'il a établies à l'égard de la société Allianz. Toutefois il apparaît que l'activité exercée avec la société Allianz représentait 80

% du chiffre d'affaires réalisé par M. G... en 2008 et 68 % en 2009 de sorte qu'il sera retenu une dépendance économique de ce dernier à l'égard de la société Allianz.

Ainsi eu égard à l'ancienneté des relations (20 ans et 9 mois), au volume d'affaires, à la dépendance économique de M. G... à l'égard de la société Allianz mais aussi à la possibilité pour M. G... de retrouver facilement une activité auprès d'autres assureurs, le délai de préavis qui aurait dû être observé par la société Allianz sera fixé à 15 mois. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

Les parties s'opposent quant au point de départ de ce préavis.

Il sera rappelé que le préavis s'entend d'un écrit marquant la volonté non équivoque de rompre définitivement les relations et indiquant un délai au-delà duquel ces relations seront interrompues.

Or en l'espèce, la lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 octobre 2011 de la société Allianz n'apparaît pas suffisamment claire quant à sa volonté d'interrompre définitivement les relations avec M. G.... En effet, si l'objet de cette lettre indique : « Résiliation de relation commerciale », le contenu de la lettre est moins affirmatif. Ainsi il est indiqué :

« Monsieur l'Expert Conseil,

Vous êtes en relation d'affaires depuis 1990 avec la société Allianz IARD (anciennement AGF) pour des missions de prestation en tant qu'Expert Conseil.

Comme nous vous l'avons annoncé en réunion le 21 octobre 2011, nous allons refondre les missions d'Expertise Conseil.

C'est pourquoi nous mettons fin par la présente à nos relations commerciales dans le cadre existant et ce, moyennant un préavis conforme aux dispositions légales.

Il est bien entendu que nous souhaitons vous rencontrer dans les meilleurs délais afin de convenir des modalités de résiliation. »

En outre, cette lettre n'annonce aucun délai à partir duquel les relations seront interrompues.

Dans ces conditions, cette lettre ne peut constituer le point de départ du délai de préavis.

Le courriel du 10 janvier 2012 ne peut davantage marquer ce point de départ. En effet, il est intitulé « Nouvelle organisation » et précise : « Bonjour K...,

Comme je te l'avais précisé lors de notre entretien, je t'informe des dates de mise en place de la nouvelle organisation. Ainsi tes missions pour les « VVNR » et d'« Expertise Conseil » prendront fin le 31 janvier 2012. »

La volonté de la société Allianz d'interrompre définitivement toute relation avec M. G..., y compris dans le cadre de la nouvelle organisation adoptée, n'y est pas précisée.

En conséquence, force est de constater qu'aucun préavis écrit n'a été délivré à M. G... avant la rupture des relations intervenue le 1er février 2012. A cet égard, la société Allianz ne saurait se prévaloir de la poursuite des relations, au-delà du 31 janvier 2012, avec la société AES alors qu'il n'est nullement démontré que c'est la même relation qui s'est poursuivie. En effet, il sera relevé que les missions confiées à la société AES l'ont été dans le cadre d'un contrat distinct conclu le 28 juin 2011 pour une durée de deux ans et portant sur des accidents automobiles, soit une mission différente de celle exercée par M. G... en qualité d'expert conseil régional.

La brutalité de la rupture est donc caractérisée et la responsabilité de la société Allianz sera retenue de ce chef.

Sur le préjudice

S'agissant du préjudice consécutif à la brutalité de la rupture, celui-ci est constitué du gain manqué pendant la période d'insuffisance du préavis.

En l'espèce, il ressort de ce qui précède que M. G... a réalisé un chiffre d'affaires avec la société Allianz de 74 660 euros en 2008 et de 63 105 euros en 2009, soit une moyenne mensuelle de 5 740 euros. Il sera relevé que ce chiffre d'affaires ne comprend pas les frais de déplacement à Bordeaux exposés par M. G... et qui lui ont été remboursés par la société Allianz. Il sera encore observé que la société Allianz mettait un bureau à disposition de M. G... de sorte qu'il n'exposait pas de frais à cet égard.

Dans ces conditions et s'agissant d'une prestation intellectuelle, l'évaluation du préjudice sera fondée sur le chiffre d'affaires escompté pendant la durée du préavis et non sur la marge brute.

Le préjudice financier subi par M. G... du fait de l'absence de préavis sera réparé par l'allocation d'une somme de 86 100 euros (5 740 euros x 15 mois).

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point et la société Allianz sera condamnée à régler aux consorts G... une somme de 86 100 euros de dommages et intérêts.

S'agissant d'une créance indemnitaire, les intérêts au taux légal ne peuvent courir qu'à compter du prononcé du présent arrêt en application de l'article 1153-1 ancien du Code civil. En conséquence, les consorts G... seront déboutés de leur demande tendant à voir fixer le point de départ des intérêts à compter de la mise en demeure du 26 juin 2012.

La capitalisation des intérêts sera prononcée conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du Code civil.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

La société Allianz succombe à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront donc confirmées.

La société Allianz sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et à régler aux consorts G... une somme supplémentaire de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. La demande de la société Allianz sur ce fondement sera rejetée.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture du 18 avril 2019 ; Reçoit M. H... G... en son intervention volontaire ; Constate que Mme C... Q... a bien pouvoir de représenter son fils mineur, N... G..., né le ..., en sa qualité d'administratrice légale ; Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile ; Statuant à nouveau, Dit qu'aucun prévis n'a été observé par la société Allianz avant la rupture des relations commerciales la liant à M. G... intervenue le 1er février 2012 ; Dit qu'un préavis de 15 mois aurait dû être observé ; Déclare la société Allianz responsable à l'égard de M. G... du préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales établies ; Condamne la société Allianz à régler à M. B... G..., M. P... G..., M. H... G... et Mme C... Q..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils N... G..., agissant en qualité d'héritiers de M. G..., une somme de 86 100 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 ancien du Code civil ; Y ajoutant, Condamne la société Allianz à régler à M. B... G..., M. P... G..., M. H... G... et Mme C... Q..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils N... G..., agissant en qualité d'héritiers de M. G..., une somme supplémentaire de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Allianz aux dépens de l'instance d'appel.