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Décisions

CA Orléans, ch. com. économique et financière, 20 août 2020, n° 19/02495

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Facility's (SARL)

Défendeur :

Zenitude Services (SARL), Zenitude Paysage (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Caillard

Conseillers :

Mme Chenot, Mme Michel

T. com. Orléans, 6 Juin 2019

6 juin 2019

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société Facility's, immatriculée le 3 février 2006 et ayant pour activité l'aide à domicile, comprenant le nettoyage de locaux et vitres, le repassage, le jardinage, le dépannage, le bâtiment, la plomberie, l'électricité, la peinture, la garde d'enfants et le soutien scolaire, a embauché par contrat à durée déterminée du 4 octobre 2010, M. Damien J. en qualité de jardinier.

Selon avenant du 1er janvier 2011 le contrat de travail de M. J. a été reconduit pour une durée indéterminée avec maintien des autres clauses du contrat du 4 octobre 2010 parmi lesquelles figurait une clause de non-concurrence pour une période de deux ans.

M. J. a sollicité le 1er décembre 2016 la rupture conventionnelle de son contrat de travail, acceptée par son employeur et homologuée le 4 janvier 2017. Il a signé son solde de tout compte le 14 février 2017. L'obligation de non-concurrence contenue dans son contrat n'a pas été maintenue.

Le 1er mai 2017, M. J. a créé avec sa compagne Mme de Boisvilliers, la société Zénitude Services qui exerce une activité de petits travaux de jardinage, ménage, repassage dans le cadre de services à la personne et la société Zénitude Paysages qui exerce une activité de jardinier paysagiste, travaux de maçonnerie paysagère.

Alléguant être victime de concurrence déloyale, la société Facility's a saisi par requête du 13 décembre 2017 le Président du Tribunal de Commerce de Orléans pour qu'il soit ordonné qu'un huissier se rende dans les locaux des sociétés Zénitude et au domicile de M. J. afin de se faire remettre le livre d'entrées et de sorties du personnel des sociétés, les conventions ou factures de sous-traitance passées par les sociétés ou leur responsable en son nom personnel pour l'exercice de leurs activités, les contrats ou factures passées entre les clients de la société Facility's et les sociétés Zénitude ou M. J.. Par ordonnance du 15 décembre 2017, le Président du tribunal de commerce a fait droit à cette requête et désigné Maître Carole D. et pour l'assister M. C. expert informaticien. Ces derniers se sont rendus sur place le 19 janvier 2018 et ont dressé un procès-verbal de constat le 19 janvier 2018.

Faisant valoir que ce constat d'huissier révélait que sur les 273 clients de la société Facility's, 18 clients apparaissaient dans les fichiers clients de la société Zénitude Services pour un total facturé par cette dernière de 30.395,30€ et 8 dans ceux de la société Zénitude Paysage pour un total facturé par cette dernière de 4292,37€, et qu'aucune solution amiable n'avait pu être trouvée, la société Facility's a fait assigner par acte du 7 mai 2018 les sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage, ainsi que M. J. devant le tribunal de commerce d'Orléans, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil afin de voir reconnaître la commission d'actes de concurrence déloyale à son préjudice et d'obtenir leur condamnation à lui verser les sommes de 40.000 et 10.000€ en réparation des préjudices matériel et moral subis et de leur faire interdiction, sous astreinte, de démarcher directement ou indirectement ses clients, outre la publication du jugement dans le journal de la République du Centre.

Par jugement du 6 juin 2019, le tribunal de commerce d'Orléans a :

Débouté la SARL Facility's de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande d'interdiction à l'encontre de M. Damien J., la Zénitude Services et la SAS Zénitude Paysage de démarcher directement ou indirectement ses clients,

Débouté M. Damien J., la Zénitude Services et la SAS Zénitude Paysage de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive de la SARL Facility's et de leurs demandes d'indemnisation des frais irrépétibles liés à la procédure de l'instance,

Débouté la SARL Facility's de sa demande de publication de la décision à venir par voies d'édition dans la presse locale,

Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties et les en déboute,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Dit n'y à avoir lieu à la condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Et condamné la SARL Facility's en tous les dépens y compris les frais de greffe taxé et liquidés à la somme de 116,78€.

Les premiers juges ont retenu principalement :

- que la société Facility's qui avait levé la clause de non-concurrence de M. J. ne démontre pas que ce dernier, par ses actes de démarchage de certains des clients de son ancien employeur ait été déloyal, notamment en utilisant le fichier clients de la société Facility's, ni ait usé de dénigrement pour contracter avec eux, étant précisé que sur 273 clients de la société Facility's seuls 18 ont été retrouvés dans le fichier de la société Zénitude services et 8 dans celui de la société Zénitude paysage, dont certains avaient initialemnet été amenés à la société Facility's par M. J.,

- qu'elle ne démontre pas non plus que M. J. ou la société Zénitude services en embauchant un salarié démissionnaire libéré de sa clause de non-concurrence ait commis un acte de concurrence déloyale notamment en désorganisant l'activité et le fonctionnement interne de la société Facility's qui avait plusieurs autres salariés et n'a intenté aucune action disciplinaire ou judiciaire envers cet ancien salarié,

- que si la société Facility's établit effectivement une baisse de 20% de son chiffre d'affaires arrêté au 31 décembre 2017 de 20% et une perte de 37 022€, elle n'apporte pas d'éléments comptables ou analytiques permettant de rattacher cette perte à une baisse du chiffre d'affaires elle-même liée aux 18 clients captés par les sociétés Zénitude, de sorte que le démarchage de la clientèle dénoncé par la société Facility's ne fait pas apparaître de détournement massif de clients.

