CA Orléans, ch. com. économique et financière, 27 août 2020, n° 19/02072
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Checy Caravanes (SARL), Trigano VDL (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Caillard
Conseillers :
Mme Chenot, Mme Michel
EXPOSE DU LITIGE :
Le 2 novembre 2016, M. Josué M. a acquis auprès de la SARL Chécy Caravanes (Chécy), au prix TTC de 33 000 euros dont a été déduite une somme de 10 800 euros pour la reprise d'un véhicule d'occasion Fendt, une caravane neuve de type Sublim S 610.
La société Chécy avait elle-même fait l'acquisition de cette caravane le 21 octobre 2016 auprès de la société Trigano VDL (Trigano), au prix de 26 376 euros.
Exposant avoir rapidement constaté certains désordres sur la caravane et les avoir signalés à sa venderesse par courriels, entre le 25 novembre 2016 et le 2 janvier 2017, puis par un courrier recommandé du 18 janvier 2017 ensuite duquel la société Chécy lui a indiqué solliciter les instructions de son fournisseur, M. M. a fait procéder, par l'entremise de son assureur de protection juridique, à une expertise amiable de la caravane.
Le technicien a organisé une réunion contradictoire le 2 mai 2017, relevé une série de désordres, mais n'est pas parvenu à concilier les parties.
M. M. a alors fait assigner la société Chécy devant le tribunal de commerce d'Orléans par acte du 4 octobre 2017, aux fins d'entendre condamner sa venderesse à procéder au remplacement de la caravane litigieuse par une caravane neuve du même type, en sollicitant subsidiairement la résolution de la vente et en toute hypothèse la réparation de son préjudice de jouissance évalué à 5 000 euros.
La société Chécy a appelé la société Trigano en garantie par acte du 8 février 2018 et par jugement du 20 décembre suivant, le tribunal a :
-débouté M. M. de ses demandes
-rejeté la demande d'expertise [formulée à titre subsidiaire par la société Chécy]
-ordonné le dépôt de la caravane par M. M., à ses frais, dans les locaux de la société Chécy dans le mois de la signification du jugement
-ordonné les réparations de la caravane par la société Trigano, suivant les conditions de la garantie contractuelle, une fois celle-ci livrée dans son usine
-condamné M. M. à payer à chacune de la société Chécy et de la société Trigano une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile
-condamné M. M. aux dépens
Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont d'abord relevé des contradictions entre les désordres constatés par l'expert amiable et ceux relevés un an plus tard par huissier de justice puis, s'estimant suffisamment informés, ont considéré qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner une expertise judiciaire, que les désordres évoqués n'étaient pas suffisamment importants pour justifier un remplacement de la caravane ou la résolution de la vente et ont ordonné sa réparation dans le cadre de la garantie contractuelle de la société Trigano, en rappelant que cette dernière avait amiablement proposé de reprendre les désordres par un courriel du 22 juin 2017.
M. M. a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 18 juin 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 avril 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, M. M. demande à la cour, au visa des articles L. 211-4, L. 211-7 et L. 211-9 du Code de la consommation, de :
-réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
-condamner la SARL Chécy à procéder au remplacement de la caravane endommagée par une caravane neuve du même type ou à défaut prononcer la résolution de la vente, à charge pour lui de restituer le bien et à charge pour la SARL Chécy de restituer le prix d'achat, soit la somme de 33 000 euros, étant précisé que la société Chécy devra, à ses frais exclusifs, venir chercher la caravane et lui en livrer une nouvelle à son domicile
-condamner la société Chécy à lui verser une somme de 7 000 euros à titre de préjudice de jouissance
-condamner la société Chécy à lui verser la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
-débouter la société Chécy de sa demande fondée sur l'article 700, ainsi que de toutes ses autres demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires
-condamner la société Chécy aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP T., avocat
Au soutien de son appel, M. M. commence par souligner que les sociétés Chécy et Trigano ont été régulièrement convoquées aux opérations d'expertise amiable, qui sont donc contradictoires à leur égard même si elles ont fait le choix de ne pas y assister, que cette expertise établit la réalité et l'ampleur des désordres affectant la caravane litigieuse, en précisant que le constat qu'il a fait dresser par huissier de justice le 12 juin 2018 a révélé d'autres désordres et montré que, contrairement à ce que suggéraient ses adversaires, il n'a fait aucun usage particulier de l'engin, et ne l'a notamment pas habité puisque l'huissier a pu constater qu'elle était dans un état neuf.
