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Décisions

ADLC, 13 juin 2012, n° 12-DCC-83

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

relative à la fusion entre Nordmilch eG, Humana Milchunion eG et Molkereigenossenschaft Bad Bibra eG

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lasserre

ADLC n° 12-DCC-83

13 juin 2012

L’Autorité de la concurrence, - Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 9 mai 2012 relatif à la fusion entre Nordmilch eG (ci-après « Nordmilch »), Humana Milchunion eG (ci-après « Humana ») et Molkereigenossenschaft Bad Bibra eG (ci-après « Bad Bibra »), formalisée par une lettre d’intention, en date du 27 avril 2012 ; - Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. Nordmilch eG est une coopérative de droit allemand qui est détenue par environ […] producteurs de lait, principalement localisés dans le nord de l’Allemagne. Elle est active dans le secteur de la collecte de lait ainsi que dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits laitiers via la société DMK Deutsches Milkontor GmbH (ci-après « DMK ») dont elle détient 50 % du capital et des droits de vote.

2. Humana eG est une coopérative de droit allemand. Elle comprend environ […] producteurs adhérents établis en Allemagne. Elle est active dans le secteur de la collecte de lait ainsi que dans le secteur de la transformation et de la commercialisation de produits laitiers via la société DMK dont elle détient 47,8 % du capital et des droits de vote.

3. Bad Bibra est une coopérative de droit allemand. Elle comprend [Confidentiel] producteurs adhérents établis en Allemagne. Bad Bibra est active dans le secteur de la collecte de lait1. Elle détient une participation de 2,2 % dans le capital de DMK.

4. DMK est une société de droit allemand qui fabrique et commercialise, en Europe et notamment en France, des produits laitiers (lait, beurre, yaourts, fromages, desserts, crèmes glacées, ingrédients, aliments pour bébé, etc.) sous des marques telles que Milram, Humana, Ravensberger ou Osterland. En 2011, Nordmilch et Humana ont transféré l'ensemble de leurs activités opérationnelles à DMK, dont elles détiennent le contrôle conjoint. DMK s’approvisionne, en vertu d’un contrat d’approvisionnement exclusif, en lait collecté par Nordmilch, Humana et Bad Bibra auprès de leurs producteurs adhérents.

5. L’opération notifiée consiste dans le regroupement des coopératives Nordmilch, Humana et Bad Bibra au sein de Nordmilch pour former une nouvelle coopérative, DMK Deutsches Milchkontor eG, qui sera active dans le secteur de la collecte de lait et détiendra 100 % du capital de DMK. L’opération notifiée se traduit donc par la fusion entre les coopératives Nordmilch, Humana et Bad Bibra et constitue à ce titre une concentration au sens de l’article L. 430-1 du Code de commerce.

6. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d’affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros en 2011 (Nordmilch : […] milliards d'euros ; Humana : […] milliards d'euros ; Bad Bibra : […] millions d’euros). Deux de ces entreprises ont réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros en 2011 (Nordmilch : […] millions d'euros ; Humana : […] millions d'euros)2. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

7. Nordmilch, Humana et Bad Bibra sont actives dans le secteur de la collecte de lait. Nordmilch et Humana sont également actives dans le secteur de la transformation et commercialisation du lait via leur filiale commune DMK.

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS DE PRODUITS

8. Dans le secteur du lait, la pratique décisionnelle opère de manière constante une distinction entre (i) les marchés amont de la collecte de lait et (ii) les marchés aval de la commercialisation du lait de consommation et d'autres produits dérivés du lait.

1. MARCHÉS AMONT DE LA COLLECTE DE LAIT

a) Les marchés de produits

9. La pratique décisionnelle communautaire3 et nationale4 considère que les marchés de la collecte de lait doivent être distingués selon le type de lait concerné : lait de vache, lait de brebis, etc. La pratique décisionnelle a également envisagé d’autres segmentations plus fines, en distinguant notamment le lait issu de l’agriculture biologique5 ou le lait destiné à la fabrication de produits sous Appellation d’Origine Contrôlée6.

10. Au cas d’espèce, la question de la délimitation précise de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.

b) Les marchés géographiques

11. La pratique décisionnelle européenne considère que les marchés de la collecte de lait sont de dimension nationale7. Elle a néanmoins relevé que « si le lait cru classique peut théoriquement être transporté sur de longues distances, la distance moyenne entre les exploitations et les unités de transformation est d’approximativement 40 à 50 km »8. La pratique décisionnelle nationale considère traditionnellement que les marchés de la collecte de lait sont de dimension locale : régional, départemental ou infra-départemental correspondant, dans le dernier cas, à une aire de 50 kilomètres environ de rayon autour des laiteries9.

12. Au cas d’espèce, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la délimitation géographique précise des marchés de la collecte de lait, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.