La société Facility's formé appel de la décision par déclaration du 9 juillet 2019 en intimant M. J. et les sociétés Zénitude Service et zénitude Paysage et en critiquant tous les chefs du jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. J. et les sociétés Zénitude. Dans ses dernières conclusions du 20 avril 2020, elle demande à la cour de :

Dire la société Facility's tant recevable que bien fondée en son appel et ses demandes,

En conséquence, y faisant droit ;

Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil, dans leur rédaction issue de l 'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016,

lnfirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Orléans en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau :

Déclarer que M. Damien J. et les sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage ont commis à l'encontre de la société Facility's des actes de concurrence déloyale,

Condamner in solidum M. Damien J. et les sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage à payer à la société Facility's la somme de 84 463 € HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel qu'elle a subi, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre de dommages intérêts complémentaires en réparation du préjudice financier découlant de la privation de cette somme ;

Condamner in solidum M. Damien J. et les sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage à payer à la société Facility's la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle a subi assortie des intéréts au taux légal à compter du jour de la demande, à titre de dommages intérêts complémentaires en réparation du préjudice financier découlant de la privation de cette somme ;

Condamner in solidum M. Damien J. et les sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage à payer à la société Facility's la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Interdire à M. Damien J. et aux sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage, de démarcher directement ou indirectement les clients de la société Facility's sous astreinte de 1000 € par infraction constatée ;

Ordonner la publication de l'arrêt a intervenir dans le journal La République du Centre (toutes éditions) aux frais de M. J. Damien et des sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage, et les condamner, in solidum, aux frais de celle-ci ;

Déclarer les sociétés Zénitude Paysage, Zénitude Services, ainsi que M. Damien J. irrecevables, en tous cas mal fondés, en leur appel incident et en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

En Conséquence, les en débouter

Condamner in solidum M. Damien J. et les sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les dépens de la procédure sur requête devant le Président du Tribunal de Commerce ayant donné lieu à l'ordonnance du 15 décembre 2017, ainsi que le coût du procès-verbal de constat établi par Maître Carole D. le 19 janvier 2018 et le coût de l'intervention de M. Jean-Louis C. informaticien, tous deux désignés par l'ordonnance précitée du Président du Tribunal de Commerce d'Orléans en date du 15 décembre 2017 et d'appel ;

Accorder à Maître Estelle G., pour ceux qui la concernent, le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Au soutien de son appel, la société Facility's expose que M. J. a personnellement et par l'intermédiaire de ses sociétés, abusé de la liberté du commerce, ce qui est répréhensible, peu important qu'il ait été libéré de sa clause de non-concurrence lors de son départ de la société Facilty's. Elle expose que les deux sociétés Zénitude sont bien en concurrence avec elle y compris la société Zénitude Paysage qui comporte dans son objet social l'activité de jardinage.

S'agissant des actes déloyaux commis par les intimés, elle invoque en premier lieu des actes de dénigrement et reproche à M. J. d'avoir semé le trouble dans l'esprit des anciens clients de la société Facility's qu'il démarchait, en leur faisant croire ou craindre qu'ils aient bénéficié d'avantage fiscaux indus quand ils étaient clients de cette dernière. Elle précise sur ce point que si elle a créé une nouvelle structure (Facility's Paysage et professionnels) en décembre 2017, c'était pour répondre aux besoins de la clientèle ne relevant pas du service à la personne, et conteste avoir auparavant facturé au titre de services à la personne des activités qui n'en relevaient pas, précisant que les travaux d'élagage de haies ou arbres dans des jardins peuvent relever de services à la personne. Elle ajoute que M. J. est déloyal car il l'accuse de ne pas respecter les règles en matière de services à la personne alors que c'est lui qui, encore en poste chez Facility's, proposait à des clients de cette dernière d'effectuer de l'élagage sans être déclaré avec le matériel de son employeur et à son insu.

Elle reproche ensuite aux intimés des actes de détournement de clientèle et explique :

- que M. J. a manqué à son obligation de loyauté en lui indiquant qu'il souhaitait quitter l'entreprise pour exercer une activité de transport de sang moins pénible physiquement, en raison de problèmes de santé, ce qui explique qu'elle ait levé la clause de non-concurrence,

- qu'en tout état de cause, M. J. a eu une attitude constitutive de concurrence déloyale car il a systématiquement démarché la clientèle de son ancien employeur en lui adressant le 14 février 2017, soit le jour de la fin de son contrat de travail, un SMS pour les informer de son nouveau numéro de téléphone, alors qu'il n'avait pas de motif légitime pour informer l'ensemble de ses contacts professionnels c'est à dire les clients de son employeur de ses nouvelles coordonnées,

- qu'il importe peu que le constat de Me D. n'ait pas permis de retrouver le fichier clients de la société Facilitys' dans les ordinateurs des sociétés Zénitude puisqu'en indiquant avoir adressé ce SMS aux clients de son ancien employeur par une 'simple manipulation de son technique', M. J. admet par là même s'être approprié le fichier des numéros des clients de son employeur puisqu'il enregistré sur son nouveau téléphone personnel les numéros de téléphone de clients de la société Facility's puis leur a envoyé ce SMS, qui par son contenu ambigü, a conduit ces derniers à le contacter, en pensant qu'il restait au service de la société Facility's mais avait seulement changé de téléphone,

- que l'arrêt de la Cour de cassation du 13 mai 1997 concerne l'intérim et n'est pas transposable,

- que M. J. a utilisé les services d'employés de la société Facility's pour distribuer sa carte de visite professionnelle aux clients de cette dernière afin de proposer des services à la personne à des prix plus attractifs, peu important qu'elle n'ait pas exercé d'action contre M. H. puisqu'elle était fondée à préférer rechercher la responsabilité de l'instigateur M. J.,

- qu'on peut douter de la version des faits donnés par les attestations des clients produites par les intimés, ces derniers étant redevables d'une pénalité en vertu des conditions générales de vente de la société Facility's qui interdit au client d'employer de manière d'employer un salarié proposé par Facility's pour effectuer les prestations, ce pendant une durée d'un an à compter de la dernière prestation réalisée par cette dernère.

