CJUE, 4e ch., 5 décembre 2019, n° C-708/17
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
EVN Bulgaria Toplofikatsia (EAD), Toplofikatsia Sofia (EAD)
Défendeur :
Dimitrova, Dimitrov , Termokomplekt (OOD)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vilaras
Juges :
MM. Rodin, Šváby (rapporteur), Mme Jürimäe , M. Piçarra
Avocat général :
M. Saugmandsgaard Øe
Avocats :
Mes Memtsov , Dekov
LA COUR (quatrième chambre)
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales ») (JO 2005, L. 149, p. 22), de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques et abrogeant la directive 93/76/CEE du Conseil (JO 2006, L. 114, p. 64), des articles 5 et 27 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64), ainsi que de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE (JO 2012, L 315, p. 1).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant « EVN Bulgaria Toplofikatsia » EAD (ci-après « EVN ») à Mme Nikolina Stefanova Dimitrova (C 708/17) et « Toplofikatsia Sofia » EAD à M. Mitko Simeonov Dimitrov (C 725/18), au sujet d’actions en paiement de factures relatives à la consommation d’énergie thermique de l’installation intérieure d’immeubles en copropriété.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2005/29
3 L’article 3, paragraphe 2, de la directive 2005/29 prévoit :
« La présente directive s’applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats. »
4 L’article 5 de cette directive dispose :
« 1. Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
[...]
5. L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. [...] »
5 L’annexe I de ladite directive, intitulée « Pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances », contient le passage suivant :
« Pratiques commerciales agressives
[...]
29) Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO 1997, L. 144, p. 19)] (fournitures non demandées). »
La directive 2011/83
6 Les considérants 14 et 60 de la directive 2011/83 énoncent :
« (14) Il convient que la présente directive n’ait pas d’incidences sur le droit national dans le domaine du droit des contrats, en ce qui concerne les aspects relatifs au droit des contrats qui ne sont pas régis par la présente directive. La présente directive devrait par conséquent s’entendre sans préjudice du droit national réglementant, par exemple, la conclusion ou la validité d’un contrat (par exemple en cas d’absence de consentement). De même, la présente directive ne devrait pas avoir d’incidence sur le droit national concernant les voies légales de recours général en matière contractuelle, les règles relatives à l’ordre public économique, par exemple les règles relatives aux prix excessifs ou exorbitants, et les règles relatives aux opérations juridiques contraires à l’éthique.
[...]
(60) Étant donné que la vente forcée, qui consiste en la fourniture de biens ou en la prestation de services au consommateur de manière non demandée, est interdite par la directive [2005/29], mais qu’aucun recours contractuel n’est prévu à cet effet, il est nécessaire d’introduire dans la présente directive un recours contractuel dispensant le consommateur de l’obligation de verser toute contreprestation en pareil cas de fourniture ou de prestation non demandée. »
7 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “consommateur”, toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ;
[...] »
8 L’article 3 de ladite directive prévoit :
« 1. La présente directive s’applique, dans les conditions et dans la mesure prévues par ses dispositions, à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Elle s’applique également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage urbain, y compris par des fournisseurs publics, dans la mesure où ces biens sont fournis sur une base contractuelle.
[...]
5. La présente directive n’a pas d’incidence sur les dispositions générales du droit des contrats prévues au niveau national, notamment les règles relatives à la validité, à la formation et aux effets des contrats, dans la mesure où les aspects généraux du droit des contrats ne sont pas régis par la présente directive.
[...] »
9 L’article 27 de la même directive, intitulé « Vente forcée », énonce :
« Le consommateur est dispensé de l’obligation de verser toute contreprestation en cas de fourniture non demandée d’un bien, d’eau, de gaz, d’électricité, de chauffage urbain ou de contenu numérique, ou de prestation non demandée de services, en violation de l’article 5, paragraphe 5, et de l’annexe I, point 29, de la directive [2005/29]. Dans ces cas, l’absence de réponse du consommateur dans un tel cas de fourniture ou de prestation non demandée ne vaut pas consentement. »
10 L’article 28, paragraphe 2, de la directive 2011/83 prévoit que « [l]es dispositions de [celle-ci] s’appliquent aux contrats conclus après le 13 juin 2014 ».
La directive 2006/32
11 Aux termes des considérants 1, 12, 20 et 29 de la directive 2006/32 :
« (1) Dans la Communauté, il est nécessaire d’améliorer l’efficacité énergétique au stade de l’utilisation finale, de maîtriser la demande d’énergie et d’encourager la production d’énergies renouvelables, étant donné que la marge de manœuvre est relativement limitée pour pouvoir encore agir à court ou à moyen terme sur les conditions d’approvisionnement et de distribution d’énergie, que ce soit en créant de nouvelles capacités ou en améliorant le transport et la distribution. La présente directive contribue par conséquent à une meilleure sécurité d’approvisionnement.
[...]
(12) La présente directive exige des États membres qu’ils prennent des mesures, la réalisation des objectifs qu’elle fixe dépendant des effets que ces mesures auront sur les utilisateurs finals d’énergie. Aussi, le bilan des mesures prises par les États membres dépend-il de nombreux facteurs externes qui influencent le comportement des utilisateurs pour ce qui est de leur consommation d’énergie et de leur volonté de mettre en œuvre des méthodes et d’utiliser des dispositifs visant à réaliser des économies d’énergie. Il s’ensuit que, même si les États membres s’engagent à faire des efforts afin de réaliser l’objectif visé de 9 %, l’objectif national en matière d’économies d’énergie est indicatif par nature et n’entraîne aucune obligation juridiquement contraignante pour les États membres d’y parvenir.
[...]
(20) Les distributeurs d’énergie, les gestionnaires de réseaux de distribution et les entreprises de vente d’énergie au détail peuvent améliorer l’efficacité énergétique dans la Communauté si les services énergétiques qu’ils commercialisent comprennent une utilisation finale efficace, tels que le confort thermique dans les bâtiments, la production d’eau chaude à usage domestique, la réfrigération, la fabrication de produits, l’éclairage et la force motrice. Pour ces distributeurs d’énergie, gestionnaires de réseaux et entreprises de vente d’énergie au détail, la maximisation des bénéfices devient alors plus étroitement liée à la vente de services énergétiques à une clientèle aussi large que possible qu’à la vente d’une quantité maximale d’énergie à chaque client. Les États membres devraient s’employer à éviter toute distorsion de la concurrence en ce domaine, afin de garantir des conditions identiques pour tous les fournisseurs de services énergétiques ; ils peuvent toutefois déléguer cette tâche aux autorités nationales de régulation.
[...]
29) Afin que les utilisateurs finals puissent prendre des décisions en meilleure connaissance de cause en ce qui concerne leur consommation d’énergie individuelle, il convient de leur fournir une quantité raisonnable d’informations en la matière ainsi que d’autres informations pertinentes, telles que les mesures existantes destinées à améliorer l’efficacité énergétique, un profil comparatif des utilisateurs finals ou les spécifications techniques objectives des équipements consommateurs d’énergie, y compris des équipements fondés sur la notion du “facteur quatre” ou des équipements similaires. [...]