2. MARCHÉS AVAL DE LA TRANSFORMATION ET DE LA COMMERCIALISATION DE PRODUITS LAITIERS

a) Les marchés de produits

13. La pratique décisionnelle européenne a distingué, au sein du marché de la fabrication et de la commercialisation des produits laitiers, dix segments de marché distincts : (i) les produits laitiers de base (lait, yaourt, crème), (ii) le fromage, (iii) le beurre, (iv) les yaourts à valeur ajoutée et le fromage blanc, (v) les boissons lactées aromatisées, (vi) les desserts lactés frais, (vii) la crème, (viii) les blanchisseurs liquides de café, (ix) les émulsions sèches en bombe et (x) le lactose. Elle a également envisagé au sein de chacun de ces marchés d’éventuelles sous-segmentations de marché10.

14. Au cas d’espèce, la question de la délimitation précise de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelles que soient les délimitations retenues.

B. DÉLIMITATION DES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

15. La pratique décisionnelle nationale et européenne, retient traditionnellement une délimitation nationale des marchés de la transformation et de la commercialisation des produits laitiers en raison des différences existants entre les préférences des consommateurs, des différences de prix, de la forte présence de marques nationales et du faible volume d'importation11. La pratique décisionnelle a cependant envisagé une délimitation européenne voire mondiale pour certains marchés de produits tels que le beurre ou certaines poudres de lait12.

16. Au cas d’espèce, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la délimitation géographique précise des marchés de la transformation et de la commercialisation de produits laitiers, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.

III. Analyse concurrentielle

17. S’agissant des marchés amont de la collecte de lait, Nordmilch, Humana et Bad Bibra n'étant présentes que sur les marchés de la collecte de lait en Allemagne, l’opération notifiée n'aura aucun effet sur les marchés de la collecte de lait en France.

18. S’agissant des marchés aval de la transformation et de la commercialisation de produits laitiers, Nordmilch et Humana sont présentes marginalement en France via leur filiale commune DMK. DMK est active en France sur les sous-segments des yaourts, du beurre, du fromage, de la crème, des desserts lactés frais, des crèmes glacées, du lait concentré, des produits alimentaires intermédiaires et de la nourriture infantile. Sur chacun de ces segments de marché, la part de marché de DMK est inférieure à 5 % et elle fait face à la concurrence de grands groupes tels que : Danone, Nestlé, Yoplait, Senoble ou Unilever.

19. L’opération consiste en un regroupement des activités de collecte de lait des trois coopératives, en amont de DMK qui regroupait déjà les activités de ces coopératives sur le marché aval13. Compte tenu des parts de marché de DMK, l’opération n’est pas susceptible d’avoir des effets verticaux sur les marchés aval de la transformation et de la commercialisation de produits laitiers.

20. Il ressort de ces éléments que l’opération notifiée n’aura aucune incidence sur la structure concurrentielle des marchés de la transformation et de la commercialisation de produits laitiers en France.

DECIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 12-059 est autorisée.

NOTES :

1 Bad Bibra a transféré en 2009 à Humana l’ensemble de ses activités opérationnelles.

2 Le chiffre d'affaires de DMK, filiale opérationnelle de Nordmilch et Humana, a été affecté, à part égale, à ses deux sociétés mères en vertu de l'article 5.5 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises et du paragraphe 89 des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations. 3 Décision de la Commission européenne n° COMP/M.4344, Lactalis/Nestlé/JV, 19 septembre 2006.

4 Lettre n° C2007-73 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 2 août 2007, aux conseils de la société Orlait., relative à une concentration dans les secteurs de la collecte et de la commercialisation du lait.

5 Lettre n° C2007-73 du ministre précitée, décision de la Commission européenne n° COMP/M.5046, Friesland Foods/Campina, 17 décembre 2008.

6 Lettre n° C2005-78 du ministre l’économie, des finances et de l’industrie du 28 octobre 2005, aux conseils des sociétés Finance et Management, Entremont et Unicopa, relative à une concentration dans le secteur des fromages.

7 Décisions de la Commission européenne n° COMP/M.5046 précitée, n° COMP/M.3130 Arla Foods / Express Dairies du 10 juin 2003, n° COMP/M.4344 précitée.

8 Décision de la Commission européenne n° COMP/M.5046 précitée.

9 Lettre du ministre n° C2005-78 précitée, Lettre n° C2006-102 du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 11 décembre 2006, aux conseils du groupe Lactalis, relative à une concentration dans le secteur des produits laitiers, Lettre du ministre n° C2007-73 précitée, Décision n° 10-DCC-110 du 1er septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Entremont par le groupe Sodiaal, Décision n° 11-DCC-150 du 10 octobre 2011 relative à la prisez de contrôle exclusif de la coopérative Elle-et-Vire par le groupe coopératif Agrial. 10 Décision n° COMP/M.5046 précitée.

11 Décision n° 10-DCC-110 précitée et la décision n° COMP/M.5046 précitée.

12 Id.

13 Bad Bibra n’était pas active sur les marchés de la transformation et de la commercialisation de produits laitiers.