Elle invoque ensuite le débauchage de salariés et la tentative de déstabilisation de la société Facility's en et fait valoir :

- que M. J. a débauché M. H., la société Facility's n'ayant que 5 jardiniers et le départ d'un seul étant significatif, surtout après celui de M. J.,

- que les cartes trouvées dans la voiture de fonction de M. R. et le fait que M. H. ait remis des cartes des sociétés Zénitude à des clients de la société Facility's caractérisent la déstabilisation de l'entreprise et du personnel orchestrée par M. J.,

- que le tribunal ne pouvait écarter la faute des défendeurs au motif qu'il n'apparaîtrait pas un détournement massif de clients de la société Facility's alors que cela revient à subordonner la preuve de faits de concurrence déloyale à l'existence d'un préjudice ce qui est erroné.

Sur le préjudice, elle rappelle qu'en vertu de la jurisprudence, dès lors que la preuve d'actes de concurrence déloyale est rapportée, comme en l'espèce, il s'ensuit automatiquement un préjudice dont elle rapporte l'ampleur à l'aide du constat de Maître D. qui a comptabilisé les factures des sociétés Zénitude correspondant à des clients détournés, soit 30.395,30€ pour la société Zénitude Services et 4 292,37€ pour la société Zénitude Paysage, étant précisé qu'à la date du constat toutes les factures d'intervention n'avaient pas été réunies. Elle souligne que de jurisprudence constante, le préjudice est constitué par la perte de chiffre d'affaires subi par la société victime de concurrence déloyale et que les clients détournés représentent 5% du nombre de clients de la société Facility's mais 10 % du chiffre d'affaires global de la société et 25 % du chiffre d'affaires jardinage car il s'agissait des plus gros clients et que sur les 46 clients des sociétés Zénitude comptés par Maître D., 22 sont d'ancien clients de la société Facility's en seulement 8 mois. Elle affirme que la perte de chiffre d'affaires en 2017 et 2018 s'élève en cumulé à la somme de 84 463,91 HT et que cette perte ne s'explique par aucune autre cause et résulte de manière directe des actes de concurrence déloyale commis par les intimés.

Elle ajoute qu'elle a communiqué son fichier client pour démontrer l'ampleur du détournement mais que les intimés ne sauraient l'utiliser à peu de frais et doivent se voir interdire de démarcher les clients qui s'y trouvent.

M. Damien J. et les sociétés Zénitude Services et Sénitude Paysage demandent à la cour, par dernières conclusions du 29 avril 2020 de :

Vu les pièces produites par les intimées

Vu l'article D-7231-1 du Code du travail

Vu l'immatriculation de la société Facility's S Paysage en date du 5 décembre 2017 Infirmant le jugement déféré de ce chef, déclarer la demande de la société Facility's irrecevable à l'encontre de la société Zénitude Paysage et M. J. et prononcer leur mise hors de cause.

Vu le principe de la liberté du commerce et de l'industrie issue du décret d'Allarde,

Vu l'arrêt du Conseil d'état dans sa jurisprudence Daudignac du 22 juin 1951 et Territoire de la Polynésie Française du 9 novembre 1988.

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation et notamment les arrêts suivants Cass. Com, 24 octobre 2000, n°98-19774 ; Cass Com, 10 février 2015, n°13-24399 ; Cass. Com 11 mars 2014 n°13-11214 ; Cass. Com 14 février 2018, n°15-25346, Cass.com 14 février 2018 n°15-25376

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Facility's de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et notamment de sa demande tendant à voir les sociétés Zénitude Service et Zénitude Paysage ainsi que M. J. interdits de démarcher les clients de la société Facility's

Débouter la société Facility's de ses demandes d'astreinte.

Débouter la société Facility's de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

Vu l'article 32-1 du Code de Procédure civile

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes reconventionnelle au titre de la procédure abusive.

En conséquence,

Condamner la société Facility's à verser à la société Zénitude Services, Zénitude Paysage et M. J., chacun, la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamner la société Facility's à verser à M. J. et aux sociétés Zénitude Paysage et Zénitude Services, chacun, une somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles liés à la procédure.

Elle souligne en premier lieu que l'activité de la société Zénitude Paysage, qui ne propose pas de travaux d'aide à la personne n'a aucune activité concurrente avec la société Facility's qui officiait uniquement dans le domaine des services à la personne et non dans celui du paysagisme, avant qu'elle ne créé, le 5 décembre 2017 postérieurement à l'immatriculation de la société Zénitude Paysage, la société Facility's Paysages et Professionnels ayant pour activité la création, l'aménagement et l'entretien d'espaces verts, l'élagage, la réalisation de petits travaux de construction, de sorte qu'aucun fait de concurrence déloyale ne peut lui être reproché et qu'elle doit être mise hors de cause.

