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Décisions

ADLC, 25 novembre 2011, n° 11-DCC-171

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice par Aelia SAS et Aéroports de Lyon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lasserre

ADLC n° 11-DCC-171

25 novembre 2011

L’Autorité de la concurrence, -Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 19 octobre 2011 et déclaré complet le 9 novembre 2011, relatif à la création d’une entreprise commune de plein exercice par Aelia SAS, filiale du groupe Lagardère et Aéroports de Lyon, formalisée par une lettre d’engagements co-signée par Aéroports de Lyon le 22 septembre 2011 et Aelia SAS le 3 octobre 2011 ; - Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-10 ; - Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l’instruction ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées

1. La société Aelia SAS (ci-après « Aelia ») est une société spécialisée dans la vente de détail dans les aéroports mais également à bord des avions et dans les ports et les gares, en France et à l’étranger. Aelia est une filiale de Lagardère Services SAS (ci-après « Lagardère Services ») qui détient 84,49 % des actions, les 15,51 % restant étant détenus par la société Gebrüder Heinemann. Lagardère Services est elle-même détenue par la société Holding Lagardère SCA, société tête du groupe de média Lagardère. Lagardère Services est active, en France et à l’étranger, (i) dans la vente de détail dans les aéroports, les gares et les stations de métro, (ii) dans la distribution de la presse, et (iii) dans le commerce de proximité.

2. Aéroports de Lyon (ci-après « ADL ») est une société anonyme* détenue à 60 % par l’Etat français, 25 % par la chambre de commerce et d’industrie de Lyon, 5 % par la Communauté urbaine de Lyon, 5 % par le conseil général du Rhône et 5 % par le conseil régional de Rhône-Alpes. ADL aménage, exploite et développe l’ensemble des installations aéroportuaires des aéroports de Lyon Saint-Exupéry et Lyon Bron. ADL est notamment concessionnaire des emplacements commerciaux de ces aéroports en vertu de l’arrêté ministériel du 11 mai 2007. Dans ce cadre, ADL accorde aux opérateurs actifs sur le marché de la vente de détail dans les aéroports des autorisations temporaires d’occupation du domaine public aéroportuaire (ci-après « AOT ») concernant les surfaces commerciales situées en zone publique et en zone réservé dans l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

II. L’opération

3. Les sociétés Aelia et ADL se sont engagées, selon la lettre d’engagement co-signée les 22 septembre et 3 octobre 2011, à créer une entreprise commune dont l’objet consiste à exploiter des surfaces commerciales au sein de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

4. L’opération consiste en la création d’une entreprise commune contrôlée conjointement par ADL et par Aelia. Chaque partie détiendra en effet 50 % du capital et des droits de vote de la Société Opératrice. Les parties seront représentées à parité au conseil d’administration, les décisions se prenant à l’unanimité ou à la majorité des trois quarts. Le président y est nommé par Lagardère après accord préalable de ADL.

5. De plus, l’entreprise commune disposera de l’ensemble des ressources humaines, matérielles et financières lui permettant « d’accomplir de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome » au sens de la Communication juridictionnelle consolidée de la Commission1. Elle bénéficiera « de tous les éléments structurels nécessaires au fonctionnement de sociétés autonomes (ressources humaines, budget, responsabilité commerciale) »2. Elle déterminera notamment de manière autonome sa politique commerciale en adoptant un budget annuel et un plan d’affaires. Ainsi, en vertu de l’article 14.3 des Statuts, l’entreprise commune est compétente pour l’« approbation et [la] révision des politiques marketing et commerciale » en ce compris la détermination des tarifs des produits qu’elle revendra3, la qualité des services auprès des clients, les opérations promotionnelles ou les campagnes publicitaires.