[...] »
12 L’article 1er de cette directive est rédigé de la manière suivante :
« La présente directive a pour objet de renforcer l’efficacité énergétique dans les utilisations finales de manière rentable dans les États membres :
a) en établissant les objectifs indicatifs ainsi que les mécanismes, les mesures d’encouragement et les cadres institutionnel, financier et juridique nécessaires pour éliminer les barrières commerciales et les imperfections du marché qui empêchent une utilisation finale efficace de l’énergie ;
b) en créant les conditions propices à la mise en place et à la promotion d’un marché des services énergétiques et à la fourniture aux utilisateurs finals d’autres mesures visant à améliorer l’efficacité énergétique. »
13 L’article 13, paragraphes 1 et 2, de ladite directive dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles, les clients finals dans les domaines de l’électricité, du gaz naturel, du chauffage et/ou du refroidissement urbain(s) et de la production d’eau chaude à usage domestique reçoivent à un prix concurrentiel des compteurs individuels qui mesurent avec précision leur consommation effective et qui fournissent des informations sur le moment où l’énergie a été utilisée.
Lorsqu’un compteur existant est remplacé, de tels compteurs individuels à prix concurrentiel sont toujours fournis à moins que cela ne soit techniquement impossible ou non rentable compte tenu des économies d’énergie potentielles estimées à long terme. Dans le cas d’un nouveau raccordement dans un nouveau bâtiment ou lorsqu’un bâtiment fait l’objet de travaux de rénovation importants au sens de la directive 2002/91/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, sur la performance énergétique des bâtiments (JO 2003, L. 1, p. 65)], de tels compteurs individuels à prix concurrentiel doivent toujours être fournis.
2. Les États membres veillent à ce que, le cas échéant, les factures établies par les distributeurs d’énergie, les gestionnaires de réseaux de distribution et les entreprises de vente d’énergie au détail soient fondées sur la consommation réelle d’énergie et présentées de façon claire et compréhensible. Des informations appropriées accompagnent les factures pour que les clients finals reçoivent un relevé complet des coûts actuels de l’énergie. Des factures sur la base de la consommation réelle sont établies à des intervalles suffisamment courts pour permettre aux clients de réguler leur consommation d’énergie. »
14 En vertu de l’article 27 de la directive 2012/27, la directive 2006/32 a été abrogée avec effet au 5 juin 2014, sous réserve de certaines exceptions.
La directive 2012/27
15 Les considérants 8 et 20 de la directive 2012/27 prévoient :
« (8) Le 8 mars 2011, la Commission a adopté sa communication intitulée “Plan 2011 pour l’efficacité énergétique”. Ladite communication confirme que l’Union n’est pas en voie d’atteindre son objectif d’efficacité énergétique, et ce malgré les progrès accomplis dans la mise en œuvre des politiques nationales en matière d’efficacité énergétique exposées dans les premiers plans nationaux d’action en matière d’efficacité énergétique présentés par les États membres en application des exigences de la directive [2006/32]. Une première analyse des deuxièmes plans d’action vient confirmer que l’Union n’est pas sur la bonne voie. Pour y remédier, le plan 2011 pour l’efficacité énergétique énumère une série de politiques et de mesures d’efficacité énergétique couvrant l’intégralité de la chaîne énergétique, y compris la production, le transport et la distribution de l’énergie ; le rôle majeur du secteur public en matière d’efficacité énergétique ; les bâtiments et les équipements ; le secteur industriel ; et la nécessité de mettre le client final en mesure de gérer sa consommation d’énergie. [...]
[...]
(20) Un examen de la possibilité d’établir un mécanisme de “certificat blanc” au niveau de l’Union a fait apparaître que, dans la situation actuelle, un tel système entraînerait des coûts administratifs excessifs et qu’il existe un risque que les économies d’énergie soient concentrées dans certains États membres sans être introduites dans toute l’Union. L’objectif d’un tel mécanisme au niveau de l’Union pourrait être mieux réalisé, du moins à ce stade, au moyen de mécanismes nationaux d’obligations en matière d’efficacité énergétique pour les entreprises publiques du secteur de l’énergie, ou au moyen d’autres mesures de politique publique permettant d’atteindre le même volume d’économies d’énergie. Il convient d’établir le niveau d’ambition de ces mécanismes dans un cadre commun au niveau de l’Union tout en offrant aux États membres une grande flexibilité permettant de tenir pleinement compte de l’organisation nationale des acteurs du marché, du contexte spécifique du secteur de l’énergie et des habitudes des clients finals. Le cadre commun devrait donner aux entreprises publiques du secteur de l’énergie la possibilité de proposer des services énergétiques à tous les clients finals, et pas seulement aux clients auxquels ils vendent de l’énergie. La concurrence sur le marché de l’énergie s’en trouve renforcée, puisque les entreprises publiques de ce secteur peuvent différencier leur produit en fournissant des services énergétiques complémentaires. Le cadre commun devrait permettre aux États membres d’inclure, dans leur système national, des exigences ayant une finalité sociale, en particulier en vue de garantir aux clients vulnérables un accès aux avantages découlant d’une amélioration de l’efficacité énergétique. Les États membres devraient déterminer, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, les distributeurs d’énergie ou les entreprises de vente d’énergie au détail qui devraient être tenus d’atteindre les objectifs d’économies d’énergie au stade final définis par la présente directive.
[...] »
16 L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2012/27 est rédigé comme suit :
« La présente directive établit un cadre commun de mesures pour la promotion de l’efficacité énergétique dans l’Union en vue d’assurer la réalisation du grand objectif fixé par l’Union d’accroître de 20 % l’efficacité énergétique d’ici à 2020 et de préparer la voie pour de nouvelles améliorations de l’efficacité énergétique au-delà de cette date.
Elle fixe des règles destinées à lever les obstacles sur le marché de l’énergie et à surmonter les défaillances du marché qui nuisent à l’efficacité au niveau de l’approvisionnement énergétique et de l’utilisation de l’énergie, et prévoit l’établissement d’objectifs indicatifs nationaux d’efficacité énergétique pour 2020. »
17 L’article 9 de cette directive dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles, les clients finals d’électricité, de gaz naturel, de chaleur et de froid ainsi que d’eau chaude sanitaire reçoivent, à des prix concurrentiels, des compteurs individuels qui indiquent avec précision la consommation réelle d’énergie du client final et qui donnent des informations sur le moment où l’énergie a été utilisée.
[...]
3. Lorsqu’un bâtiment est alimenté en chaleur et en froid ou en eau chaude par un réseau de chaleur ou par une installation centrale desservant plusieurs bâtiments, un compteur de chaleur ou d’eau chaude est installé sur l’échangeur de chaleur ou au point de livraison.
Dans les immeubles comprenant plusieurs appartements et les immeubles mixtes équipés d’une installation centrale de chaleur/froid ou alimentés par un réseau de chaleur ou une installation centrale desservant plusieurs bâtiments, des compteurs individuels de consommation sont également installés d’ici au 31 décembre 2016 pour mesurer la consommation de chaleur, de froid ou d’eau chaude de chaque unité, lorsque cela est techniquement possible et rentable. Lorsqu’il n’est pas rentable ou techniquement possible d’utiliser des compteurs individuels pour mesurer la consommation de chaleur, des répartiteurs des frais de chauffage individuels sont utilisés pour mesurer la consommation de chaleur à chaque radiateur, à moins que l’État membre en question ne démontre que l’installation de tels répartiteurs n’est pas rentable. Dans ces cas, d’autres méthodes rentables permettant de mesurer la consommation de chaleur peuvent être envisagées.