S'agissant de M. J., ils relèvent qu'il était délié de sa clause de non-concurrence par la société Facility's, que cette dernière ne démontre pas qu'il aurait menti et indiqué qu'il allait se tourner vers le transport de sang, et que s'il a eu des problèmes de santé, il démontre avoir toujours été déclaré apte à exercer son activité, et n'avoir jamais caché son souhait de s'installer à son compte dans le jardinage.

Sur l'allégation de détournement de clientèle, ils indiquent :

- que M. J. qui n'avait aucun téléphone portable autre que celui fourni par son employeur, s'est contenté, lorsqu'il a rendu son téléphone, le 14 février 2017, d'envoyer par une seule manipulation technique, à tous ses contacts (personnels et professionnels) le même message pour les informer de son nouveau numéro de téléphone, dans lequel il ne propose pas ses services pour une activité concurrente et ne précise même pas que son contrat de travail est rompu,

- que selon la jurisprudence, le simple fait de prévenir une clientèle de son départ d'une entreprise et la création d'une nouvelle société qui serait concurrente à la première ne constitue pas une concurrence déloyale car cette clientèle est libre de choisir avec qui elle veut travailler

- que le démarchage de la clientèle d'autrui est libre, sauf acte déloyal, et qu'il avait le droit de prospecter les clients de la société Facility's,

- qu'il conteste avoir proposé à un client de la société Facility's d'élaguer un arbre sans être déclaré et avec le matériel de son employeur, étant ajouté qu'il ne s'agirait en tout état de cause pas d'un acte de concurrence déloyale mais d'une mauvaise exécution de son contrat de travail relevant du conseil des prud'hommes,

- que la distribution de cartes de visite n'est pas fautive, quand il s'agit de répondre à un besoin formulé par le client et auquel Facility's ne peut répondre, et qu'en l'espèce, les activités de services d'aide à la personne sont énumérées à l'article D. 7231-1 du Code du travail, et comprennent l'entretien de la maison, les travaux ménagers, les petits travaux de jardinage et les travaux de petit bricolage dits homme toutes mains alors que les travaux paysagers et travaux d'élagage sont exclus des services à la personne et qu'il ressort de l'article L. 722-3 du Code rural que l'élagage fait partie des travaux forestiers, exclus des services à la personne,

- que la société Facility's qui facturait des prestations d'élagage comme des services à la personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude

- que la société Zénitude n'est pas responsable du comportement de M. H. pendant l'exécution de son préavis et que la secrétaire de la société Facility's a elle-même informé des clients que M. J. s'était installé à son compte, étant précisé que l'explication donnée par l'appelante n'a pas de sens car les clients ayant reçu le SMS de M. J. recevaient son nouveau numéro de téléphone portable et n'avaient aucune raison d'appeler le numéro direct de la société Facility's ni de joindre la secrétaire.

Sur l'attestation de débauchage des salariés de la société Facility's, ils soutiennent que seul M. H. est concerné, et qu'il atteste avoir démissionné en raison de ses conditions de travail en son sein et non en raison d'une demande ou proposition de M. J., que la société Facility's a levé la clause de non-concurrence qui figurait dans son contrat de travail et qu'il n'en est pas résulté de désorganisation de la société démontrée, la société Facility's ayant embauché d'autres jardiniers et ayant ouvert une nouvelle société fin 2018.

Sur l'allégation d'appropriation du fichier clients, ils indiquent :

- qu'il ressort du constat d'huissier que les sociétés Zénitude n'étaient pas en possession du fichier client de la société et que c'est la société Facility's qui l'a elle-même produit pour tenter d'asseoir une demande d'interdiction de démarcher ses clients, laquelle serait illégale au regard des principes d'ordre public de libre concurrence,

- que l'envoi du SMS n'est en rien répréhensible et ne constitue pas un acte d'appropriation du fichier client de la société Facility's, alors qu'il n'a ni copié le fichier clients de l'entreprise ni constitué un fichier avec les informations de son téléphone avant de le rendre, outre le fait que ce téléphone ne contenait pas les numéros de tous les clients de la société Facilty's.

Sur le dénigrement allégué, ils indiquent :

- que de nombreux clients attestent qu'ils étaient, de longue date, attachés à M. J. ou qu'ils ont librement choisi de faire appel à ses services notamment du fait de la qualité de son travail, et aucun client n'a rapporté de critique formulée par M. J. à propos de Facility's.

- qu'il ne peut être reproché aux intimés, d'avoir sollicité des attestations pour se défendre et qu'ils ont dû expliquer à leurs clients le procès intenté par la société Facility's pour concurrence déloyale ainsi que les distinctions entre les différents services apportés aux clients.

Ils expliquent encore que le reproche fait à Monsieur J. de pratiquer des prix inférieurs à ceux de Facility's en raison des indemnisations qu'il toucherait au travers de Pôle Emploi n'est pas fondé, que les prix de Zénitude peuvent être supérieurs, égaux ou inférieurs à ceux de la société Facility's selon le type de tâches effectuées et que le fait de vendre un produit à un prix inférieur à ceux pratiqués par une société concurrente ne suffit pas à caractériser une faute.