6. L’entreprise commune bénéficiera néanmoins d’un certain nombre de prestations de la part d’Aelia telles que la mise à disposition de l’enseigne « Aelia Duty free »4, l’utilisation de la centrale d’achat d’Aelia et de services dits « support »5 fournis par Duty Free Associates (« DFA »)6. Ces prestations ne remettent cependant pas en cause l’autonomie de l’entreprise commune et donc son caractère de plein exercice. Ainsi, en ce qui concerne en particulier les services de centrale d’achat, si les achats de l’entreprise commune seront réalisés essentiellement via la centrale d’achat d’Aelia afin de profiter des économies découlant du regroupement de leurs achats, l’entreprise commune conservera le dernier mot sur sa politique d’achat. L’article 14.3 des Statuts prévoit en effet que l’entreprise commune est compétente pour l’« approbation et [la] révision de la politique d’achat et logistique de la société ». En outre, la structure comme le fonctionnement retenus pour l’entreprise commune ont été conçus de façon similaire à ceux de la Société de Distribution Aéroportuaire SAS, entreprise commune à Aéroports de Paris et Aelia, dont la Commission européenne a reconnu le caractère de plein exercice dans ses décisions COMP/M.3112 et COMP/M.6263, la dernière datant du 20 octobre 20117.

7. Par ailleurs, le partenariat entre ADL et Aelia est conclu pour une durée de 15 ans conformément au projet d’AOT dont bénéficiera l’entreprise commune, tel que présenté lors de l’appel à candidatures. Bien que l’entreprise commune ne soit pas constituée pour une durée indéterminée, une période de 15 ans est suffisamment longue pour satisfaire la condition de « fonctionnement durable » au sens de la Communication juridictionnelle de la Commission8.

8. Il ressort de ce qui précède que l’opération notifiée constitue bien une concentration au sens de l’article L. 430-1 du Code de commerce.

9. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Lagardère9 : […] milliards d’euros pour 2010 ; Aéroports de Lyon : […] millions d’euros pour la même période). Deux au moins de ces entreprises réalisent en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Lagardère : […] milliards d’euros pour 2010 ; Aéroports de Lyon : […] millions d’euros pour la même période). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

III. Délimitation des marchés pertinents

10. Lagardère Services, Aelia et l’entreprise commune seront actives sur le marché aval de la vente de détail en aéroport. Par ailleurs, ADL assure la gestion des emplacements commerciaux situés dans l’enceinte de ses installations aéroportuaires et est donc active sur le marché amont des concessions pour la fourniture de services de vente de détail en aéroport.

A. MARCHÉ AVAL DE LA VENTE DE DÉTAIL EN AÉROPORT

1. MARCHÉ DE PRODUITS

11. Les parties considèrent que le marché pertinent est le marché de la vente de détail en aéroport, sans qu’il soit nécessaire de segmenter ce marché que ce soit entre vente en zone publique et vente en zone réservée ou selon la catégorie de produits commercialisés.

12. La Commission a examiné à plusieurs reprises le secteur de la vente de détail en aéroport10. Elle a considéré l’existence d’un marché plus vaste de la vente de détail dans le cadre des voyages internationaux comprenant tous les points de vente utilisés par les voyageurs internationaux dans les aéroports ainsi qu’à bord des avions et des bateaux mais n’a jamais conclu sur l’existence d’un tel marché pertinent11. Néanmoins, dans sa décision COMP/M.6263, la Commission, même si elle a, à nouveau, laissé ouverte la définition de marché, a indiqué que plusieurs éléments tendent à invalider l’hypothèse d’un marché pertinent couvrant l’ensemble de la vente de détail dans le cadre de voyages internationaux.

13. Par ailleurs, la question s’est posée de la sous-segmentation du marché de la vente en aéroport entre vente en zone publique et vente en zone réservée. Le Conseil de la concurrence a considéré12 que les ventes au détail hors taxes constituaient un marché différent des ventes taxées, du simple fait des conditions de prix entre les deux types de zones. La Commission a, quant à elle, signalé dans certaines de ses décisions que le marché de la vente de détail en aéroport pouvait être sous-segmenté entre la vente en zone publique et la vente en zone réservée13, où seuls les passagers munis de titre de transport peuvent accéder et bénéficier de prix attractifs grâce à l’exonération de taxe et/ou les systèmes de « travel value ». Néanmoins elle a toujours laissé cette question ouverte et l’enquête de marché réalisée récemment par la Commission dans le cas COMP/M.6263 n’a pas permis de tirer de conclusions définitives quant à la pertinence d’une telle segmentation.

