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Décisions

ADLC, 7 décembre 2015, n° 15-DCC-156

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Predica

ADLC n° 15-DCC-156

7 décembre 2015

L’Autorité de la concurrence,


Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 4 novembre 2015, relatif à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier à usage de bureaux par Sogecap et Predica, formalisée par une promesse de vente en date du 15 octobre 2015 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Sogecap SA (ci-après, « Sogecap ») est une société anonyme de droit français, principalement active dans le secteur de l’assurance en France. Elle est détenue à 99,99 % par la Société Générale Financial Services Holding, elle-même filiale à 100 % du groupe Société Générale. Ce dernier est un groupe européen de services financiers présent dans 76 pays.

2. Predica SA (ci-après, « Predica ») est une société anonyme de droit français, principalement active dans le secteur de l’assurance en France. Elle est détenue à 100 % par la société Crédit Agricole Assurances, elle-même détenue à 100 % par la société Crédit Agricole SA. Cette dernière est l’organe central du groupe Crédit Agricole, groupe mutualiste français offrant un large éventail de services bancaires et d'assurance.

3. La cible de l’opération est un actif immobilier à usage de bureaux, situé 22-30 avenue de Wagram à Paris, actuellement occupé et détenu par une filiale du groupe EDF. Cet immeuble, d’une surface de 23 000 m², inclut des locaux annexes, des locaux à usage de restauration et 137 places de stationnement.

4. Aux termes d’une promesse de vente en date du 15 octobre 2015, la société Imefa Cent Soixante (ci-après, « Imefa ») acquerra 100 % des droits immobiliers de la cible. Le capital de la société Imefa, spécialement créée pour l’opération, sera détenu à hauteur de [30-40] % par les sociétés Sogecap et Predica, les [30-40] % restant étant détenu par EDF. Aux termes d’un projet de pacte d’actionnaires, les décisions stratégiques relatives à la société Imefa, comme l’adoption du budget et du business plan, seront prises à la majorité des deux tiers des voix(1). Par ailleurs, les droits de véto dont disposera EDF au titre de sa participation minoritaire(2) n’excèderont pas ce qui est normalement consenti à des actionnaires minoritaires afin de protéger leurs intérêts financiers. La société Imefa sera donc contrôlée conjointement par Sogecap et Predica.

5. Aux termes d'un bail commercial d’une durée de dix ans, dont neuf ans fermes, l’actif immobilier sera exclusivement loué par Imefa à EDF pour un loyer annuel de […] millions d’euros. L’immeuble constitue donc un actif devant générer à court terme et de façon certaine un chiffre d’affaires.

6. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle conjoint par Sogecap et Predica d’un immeuble à usage de bureaux, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

7. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros lors du dernier exercice clos (Société Générale : […] milliards d’euros pour l’exercice 2014 ; Crédit Agricole : […] milliards d’euros pour le même exercice). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Société Générale : […] milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2014 ; Crédit Agricole : […] milliards d’euros pour le même exercice). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, les seuils prévus par l’article 1, paragraphe 2, a) et b) du Règlement (CE) n° 139/2004 sont franchis. Néanmoins chacune des entreprises concernées réalisant plus des deux tiers de son chiffre d’affaires dans l’Union en France, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

8. L’opération entraine un chevauchement d’activités dans le secteur des services immobilier.

A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

9. La pratique décisionnelle a envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations dans le secteur de l’immobilier(3) selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix, (immobilier résidentiel libre, logements sociaux ou logements intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités), et (iv) la nature des services ou biens offerts.

10. S’agissant de la segmentation selon la nature des services ou des biens offerts, la pratique décisionnelle(4) a envisagé de distinguer : i) la promotion immobilière qui comprend les activités de construction et de vente de biens immobiliers ; ii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre ; iii) la gestion d’actifs immobiliers pour compte de tiers ; iv) l’administration de biens immobiliers qui recouvre les activités de gestion des immeubles pour le compte de propriétaires et qui peut être segmentée entre la gestion locative et la gestion de copropriété ; v) l’expertise immobilière ; vi) le conseil immobilier ; et vii) l’intermédiation dans les transactions immobilières pour laquelle l’intermédiation dans les opérations d’achat/vente est distinguée de l’intermédiation dans les opérations de location.