Sur le préjudice allégué par la société Facility's, ils exposent :

- que la société Facility's fait état d'un chiffre d'affaires de 611 139 € pour 2017 alors qu'en 2014 et en 2015, elle a eu des chiffres d'affaires et des bilans inférieurs (576 020€ en 2014 et 581 911 € en 2015) sans être en perte, que cette perte s'explique par l'augmentation de la masse salariale puisque la société Facility's a embauché 37 salariés en 3 ans de 2017 à 2020, ce qui démontre même s'il s'agit partiellement de contrats à durée déterminée, qu'elle n'est pas en difficulté financière,

- que la société Facility's prétend que les 18 clients soi-disant détournés, qui ne représentent que 5% de clients, généreraient un chiffre d'affaires plus important mais néanmoins, n'allègue pour 2017 qu'une perte de chiffre d'affaire de 32 422,95 €, soit 4,9% du chiffre d'affaires de 2016.

- que le préjudice allégué sur 2018 n'est ni démontré ni fondé et il n'est pas justifié d'un lien de causalité entre les griefs allégués et le préjudice invoqué.

Ils soulignent enfin que la société Facility's qui exerce depuis longtemps, a dans son fichier client presque toutes les personnes intéressées par ce type de service dans la région, et que communiquer son fichier client pour ensuite solliciter de la juridiction qu'elle interdise aux sociétés Zénitude et à M. J. de contracter avec les personnes y figurant, revient à empêcher toute concurrence de la part de ces derniers et est révélatrice de sa mauvaise foi.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 14 mai 2020.

L'audience du 4 juin 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. Un message a été adressé aux parties le 18 mai 2020 leur rappelant qu'en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, la procédure se déroulera sans audience et l'affaire mise en délibéré, sauf opposition de l'une ou l'autre des parties dans un délai de quinze jours. En l'absence d'opposition dans le délai imparti, l'affaire a été mise en délibéré au 20 août 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le principe de liberté du commerce et de l'industrie issu de la loi du 17 mars 1791 implique une libre concurrence et seuls les procédés contraires aux usages loyaux du commerce peuvent donner lieu à indemnisation, parmi lesquels, la concurrence déloyale, qui peut résulter de différents comportements tels le dénigrement, l'imitation ou la confusion, la désorganisation économique.

En application des articles 1240 et 1241 du Code civil, applicables à la cause, il appartient à celui qui invoque des faits de concurrence déloyale de rapporter la preuve d'une faute constitutive d'une déloyauté, du dommage subi et du lien de causalité entre ce dernier et le comportement économique critiqué.

Sur la demande d'irrecevabilité de la demande de la société Facility's à l'encontre de la société Zénitude Paysage et M. J. et leur demande de mise hors de cause,

La société Facility's, a pour activité l'aide à domicile, comprenant le nettoyage de locaux, des vitres, le repassage, le jardinage, le dépannage, le bâtiment, la plomberie, l'électricité, la peinture, la garde d'enfants et le soutien scolaire.

La société Zénitude Services exerce une activité de petits travaux de jardinage, ménage, repassage dans le cadre de services à la personne et la société Zénitude Paysages une activité de jardinier paysagiste, travaux de maçonnerie paysagère.

La société Zénitude Paysage prétend que les demandes à son encontre sont irrecevables au motif qu'elle n'exercerait pas d'activité concurrente. Néanmoins, une situation de concurrence directe ou effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice (cf pour exemple, C. Cass. Com. 3 mai 2016, pourvoi n° 14-24905).

S'agissant de M. J., le fait que sa clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail ait été levée ne rend pas irrecevables les demandes formées par la société Facility's à son encontre puisque la levée d'une telle clause ne fait pas obstacle à ce que des actes de concurrence déloyale puissent être relevés à son encontre, dont l'examen relève d'un examen au fond.

La demande d'irrecevabilité de la société Facility's formée contre la société Zénitude Paysage et M. J. ainsi que leur demande de mise hors de cause doivent être rejetées, par confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société Facility's recevable en ses demandes.

Sur les actes de concurrence déloyale

Il n'est pas contesté que lors du départ de M. J., la société Facility's a choisi de ne pas maintenir la clause de non-concurrence qui figurait dans son contrat de travail et ne pouvait ignorer, ainsi que le tribunal l'a retenu, le risque qu'il exerce une activité concurrente chez un tiers ou à son propre compte.

L'appelante invoque la déloyauté de M. J. qui lui aurait faussement indiqué quitter l'entreprise pour se recycler dans une activité moins pénible physiquement de transport de sang. Elle n'en rapporte toutefois pas la preuve puisque s'il ressort d'un SMS adressé le 12 décembre 2016 pour l'avertir de son absence au travail et de la pièce 39 qu'il rencontrait des problèmes de santé invalidants, le courrier adressé par M. J. à son employeur le 1er décembre 2016 pour solliciter la rupture conventionnelle de son contrat de travail ne mentionne pas les motifs de cette demande et rien ne démontre que le salarié s'était engagé à changer de domaine d'activité, une autre salariée de la société Facility's affirmant même qu'il n'avait caché son désir d'installation à son compte dans le jardinage (pièce 39 produite par les intimés).

La société Facility'se ne peut donc reprocher à M. J. ou aux sociétés Zénitude l'exercice d'une activité concurrentielle, licite en soi, mais doit prouver, pour engager leur responsabilité sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil, les pratiques déloyales des intimés, et le préjudice qui en est résulté pour elle.

Elle invoque le dénigrement commis à son encontre par les intimés, le détournement de clientèle et le débauchage de salariés.

- Sur le dénigrement

Le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur les produits, le travail ou la personne d'un concurrent en répandant une information, peu important qu'elle soit exacte (cf pour exemple, C. Cass Com. 24 septembre 2013, pourvoi n° 12-19790).