Lorsque des immeubles comprenant plusieurs appartements sont alimentés par un réseau de chaleur ou de froid ou lorsque de tels bâtiments sont principalement alimentés par des systèmes de chaleur ou de froid collectifs, les États membres peuvent introduire des règles transparentes concernant la répartition des frais liés à la consommation thermique ou d’eau chaude dans ces immeubles, afin d’assurer une comptabilisation transparente et exacte de la consommation individuelle. Au besoin, ces règles comportent des orientations en ce qui concerne la répartition des frais liés à la consommation de chaleur et/ou d’eau chaude comme suit :
a) l’eau chaude destinée aux besoins domestiques ;
b) la chaleur rayonnée par l’installation du bâtiment et aux fins du chauffage des zones communes (lorsque les cages d’escaliers et les couloirs sont équipés de radiateurs) ;
c) le chauffage des appartements. »
18 L’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive prévoit :
« Lorsque les clients finals ne disposent pas des compteurs intelligents visés dans les directives 2009/72/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55),] et 2009/73/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94)], les États membres veillent à ce que, au plus tard le 31 décembre 2014, les informations relatives à la facturation soient précises et fondées sur la consommation réelle, conformément à l’annexe VII, point 1.1, pour tous les secteurs relevant de la présente directive, y compris les distributeurs d’énergie, les gestionnaires de réseaux de distribution et les entreprises de vente d’énergie au détail, lorsque cela est techniquement possible et économiquement justifié. »
19 Conformément à l’article 27, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2012/27 :
« La directive [2006/32] est abrogée avec effet au 5 juin 2014, à l’exception de son article 4, paragraphes 1 à 4, et de ses annexes I, III et IV, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne le délai de sa transposition en droit national. L’article 4, paragraphes 1 à 4, et les annexes I, III et IV de la directive [2006/32] sont abrogés avec effet au 1er janvier 2017. »
20 L’article 28, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2012/27 est libellé comme suit :
« Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive, au plus tard le 5 juin 2014. »
21 L’annexe VII de cette directive, intitulée « Exigences minimales en matière de facturation et informations relatives à la facturation sur la base de la consommation réelle », énonce, à son point 1.1 :
« Afin de permettre au client final de réguler sa propre consommation d’énergie, la facturation devrait être établie au moins une fois par an sur la base de la consommation réelle, et les informations relatives à la facturation devraient lui être communiquées au moins une fois par trimestre à sa demande ou s’il a opté pour une facturation électronique, ou deux fois par an dans les autres cas. Le gaz utilisé exclusivement pour la cuisine peut être exempté de cette obligation. »
Le droit bulgare
La loi sur l’énergie
22 Le zakon za energetikata (loi sur l’énergie), du 9 décembre 2003 (DV n° 107, du 9 décembre 2003), dans sa rédaction applicable aux litiges au principal (ci-après la « loi sur l’énergie »), contient les dispositions suivantes :
« 133. (2) Le raccordement des installations des clients dans un immeuble en copropriété s’effectue avec le consentement écrit de propriétaires représentant au moins les deux tiers de la propriété de l’immeuble en copropriété.
[...]
139. (1) La répartition de la consommation d’énergie thermique dans un immeuble en copropriété est effectuée selon un système de répartition de la consommation.
[...]
140. (1) La répartition de la consommation d’énergie thermique entre les clients dans un immeuble en copropriété est effectuée au moyen :
[...]
2. d’appareils pour la répartition de la consommation d’énergie thermique, à savoir des répartiteurs des frais de chauffage individuels répondant aux normes en vigueur dans le pays ou des compteurs thermiques individuels ;
[...]
(3) Les installations intérieures de chauffage et d’eau chaude du bâtiment sont des parties communes de la copropriété.
[...]
142. (1) L’énergie thermique destinée au chauffage d’un immeuble en copropriété est la différence entre la quantité totale d’énergie thermique destinée à la distribution dans un immeuble en copropriété et la quantité d’énergie thermique pour l’eau chaude, déterminée conformément à l’article 141, paragraphe 1.
(2) L’énergie thermique destinée au chauffage d’un immeuble en copropriété se subdivise en chaleur émise par l’installation intérieure, en énergie thermique destinée au chauffage des parties communes et en énergie thermique destinée au chauffage des biens individuels.
[...]
149a. (1) Les clients d’énergie thermique dans un immeuble en copropriété peuvent acheter de l’énergie thermique d’un fournisseur choisi avec l’accord écrit de copropriétaires représentant au moins les deux tiers de la propriété de l’immeuble en copropriété.
[...]
153. (1) Tous les propriétaires et titulaires d’un droit réel portant sur l’usage d’un bien dans un immeuble en copropriété raccordés à la sous-station d’abonné ou à une branche autonome de celle-ci sont des clients d’énergie thermique et sont tenus d’installer des appareils pour la répartition de la consommation d’énergie thermique, visés à l’article 140, paragraphe 1, point 2, sur les émetteurs de chaleur qui se trouvent dans leur bien et de payer les frais relatifs à la consommation d’énergie thermique dans les conditions et suivant les modalités établies par l’arrêté concerné, visé à l’article 36, paragraphe 3.
(2) Lorsque les propriétaires qui représentent au moins les deux tiers de la propriété de l’immeuble en copropriété et qui sont raccordés à la sous-station d’abonné ou à une branche autonome de celle-ci ne souhaitent pas être des consommateurs d’énergie thermique destinée au chauffage ou à l’eau chaude, ils sont tenus de le déclarer par écrit auprès de l’entreprise de transport d’énergie thermique et de demander la résiliation de la fourniture d’énergie thermique pour le chauffage ou d’eau chaude à cette sous-station d’abonné ou à une branche autonome de celle-ci.
[...]
(5) Lorsqu’un système de répartition de la consommation d’énergie thermique est prévu, les clients dans un immeuble en copropriété n’ont pas le droit de couper l’alimentation d’énergie thermique des émetteurs de chaleur qui se trouvent dans leur bien en déconnectant physiquement ceux-ci de l’installation intérieure du bâtiment.
(6) Les clients résidant dans un immeuble en copropriété qui coupent l’alimentation d’énergie thermique des émetteurs de chaleur se trouvant dans leur bien demeurent clients d’énergie thermique pour ce qui concerne la chaleur émise par l’installation intérieure et par les émetteurs de chaleur situés dans les parties communes du bâtiment. »
La loi relative à la protection des consommateurs
23 L’article 62 du zakon za zashtita na potrebitelite (loi relative à la protection des consommateurs, DV n° 99, du 9 décembre 2005), qui a transposé dans l’ordre juridique bulgare l’article 27 de la directive 2011/83, dispose :
« 1. La fourniture non demandée d’un bien, d’eau, de gaz, d’électricité, de chauffage urbain ou de contenu numérique, ou de prestation non demandée de services, à titre onéreux, à un consommateur est interdite.