M. M. explique ensuite que contrairement à ce que soutient la société Chécy, il n'a pas refusé d'exécuter la décision de première instance en déposant sa caravane pour réparation, mais que son conseil a vainement adressé à l'intéressée, en mai et juin 2019, trois courriers par lesquels il demandait à quelle date il pouvait déposer le véhicule et que ces courriers étant restés sans réponse, il a interjeté appel.
Faisant valoir que les désordres en cause constituent des défauts de conformité au sens de l'article L. 211-4 du Code de la consommation, que certains existaient au moment de la délivrance et que d'autres ne sont apparus que postérieurement, mais dans le délai de vingt-quatre mois de l'article L. 211-7 faisant présumer qu'ils existaient au moment de la délivrance, M. M., qui assure que la caravane litigieuse n'est pas utilisable et n'a d'ailleurs pas été utilisée depuis son achat, si ce n'est pour les besoins de son expertise à Mulhouse, soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les désordres étaient mineurs et sollicite en conséquence le remplacement du véhicule ou la résolution de la vente.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 avril 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Chécy demande à la cour de :
-débouter M. M. de toutes ses demandes fins et conclusions
-confirmer le jugement du tribunal de commerce du 20 décembre 2018 en ce qu'il déboute M. M. de ses demandes et le condamne aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-Pour le surplus, si la cour confirme la prise en charge des réparations, ordonner à M. M. de rapporter cette caravane directement dans les locaux de la société Trigano
A titre subsidiaire, si la cour retient la responsabilité de la société Chécy et quel que soit le fondement retenu :
-condamner la société Trigano à la garantir du paiement de toutes les sommes mises à sa charge au profit de M. M., quelle qu'en soit la nature, en ce compris l'article 700 et les dépens
-débouter la société Trigano de toutes ses demandes plus amples ou contraires
-condamner la partie défaillante à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens
La société Chécy commence par faire valoir que l'appelant a pris livraison de la caravane sans réserve, s'est plaint de désordres pour la première fois par courrier du 18 janvier 2017 et qu'après l'expertise, selon elle non contradictoire, réalisée par l'intermédiaire de l'assureur de protection juridique de M. M., la société Trigano avait programmé un retour de la caravane dans ses ateliers le 6 juin 2017, ce dont elle avait informé son client en pensant les difficultés réglées.
La société Chécy explique ensuite que, préférant obtenir une caravane neuve, M. M. a refusé cette solution, y compris après la décision rendue par les juges de première instance.
Soulignant que les articles du Code de la consommation dont se prévaut M. M. sont abrogés, et que ce dernier ne peut en toute hypothèse revendiquer le bénéfice de la présomption instituée par le nouvel article L. 217-7 du Code de la consommation sans démontrer au préalable que les désordres allégués constitueraient des défauts de conformité, ce qui n'est selon elle nullement établi par l'expertise et les constats non contradictoires produits aux débats, la société Chécy, qui relève que si les désordres allégués étaient confirmés, ils ne constitueraient de toute façon pas des défauts de conformité, mais « un vice interne » de la chose pour certains, et des dégradations liées au mauvais usage de la caravane pour d'autres, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. M. de ses demandes.
Subsidiairement, excipant des dispositions de l'article L. 217-9 du Code de la consommation, la société Checy soutient que l'appelant, qui ne justifie d'aucun préjudice, ne peut exiger le remplacement de la caravane alors que le fabricant propose de la réparer et que le coût des réparations sera largement inférieur au prix du bien.