En l'espèce, la société Facility's reproche à M. J. d'avoir semé le trouble dans l'esprit des anciens clients de la société Facility's qu'il démarchait, en leur faisant croire ou craindre qu'ils aient bénéficié d'avantage fiscaux indus quand ils étaient clients de cette dernière.

Il n'y a pas lieu de répondre aux développements des deux parties concernant l'exactitude ou l'inexactitude de ces faits, la cour devant uniquement rechercher si la société Facility's établit que M. J. et/ou ses sociétés ont diffusé auprès du public, en l'espèce des clients, une information concernant ces faits.

L'appelante invoque les attestations produites par les intimés en pièces 8 à 11 adverses.

Ces témoins indiquent avoir bénéficié ou vu se réaliser par la société Facility's des travaux d'élagage en hauteur ou des travaux de terrassement, certains précisant que ces travaux avaient été facturés en heures de jardinage (Mme B. pièce 8 : « Facility's est venue faire l'abattage du sapin de 12 mètres sans information de Facility's que cela était 'petit jardinage » ; M. D. pièce 9, : « j'ai été témoin d'un chantier exécuté par les équipes de Facility's. En 2013 (...), j'ai pu constater la réalisation d'un chantier de terrassement à la minipelle, arrachage de souches... » ; M. P. pièce 10 : « j'ai été témoin d'avoir vu les équipes de la société Facility's exécuter des travaux de maçonnerie : pose de pavés, coulage de terrasse... » ; M. M. : « La société Facility's a effectué du terrassement à mon domicile, dallage allée sur 20 m sans que je sois informé que ces travaux ne faisaient pas partie des services à la personne. Malgré tout, une réduction d'impôts a été appliquée »).

Aucun de ces témoins n'indique formellement que c'est M. J. (ou les sociétés Zénitude) qui leur aurait indiqué que les travaux en question ne relevaient pas des services à la personne et qu'ils ne pouvaient bénéficier de déduction fiscale.

Ainsi, indépendamment de la question de savoir si l'information est vraie ou fausse, la cour constate que la société Facility's ne démontre par aucune pièce que M. J. a donné à certains de ses clients une information de nature à jeter le discrédit sur elle.

Les faits de dénigrement allégués ne sont donc pas établis.

- Sur le détournement de clientèle

Une entreprise commerciale ne peut se prévaloir d'aucun droit privatif sur ses clients. Le démarchage de la clientèle d'un concurrent est donc une pratique commerciale licite lorsque le déplacement de clientèle procède d'initiatives spontanées de cette dernière, mais est constitutif d'un acte de concurrence déloyale lorsqu'il s'accompagne de procédés déloyaux. Il en va notamment ainsi en cas de violation d'une clause de non-concurrence ou de démarchage systématique à l'aide de documents internes.

Il est rappelé que la clause de non-concurrence qui figurait dans le contrat de travail de M. J. a été levée lors de son départ.

En conséquence, le fait que deux témoins (pièces 13 et 15 produites par la société Facilitys) indiquent avoir reçu la visite de M. J. qui leur a remis sa carte, pour offre de service de jardinage en juin 2017 pour l'un (pièce 13), 'en 2017 un jour de printemps' pour l'autre, soit après son départ de la société Facility's, n'est pas constitutif d'un démarchage illicite, en l'absence de toute manœuvre accompagnant ce démarchage.

La société Facility's établit par le témoignage de M. J. (sa pièce 6) que M. J., alors qu'il travaillait toujours chez la société Facility's, aurait proposé d'intervenir sans être déclaré pour élaguer un arbre dans sa propriété avec le matériel de son employeur. Il s'agit bien d'un comportement potentiel concurrentiel et déloyal qui concerne toutefois les relations entre un employeur et son salarié ne relevant pas de la juridiction du tribunal de commerce et n'a en outre pas causé de préjudice matériel, M. J. indiquant avoir refusé cette proposition. Il ne sera donc pas retenu de concurrence déloyale sur ce point.

Il ressort du procès-verbal de constat établi le 19 janvier 2018 par Maître D., huissier de justice avec l'aide de M. C., informaticien, à la suite de leur visite ce même jour dans les locaux de les sociétés Zénitude Services et Paysage, sur autorisation donnée par ordonnance du 15 décembre 2017 rendue par le président du tribunal de commerce d'Orléans, d'une part qu'aucun fichier client ni autre document de la société Facility's n'a été retrouvé dans les ordinateurs des sociétés Zénitude, d'autre part que 18 contrats ou factures passés par la société Zénitude Services et 8 contrats ou factures passés par la société Zénitude Paysage concernent des personnes qui étaient des clients de la société Facility's. Il ressort de la liste de ces clients que 7 clients sont communs aux deux sociétés Zénitude, de sorte que 19 clients de la société Facility's, sur un total de 273 clients, ont conclu un ou plusieurs contrats ou prestations avec l'une ou l'autre des deux sociétés Zénitude créées par M. J.

L'appelante verse aux débats un témoignage de l'un de ses clients (M. Q., pièce 7) ainsi rédigée :

« Le mardi 14 février 2017 à 15h07, j'ai reçu le MMS suivant sur mon téléphone portable :

« Bonjour c'est Damien J., je vous envoie ce message de mon nouveau téléphone, alors notez bien ce numéro 0643561344, car mon ancien téléphone a été restitué à mon employeur. A bientôt, Damien »

Je lui renvoie le MMS suivant le 14 février 2017 à 17h42 :

« Bonjour Damien. C'est noté. Est-ce que cela veut dire que vous n'êtes plus chez Facility's ? Et si oui que faites-vous maintenant ? »

Bonne soirée J.J. Q. »

Le jeudi 16 février 2017 à 15h54, j'ai reçu le MMS suivant sur mon téléphone portable :

« Bonjour, M. Q., oui j'ai quitté Facility's. Je suis en cours d'installation dans le même domaine. Je pourrais vous tenir au courant si vous le souhaitez. Merci bonne soirée à vous ».