2. En cas de fourniture non demandée d’un bien, d’eau, de gaz, d’électricité, de chauffage urbain ou de contenu numérique, ou de prestation non demandée de services, le consommateur n’est pas tenu de restituer le bien et n’est pas redevable de la rémunération du bien ou du service à la personne qui a fourni ce bien ou service.
3. L’absence de réponse du consommateur concernant la fourniture de biens et la prestation de services visés au paragraphe 1 ne vaut pas consentement. »
La loi sur la propriété
24 L’article 38, paragraphe 1, du zakon za sobstvenostta (loi sur la propriété, DV n° 92, du 16 novembre 1951), dispose :
« Dans les immeubles dont les étages ou parties d’étages appartiennent à des propriétaires différents, le terrain sur lequel a été construit l’immeuble, la cour, les fondations, les murs extérieurs, les murs intérieurs séparateurs des différentes parties, les murs intérieurs porteurs, les colonnes, les poutres, les dalles, les solives, les escaliers, les paliers, les toits, les murs entre les combles et les caves des différents propriétaires, les cheminées, les portes d’entrée extérieures de l’immeuble et les portes donnant sur des combles et caves communs, les lignes principales de tous les types d’installations et leurs dispositifs centralisés, les ascenseurs, les gouttières, la loge du concierge et tout autre élément qui, par nature ou par destination, sert à l’usage commun, appartient à tous les propriétaires. »
L’arrêté sur le chauffage urbain
25 L’article 70, paragraphe 1, du naredba za toplosnabdyavaneto no 16-334 (arrêté no 16-334 sur le chauffage urbain), du 6 avril 2007, énonce :
« La quantité d’énergie thermique mesurée par un compteur thermique dans un immeuble en copropriété, y compris pour les biens des clients ne disposant pas d’appareils pour la répartition de la consommation d’énergie thermique ou pour ceux dont les émetteurs de chaleur ont été démontés, est répartie conformément aux règles prévues à l’annexe. »
26 Le point 6.1 de l’annexe de cet arrêté prévoit que « [l]a quantité d’énergie thermique consommée pour le chauffage comprend les quantités de chaleur émises par l’installation intérieure, par les émetteurs de chaleur se trouvant dans les parties communes et par les émetteurs de chaleur se trouvant dans les biens individuels ».
27 En outre, le point 6.1.3 de cette annexe indique que « [l]a quantité d’énergie thermique Qi, exprimée en kWh, émise par l’installation intérieure est répartie proportionnellement au volume chauffé des biens selon le projet de construction ».
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
L’affaire C-708/17
28 Mme Dimitrova est propriétaire d’un bien dans un immeuble en copropriété raccordé au chauffage urbain.
29 En vertu d’un contrat conclu sur le fondement de l’article 153, paragraphe 1, de la loi sur l’énergie, EVN fournit audit immeuble l’énergie thermique utilisée pour le chauffage, l’approvisionnement en eau chaude et pour la chaleur émise par l’installation intérieure.
30 Dans le cadre de ce contrat, la société qui effectue la répartition de la consommation d’énergie thermique a attribué au bien de Mme Dimitrova une consommation d’une valeur de 266,25 leva bulgares (BGN) (environ 136 euros) pour la période allant du 1er novembre 2012 au 30 avril 2015.
31 Mme Dimitrova n’ayant pas payé cette somme, EVN a fait délivrer à celle-ci par le Rayonen sad Asenovgrad (tribunal d’arrondissement d’Assénovgrad, Bulgarie) une injonction de payer.
32 Mme Dimitrova a contesté l’injonction de payer, en faisant valoir qu’il n’existait aucun rapport d’obligation entre elle et EVN, que la preuve de la quantité effective d’énergie thermique consommée faisait défaut et que la consommation figurant sur les factures produites par EVN ne reflétait pas sa consommation effective d’énergie, en violation de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32.
33 La juridiction de renvoi précise que, dans cette affaire, l’objet du litige au principal porte sur le non-paiement des montants relatifs à la consommation d’énergie émise par l’installation intérieure de l’immeuble, à savoir l’ensemble des conduits et des installations de distribution et de fourniture d’énergie thermique à l’intérieur du bâtiment, y compris les colonnes montantes du chauffage traversant chaque appartement.
34 À cet égard, la juridiction de renvoi nourrit des doutes en ce qui concerne la légalité de la facturation de la consommation d’énergie émise, dans chaque appartement, par l’installation intérieure d’un immeuble en copropriété, dans le cas où, comme en l’occurrence, cette facturation est établie proportionnellement au volume chauffé du bien selon le projet de construction de l’immeuble, sans prendre en compte la quantité de chaleur effectivement émise dans ce bien. Elle indique également que Mme Dimitrova n’utilise d’énergie thermique ni pour chauffer son appartement ni pour s’approvisionner en eau chaude à usage domestique.
35 Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si un consommateur tire de l’article 27 de la directive 2011/83 le droit de ne pas s’acquitter des frais relatifs à l’énergie thermique fournie qu’il n’a pas demandée. Elle fait observer que, dans un arrêt interprétatif du 25 mai 2017, dont la portée est contraignante pour les juridictions inférieures, le Varhoven kasatsionen sad (Cour suprême de cassation, Bulgarie) a jugé que la loi sur l’énergie, en particulier l’article 153, paragraphe 6, de celle-ci, n’est pas contraire à l’article 62 de la loi relative à la protection des consommateurs, étant donné qu’il appartient non pas à chaque copropriétaire individuel, mais à la majorité des copropriétaires de faire la demande de livraison de chauffage dans les immeubles soumis au régime de la copropriété et, de manière générale, de décider si et comment les parties communes doivent être utilisées, de sorte que c’est la copropriété dans son ensemble qui doit être regardée comme étant consommatrice de ce service.
36 Dans ces conditions, le Rayonen sad Asenovgrad (tribunal d’arrondissement d’Assénovgrad) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 13, paragraphe 2, de la directive [2006/32] autorise-t-il l’entreprise de chauffage urbain à réclamer, dans les immeubles en copropriété, les frais de la consommation de la chaleur émise par l’installation intérieure de chauffage et d’eau chaude proportionnellement au volume chauffé des appartements selon le projet de construction, sans tenir compte de la quantité de chaleur effectivement émise dans l’appartement ?
2) L’article 27 de la directive [2011/83] autorise-t-il une réglementation nationale qui impose aux consommateurs qui sont propriétaires de logements dans des immeubles soumis au régime de copropriété de payer les frais de la consommation de chaleur émise par l’installation intérieure de chauffage et d’eau chaude qu’ils n’ont pas demandée, mais qui a été livrée, alors qu’ils ont mis fin à l’utilisation d’énergie thermique en enlevant les appareils de chauffage de leur logement ou que, à leur demande, des employés de l’entreprise de chauffage urbain ont rendu impossible, d’un point de vue technique, que l’émetteur de chaleur émette de la chaleur ?