A titre plus subsidiaire encore, la société Chécy rappelle qu'elle n'est que la venderesse de cette caravane et demande à la cour, dans l'hypothèse où elle retiendrait l'existence d'un défaut de conformité ou d'un vice caché, de condamner son fournisseur à la garantir intégralement, sans préciser le fondement de sa demande de garantie, en indiquant simplement que la société Trigano qui a construit la caravane en cause ne pourrait contester sa propre responsabilité si un manquement à l'obligation de délivrance ou un vice caché étaient retenus.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 avril 2020, auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Trigano demande à la cour, au visa des articles L. 217-1 et suivants du Code de la consommation, de :
-confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résolution de la vente et débouté M. M. de sa demande indemnitaire
-infirmer le jugement en ce qu'il a :
>ordonné les réparations de la caravane par la société Trigano suivant les conditions de la garantie contractuelle une fois celle-ci livrée dans son usine
>débouté la société Trigano de toutes ses autres demandes
Statuant de nouveau :
A titre principal :
-débouter M. M. de toutes ses demandes
-débouter la société Chécy de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Trigano
-condamner M. M. ou toute partie succombante à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel
A titre infiniment subsidiaire :
-débouter la société Chécy de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Trigano
-lui donner acte qu'elle accepte de procéder aux vérifications et si besoin aux réparations suivantes de la caravane, dans les limites de la garantie contractuelle, une fois la caravane transportée dans les usines de Trigano VDL après avoir été déposée chez Chécy caravanes aux frais de M. M. :
-bouclier supérieur arrondi de toit : vérification de la fissure invoquée à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-garniture chrome de volet avant : vérification du décollement invoqué à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-serrure de tiroir supérieur de cuisine : vérification de la casse invoquée à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-glissière gauche de tiroir : vérification du blocage invoqué à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-chrome des poignées : vérification de la détérioration invoquée à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-réfrigérateur : vérification de l'humidité invoquée à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-housse d'habillage d'assise de coussin d'angle : vérification du mauvais état invoqué à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-roulette du pied de table : vérification du décrochage invoqué à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-baguettes enjoliveuses de la porte coulissante permettant l'accès à la chambre : vérification du décollement invoqué et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-coutures du matelas : vérification de la dégradation invoquée dès réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-bac à douche : vérification de la fissure invoquée dès réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-robinet de douche : vérification du défaut d'étanchéité invoqué à réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-pavillon à l'arrière de la climatisation : vérification de l'affaissement invoqué dès réception de la caravane et intervention si besoin dans les limites de la garantie contractuelle
-condamner M. M. ou toute partie succombante à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel
La société Trigano commence par faire valoir que la caravane litigieuse ne présente aucun défaut de conformité au sens de la garantie prévue à l'article L. 217-4 du Code de la consommation et que, parmi les désordres constatés lors de l'expertise amiable, ceux qui concernent des éléments cassés ou fissurés, qui auraient été signalés à la livraison s'ils avaient existé, ne peuvent provenir que d'un mauvais usage de la caravane ou du non-respect des préconisations d'entretien. Soulignant que l'expertise amiable ne contient aucune indication sur l'origine des désordres, et relevant qu'il existe des contradictions entre le constat du technicien et celui de l'huissier de justice, qui n'a d'ailleurs pas relevé le numéro de châssis du véhicule, de sorte qu'il n'est pas établi que son constat porte effectivement sur la caravane objet du litige, la société Trigano en déduit que les demandes de M. M. ne pourront qu'être rejetées et, par voie de son conséquence, l'appel en garantie de la société Chécy.
L'intimée ajoute que les premiers juges ne pouvaient à la fois retenir que la caravane ne présentait pas de défaut de conformité et la condamner, sur le fondement de l'article L. 217-9 du Code de la consommation qui ne s'applique que dans l'hypothèse d'un défaut de conformité avéré, à procéder à des réparations, en précisant qu'en dépit de ses propositions, M. M. n'a de toute façon jamais déposé sa caravane pour réparation en exécution du jugement critiqué.
A titre subsidiaire, pour le cas où la cour retiendrait l'existence de défauts de conformité, la société Trigano s'oppose au remplacement de la caravane, d'un coût disproportionné à sa réparation au sens de l'article L. 217-9 précité et, expliquant que M. M. n'a jamais validé la liste des travaux à effectuer en exécution du jugement entrepris, demande à la cour d'infirmer la disposition imprécise du jugement, qui empêche son exécution, et de lui donner acte des vérifications et, le cas échéant, des réparations auxquelles elle accepte de procéder dans les limites de sa garantie contractuelle.