Ce témoignage n'établit pas de fait de concurrence déloyale à l'encontre de M. J. ou de ses sociétés. En effet, le simple fait d'aviser une clientèle de son départ et de la création d'une nouvelle société, alors que cette clientèle est libre de choisir l'entreprise avec laquelle elle veut travailler n'est pas constitutif d'une faute (cf pour exemple C. Cass com 13 mai 1997 pourvoi n° 95-12578).

Il est exact que dans ses écritures, M. J. qui explique n'avoir aucun autre téléphone portable que celui fourni par son employeur, reconnaît que lorsqu'il a dû rendre son téléphone à la société Facility's, il a le 14 février 2017 par une seule manipulation technique, adressé à tous ses contacts personnels et professionnels le même message ainsi libellé : « Bonjour c'est Damien J., je vous envoie ce message de mon nouveau téléphone, alors notez bien ce numéro 0643561344, car mon ancien téléphone a été restitué à mon employeur. A bientôt, Damien ».

La société Facility's en déduit que M. J. reconnaît ainsi s'être approprié le fichier client de son ancien employeur et avoir adressé aux clients de la société Facility's un message qui par son contenu ambigü, les a conduit à le contacter, en pensant qu'il restait au service de la société Facility's mais avait seulement changé de téléphone.

Le terme de manipulation technique utilisé dans les écritures des intimés ne suffit toutefois pas à établir que M. J. s'est montré déloyal et s'est purement et simplement approprié le fichier clients de son employeur ou a pu le reconstituer. En effet, ainsi qu'il a été dit, le fichier client de la société Facility's qu'elle produit elle-même en pièce 19, n'a pas été retrouvé dans les locaux et les ordinateurs de la société Zénitude. Le contenu du message litigieux a été passé du téléphone personnel de M. J. le jour de son départ effectif de la société Facility's et non de son téléphone professionnel et informe uniquement ses destinataires de son nouveau numéro de téléphone, de sorte qu'il n'a rien de répréhensible dans son contenu. Le fait qu'il ne précise pas que ce dernier quitte son ancien emploi n'est pas en soi ambigü et de nature à tromper les destinataires, et peut s'expliquer par le fait que l'intéressé ainsi qu'il le soutient, le contraire n'étant pas établi, a envoyé le même message également à ses contacts personnels.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le fait de communiquer son nouveau numéro de téléphone, par le SMS susvisé, à des clients de la société Factility's chez lesquels il intervenait lorsqu'il était salarié de cette dernière ne démontrait pas la déloyauté de M. J. et ne caractérisait pas un fait de concurrence déloyale.

En outre, la cour ignore le nombre de clients de la société Facility's qui figuraient sur le téléphone professionnel de M. J. et ont été destinataires du message litigieux. A l'exception de M. Q., qui au vu du constat d'huissier du 19 janvier 2018 ne fait pas partie des clients qui auraient été détournés selon l'appelante de sorte que celle-ci n'a subi aucun préjudice du fait de l'envoi du SMS à ce client, il ne ressort d'aucune pièce que d'autres clients de la société Facility's qui sont effectivement devenus clients des sociétés Zénitude ont reçu ce SMS. Les intimés produisent les témoignages de 13 clients qui n'évoquent pas ce SMS et indiquent pour plusieurs d'entre eux connaître M. J. de très longue date car il habite le même village (Mme F. et M. B. pièces 6, 29) ou l'avoir connu ou retrouvé par hasard, par le bouche à oreille, le voisinage, ou en trouvant une carte de visite chez des commerçants (M. C., M. I., Mme B., M et Mme N., Mme B., M. M., pièces 7, 17, 22, 23, 24, 28).

La société Facility's ne peut en outre sérieusement soutenir que ces témoignages seraient sujets à caution au motif que les conditions générales de vente de la société Facility's interdisent au client sous peine d'une pénalité forfaitaire de 1 000€ d'employer un salarié proposé par Facility's pour effectuer les prestations, ce pendant une durée d'un an à compter de la dernière prestation réalisée par cette dernère alors que ces témoins ont attesté dans les formes prévus par les articles 202 et suivants du Code de procédure civile en sachant donc que faire état de faits matériellement inexacts était puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000€ d'amende.

Il n'est donc pas établi de démarchage 'systématique' par l'envoi du SMS litigieux.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu de fait de concurrence déloyale à ce titre.

Par ailleurs, la société Facility's produit en pièces 10 le témoignage d'un de ses clients M. C., qui ne fait pas partie des clients des sociétés Zénitude, et qui indique que le 5 juin 2017 M. Grégory H., employé de la société Facility's, lors d'une intervention de jardinage, lui a donné la carte professionnelle de Damien J., ancien employé de la même société pour des travaux de jardinage. Un autre client de la société Facility's (M P. pièce 11) atteste qu'un employé de la société Facility's prénommé Grégory à qui il demandait si son employeur pouvait abattre des arbres, lui a répondu par la négative et lui a indiqué qu'un ancien employé prénommé Damien devenu auto-entrepreneur avait pour spécialité l'élagage et l'abattage d'arbres.