3) Une telle réglementation nationale induit-elle une pratique commerciale déloyale au sens de la directive [2005/29] ? »
L’affaire C-725/17
37 M. Dimitrov est propriétaire, depuis le 2 décembre 2003, d’un logement situé dans un bâtiment équipé d’une installation intérieure de chauffage et d’eau chaude, qui traverse chaque appartement de la copropriété et part de la sous-station d’abonné équipée d’un compteur thermique commun.
38 Le flux thermique alimentant l’installation concernée est fourni par Toplofikatsia Sofia en vertu d’un contrat liant cette dernière à la copropriété du bâtiment dans lequel se situe le logement de M. Dimitrov. Ce contrat a été conclu le 4 décembre 2004 par l’entremise de « Termokomplekt » OOD, également chargée de la comptabilisation individuelle des consommations de chaleur.
39 M. Dimitrov n’ayant pas payé l’approvisionnement en chauffage et en eau chaude fournis par Toplofikatsia Sofia pour la période allant du 1er mai 2014 au 30 avril 2016, cette dernière a saisi le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia, Bulgarie) aux fins du règlement des sommes dues.
40 Selon la juridiction de renvoi, le litige au principal porte sur les points de savoir si, en l’occurrence, un rapport contractuel est né, si des frais liés à la répartition de la consommation et des pertes dans des parties communes du bâtiment doivent être payés lorsque des éléments du service complexe qu’est l’approvisionnement en chauffage et en eau chaude sont ou non utilisés et, enfin, si le propriétaire d’un logement situé dans un bâtiment tel que celui en cause au principal doit être considéré comme étant un consommateur.
41 À cet égard, cette juridiction indique que, par un arrêt du 22 avril 2010, le Konstitutsionen sad (Cour constitutionnelle, Bulgarie), a considéré que, en vertu de l’article 153, paragraphe 1, de la loi sur l’énergie, tous les propriétaires et les titulaires d’un droit réel portant sur l’usage d’un bien dans un immeuble en copropriété raccordés à la sous-station d’abonné ou à une branche autonome de celle-ci sont des clients d’énergie thermique et sont tenus d’installer sur les émetteurs de chaleur qui se trouvent dans leur bien des appareils pour la répartition de la consommation d’énergie thermique et de payer les frais relatifs à la consommation d’énergie thermique dans les conditions et suivant les modalités établies par l’arrêté visé à cette disposition.
42 La juridiction de renvoi relève toutefois que les parties au contrat ne peuvent convenir des clauses de celui-ci dans la mesure où ces clauses sont définies unilatéralement par Toplofikatsia Sofia dans des conditions générales de vente et où le prix est fixé par voie administrative par la Komisia za energiyno i vodno regulirane (Commission de régulation de l’énergie et de l’eau, Bulgarie). Ainsi, le rapport juridique concerné ressemblerait plus à une obligation fiscale qu’à un contrat, compte tenu également du fait que Toplofikatsia Sofia est une entité détentrice d’un monopole et propriété de la commune de Sofia (Bulgarie).
43 Elle ajoute que, dans les bâtiments soumis au régime de la copropriété, la réglementation permet de couper l’alimentation d’eau chaude et de sceller les radiateurs dans un appartement donné, mais qu’il n’est pas possible de mettre fin à la dernière partie de la prestation de services fournie par Toplofikatsia Sofia, à savoir la répartition de la consommation d’énergie thermique.
44 Au regard de ces éléments, le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Si la directive [2011/83] exclut effectivement la réglementation du droit des contrats au sens classique en ce qui concerne la conclusion de contrats, exclut-elle la réglementation relative à ce cas de figure très atypique, prévu par la loi, de la formation d’un rapport contractuel ?
2) Si la directive [2011/83] n’exclut pas une réglementation nationale dans cette hypothèse, est-on en présence d’un contrat au sens de l’article 5 de cette directive ? Dans la négative, de quoi s’agit-il ? Qu’il s’agisse ou non d’un contrat, ladite directive est-elle applicable en l’espèce ?
3) Ce type de contrats conclu de facto est-il régi par cette directive, indépendamment du moment de leur formation ou celle-ci s’applique t elle uniquement aux logements nouvellement acquis, ou, de manière plus restrictive encore, aux logements nouvellement construits (à savoir aux installations d’abonné pour lesquelles est demandé un raccordement au réseau de chauffage) ?
4) Si la directive [2011/83] est applicable, la réglementation nationale enfreint elle l’article 5, paragraphe 1, sous f), lu en combinaison avec le paragraphe 2, régissant le droit [ou] la possibilité de principe de rompre le rapport juridique ?
5) Par conséquent, si un contrat doit être conclu, la conclusion doit elle revêtir une certaine forme et quelle devrait être l’étendue des informations à fournir au consommateur (entendu comme un propriétaire individuel d’un logement et non comme la copropriété) ? L’absence d’informations accessibles et fournies en temps utile a-t-elle une incidence sur la formation du rapport juridique ?
6) Le consommateur doit-il avoir exprimé une demande explicite, c’est-à-dire une volonté formelle, pour être partie à un tel rapport juridique ?
7) Si un contrat a été conclu formellement ou informellement, porte t il sur le chauffage des parties communes du bâtiment (notamment de la cage d’escalier) et le consommateur est-il réputé avoir demandé cette partie du service, alors que ni lui ni la copropriété dans son ensemble ne l’ont demandée explicitement (comme dans le cas où les radiateurs ont été enlevés – ce qui se produit dans la majorité des cas , les experts ne mentionnant pas la présence d’émetteurs de chauffage dans les parties communes du bâtiment) ?
8) Compte tenu de ce qui précède, pour considérer ou non que le propriétaire est le consommateur qui a demandé le chauffage des parties communes du bâtiment, importe-t-il (ou cela fait-il une différence) qu’il a coupé le chauffage dans l’appartement individuel ? »
45 Par décision du président de la Cour du 8 février 2018, les affaires C 708/17 et C 725/17 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.
Observations liminaires
46 Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé une question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions. Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (arrêt du 12 février 2019, TC, C 492/18 PPU, EU:C:2019:108, point 37 et jurisprudence citée).
47 En premier lieu, dans le cadre de l’affaire C-725/17, les questions posées par le Sofiyski rayonen sad (tribunal d’arrondissement de Sofia) portent, en partie, sur les modalités de formation du contrat de fourniture d’énergie thermique par un fournisseur de chauffage urbain et, plus particulièrement, sur l’absence de consentement du propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété lors de la conclusion du contrat de fourniture d’énergie.
48 Conformément à son article 3, paragraphe 5, la directive 2011/83 n’a pas d’incidence sur les dispositions générales du droit des contrats prévues au niveau national, notamment les règles relatives à la validité, à la formation et aux effets des contrats, dans la mesure où les aspects généraux du droit des contrats ne sont pas régis par cette directive. Le considérant 14 de ladite directive précise, à cet égard, que celle-ci devrait par conséquent s’entendre sans préjudice du droit national réglementant, par exemple, la conclusion ou la validité d’un contrat, notamment dans le cas de l’absence de consentement.
49 Par ailleurs, il ressort des éléments fournis par les juridictions de renvoi que les litiges au principal portent, notamment, sur le fait que Mme Dimitrova et M. Dimitrov contestent, en se fondant sur l’article 27 de la directive 2011/83, les facturations qui leur ont été adressées par le fournisseur d’énergie thermique, au motif qu’ils n’ont pas individuellement demandé la fourniture de cette énergie thermique et qu’ils ne l’utilisent pas.