14. Enfin, dans sa décision COMP/M.626314, la Commission s’est interrogée sur la pertinence d’une segmentation de la vente de détail en aéroports selon les catégories de produits vendus, ou sur l’existence d’un marché pertinent de la distribution de produits de luxe en aéroport sans pour autant conclure sur ce point.

15. En tout état de cause, il n’est pas nécessaire d’analyser plus avant la pertinence de ces segmentations et la définition exacte de chacun des marchés examinés dans la présente décision peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées quelle que soit la définition du marché de produits.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

16. Les parties considèrent que le marché de la vente de détail en aéroport est de dimension au moins communautaire, voire mondiale.

17. Si le Conseil n’a pas exclu15, sans néanmoins conclure, que les marchés de détail puissent être limités à chaque aéroport16, la Commission a, pour sa part, noté que de nombreux éléments militaient en faveur d’une définition au moins européenne du marché géographique de la vente de détail en aéroport17, sans pour autant exclure l’existence d’un marché local, c’est-à-dire de la dimension de l’aéroport18. Ainsi, dans sa décision COMP/M.5123, la Commission indique que, du point de vue de la demande, le plus petit marché pertinent concevable pourrait être l’aéroport. Néanmoins, la Commission a considéré dans l’affaire COMP/M.5068 « qu’il n’y avait pas lieu d’analyser la transaction sur des marchés géographiques plus étroits que l’EEE » et dans l’affaire COMP/M. 5389 que le test de marché réalisé dans le cadre de ce cas tendait à confirmer la dimension au moins communautaire du marché. En effet la majorité des opérateurs d’aéroports et des fournisseurs de services de vente au détail en aéroport ont indiqué que les opérateurs commerciaux des aéroports des différents pays de l’EEE sont en concurrence entre eux et que les principaux fournisseurs de services de vente au détail en aéroport sont présents au niveau européen ou même mondial.

18. Dans l’affaire COMP/M.6263, la Commission a indiqué qu’un aéroport subit une pression concurrentielle significative de la part de points de vente situés dans d’autres aéroports, au moins ceux de l’EEE, ou encore à proximité de l’aéroport où il se trouve et a précisé que « cette pression concurrentielle semble due non seulement aux possibilités d’arbitrage dont jouissent les usagers du transport aérien, qui en principe peuvent comparer les prix et les offres dans les aéroports de départ, de transit et de retour, mais aussi à la politique des gestionnaires d’aéroports, qui pour certains semblent oeuvrer ractivement afin de doter leurs zones commerciales d’une réputation mondiale d’attractivité ». Notamment, Aelia procède à une analyse comparative de ses propres prix avec les prix pratiqués dans d’autres aéroports.

19. Toutefois, comme l’opération n’est susceptible d’entraver la concurrence sur aucune définition alternative de marché, il n’est pas nécessaire en l’espèce de conclure sur la dimension géographique du marché concerné.

B. LE MARCHÉ AMONT DES CONCESSIONS POUR LA FOURNITURE DE SERVICES DE VENTE DE DÉTAIL EN AÉROPORT

20. Les parties considèrent que le marché des concessions pour la fourniture de services de vente en détail en aéroport est de dimension mondiale.

1. MARCHÉ DE PRODUITS

21. La Commission a défini à plusieurs reprises19 un marché distinct concernant les concessions pour la fourniture de services de vente de détail en aéroport. Sur ce marché, les concessions et/ou les baux sont accordés par les gestionnaires d’aéroports aux opérateurs commerciaux, souvent au terme d’une procédure d’appel d’offres, en vue de l’exploitation de points de vente dans l’enceinte des aéroports. En échange de telles concessions, les opérateurs commerciaux s’engagent à verser une rémunération aux gestionnaires des aéroports.