La cour observe toutefois que M. H. n'est pas à la cause, que la société Facility's n'allègue pas avoir engagé sa responsabilité, que le témoignage susvisé de M. P. concernait une prestation particulière d'élagage et d'abattage d'arbres ne recoupant pas totalement l'objet social de la société Facility's (« nettoyage de locaux, des vitres, repassage, jardinage, dépannage, bâtiment, plomberie, électricité, peinture, garde d'enfants et soutien scolaire ») et qu'en outre, il ne ressort pas des attestations susvisées ni d'aucune autre pièce, qu'en remettant des cartes de visite ou en conseillant les services de M. J., M. H. aurait agi à la demande de ce dernier afin de démarcher de nouveaux clients pour l'exercice d'une activité concurrente.

De même, le SMS adressé par M. Loïc R. à la société Facility's qui a visiblement un différend avec cette dernière et indique « vraiment dommage que vous n'ayez pas voulu savoir pourquoi les cartes de Damien étaient dans le véhicule surtout que j'ai volontairement laissé ces cartes », ce qui sous-entend qu'il a agi par vengeance ou ressentiment à l'égard de son employeur et non à la demande de M. J., n'est aucunement probant d'une faute imputable à ce dernier.

C'est donc sans en rapporter la preuve que la société Facility's soutient que M. J. a 'utilisé les services d'un employé pour distribuer sa carte de visite professionnelle aux clients de cette dernière afin de proposer des activités relevant de services à la personne à des prix plus attractifs.

En l'absence de faute démontrée de la part de M. J. sur ce point, il ne peut lui être reproché d'acte de concurrence déloyale à ce titre.

Enfin, le fait que les sociétés Zénitude pratiquent le cas échéant des prix inférieurs à ceux de Facility's ce qui n'est d'ailleurs pas établi et est contesté par les intimés, n'est au surplus et à lui seul pas constitutif d'une faute, au regard du principe de la libre concurrence.

- Sur le débauchage

Il n'est pas contesté que M. H., salarié de la société Facility's, a démissionné le 9 octobre 2017 et a effectué deux mois de préavis, en étant libéré de sa clause de non-concurrence. Il a ensuite été embauché le 12 décembre 2017 par la société Zénitude Services et le 1er mars 2018 par la société Zénitude Paysage.

M. H. atteste avoir démissionné de la société Facility's « au vu des conditions de travail ne me convenant pas, le dialogue avec Mlle D. supérieure hiérarchique donneur d'ordre étant non constructif depuis de nombreuses années ». (Pièce 19 produite par les intimés)

Par ailleurs, la société Facility's comptait au 1er janvier 2017 24 salariés dont 6 jardiniers, M. J. et M. H. compris (sa pièce 33) et elle ne produit aucune pièce de nature à établir que le départ en décembre 2017 de M. H. l'a désorganisée. Il ressort au contraire de son registre du personnel (sa pièce 60) qu'elle a embauché un jardiner le 6 juin 2017, un chef d'équipe jardinier le 13 novembre 2017 et un autre jardinier le 2 janvier 2018.

Enfin, la société Facility's évoque une « déstabilisation de l'entreprise et de son personnel », liée au fait que des salariés encore en poste, M. H. et M. R., ont distribué des cartes de visite des sociétés de M. J. Néanmoins, ainsi qu'il a été dit, cette déstabilisation, à la supposer effectivement établie, ce qui ne ressort d'aucune pièce, ne peut être imputée à M. J. faute de preuve que ce dernier ait été l'instigateur de ces remises de cartes et qu'elles aient porté sur une activité concurrente de services à la personne.

Dès lors que la société Facility's a accepté de lever la clause de non concurrence se trouvant dans le contrat de M. H., ne produit aucune pièce de nature à démontrer que le motif donné par ce dernier pour expliquer sa démission était erroné, et à établir un acte positif de débauchage de la part de M. J. ou de ses sociétés, et qu'enfin, elle n'établit aucune désorganisation de son entreprise, il n'est démontré aucune faute à l'encontre des intimés dans le cadre de l'embauche de M. H. par les sociétés Zénitude.

En l'absence de fait fautif de concurrence déloyale pouvant être reproché à M. J. ou aux sociétés Zénitude, il n'y a pas lieu de rechercher si la société Facility's a subi un préjudice et celle-ci doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral par confirmation du jugement.

Sur les autres demandes

L'appelante a volontairement versé aux débats son fichier client en invoquant des raisons probatoires. Pour autant, il ne peut être fait interdiction aux intimés sous peine d'astreinte, ainsi qu'elle le sollicite, de leur interdire de démarcher directement ou indirectement ses clients, ce qui serait contraire au principe de la liberté du commerce.

En l'absence de fait de concurrence déloyale retenu contre les intimés, la demande de publication dans le journal La République du centre sera aussi rejetée.

L'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas en soi constitutive d'une faute. Il n'y a pas lieu de retenir de mauvaise foi ou de malice à l'encontre de la société Facility's et la demande de dommages et intérêts formée par M. J. et les sociétés Zénitude Services et Zénitude Paysage seront rejetées, le jugement étant confirmé de ce chef et en toutes ses autres dispositions.

La société Facility's succombant en ses demandes, les dépens exposés devant la cour seront mis à sa charge et elle versera aux intimés pris ensemble la somme de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Rejette la demande d'irrecevabilité formée par la société Facility's à l'encontre de la société Zénitude Paysage et M. J. et leur demande de mise hors de cause ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne la société Facility's à verser à M. Damien J., à la société Zénitude Services et la société Zénitude Paysage pris ensemble, la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Facility's aux dépens.