La société Trigano s'oppose enfin à la demande indemnitaire de M. M., qu'elle considère infondée dans son principe comme dans son quantum, en rappelant que dès 2017, elle avait proposé de procéder à des vérifications et le cas échéant à des réparations dans son usine.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2020, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 14 mai suivant.
Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, prorogé par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, l'audience du 14 mai 2020 n'a pu être tenue mais, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, sans opposition des parties, toutes représentées, dans les quinze jours du courrier qui leur a été adressé le 7 avril 2020 pour les aviser que la cour envisageait que la procédure se déroule sans audience, l'affaire a été mise en délibéré au 27 août 2020.
SUR CE, LA COUR :
La cour relève à titre liminaire que les premiers juges n'ont pas ordonné la réparation de la caravane en application de l'article L. 217-9 du Code de la consommation, c'est-à-dire sur le fondement de la garantie légale de conformité, mais en application de la garantie contractuelle du constructeur.
La cour observe par ailleurs que les demandes de « donner acte », qui ne renferment aucune prétention visant à la reconnaissance d'un droit, ne constituent pas des demandes sur lesquelles elle doit statuer en application des articles 4, 5 et 954 du Code de procédure civile, étant précisé que même à entendre la demande de donner acte de la société Trigano comme une offre subsidiaire de réparation, M. M. n'a pas accepté cette offre, fût-ce à titre subsidiaire, et que la garantie contractuelle à laquelle il est fait référence n'a été produite aux débats par aucune des parties.
Ces observations faites, il convient de commencer par examiner les demandes principales de M. M.
Les ventes conclues entre professionnels et consommateurs relèvent de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat dû par le vendeur au consommateur, qui a transposé la directive n° 1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation et a inséré au Code de la consommation les articles L. 211-1 à L. 211-18 devenus L. 217-1 à L. 217-16 du Code de la consommation, relatifs à la garantie légale de conformité.
Deux systèmes de protection de l'acheteur cohabitent désormais : celui, dérivé du droit européen et intégré dans le Code de la consommation, à l'usage des seules relations entre vendeurs professionnels et acheteurs-consommateurs, comme celles entre la société Chécy et M. M., et celui du Code civil applicable à tous les rapports contractuels (articles 1604 et suivants et 1641 et suivants).
S'agissant du premier système, qui est celui dont se prévaut M. M., l'article L. 217-4 du Code de la consommation dispose que le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Contrairement à ce que suggère la société Chécy, cette notion de conformité ne rejoint pas totalement celle entendue dans la délivrance conforme du Code civil, laquelle se distingue elle-même du concept de vice caché. Le défaut de conformité évoqué à l'article L. 217-4 regroupe en réalité les notions traditionnelles de vice caché et de manquement à l'obligation de délivrance. La garantie légale de conformité, non seulement s'ajoute aux actions en responsabilité et à la garantie des vices cachés du Code civil, mais repose sur une vision élargie de la conformité, imposant que la chose non seulement corresponde aux spécifications convenues (obligation de délivrance) mais aussi soit apte à l'usage auquel elle est normalement destinée (absence de vices cachés).
Dans cette conception unitaire, le bien vendu doit satisfaire à plusieurs conditions énoncées à l'article L. 217-5 du Code de la consommation. Pour être conforme au contrat, il doit notamment, en application du paragraphe 1° de ce texte, être propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable.