50 Au vu de ces éléments, par les deuxième et troisième questions dans l’affaire C-708/17 ainsi que par les questions dans l’affaire C-725/17, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 27 de la directive 2011/83, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 5, de la directive 2005/29, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que les propriétaires d’un appartement dans un immeuble en copropriété raccordé à un réseau de chaleur urbain sont tenus de contribuer aux frais de consommation d’énergie thermique des parties communes et de l’installation intérieure de l’immeuble, alors même qu’ils n’ont pas individuellement demandé la fourniture du chauffage et qu’ils ne l’utilisent pas dans leur appartement.
51 En second lieu, afin de trancher le litige dont il est saisi dans le cadre de l’affaire C-708/17, le Rayonen sad Asenovgrad (tribunal d’arrondissement d’Assénovgrad), par sa première question préjudicielle, demande à la Cour d’interpréter les dispositions de la directive 2006/32, plus particulièrement l’article 13, paragraphe 2, de celle-ci, qui prévoit, notamment, que les États membres doivent veiller à ce que les factures adressées aux clients finals d’énergie soient fondées sur la consommation réelle.
52 Conformément à l’article 27, paragraphe 1, de la directive 2012/27, qui a remplacé la directive 2006/32, cette dernière a été abrogée avec effet au 5 juin 2014. De même, en vertu de l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2012/27, il appartenait aux États membres de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive, au plus tard le 5 juin 2014. Cette directive ne comporte, par ailleurs, aucune disposition particulière quant à l’application dans le temps des dispositions de la directive 2006/32 qu’elle a remplacées.
53 Dès lors, les faits du litige au principal dans le cadre de l’affaire C 708/17 se rattachant à la période allant du 1er novembre 2012 au 30 avril 2015, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 67 de ses conclusions, il convient, afin de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi, d’examiner la première question dans l’affaire C 708/17 à l’aune des dispositions des directives 2006/32 et 2012/27.
54 Ainsi, par sa première question, le Rayonen sad Asenovgrad (tribunal d’arrondissement d’Assénovgrad) demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32 et l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2012/27 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit que, dans un immeuble détenu en copropriété, les factures relatives à la consommation d’énergie thermique concernant l’installation intérieure sont établies, pour chaque propriétaire de l’immeuble, proportionnellement au volume chauffé de son appartement.
Sur les questions préjudicielles
Sur les deuxième et troisième questions dans l’affaire C-708/17 et sur les questions dans l’affaire C-725/17
Sur l’applicabilité de la directive 2011/83
55 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/83, celle-ci s’applique, dans les conditions et dans la mesure prévues par ses dispositions, à tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Selon la même disposition, cette directive s’applique également aux contrats portant sur la fourniture d’eau, de gaz, d’électricité ou de chauffage urbain, y compris par des fournisseurs publics, dans la mesure où ces biens sont fournis sur une base contractuelle.
56 Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/83 définit la notion de « consommateur » comme désignant toute personne physique qui, dans les contrats relevant de cette directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. La Cour a jugé, à cet égard, que cette notion désigne tout particulier non engagé dans des activités commerciales ou professionnelles (arrêt du 4 octobre 2018, Kamenova, C 105/17, EU:C:2018:808, point 33 et jurisprudence citée).
57 Aux fins de l’interprétation de cette directive, la notion de « consommateur » revêt ainsi une importance primordiale et les dispositions de celle-ci sont conçues essentiellement dans l’optique du consommateur en tant que destinataire et victime de pratiques commerciales déloyales (arrêt du 3 octobre 2013, Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs, C 59/12, EU:C:2013:634, point 36 et jurisprudence citée).
58 En l’occurrence, il ressort des éléments fournis par les juridictions de renvoi que, tant dans l’affaire C-708/17 que dans l’affaire C-725/17, il existe un contrat de fourniture d’énergie thermique alimentant l’immeuble détenu en copropriété et que, en vertu de ce contrat, les propriétaires des appartements de cet immeuble sont destinataires des factures relatives à la consommation d’énergie thermique pour les installations intérieures et pour les parties communes dudit immeuble.
59 En effet, il ressort de la lecture combinée de l’article 149a, paragraphe 1, et de l’article 153, paragraphe 1, de la loi sur l’énergie que ce sont les propriétaires et les titulaires d’un droit réel portant sur l’usage d’un bien dans un immeuble en copropriété raccordé à la sous-station d’abonné ou à une branche autonome de celle-ci qui constituent les clients du fournisseur d’énergie, en vertu du contrat conclu avec celui-ci. Or, dans la mesure où ces propriétaires ou ces titulaires sont des personnes physiques non engagées dans des activités commerciales ou professionnelles, ils constituent des consommateurs, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/83. Il s’ensuit, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 52 de ses conclusions, que les contrats en cause au principal relèvent de la catégorie des contrats portant sur la fourniture de chauffage urbain passés entre des professionnels et des consommateurs, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive.
60 S’agissant de l’application ratione temporis de la directive 2011/83, celle-ci contient une disposition particulière qui détermine expressément les conditions d’application dans le temps de ses dispositions. Ainsi, l’article 28, paragraphe 2, de cette directive prévoit que celles-ci s’appliquent aux contrats conclus après le 13 juin 2014.
61 En l’occurrence, en l’absence, dans les dossiers dont dispose la Cour, d’éléments relatifs aux dates de conclusion des contrats en cause au principal, il appartiendra aux juridictions nationales de déterminer si ceux-ci ont été conclus après cette date du 13 juin 2014 afin de déterminer si la directive 2011/83 est applicable ratione temporis.
Sur le fond
62 Par les deuxième et troisième questions dans l’affaire C-708/17 et par les questions dans l’affaire C-725/17, les juridictions de renvoi se demandent, en substance, si l’article 27 de la directive 2011/83, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 5, de la directive 2005/29, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que les propriétaires d’un appartement dans un immeuble en copropriété raccordé à un réseau de chaleur urbain sont tenus de contribuer aux frais de consommation d’énergie thermique des parties communes et de l’installation intérieure de l’immeuble, alors même qu’ils n’ont pas individuellement demandé la fourniture du chauffage et qu’ils ne l’utilisent pas dans leur appartement.
63 Il convient de rappeler que, conformément à l’article 27 de la directive 2011/83, le consommateur est dispensé de l’obligation de verser toute contreprestation en cas de fourniture non demandée d’un bien, d’eau, de gaz, d’électricité, de chauffage urbain ou de contenu numérique, ou de prestation non demandée de services, en violation de l’article 5, paragraphe 5, et de l’annexe I, point 29, de la directive 2005/29, et que l’absence de réponse du consommateur dans un tel cas de fourniture ou de prestation non demandée ne vaut pas consentement. Ainsi qu’il ressort du considérant 60 de la directive 2011/83, cette pratique constitue, en effet, une pratique commerciale déloyale prohibée par la directive 2005/29.
