Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 8 juillet 2020, n° 18/21723

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

LCM GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Gilles

Avocat :

Me Munck

T. com. Rennes, du 14 juin 2018

14 juin 2018

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 14 juin 2018 qui rejette toutes les demandes des époux X et les condamne à verser à la société LCM une indemnité de procédure de 5 000 euros ainsi qu'aux dépens,

Vu les dernières conclusions de M. et Mme X, appelants, signifiées et notifiées le 6 juin 2019, qui demandent à la Cour de :

Vu les articles 442-6-5° du Code de commerce,

Vu l'article D. 442-3 du Code de commerce,

Vu les pièces versées au débat,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- dire l'appel recevable et bien fondé,

- constater que la société LCM a rompu de façon brutale et abusive la relation contractuelle existant avec eux, propriétaires du fonds de commerce, exploité en location-gérance par la Sarl Normachoc.

En conséquence,

- condamner la société LCM GmbH à leur verser la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution ni constitution de garantie, conformément à l'article 515 du Code de procédure civile (sic) ;

- condamner la société LCM GmbH à leur payer une indemnité de procédure de 5 000 euros et aux dépens.

Vu les dernières conclusions de la société LCM, intimée, signifiées et notifiées le 15 mai 2020, qui demande à la Cour de constater l'irrecevabilité de l'appel introduit tardivement, confirmer le jugement entrepris, débouter en conséquence les appelants de leurs demandes et les condamner solidairement à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros et aux dépens.

Les parties ne se sont pas opposées à la procédure sans audience qui leur a été proposée, par mail de Mme la présidente de cette chambre du 29 avril 2020, au visa de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et de l'ordonnance du premier président de cette Cour du 23 avril 2020.

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel prétendument tardif, la Cour renvoie à l'ordonnance la rejetant, rendue le 14 mai 2019 par son conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître au visa l'article 914 du Code de procédure civile. Elle la déclare en conséquence irrecevable devant elle.

L'article L 442-6, I, 5° du Code de commerce dispose qu'engage sa responsabilité et s'oblige à réparer le préjudice causé, celui qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages de commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

Une relation commerciale « établie » présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux.

Les appelants - qui sollicitent au visa de ce texte une somme de 300 000 euros, soit « l'équivalent d'un an de chiffre d'affaires » - soutiennent :

- qu'ils ont établi une relation commerciale dès 1987 avec la société IKM dont est issue LCM

- qu'il existait un contrat de distribution exclusive verbalement conclu en 2001 entre eux et la société LCM pour la distribution en France des produits de celle-ci,

- qu'ils ont créé la société Normachoc le 16 décembre 2001, locataire-gérant de leur fonds de commerce suivant contrat de location-gérance enregistré le 28 décembre 2001 à effet du 1er janvier 2002,

- que la société LCM savait parfaitement que le contrat de concession avait été mis à la disposition de la société Normachoc dans le cadre de cette location-gérance, (conclusions p. 5),

- qu'ils ont assuré l'implantation en France de LCM issue de la société IKM, en 14 ans de relation commerciale ainsi établie entre eux depuis 1987,

- que les difficultés de la société Normachoc qui ont conduit à sa liquidation judiciaire le 10 novembre 2015 (pièce 2) ne peuvent justifier la rupture sans préavis de cette relation commerciale établie puisque cette société qui n'est pas propriétaire du fonds de commerce n'est pas titulaire du contrat conclu avec LCM,

- qu'aucun écrit ne formalise la rupture sans préavis ni motif, alors même que les parties étaient en discussion pour trouver une solution aux problèmes de la société Normachoc et que la société LCM étant en discussion avec les frères Dopler pour voir la clientèle de Normachoc reprise par eux sous la dénomination Domachoc.

La cour rejette cependant les demandes des appelants, à l'instar des premiers juges, aux motifs adoptés que :

- la relation commerciale de LCM se faisait depuis 2001 avec la société Normachoc et non avec les appelants leurs fondateurs,

- la société Normachoc était en liquidation judiciaire, cette situation conduisant naturellement à une rupture de relation commerciale par la cessation obligatoire de son activité,

- qu'LCM a subi cette cessation d'activité de Normachoc ce qui la mettait en difficulté sur le marché français, ayant dû, en urgence, trouver une solution pour assurer à ses clients un service que son distributeur n'assurait plus.

Il suffira d'ajouter ce qui suit.