Au cas particulier, six mois après la vente, lors des opérations d'expertise du 2 mai 2017 à laquelle la société Trigano et la société Chécy, toutes deux convoquées, ont demandé que leur absence soit excusée en expliquant qu'un retour de la caravane était prévu début juin en usine pour réparation, le technicien a constaté, de manière contradictoire puisque les intimées avaient été régulièrement conviées, les désordres suivants :
-attache de vérin de coffre avant droit cassée
-collier de la roue jockey cassé
-bouclier supérieur arrondi de toit fissuré
-garniture chrome de volet avant décollée
-catadioptres avant manquants
-serrure du tiroir supérieur de la cuisine cassée
-glissière gauche de tiroir bloquée
-chrome des poignées détérioré
-présence d'humidité dans le réfrigérateur
-housse d'habillage d'assise d'angle détendue
-mauvaise accroche de la roulette du pied de table
-baguettes enjoliveuses décollées sur la porte coulissante permettant l'accès à la chambre
-coutures du matelas dégradées
-bac de douche fissuré
-défaut d'étanchéité du robinet de douche
-pavillon affaissé à l'arrière de la climatisation
Le technicien a transmis son procès-verbal de constat à la société Trigano, en précisant que M. M. avait signalé, sans qu'il ait pu lui-même le vérifier, un défaut de capacité en eau chaude, puis a vainement cherché à concilier les parties en expliquant que compte tenu du temps d'immobilisation que nécessiteraient les réparations sur le pavillon de la caravane, M. M. lui apparaissait légitimement pouvoir s'opposer aux réparations proposées par la société Trigano et préférer la résolution pure et simple de la vente.
Le 17 octobre 2017, soit environ cinq mois après les opérations d'expertise amiable, M. M. a chargé un huissier de justice de dresser le constat des « nouveaux désordres intervenus depuis les opérations d'expertise ». L'huissier qui, certes, n'a pas relevé le numéro de châssis du véhicule sur lequel il a procédé à ses constatations, a constaté, extérieurement, que la partie supérieure du coffre avant était cassée, qu'à l'intérieur du coffre, le vérin gauche était complètement descellé, qu'une pièce soudée avait été rapportée pour fixer la roue dite « jokey », que des câbles électriques sortaient de la partie basse de l'arrière de la caravane et que, la béquille enlevée, le bas de caisse de la caravane ne se trouvait qu'à 24 cm du sol. A l'intérieur de la caravane normalement reliée au réseau électrique, l'huissier a constaté que certains interrupteurs ne fonctionnaient pas, que le réfrigérateur ne fonctionnait pas non plus, que la table escamotable ne tenait pas sur sa tige, qu'enfin la climatisation ne fonctionnait pas et que, selon les déclarations de M. et Mme M., la climatisation était fuyarde.
Le 12 juin 2018 enfin, M. M. a fait constater par huissier de justice que la caravane litigieuse était stationnée à proximité d'une maison d'habitation normalement aménagée et équipée, dans laquelle il a expliqué résider avec son épouse et leurs trois enfants qui, tous, se trouvaient alors dans les lieux.
A cette occasion, l'huissier a constaté que la caravane avait un aspect neuf, qu'elle ne lui semblait pas avoir été utilisée et que, raccordée à l'eau, le lavabo de la chambre fuyait immédiatement à grandes eaux.
La société Chécy ne peut soutenir, au seul motif que dans son constat du 12 juin 2018, l'huissier a indiqué que la caravane était en parfait état, que cette constatation suffirait à contredire les constatations de l'expert amiable, alors qu'il ressort clairement du procès-verbal de l'huissier que M. M. l'avait chargé de venir constater qu'il n'utilisait ni n'habitait la caravane, et ce pour répondre aux critiques des intimées, sans grand emport dès lors qu'une caravane est précisément destinée à circuler et loger ceux qui la possèdent.
Les éléments produits par M. M. établissent que la caravane objet du litige présentait moins de six mois après sa livraison une série de défauts, dont certains ne peuvent être qualifiés de mineurs et dont le nombre, au surplus, permet de retenir que la caravane, acquise neuve au prix de 33 000 euros, ne présente pas les qualités que son acquéreur pouvait légitimement en attendre.
Selon l'article L. 217-7 du Code de la consommation, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la vente, sauf preuve contraire. Dès lors que M. M. établit que la caravane litigieuse ne présente pas les qualités qu'il pouvait légitimement en attendre, c'est à la société Chécy qu'il revient de renverser la présomption de l'article L. 217-7, qui est une présomption simple, et non à l'appelant de démontrer que les défauts en cause ne sont pas dus à un mauvais usage du bien ou à des dégradations qui puissent lui être imputées.