11. En l’espèce, les parties à l’opération sont simultanément présentes sur le marché de la gestion pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux.

12. La question de la délimitation exacte des marchés du secteur de l’immobilier sera toutefois laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelles que soient les délimitations retenues.

B. LES MARCHÉS GEOGRAPHIQUES

13. La pratique décisionnelle(5) a considéré que les marchés relatifs au secteur de l’immobilier sont généralement de dimension infranationale, tout en laissant la question ouverte. Elle a également envisagé une délimitation au niveau national pour les marchés des services immobiliers destinés aux entreprises lorsque les opérations d’investissement sont réalisées par de gros investisseurs(6).

14. En l’espèce, les parties à l’opération sont toutes actives en région Ile-de-France, dans le département de Paris (75). A cet égard, la pratique décisionnelle(7) a relevé que « la région parisienne possède des propriétés particulières de continuité des zones urbaines. En effet, il existe une vaste zone très urbanisée et homogène recouvrant la majeure partie de l'Ile-deFrance, desservie par un réseau global de transports ; les habitants sont toujours en mesure d'arbitrer entre différentes parties de la région. Cette substituabilité entraîne une
convergence des niveaux de prix. Dès lors, le niveau régional est le plus approprié pour l’analyse concurrentielle »(8).

15. La question de la délimitation exacte des marchés pertinents peut toutefois être laissée ouverte car les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelles que soient les délimitations retenues.

III. Analyse concurrentielle

16. Sur le marché de la détention et de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre à usage de bureaux, les parts de marché cumulées des parties seront inférieures à [0-5] % quelle que soit la dimension géographique retenue.

17. De plus, le marché de la gestion et de la détention pour compte propre d’actifs immobiliers à usage de bureaux en Ile-de-France se caractérise par sa forte atomicité. En effet, de nombreux opérateurs y sont actifs, tels que les sociétés foncières, et notamment les sociétés d’investissement immobilier cotées ainsi que des compagnies d’assurance, des fonds d’investissements ou encore des banques.

18. Par conséquent, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la gestion d’actifs immobiliers pour compte propre à usage de bureaux en Ile-de-France.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 15-167 est autorisée.

 

1 Voir l’article 3.2.3.1 du projet de pacte d’actionnaires.
2 Voir l’article 3.2.3.2 du projet de pacte d’actionnaires.
3 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-176 du 9 décembre 2014 relative à la prise de contrôle conjoint d’un ensemble immobilier à usage de bureaux à construire par CNP Assurances et Sogécap, et n° 11-DCC-138 du 30 septembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Altarea de la société Urbat Promotion, ainsi que la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-79 du 22 août 2008, aux conseils des sociétés CDC et Eurosic, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier. Voir également la décision de la Commission européenne COMP/M.3370 - BNP Paribas / ARI du 9 mars 2004.

4 Voir notamment les décisions n° 14-DCC-176 et n° 11-DCC-138 précitées ainsi que la décision n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette SA.
5 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 précitée et n° 09-DCC-16 du 22 juin 2009 relative à la fusion entre les groupes Caisse d’Épargne et Banque populaire ainsi que la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 25 novembre 2005 aux conseils de la société Foncière des régions, relative à une concentration dans le secteur immobilier. Voir aussi les décisions de la Commission européenne COMP/M.3370 - BNP Paribas / ARI du 9 mars 2004 et COMP/ M. 2825 du 9 juillet 2002, Fortis AG SA / Bernheim-Comofi SA
6 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 09-DCC-16 précitée et n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré des Soies.
7 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 précitée et la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2006-151 du 10 janvier 2007 au conseil du groupe Société nationale immobilière, relative à une concentration dans le secteur du développement et de la gestion de parc immobilier à vocation essentiellement résidentielle.
8 Voir les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-67 du 19 mai 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de la Société de la Tour Eiffel par la société Mutuelle du Bâtiment et des Travaux Publics et n° 14-DCC-103 du 10 juillet 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de SIIC de Paris par Eurosic.