22. Le Conseil a ainsi considéré20 que le concédant, organisateur de l’appel d’offres, émet une demande de services auprès d’entreprises spécialisées et que ces dernières sont des offreurs en concurrence pour emporter les marchés de concession.

23. Dans sa décision COMP/M.6263, la Commission réitère sa position et indique que le marché de produits pertinent est l’octroi de concessions pour la fourniture de services de vente de détail en aéroports. En particulier, elle précise qu’il ne s’avère pas nécessaire de segmenter le marché des concessions pour la fourniture de services de vente de détail en aéroport par catégories de produits.

24. En tout état de cause, la définition exacte de ce marché peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées quelles que soient les segmentations retenues.

2. MARCHÉ GÉOGRAPHIQUE

25. Les parties considèrent que le marché des concessions pour la fourniture de services de vente au détail en aéroport est de dimension mondiale. Tout d’abord, elles indiquent que les appels d’offres pour ces concessions sont, en règle générale, ouverts à tous les opérateurs, quel que soit leur pays d’origine. Par ailleurs, les principaux spécialistes de la vente de détail en aéroport sont actifs au niveau mondial et cherchent à obtenir des emplacements commerciaux à une échelle mondiale, ou du moins européenne. Les parties considèrent donc que les différents aéroports sont en concurrence entre eux au niveau international pour attirer les opérateurs spécialisés dans ce secteur.

26. Si la Commission21 et le Conseil de la concurrence22 n’ont pas conclu de façon définitive sur la dimension de ce marché, la Commission a néanmoins noté à plusieurs reprises23 que de nombreux éléments militaient en faveur d’une définition du marché géographique au niveau de l’EEE au moins. Notamment, dans le cadre du cas COMP/M.6263, elle relève qu’« une large majorité d’entreprises ayant répondu à l’enquête de marché a indiqué que lorsque les opérateurs actifs dans le commerce de détail en aéroport envisagent de répondre à un appel d’offres pour une concession, ils tiennent compte des conditions offertes pour l’octroi de concessions semblables dans d’autres aéroports ». La Commission indique également qu’une entreprise spécialisée dans le commerce de détail en aéroports est amenée à effectuer des arbitrages entre les différents appels d’offres et précise que « de nombreux opérateurs spécialisés dans le commerce de détail en aéroports sont actifs au niveau mondial, et présents dans plusieurs aéroports répartis dans différents pays voire différents continents ». La Commission considère donc que « du point de vue de ce type d’opérateurs, les différents aéroports semblent substituables dans une large mesure, les caractéristiques propres à chaque aéroport étant prises en compte dans les offres remises aux gestionnaires d’aéroports ».

27. Toutefois, comme l’opération n’est susceptible d’entraver la concurrence sur aucune définition alternative de marché, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, de conclure sur la dimension géographique du marché concerné.

IV. Analyse concurrentielle

A. EFFETS HORIZONTAUX

28. Préalablement à l’opération, ADL n’est pas active sur le marché de la vente de détail en aéroports et n’est présente sur les marchés concernés qu’en tant qu’autorité adjudicatrice des AOT au sein de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry. ADL est ainsi concessionnaire de l’ensemble des surfaces de l’aéroport soit 17 boutiques.

29. A l’issue de l’opération, dans la mesure où ADL demeurera seule présente sur le marché amont, l’opération n’a aucun impact horizontal sur ce marché.

30. Préalablement à l’opération, Lagardère Services et Aelia sont actives sur le marché aval de la vente de détail en aéroport.

31. Ainsi, Lagardère Services détient, en dehors d’Aelia, en zone réservée, une boutique spécialisées dans les cosmétiques qui regroupent les activités des anciennes boutiques Relay et Occitane et, en zone publique, trois boutiques Relay qui proposent de la presse, des livres et du tabac24.