64 La vente forcée est définie à ce considérant comme étant la « fourniture de biens ou la prestation de services au consommateur de manière non demandée ». La Cour a indiqué, à cet égard, que constitue une « fourniture non demandée », au sens du point 29 de l’annexe I de la directive 2005/29, auquel l’article 27 de la directive 2011/83 renvoie, notamment, un comportement consistant, pour le professionnel, à exiger du consommateur le paiement d’un produit ou d’un service qui a été fourni à ce consommateur sans que ce dernier l’ait demandé (arrêt du 13 septembre 2018, Wind Tre et Vodafone Italia, C 54/17 et C 55/17, EU:C:2018:710, point 43).
65 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 58 de ses conclusions, l’article 27 de la directive 2011/83 vise ainsi à empêcher un professionnel d’imposer au consommateur une relation contractuelle à laquelle il n’a pas librement consenti.
66 En l’occurrence, l’article 133, paragraphe 2, de la loi sur l’énergie prévoit que le raccordement des installations des clients dans un immeuble en copropriété s’effectue avec le consentement écrit des propriétaires représentant au moins les deux tiers de la propriété de l’immeuble en copropriété.
67 Il ressort, par ailleurs, des éléments fournis par les juridictions de renvoi que l’article 153, paragraphe 1, de cette loi prévoit que les propriétaires et les titulaires d’un droit réel portant sur l’usage d’un bien dans un immeuble en copropriété raccordés à la sous-station d’abonné ou à une branche autonome de celle-ci sont des clients d’énergie thermique. À ce titre, ils sont tenus d’installer des appareils pour la répartition de la consommation d’énergie thermique sur les émetteurs de chaleur qui se trouvent dans leur bien et de payer les frais relatifs à la consommation d’énergie thermique. En outre, l’article 153, paragraphe 6, de ladite loi précise que les clients résidant dans un immeuble en copropriété qui coupent l’alimentation d’énergie thermique des émetteurs de chaleur se trouvant dans leur bien demeurent clients d’énergie thermique pour ce qui concerne la chaleur émise par l’installation intérieure et par les émetteurs de chaleur situés dans les parties communes du bâtiment.
68 Il ressort de ces dispositions que la fourniture du chauffage dans un immeuble en copropriété résulte d’une demande présentée pour le compte de l’ensemble des copropriétaires, selon les règles particulières prévues par le droit national concernant la copropriété.
69 À cet égard, s’agissant de la circonstance que, comme en l’occurrence, les copropriétaires concernés n’ont pas participé à l’adoption de cette décision ou s’y sont opposés, la Cour a récemment jugé que, dans le cadre d’un litige portant sur une obligation de paiement découlant d’une décision de l’assemblée générale des copropriétaires spécialement instituée par la loi bulgare, en devenant et en demeurant copropriétaire d’un immeuble, chaque copropriétaire consent à se soumettre à l’ensemble des dispositions de l’acte réglementant la copropriété concernée ainsi qu’aux décisions adoptées par l’assemblée générale des copropriétaires de cet immeuble (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Kerr, C 25/18, EU:C:2019:376, point 29).
70 Dans ces conditions, l’alimentation en énergie thermique de l’installation intérieure et, par voie de conséquence, des parties communes d’un immeuble en copropriété, effectuée à la suite de la décision adoptée par la copropriété de cet immeuble de raccorder celui ci au chauffage urbain, ne saurait être considérée comme constituant une fourniture non demandée de chauffage urbain, au sens de l’article 27 de la directive 2011/83.
71 Au vu de ces éléments, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions dans l’affaire C-708/17 et aux questions dans l’affaire C-725/17 que l’article 27 de la directive 2011/83, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 5, de la directive 2005/29, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit que les propriétaires d’un appartement dans un immeuble en copropriété raccordé à un réseau de chaleur urbain sont tenus de contribuer aux frais de consommation d’énergie thermique des parties communes et de l’installation intérieure de l’immeuble, alors même qu’ils n’ont pas individuellement demandé la fourniture du chauffage et qu’ils ne l’utilisent pas dans leur appartement.
Sur la première question dans l’affaire C 708/17
72 Par sa première question dans l’affaire C 708/17, le Rayonen sad Asenovgrad (tribunal d’arrondissement d’Assénovgrad) demande, en substance, si l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32 et l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2012/27 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui prévoit que, dans un immeuble détenu en copropriété, les factures relatives à la consommation d’énergie thermique de l’installation intérieure sont établies, pour chaque propriétaire de l’immeuble, proportionnellement au volume chauffé de son appartement.
73 Pour conclure à l’incompatibilité d’une telle méthode de facturation avec le droit de l’Union, la défenderesse au principal dans l’affaire C 708/17 rappelle que cette méthode ne permet pas de déterminer, pour chaque habitant d’un immeuble en copropriété, la consommation réelle en matière d’énergie thermique émise par l’installation intérieure traversant son appartement. Or, les directives 2006/32 et 2012/27 feraient obligation aux fournisseurs d’énergie de ne facturer au client final que ce qu’il a effectivement consommé, ce qui exclurait ainsi la facturation calculée proportionnellement au volume chauffé de l’appartement concerné.
74 Cependant, il ne découle ni des termes de l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32 et de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2012/27, ni de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dans laquelle ces dispositions s’inscrivent que celles-ci imposeraient une telle obligation.
75 En effet, il convient de rappeler que les directives 2006/32 et 2012/27 ont pour objectif, comme le rappellent, respectivement, les articles 1ers de ces directives, de promouvoir une meilleure efficacité énergétique. Dans ce contexte et ainsi qu’il ressort des considérants 1 et 20 de la directive 2006/32 et du considérant 8 de la directive 2012/27, toute la chaîne énergétique, du producteur d’énergie au client final qui la consomme, est sollicitée pour atteindre cet objectif.
76 À cet égard, le considérant 29 de la directive 2006/32 précise que, afin que les utilisateurs finals puissent prendre des décisions en meilleure connaissance de cause en ce qui concerne leur consommation d’énergie individuelle, il convient de leur fournir une quantité raisonnable d’informations en la matière ainsi que d’autres informations pertinentes, telles que les mesures existantes destinées à améliorer l’efficacité énergétique, un profil comparatif des utilisateurs finals ou les spécifications techniques objectives des équipements consommateurs d’énergie, y compris des équipements fondés sur la notion du « facteur quatre » ou des équipements similaires.
77 C’est la raison pour laquelle l’article 13, paragraphe 2, de cette directive prévoit que les États membres veillent à ce que, le cas échéant, les factures établies par les distributeurs d’énergie, les gestionnaires de réseaux de distribution et les entreprises de vente d’énergie au détail soient fondées sur la consommation réelle d’énergie.
78 Il reste que, comme M. l’avocat général l’a relevé en substance au point 74 de ses conclusions, l’emploi, dans cette disposition, de l’expression « le cas échéant » met en évidence qu’elle doit nécessairement être lue en relation avec l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive.
79 Or, cette dernière disposition indique que, dans la mesure où cela est « techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles », les États membres veillent à ce que les clients finals dans les domaines, notamment, de l’électricité et du chauffage urbain reçoivent des compteurs individuels qui mesurent avec précision leur consommation effective.
