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Décisions

Cass. com., 8 juillet 2020, n° 18-20.832

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Gemu (Sté)

Défendeur :

M@tex (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Pomonti

Avocat général :

Mme Pénichon

Avocats :

SCP Gaschignard, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Montpellier, du 5 juin 2018

5 juin 2018

LA COUR :

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 juin 2018), la société Gemu, qui commercialise en France des produits de la marque allemande Gemu, à savoir des systèmes de gestion des fluides, des vannes, des mesures et des régulations utilisés en pharmacie et en biotechnologie, a souhaité développer son activité dans les pays du Maghreb et a mis en place, en 2006, une cellule intitulée « Projet Afrique du nord », co-dirigée par MM. Kaeufling et Santelli, respectivement directeur général et responsable commercial de la société Gemu.

2. Ayant appris que l'épouse de M. Santelli avait créé, en octobre 2008, la société M@tex, ayant pour objet social l'import-export de fournitures industrielles, les négoces industriels, la rémunération sur commissions de vente par présentation de tiers et les prestations commerciales diverses, et reprochant à M. Santelli d'avoir prospecté et démarché ses clients dans les pays du Maghreb pour le compte de la société M@tex pour la fourniture de produits complémentaires et concurrentiels, la société Gemu l'a licencié pour faute grave et a assigné la société M@tex en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme.

Examen du moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. La société Gemu fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors « que le parasitisme qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité ; que pour écarter l'action en concurrence déloyale, la Cour d’appel s'est bornée à retenir que la société Gemu et la société M@tex intervenaient « dans le même secteur d'activité » et « avaient nécessairement des clients communs » sans rechercher comme elle y était invitée, si en commercialisant des produits complémentaires de ceux commercialisés par la société Gemu, la société M@tex, dont la gérante était dépourvue d'expérience et de compétence dans la vente de matériel utilisé en pharmacie et en biotechnologie, ne s'était pas fautivement placée dans le sillage de la société Gemu en utilisant le fichier clients appartenant à la société Gemu et l'appartement mis par cette dernière à la disposition de son mari pour développer un réseau de clients au Maghreb, de telle sorte qu'elle était parvenue en moins d'un an à réaliser au Maghreb un chiffre d'affaires supérieur à celui de la société Gemu, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du Code civil :

Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

4. Pour écarter l'action en concurrence déloyale de la société Gemu, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que la société M@tex, qui justifie de débours au titre des frais de déplacement et établit que chacun des époux Santelli avait effectivement loué un véhicule au mois d'octobre 2010, ait bénéficié des investissements de la société Gemu au Maroc. Il relève que « la société Gemu et la société M@tex, intervenant dans le même secteur d'activité, avaient nécessairement des clients communs dont les besoins ne pouvaient pas être assurés intégralement par l'une ou par l'autre », que, sur quarante-quatre distributeurs et fournisseurs de produits Gemu en Algérie, au Maroc, en Lybie et en Tunisie, seules quatre sociétés avaient effectué des commandes de produits non proposés par la société Gemu entre mars 2009 et janvier 2013 et que la société M@tex commercialisait auprès de trois fournisseurs (Technipro, ABDL et MEF) des produits complémentaires et, ponctuellement auprès des mêmes fournisseurs, pour 3 214,20 euros de 2009 à 2012, des produits concurrents. Il ajoute que la comparaison des chiffres et résultats respectifs des deux sociétés ne permet pas d'imputer à l'activité de la société M@tex les variations enregistrées par la société Gemu et qu'il ressort des échanges intervenus entre M. Santelli et la société Gemu au cours des années 2008 à 2012 que cette dernière admettait que l'absence de réalisation de ses objectifs au Maghreb était liée au contexte social et politique.

5. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si en commercialisant des produits complémentaires de ceux de la société Gemu, la société M@tex, dont la gérante était dépourvue d'expérience et de compétence dans la vente de matériel utilisé en pharmacie et en biotechnologie, et qui était parvenue en moins d'un an à réaliser au Maghreb un chiffre d'affaires supérieur à celui de la société Gemu, ne s'était pas fautivement placée dans le sillage de cette dernière en utilisant le fichier clients lui appartenant pour développer un réseau de clients dans cette région, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Par ces motifs, LA COUR : Casse et Annule l'arrêt rendu le 5 juin 2018 par la Cour d’appel de Montpellier ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d’appel de Nîmes.