32. Aelia, pour sa part, opère actuellement 5 boutiques en zone réservée et une boutique en zone publique25 que prendra en charge l’entreprise commune. Ces six boutiques sont toutes et demeureront des boutiques généralistes proposant une gamme large de produits.

33. Lagardère Services et Aelia font face à la concurrence :

en zone réservée : suite à la fermeture de la boutique Elite Fashion Store en juillet 201126, d’un seul autre opérateur actif, Danael spécialisé en bijouterie, qui détiendra trois boutiques ;

en zone publique : de trois opérateurs, Danael qui détient une bijouterie, SSP qui détient deux boutiques de produits gastronomiques (la boutique de l’entreprise commune en zone publique ne proposera pas ce type de produits) et une pharmacie qui propose des produits également offerts dans les boutiques de la Société Opératrice (cosmétiques, soins, lunettes de soleil, petits accessoires de voyages).

34. Avant l’opération, les positions de Lagardère Services et d’Aelia sur le marché de la vente de détail en aéroports sont de :

<Tableau>

35. Si l’on distingue zone réservée et zone publique, la part de marché cumulée de Lagardère Service et d’Aelia sera au niveau de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry, de [90-100] % en valeur (et [60-70] % en volume) sur la zone réservée et de [80-90] % en valeur (et [60-70] % en volume) sur la zone publique.

36. Après l’opération, l’entreprise commune gérera les boutiques aujourd’hui opérées par Aelia. Il n’y aura donc pas de renforcement de la position des parties quelle que soit la segmentation du marché de la vente de détail en aéroport retenue ou sa dimension géographique.

B. COORDINATION DES SOCIÉTÉS MÈRES

37. Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission européenne, reprise par les autorités de concurrence nationales28, la création d’une entreprise commune est également susceptible d’entraîner un risque de coordination entre les sociétés mères lorsque les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies : le risque de coordination doit avoir un lien de causalité direct avec la création de l’entreprise commune ; la coordination doit être suffisamment vraisemblable ; la coordination doit avoir un effet sensible sur la concurrence.

38. En l’espèce, l’entreprise commune et Lagardère Services seront toutes deux actives sur le marché aval de la vente de détail. Néanmoins, l’opération n’a aucun impact sur ce marché dans la mesure où, à l’exception d’un nombre limité de produits, Lagardère Services et l’entreprise commune proposeront des gammes de produits distinctes, les boutiques de Lagardère Services étant essentiellement des Relay.

39. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais de la coordination des sociétés mères.

C. EFFETS VERTICAUX

40. ADL est présente sur le marché amont des concessions pour la fourniture de services de vente au détail en aéroport en tant que seule autorité adjudicatrice des AOT au sein de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

41. Il convient de vérifier dans quelle mesure la transaction notifiée pourrait créer un risque de verrouillage de l’accès aux concessions pour la fourniture de services de vente au détail dans l’aéroport de Lyon, dans la mesure où ADL, qui seule attribue ces concessions, prendra le contrôle conjoint d’une partie d’une entreprise exploitant des points de vente dans ces aéroports.

42. A supposer que le marché de l’octroi des concessions soit de dimension européenne ou mondiale, comme le soutiennent les parties, ADL n’aurait pas la capacité de verrouiller l’accès aux concessions offertes sur ce marché, compte tenu de ses faibles parts de marché. En effet, les parts de marché d’ADL sur ce marché amont sont de moins de [0-5] % au niveau mondial, [0-5] % au niveau de l’EEE et [5-10] % au niveau national.

43. Dans l’hypothèse où le marché serait limité à l’aéroport de Lyon, il convient de relever que l’Etat a imposé aux sociétés aéroportuaires*, et donc à ADL, un régime protecteur de la concurrence dans le cadre des contrats de concession de services et notamment ceux des espaces commerciaux. L’article 11 du cahier des charges des sociétés aéroportuaires29 dispose en effet que : « (…) les autorisations d’occupation sont délivrées à l’issue d’une procédure permettant une mise en concurrence effective. Les autorisations sont attribuées aux candidats présentant les offres économiquement les plus avantageuses pour la concession, selon des critères définis par le concessionnaire et communiqués aux pétitionnaires ». Ces obligations renforcent les règles de transparence et de non discrimination qui s’appliquent à la délivrance des autorisations d’occupation temporaire du domaine public30.

