Livv
Décisions

ADLC, 2 décembre 2011, n° 11-DCC-182

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Rue du Commerce par la société Altarea

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lasserre

ADLC n° 11-DCC-182

2 décembre 2011

L’Autorité de la concurrence, - Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 4 novembre 2011, relatif à la prise de contrôle exclusif de Rue du Commerce par la société Altarea, formalisée par un contrat de cessions d’actions, un contrat d’apport de droits sociaux et un pacte d’associés en date du 27 octobre 2011, ainsi que par une offre publique d’achat annoncée le 28 octobre 2011 ; - Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; - Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Altarea est une société en commandite par action cotée sur Euronext NYSE Paris, dont le gérant et principal actionnaire est M. Alain Taravella, directement et à travers les sociétés Alta Finance 2 et Alta Patrimoine. Altarea est à la tête du groupe Altarea Cogedim, actif dans les secteurs de la promotion immobilière résidentielle, de la promotion immobilière de locaux à usage de bureaux, de la détention et la gestion pour compte propre de centres commerciaux et de la gestion de centres commerciaux pour compte de tiers.

2. Rue du commerce (ci-après « RDC ») est une société anonyme cotée sur Euronext NYSE Paris, actuellement détenue à hauteur de 11,8 % par les Fonds Apax, 8,3 % par M. X, 8,6 % par M. Y, 10,1 % par Parinvest, 6,6 % par Financière de l’Echiquier, 1,4 % par d’autres nominatifs et 53,3 % en flottant. RDC est principalement active dans le secteur de la distribution en ligne de produits informatiques et électroniques grand public via les sites www.rueducommerce.com, www.topachat.com et www.clust.com.

3. L’opération notifiée, formalisée par un contrat de cessions d’actions, un contrat d’apport de droits sociaux et un pacte d’associés en date du 27 octobre 2011, consiste en l’acquisition par Altarea, via sa filiale Altacom, de 28,64 % du capital de RDC auprès des Fonds Apax, de M. X et de M. Y. Parallèlement, Altacom a déposé le 27 octobre 2011 un projet d’offre publique d’achat portant sur le reste des actions de RDC et a annoncé publiquement cette offre le 28 octobre 2011.

4. Le pacte d’associés conclu le 27 octobre entre Altarea et MM. X et Y prévoit que la gouvernance de RDC sera exercée par un conseil d’administration composé de 9 membres dont 7 proposés par Altarea (dont MM. Y et X) et 2 administrateurs indépendants. Le conseil adoptera les décisions stratégiques relatives à la société à la majorité simple des membres sans que les autres actionnaires ne détiennent de droit de veto. Altarea soutient que ce pacte lui donne d’ores et déjà, via Altacom, le contrôle exclusif de RDC. Cette conclusion dépend cependant de la capacité d’Altacom à mettre en oeuvre les principes de gouvernance décrits dans le pacte d’associés dans l’hypothèse où sa participation serait limitée à 28,64 % du capital.

5. Il convient à titre liminaire de préciser que les cédants détenaient non pas 28,64 % mais 44,32 % des droits de vote au sein de RDC compte tenu des droits de vote doubles attachés à leurs actions. De ce fait, l’analyse de l’historique des assemblées générales ordinaires montre que les cédants représentaient [70-80] % des votes exprimés lors de l’assemblée générale du 27 juillet 2011, [70-80] % des votes exprimés lors de l’assemblée générale du 29 juillet 2010 et [60-70] % des votes exprimés lors de l’assemblée générale du 22 septembre 2009. Ces droits de vote doubles ne sont cependant pas cessibles. D’après les données fournies par les parties, sans droit de vote double, les cédants auraient quand même eu la majorité des votes exprimés lors des assemblées générales de 2011 et 2010 ([60-70] % pour celle du 27 juillet 2011 et [60-70] % pour celle du 29 juillet 2010), mais ce n’est pas le cas en 2009, les cédants n’ayant réuni que [40-50] % des votes exprimés lors de l’assemblée générale du 22 septembre 2009.

6. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire dans la présente décision de se prononcer sur le caractère contrôlant de la participation minoritaire acquise par Altarea en vertu des contrats de cession et d’apport du 27 octobre 2011 dans la mesure où l’opération notifiée porte également sur l’acquisition de la totalité des actions de RDC au moyen d’une OPA pour laquelle un projet de note d’information a été déposé auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) le 27 octobre 2011 et qui a été annoncée publiquement le lendemain. L’opération constitue donc une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

7. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros au dernier exercice clos (Altarea Cogedim : 863,53 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2010 ; RDC : 321,45 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 mars 2011). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (Altarea Cogedim : 830,59 millions d’euros pour l’exercice clos au 31 décembre 2010 ; RDC : 307,3 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 mars 2011). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

8. Les groupes Altarea Cogedim et RDC ne sont simultanément présents dans aucun secteur.

9. Altarea est actif sur les marchés des services immobiliers. Dans ce secteur, La pratique décisionnelle nationale1 et européenne2 a envisagé, tout en laissant la question ouverte, différentes segmentations selon (i) les destinataires des services (particuliers ou entreprises), (ii) le mode de fixation des prix, (immobilier résidentiel libre et logements sociaux ou intermédiaires aidés), (iii) le type d’activité exercée dans les locaux (bureaux, locaux commerciaux et autres locaux d’activités), et (iv) la nature des services ou biens offerts (qui peut aussi être segmenté3). Au niveau géographique, la pratique décisionnelle européenne4 et nationale5 a analysé les effets sur la concurrence sur des marchés nationaux ou infra nationaux.