80 Il ressort des travaux préparatoires de la directive 2006/32, en particulier du rapport du Parlement, du 2 mai 2005, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques (A6-0130/2005), que le législateur de l’Union a souhaité prendre en compte, dans l’installation de compteurs individuels permettant de mesurer la consommation réelle et effective du client final, la faisabilité d’une telle installation dans des immeubles parfois trop anciens, estimant qu’il ne serait pas toujours réaliste, judicieux ou proportionné d’effectuer cette installation au vu des dépenses excessives qu’elle pourrait occasionner.
81 Dès lors, dans la mesure où l’installation de compteurs individuels n’est pas toujours envisageable, les factures elles-mêmes ne peuvent être fondées sur la consommation réelle d’énergie que lorsque cela est techniquement possible, ce que confirme d’ailleurs l’emploi, à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32, de l’expression « le cas échéant ».
82 Les travaux préparatoires de la directive 2012/27, en particulier le rapport du Parlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’efficacité énergétique et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE, du 30 juillet 2012 (A7 0265/2012), mettent en évidence que ces mêmes préoccupations ont été prises en compte par le législateur de l’Union lors de la refonte de la directive 2006/32 et retranscrites à l’article 9, paragraphe 1, à l’article 9, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, et à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2012/27.
83 Ainsi, l’article 9, paragraphe 1, de cette directive impose que les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles, les clients finals d’énergie reçoivent des compteurs individuels qui indiquent avec précision la consommation réelle d’énergie. En ce qui concerne la facturation, l’article 10, paragraphe 1, de ladite directive prévoit que, lorsque les clients finals ne disposent pas des compteurs intelligents visés dans les directives 2009/72 et 2009/73, les États membres veillent à ce que, au plus tard le 31 décembre 2014, les informations relatives à la facturation soient précises et fondées sur la consommation réelle, conformément à l’annexe VII, point 1.1, lorsque cela est techniquement possible et économiquement justifié.
84 Il y a lieu d’ajouter que la particularité des immeubles en copropriété alimentés par un réseau de chaleur a été prise en compte par le législateur de l’Union dans la directive 2012/27. En effet, si l’article 9, paragraphe 3, deuxième alinéa, de cette directive prévoit que les États membres devaient veiller à ce que des compteurs individuels soient installés dans de tels immeubles au plus tard le 31 décembre 2016, cette même disposition précise que, lorsqu’il n’est pas rentable ou techniquement possible d’utiliser ces compteurs individuels, des répartiteurs des frais de chauffage individuels sont utilisés pour mesurer la consommation de chaleur à chaque radiateur, à moins que l’État membre ne démontre que l’installation de tels répartiteurs n’est pas rentable. Dans ces cas-là, d’autres méthodes rentables permettant de mesurer la consommation de chaleur peuvent être envisagées.
85 Or, au regard des éléments qui ont été portés à la connaissance de la Cour, dans de tels immeubles détenus en copropriété, tels que ceux en cause au principal, il paraît difficilement concevable de pouvoir individualiser entièrement les factures relatives au chauffage, notamment pour ce qui est de l’installation intérieure et des parties communes.
86 Concernant plus particulièrement l’installation intérieure, il découle de ces éléments qu’il peut s’avérer difficile, voire impossible, ainsi que le soutient EVN, de déterminer avec précision la quantité de chaleur émise par cette installation dans chaque appartement. En effet, cette quantité comporte non seulement la chaleur émise à l’intérieur de l’appartement concerné par les éléments matériels de l’installation intérieure, tels que les conduits et les tuyaux qui traversent cet appartement, mais aussi les échanges thermiques entre les locaux chauffés et les locaux non chauffés. Ainsi, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 85 de ses conclusions, les appartements d’un immeuble en copropriété ne sont pas indépendants les uns des autres sur le plan thermique, puisque la chaleur circule entre les unités chauffées et celles qui le sont moins ou ne le sont pas.
87 Il apparaît, dès lors, techniquement difficile de pouvoir déterminer individuellement la consommation exacte de chaque habitant de l’immeuble en copropriété concerné pour ce qui est de l’énergie thermique émise par l’installation intérieure.
88 Concernant la méthode de calcul aux fins de la facturation relative à la consommation d’énergie thermique dans les immeubles en copropriété, il convient de relever que les États membres disposent d’une large marge de manœuvre. En effet, il ressort tant du considérant 12 et de l’article 1er de la directive 2006/32 que du considérant 20 et de l’article 1er de la directive 2012/27 que ces deux directives visent à fournir aux États membres un cadre commun qui leur permette de prendre des mesures adaptées afin de réduire la consommation d’énergie, tout en leur laissant le choix des modalités de mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 7 août 2018, Saras Energía, C 561/16, EU:C:2018:633, point 24 et jurisprudence citée).
89 À ce titre, l’article 9, paragraphe 3, troisième alinéa, de la directive 2012/27 prévoit que les États membres ont la possibilité de mettre en place des règles transparentes concernant la répartition des frais liés à la consommation thermique ou d’eau chaude, afin, notamment, de pouvoir différencier ceux résultant de la consommation, respectivement, de l’eau chaude destinée aux besoins domestiques, de la chaleur rayonnée par l’installation du bâtiment et aux fins de chauffage des zones communes, et du chauffage des appartements.
90 Or, en l’occurrence, la réglementation nationale en cause au principal semble correspondre aux orientations figurant dans cette disposition, puisqu’elle prévoit que les frais liés à la consommation thermique sont répartis entre ceux correspondant à la chaleur émise par l’installation intérieure, ceux relatifs à l’énergie thermique destinée au chauffage des parties communes et ceux concernant l’énergie thermique destinée au chauffage des biens individuels.
91 Ainsi, compte tenu de la large marge de manœuvre reconnue aux États membres, il y a lieu de constater que la directive 2006/32 et la directive 2012/27 ne s’opposent pas à ce que la méthode de calcul de la chaleur émise par l’installation intérieure se fasse de manière proportionnelle au volume chauffé de chaque appartement.
92 Eu égard aux éléments qui précèdent, il convient de répondre à la première question dans l’affaire C 708/17 que l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32 et l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2012/27 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit que, dans un immeuble détenu en copropriété, les factures relatives à la consommation d’énergie thermique de l’installation intérieure sont établies, pour chaque propriétaire d’un appartement dans l’immeuble, proportionnellement au volume chauffé de son appartement.
Sur les dépens
93 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (quatrième chambre) dit pour droit :
1) L’article 27 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, lu en combinaison avec l’article 5, paragraphes 1 et 5, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit que les propriétaires d’un appartement dans un immeuble en copropriété raccordé à un réseau de chaleur urbain sont tenus de contribuer aux frais de consommation d’énergie thermique des parties communes et de l’installation intérieure de l’immeuble, alors même qu’ils n’ont pas individuellement demandé la fourniture du chauffage et qu’ils ne l’utilisent pas dans leur appartement.
2) L’article 13, paragraphe 2, de la directive 2006/32/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques et abrogeant la directive 93/76/CEE du Conseil, et l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui prévoit que, dans un immeuble détenu en copropriété, les factures relatives à la consommation d’énergie thermique de l’installation intérieure sont établies, pour chaque propriétaire d’un appartement dans l’immeuble, proportionnellement au volume chauffé de son appartement.