44. La Commission européenne a relevé dans une décision récente M.6263 - Aelia/Aéroports de Paris/JV du 20 octobre 2011 qu’Aéroports de Paris (ADP), non soumis à une telle obligation de mise en concurrence dans la mesure où la propriété du patrimoine aéroportuaire lui a été transmise, avait la capacité de verrouiller l’accès aux concessions pour la fourniture de services de vente au détail : « à l’échelle de chacun des deux aéroports, ADP peut verrouiller l’accès aux concessions comme il l’entend, dans la mesure où il n’est pas obligé de recourir à des appels d’offres ou à des procédures équivalentes, et peut octroyer les concessions aux opérateurs de son choix au terme de négociations bilatérales »31. A contrario, la capacité d’ADL d’écarter les opérateurs tiers de l’accès aux concessions commerciales est fortement contrainte par l’obligation de mise en concurrence qui lui est imposée et qui subsistera, même après réalisation de l’opération notifiée.

45. En ce qui concerne l’incitation à verrouiller l’accès aux concessions commerciales, la Commission européenne a considéré dans la décision citée au paragraphe précédent que, dans la mesure où ADP est rémunérée par les opérateurs auxquels elle octroie des concessions par un pourcentage de leurs chiffres d’affaires, elle n’aura pas d’incitation systématique à octroyer des concessions à sa filiale commune au détriment d’autres opérateurs, son intérêt consistant au contraire à confier l’exploitation de ses zones commerciales aux opérateurs qu’elle estime les plus performants et les mieux à même de proposer les offres les plus intéressantes, que ces offres soient composées de la rémunération qui lui serait versée en échange de la concession, ainsi que des dividendes versés par sa filiale commune, ou de la seule rémunération prévue dans le cadre de la concession. Le même constat peut être fait pour ADL, rémunérée de la même façon par un pourcentage du chiffre d’affaires des concessionnaires.

46. En outre, il peut être rappelé que, dans l’hypothèse où ADL occuperait une position dominante sur un marché de l’octroi de concessions commerciales, d’éventuelles pratiques de discrimination pourraient relever des dispositions de l’article L. 420-2 du Code de commerce et del’article 102 du traité de fonctionnement de l’Union européenne prohibant les abus de position dominante.

47. Il ressort de ce qui précède que l’opération n’est pas susceptible de produire des effets verticaux.

DECIDE

Article unique : l’opération notifiée sous le numéro 11-0167 est autorisée.

NOTES :

1 Communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) N° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (2009/C 43 /09).

2 Voir notamment la lettre C2007-14 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 13 novembre 2007, aux conseils de la société CCIP, relative à une concentration dans le secteur de l’organisation de foires et salons.

3 [Confidentiel], c’est néanmoins la Société Opératrice qui aura le dernier mot quant à la fixation des prix de revente de ses produits. [Confidentiel].

4 Cette prestation n’est pas formalisée et n’emporte pas d’effet. [Confidentiel].

5 Les prestations assurées par DFA en matière de gestion des ressources humaines, d’administration comptable et financière et d’informatique sont des activités accessoires par rapport à l’activité principale de la Société Opératrice. Voir notamment pour le support à la gestion des ressources humaines la décision de la Commission européenne n°IV/M.1135 Elf/Texaco, Antifreeze JV du 18 aout 1998.

6 Duty Free Associates, filiale à 100 % d’Aelia, exerce (i) des activités d’exploitation de points de vente dans divers aérogares en France et (ii) des activités de support pour les points de vente de détail en aéroport du groupe Aelia.