La cour observe que, contrairement aux affirmations de M. M., la caravane a été utilisée, puisqu'au jour des opérations d'expertise amiable, ses pneumatiques présentaient des traces d'usure de 10'% et que le véhicule ne se trouvait pas à proximité d'Angoulême, lieu de domicile de l'appelant, mais dans l'est de la France. L'usage de cette caravane n'a assurément rien de fautif en soi, puisqu'il s'agit de sa destination normale, mais les intimées relèvent à raison, même si elles ne le prouvent pas, qu'un certain nombre de défauts constatés par l'expert amiable, notamment les bris, les fissures et les cassures, peuvent provenir aussi bien d'un mauvais usage ou d'un mauvais entretien que d'un défaut de conception ou de fabrication.
Dans ces circonstances, étant observé au surplus qu'aucun élément du dossier ne permet d'évaluer le coût de réparation des défauts litigieux ni la durée de leur réparation, pourtant déterminants dans l'appréciation des éventuels remèdes à apporter, compte tenu des prévisions des articles L. 217-9 et L. 217-10 du Code de la consommation, il convient, avant dire droit, d'ordonner une expertise en application de l'article 143 du Code de procédure civile.
Cette mesure d'instruction sera ordonnée aux frais avancés de la société Chécy, qui y a seule intérêt compte tenu de la présomption instaurée par l'article L. 217-7 précité.
Par ces motifs : LA COUR, Ordonne avant dire droit une expertise, et désigne pour y procéder, sous le contrôle de C. Caillard, présidente de cette chambre chargée du contrôle des expertises, M. Eddy B., inscrit sur la liste des experts judiciaires près la Cour d'appel de Bordeaux, exerçant à Agris (16100), « Les Martonnauds », lequel aura pour mission de : 1°/ Réunir contradictoirement les parties, recueillir leurs explications et se faire remettre tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission ; 2°/ Se rendre au domicile de M. Josué M., [...] pour y examiner la caravane Sublim S 610 (n° de série VFGS6100PH0H46560) ; 3°/ Examiner et décrire les désordres allégués par M. Josué M. ; 4°/ Préciser la cause de ces désordres en indiquant leur date d'apparition, leur origine, puis en précisant s'ils peuvent ou non être imputés de manière certaine à un mauvais usage ou à un défaut d'entretien de la caravane ; 5°/ Dire si les défauts constatés étaient apparents lors de la livraison de la caravane, si l'acheteur pouvait les ignorer lorsqu'il en a fait l'acquisition en précisant si le vendeur (la société Chécy Caravnes), lui, aurait pu se convaincre de ces défauts ; 6°/ Proposer les moyens de remédier aux désordres constatés, chiffrer le coût des réparations et préciser la durée de leur mise en œuvre ; 7°/ Fournir tous éléments d'appréciation du préjudice éventuellement subi par M. M. du fait des désordres constatés ; Rappelle qu'en application de l'article 278 du Code de procédure civile, l'expert pourra, en tant que de besoin, prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, dans une spécialité distincte de la sienne, à charge pour lui de joindre à son mémoire de frais et honoraires celui de son homologue ; Dit que l'expert devra communiquer un projet de son rapport aux parties en leur impartissant un délai de trois semaines pour émettre tout dire écrit le cas échéant ; Dit que l'expert devra communiquer aux parties et déposer au greffe de cette cour son rapport définitif comportant réponse aux dires éventuels avant le 31 décembre 2020 ; Dit que la société Chécy Caravanes devra consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la Cour d'appel d'Orléans une provision de 1 500 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce avant le 30 septembre 2020 ; Rappelle qu'en application des dispositions de l'article 271 du Code de procédure civile, à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l'expert sera caduque, à moins que la partie à laquelle incombe la consignation n'obtienne judiciairement la prorogation du délai de consignation, ou le relevé de caducité ; Dit que si le coût prévisible de l'expertise s'avère nettement plus élevé que la provision fixée, l'expert devra communiquer au magistrat chargé du suivi de l'expertise ainsi qu'aux parties une évaluation de ses frais et honoraires en sollicitant au besoin la consignation d'une provision complémentaire ; Dit qu'après dépôt du rapport d'expertise, l'affaire sera appelée à la première conférence utile de mise en état pour fixation d'un nouveau calendrier de procédure ; Sursoit à statuer sur les dispositions critiquées du jugement entrepris et sur les demandes formulées en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Reserve les dépens.