10. RDC est essentiellement active dans la distribution en ligne de produits informatiques et électroniques grand public. Dans le secteur de la distribution de produits non alimentaires, les autorités de concurrence distinguent autant de marchés qu’il existe de familles de produits6. Concernant les produits électrodomestiques sur lesquels est active RDC, les autorités de concurrence distinguent les produits blanc, bruns et gris7. De même les autorités de concurrence opèrent une distinction selon le canal de distribution en retenant un marché de la vente à distance des produits non alimentaires8. Les marchés de la vente à distance sont de dimension nationale.

11. RDC dispose par ailleurs d’une plateforme de petites annonces généralistes et gratuites selon le modèle CtoC. Or dans ce secteur, les autorités de concurrence ont déjà identifié des marchés de la vente d’espaces de petites annonces en ligne et distinguent les petites annonces immobilières, les offres d’emploi, les annonces automobiles et les annonces de bateau9. S’agissant des petites annonces en ligne, les marchés sont de dimension nationale.

12. RDC est également active dans la vente d’espaces publicitaires en ligne. Les autorités de concurrence distinguent entre, la fourniture d’espaces publicitaires en ligne et la fourniture d’espaces publicitaires hors ligne10, une distinction étant possible entre publicité liée aux recherches et publicité non liée aux recherches11. Les marchés de la vente d’espaces publicitaires en ligne sont de dimension nationale.

13. En tout état de cause, les définitions précises des marchés peuvent être laissées ouvertes dans la mesure où, quelles que soient les définitions retenues, les conclusions de l’analyse concurrentielle resteront inchangées.

III. Analyse concurrentielle

14. Altarea n’est pas actif sur les marchés décrits ci-dessus et ne détient aucune participation contrôlante, directement ou indirectement, dans des sociétés présentes dans le même secteur d’activité que RDC ou sur des marchés situés en amont, en aval ou connexe au marché concerné. Il n’en résulte a priori aucun chevauchement horizontal d’activités et aucune intégration verticale.

15. En ce qui concerne d’éventuels effets congloméraux, les évolutions en cours sur les marchés concernés (notamment le développement des ventes multi canal, des points relais, du web to shop12 …) suggèrent l’émergence de liens de connexité entre commerce en ligne et points de vente physiques. Cependant, les parts de marché de RDC sur la distribution en ligne de produits informatiques et électroniques grand public ([10-20] %) et d’Altarea sur la détention et gestion de centres commerciaux en France ([0-5] %), sont de nature à écarter tout risque d’effet de levier lié à la présence simultanée de la nouvelle entité sur ces marchés. L’opération n’est donc pas susceptible d’emporter des effets congloméraux.

16. Au vu de ces éléments, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 11-0205 est autorisée.

NOTES :                     

1 Voir notamment la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-112 du 17 septembre 2010 relative à la prise de contrôle conjoint par Prédica et Altaréa de la société Alta Marigny Carré de Soie ; la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-DCC-13 du 29 janvier 2010 relative à la prise de contrôle exclusif par Icade S.A. de la Compagnie la Lucette S.A, et la lettre du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi C2008-49 du 9 juillet 2008, au conseil de la société Sofade, relative à une concentration dans le secteur de l’immobilier.

2 Voir notamment la décision de la Commission européenne COMP/M.3370, BNP Paribas / ARI, du 9 mars 2004.

3 Voir notamment les décisions de l’Autorité de la concurrence 10-DCC-112 et 10-DCC-13 précitées.

4 Voir la décision de la Commission européenne COMP/M.3370 précitée.

5 Voir notamment la lettre du Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie C2008-1 précitée.

6 Voir notamment décision de l’Autorité n° 10-DCC-42 du 25 mai 2010 relative à l’acquisition par société 3 Suissse International de certains actifs de la société La Source.

7 Voir notamment la décision de l’Autorité 11-DCC-87 du 10 juin 2011 relative à la prose de contrôle exclusif de la société Media Concorde par HTM group.

8 Décision 10-DCC-42 précitée.

9 Lettre C2007-19 ; C2007-127, Décision 10-DCC-152

10 COMP/M.4731

11 Avis n° 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne

12 Ensemble d’outils marketing pour envoyer les internautes vers les points de vente physiques.