7 Voir notamment les décisions de la Commission européenne COMP/M.3112 Aéroports de Paris/Aelia du 17 mars 2003 et COMP/M.6263 Aelia/Aéroports de Paris du 20 octobre 2011 dans lesquelles la Commission a reconnu le caractère de plein exercice de SDA. Le schéma retenu pour la Société Opératrice est le même que celui qui a été mis en place pour la Société de Distribution Aéroportuaire SAS (« SDA »). SDA est ainsi une entreprise commune à Aéroports de Paris (« ADP »)et Aelia qui a pour activité principale l’exploitation de points de vente situés dans les aérogares exploités par ADP. [Confidentiel].

8 Voir notamment le point 28 de la Communication consolidée sur la compétence de la Commission et la décision de la Commission européenne COMP/M.5389 Aéroports de Paris/The Nuance Group du 22 décembre 2008.

9 Conformément au paragraphe 187 de la communication consolidée de la Commission, le chiffre d’affaires du groupe Lagardère reflète le contrôle joint exercé sur diverses entreprises et, par conséquent, comprend une quote-part du chiffre d’affaires de ces dernières.                    

10 Voir les décisions de la Commission européenne IV/M.782 Swissair/Allders International du 17 juillet 1996, COMP/M.3112 précitée, COMP/M.3728 Autogrill/Altadis/Aldeasa du 23 mars 2005, COMP/M.4581 Imperial Tobacco/Altadis du 18 octobre 2007, COMP/M.4762 Autogrill/Alpha Airports Group du 10 aout 2007, COMP/M.5068 L’Oréal/ YSL Beauté du 17 juin 2008, COMP/M.5123 Autogrill/World Duty Free du 16 mai 2008, COMP/M.5389 Aéroports de Paris/The Nuance Group du 22 décembre 2008 et COMP/M.6263 précitée.

11 Voir notamment les décisions COMP/M.3728, COMP/M.5123 et COMP/M.5389 précitées.

12 Voir la décision du Conseil de la concurrence n° 08-D-05 du 27 mars 2008 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des commerces sous douane des aéroports parisiens.

13 Voir notamment les décisions COMP/M.3728, COMP/M.5389 et COMP/M.6263 précitées.

14 Mais aussi dans la décision COMP/M.5068.                     

15 Voir la décision du Conseil n° 08-D-05 précitée.

16 Ou même à chaque terminal lorsque la configuration des lieux interdit la circulation entre aérogares en zone internationale.

17 Voir notamment les décision de la Commission IV/M.782, COMP/M.3728,COMP/M.4762, COMP/M.5389 et COMP/M.6263 précitées.

18 Voir les décisions de la Commission COMP/M.512, COMP/M.5389 et COMP/M.6263 précitées.                    

19 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.5123, COMP/M.5389 et COMP/M.6263.

20 Voir la décision du Conseil n° 08-D-05 précitée.

21 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.5123, COMP/M.5389 et COMP/M.6263 précitées.

22 Voir la décision du Conseil n° 08-D-05 précitée.

23 Voir notamment les décisions de la Commission COMP/M.5123, COMP/M.5389 et COMP/M.6263 précitées.

24 A la suite de la fermeture d’une boutique Relay.

25 [Confidentiel].

26 [Confidentiel]. 27 La Commission a indiqué dans sa décision COMP/M.6263 que, pour les marchés considérés, une part de marché exprimée en nombre de boutiques est moins pertinente qu’une part de marché en valeur, qui tient compte de la performance commerciale des différentes boutiques et de l’existence de différentes catégories de produits.

28 Voir notamment l’avis du Conseil de la concurrence n° 07-A-09 du 2 août 2007 relatif à la prise de contrôle conjoint de la société Delaroche par la société L’Est Républicain et la Banque Fédérative. 29 Le cahier des charges type est annexé au décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l’Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes.

30 Voir l’avis de l’Autorité de la concurrence n° 10-A-04 du 22 février 2010 relatif à une demande d’avis de l’Association pour le maintien de la concurrence sur les réseaux et infrastructures (AMCRI) sur les problèmes de concurrence pouvant résulter de la privatisation des aéroports français.

31 décision COMP/M.6263 précitée