D'une part, les appelants ne justifient pas du contrat de distribution exclusive qu'ils auraient verbalement conclu avec LCM en 2001 en qualité de propriétaire de fonds de commerce, contrat que ne suffit à établir :

- ni le fait que la société Normachoc n'ait eu en fait, le cas échéant, que LCM comme fournisseur

- ni la circonstance que le secteur géographique de Normachoc ait été transmis, le cas échéant, au seul représentant de LCM en France,

- ni même un simple courant d'affaires entre les parties, étant observé que les appelants ne versent aux débats aucun document susceptible d'en caractériser l'existence.

En effet, il ne se déduit pas suffisamment de leur argumentaire que LCM - qui nie toute relation contractuelle continue antérieure à la création de la société Normachoc en 2001 et qui conteste toute exclusivité qu'aucun document ne formalise - ait eu l'intention ou la volonté de conférer aux appelants cette exclusivité de distribution, qui ne se présume pas.

D'autre part, les appelants ne justifient pas non plus de l'existence pourtant dûment contestée en appel de leur fonds de commerce, ni encore de la dénonciation à LCM du contrat de location-gérance par lequel, en leur qualité de propriétaire de ce fonds de commerce, ils auraient transmis à la société Normachoc ce prétendu contrat de distribution exclusive, alors au surplus qu'il n'est fait état d'aucune annexe de ce contrat de location-gérance évoquant un tel contrat de distribution exclusive.

En conséquence et au vu des pièces produites, leur demande tendant à voir constater que la société LCM a rompu de façon brutale et abusive la relation contractuelle existant avec eux, propriétaires du fonds de commerce exploité en location-gérance par la société Normachoc doit être rejetée :

- faute de preuve du prétendu contrat de distribution exclusive verbalement conclu entre les parties et susceptible d'avoir été transmis par eux, en leur qualité de propriétaire d'un fonds de commerce, dans le cadre du contrat de location-gérance produit aux débats

- et faute de preuve d'un courant d'affaires suivi, stable et habituel entre las parties, en l'état notamment du libellé, non contesté, au nom de la société Normachoc, des factures produites (pièces 16 à 16-5) comme de l'échange de mails invoqué par LCM (conclusions p. 3).

En effet, il résulte de cet échange, non contesté :

- que la société Normachoc - en réponse aux deux mails de LCM datés des 21 et 26 octobre 2015 qui s'inquiétait pour le suivi des clients qui avaient acheté en France ses produits LCM et qui interpellait le gérant de la société Normachoc, M. X, s'alarmant de ne pouvoir joindre cette société au téléphone - a annoncé à celle-ci sa défaillance, par mail du 27 octobre 2015, rédigé en ces termes :

« Nous n'avons pas le choix, nous n'avons pas de temps. Normachoc n'a plus d'argent pour continuer. Normachoc doit fermer à la fin de ce mois.

Je comprends que c'est une situation difficile pour vous et pour Cyril car il va devoir trouver un nouvel emploi et c'est très urgent. »

- que LCM a justifié de la nécessité pour elle de faire appel à une nouvelle agence par mail du 10 novembre 2015 motif expressément pris de cette défaillance de la société Normachoc qui lui renvoyait directement ses clients et des difficultés en résultant pour elle :

« Que se passe-t-il ? Je n'ai pas de nouvelles. Je vais devoir faire appel à une nouvelle agence, nous avons trop de difficultés avec les clients français. »

après avoir indiqué par mail du 2 novembre 2015 :

« Les clients nous appellent et sont fâchés de la situation. S'il vous plaît répondez aux clients. Nous sommes débordés avec vos clients, c'est très mauvais pour l'image de LCM, vous ne pouvez travailler de cette façon, ce n'est pas possible ».

Ainsi, la rupture imposée par la fermeture de la société Normachoc ne saurait être imputée à faute à LCM par les appelants, peu important que LCM ait indiqué au gérant de celle-ci dans son mail du 30 décembre 2015 confirmant cette rupture, que le nouvel agent était intéressé par un partenariat avec ce dernier et peu important que LCM ait été, le cas échéant, en discussion « avec les frères Y pour voir reprise par eux sous la dénomination Domachoc la clientèle de Normachoc ».

Vu les articles 696 et 700 du Code de procédure civile, les appelants dont le recours échoue doivent supporter la charge des dépens et l'équité commande de les condamner in solidum à payer à la société LCM l'indemnité de procédure ci-dessous.

Par ces motifs : LA COUR, Déclare irrecevable devant la Cour la demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel comme tardif ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; y ajoutant, Condamne in solidum M. et Mme X aux dépens d'appel ; Les Condamne in solidum à payer à la société LCM GmbH une indemnité de procédure de 5 000 euros et rejette toute autre demande.