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Décisions

CE, 9e sous-sect. jugeant seule, 14 décembre 2012, n° 360949

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. Gariazzo

Rapporteur public :

Mme Legras

Avocats :

SCP Piwnica, Molinie , SCP Baraduc, Duhamel

CE n° 360949

14 décembre 2012

LE CONSEIL : - Vu les mémoires, enregistrés le 8 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Colruyt France, dont le siège est Place de la Logistique, Plateforme Logistique de Fret à Rungis (94150), et la société Etablissements Fr. Colruyt, dont le siège est Wilgenveld, Edingensesteenweg 196, à Hal, Belgique (B1500), en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la société Colruyt France et la société Établissements Fr. Colruyt demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation des articles 2 et 3 de la décision n° 12-D-12 de l'Autorité de la concurrence du 11 mai 2012 relative à la situation du groupe Colruyt au regard du I de l'article L. 430-8 du Code de commerce, de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, d'une part, du I de l'article L. 430-8, du II de l'article L. 461-1, de l'article L. 461-3 et du III de l'article L. 462-5 du Code de commerce et, d'autre part, de l'article L. 430-3 et du I de l'article L. 430-8 du même Code ; - Vu les autres pièces du dossier ; - Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ; - Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; - Vu le Code de commerce ; - Vu le Code de justice administrative ; - Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire, - les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Colruyt France et des Etablissements Fr Colruyt et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'Autorité de la concurrence, - les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ; -La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Colruyt France et des Etablissements Fr Colruyt et à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'Autorité de la concurrence ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Sur les dispositions du II de l'article L. 461-1, de l'article L. 461-3 et du III de l'article L. 462-5 du Code de commerce :

2. Considérant que le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du II de l'article L. 461-1, de l'article L. 461-3 et du III de l'article L. 462-5 du Code de commerce dans leur rédaction applicable au présent litige ;

Sur les dispositions de l'article L. 430-3 et du I de l'article L. 430-8 du Code de commerce :

3. Considérant que l'article L. 430-3 du Code de commerce prévoit qu'une opération de concentration doit être notifiée à l'Autorité de la concurrence avant sa réalisation et que cette obligation incombe aux personnes physiques ou morales qui acquièrent le contrôle de tout ou partie d'une entreprise ou, dans le cas d'une fusion ou de la création d'une entreprise commune, à toutes les parties concernées qui doivent alors notifier conjointement ; que le I de l'article L. 430-8 du même Code prévoit que si une opération de concentration est réalisée sans être notifiée, l'Autorité de la concurrence enjoint aux parties sous astreinte de notifier l'opération et peut infliger aux personnes auxquelles incombait la charge de la notification une sanction pécuniaire, dont cet article fixe le montant maximum ;

4. Considérant, en premier lieu, que la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 430-3 et du I de l'article L. 430-8 du Code de commerce, en ce qu'elles permettent à l'Autorité de la concurrence d'infliger une sanction pécuniaire à la personne physique ou morale qui acquiert le contrôle de tout ou partie d'une entreprise sans avoir notifié cette opération de concentration à l'Autorité de la concurrence, désignent de façon suffisamment claire l'auteur du manquement, qui est également la personne physique ou morale susceptible d'être sanctionnée ; que, par suite, tel qu'il est formulé par les sociétés requérantes, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines et du principe de personnalité des peines qui découlent des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du I de l'article L. 430-8 du Code de commerce sont sans incidence sur l'organisation et le fonctionnement de l'Autorité de la concurrence ; qu'il ne peut ainsi être utilement soutenu qu'elles méconnaîtraient les principes d'indépendance et d'impartialité consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen faute de distinguer les fonctions administratives et quasi juridictionnelles de l'Autorité de la concurrence et, au sein de ces dernières, les fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement et de garantir que les mêmes personnes ne puissent exercer ces différentes fonctions pour la même affaire ;

7 Considérant qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées, les moyens tirés de ce que les dispositions de l'article L. 430-3, du I de l'article L. 430-8, du II de l'article L. 461-1, de l'article L. 461-3 et du III de l'article L. 462-5 du Code de commerce porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doivent être écartés ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par les sociétés Colruyt France et Établissements Fr. Colruyt.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Colruyt France, à la société Établissements Fr. Colruyt et à l'Autorité de la concurrence.