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Décisions

CA Orléans, ch. com. économique et financière, 27 août 2020, n° 17/00168

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Le Fournil Blésois (SARL)

Défendeur :

CS Distri (SASU), Mega Glaukoupis Metis (SCS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Caillard

Conseillers :

Mme Chenot, Mme Michel

T. com. Blois, 9 déc. 2016

9 décembre 2016

EXPOSE DU LITIGE :

Le 29 mai 2015, la société Le Fournil Blésois a commandé à la société CS Distri, qui exerce sous la dénomination commerciale « La Baguette du coin », un distributeur de pain automatisé moyennant le prix total de 8 890 euros comprenant des frais de port de 250 euros.

La livraison est intervenue le 17 août 2015.

La société CS Distri a cédé sa créance à la société Mega Glaukoupis Metis (MGM CE) le 21 novembre 2015.

Cette cession a été signifiée le 26 novembre suivant à la société Le Fournil Blésois qui, par courrier recommandé du 11 décembre 2015, a informé la cessionnaire que la créance cédée correspondait au solde d'une facture qu'elle n'entendait pas régler sans obtenir la réparation du distributeur de pain en panne depuis le 29 août 2015 et l'indemnisation du manque à gagner résultant de cette panne.

Par requête en date du 8 janvier 2016, la société MGM CE a saisi le président du Tribunal de commerce de Blois qui, par ordonnance du 13 janvier suivant, a fait injonction à la société Le Fournil Blésois de payer à la société MGM CE la somme principale de 2 317,68 euros pour solde de facture impayée, outre 478,69 euros au titre des frais d'huissier et 164,67 euros d'intérêts.

La société Le Fournil Blésois a formé opposition à cette ordonnance, appelé à la cause son vendeur, la société CS Distri et, en expliquant que le distributeur était tombé en panne une semaine après sa livraison, a sollicité avant dire droit l'organisation d'une expertise à laquelle les sociétés CS Distri et MGM CE se sont opposées en demandant chacune la condamnation de la société Le Fournil Blésois à leur régler une indemnité de procédure en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 9 décembre 2016, le Tribunal de commerce de Blois a :

-ordonné la jonction des deux instances

-reçu la société Le Fournil Blésois en son opposition et, statuant à nouveau et mettant à néant l'ordonnance d'injonction de payer :

-déclaré mal fondée la demande d'expertise de la société Le Fournil Blésois

-condamné la société Le Fournil Blésois à verser à chacune de la société CS Distri et MGM CE la somme de 1 000 euros au de l'article 700 du Code de procédure civile

-condamné la société Le Fournil Blésois aux entiers dépens, en ce compris les frais d'injonction de payer

La société Le Fournil Blésois a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 12 janvier 2017.

La société CS Distri a été placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Blois en date du 8 septembre 2017 et Maître B., désigné liquidateur, a été appelé à la cause par l'appelante le 14 novembre suivant.

La société Le fournil Blésois a déclaré le 31 octobre 2017 une créance de 15 072 euros au passif de la société CS Distri (6 572 euros au titre de la résolution du contrat, 5 000 euros à titre de dommages et intérêts outre 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile).

La société MGM CE indique avoir déclaré de son côté, le 10 novembre 2017, une créance de 5 317,68 euros, dont 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par arrêt réputé contradictoire auquel il convient de se référer pour plus ample exposé du litige, rendu le 27 septembre 2018 après avoir invité les parties à s'expliquer, au moyen d'une note en délibéré, sur la recevabilité des demandes en résolution du contrat et en indemnisation d'un préjudice matériel formées pour la première fois en cause d'appel, la cour a :

-déclaré l'appel recevable,

-déclaré irrecevables les demandes [de la société Le Fournil Blésois] tendant au prononcé de la résolution du contrat et au versement de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte financière résultant du non-fonctionnement du distributeur

-déclaré irrecevable la demande [de la société Le fournil Blésois] tendant à l'infirmation du chef de décision ayant ordonné la jonction des deux procédures

-infirmé la décision déférée en ce qu'elle a refusé de faire droit à la demande tendant à l'organisation d'une expertise

Statuant à nouveau de ce seul chef :

-ordonné avant dire droit une expertise aux frais avancés de la société Le Fournils Blésois et désigné pour y procéder M. Joël M. avec mission, après avoir entendu les parties et s'être fait remettre tous documents utiles, d'examiner l'appareil de distribution de pains litigieux, de vérifier son bon fonctionnement, de rechercher les causes d'éventuels dysfonctionnements, de décrire les moyens d'y remédier et de chiffrer le coût des éventuelles réparations

-sursis à statuer sur les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

L'expert a déposé son rapport le 13 février 2019. Il y indique que la cinématique du distributeur est cassée, que les casiers sont détachés de leur chaine d'entrainement, qu'il n'a pas été possible de mettre en œuvre la caméra de surveillance, puis explique que les dysfonctionnements constatés proviennent d'un défaut de conception de l'appareil dont la réalisation, qui « laisse à désirer » selon l'expression du technicien, ne permet pas d'assurer la fiabilité normalement attendue d'un dispositif destiné à l'utilisation du public. L'expert ajoute que faute de certificat CE, l'appareil est inexploitable en l'état et que sa réparation et sa mise en conformité aux normes CE, notamment aux normes d'hygiène qui ne sont pas respectées puisque le fond de la machine est trop difficile d'accès pour être régulièrement nettoyé, excèderont la valeur du distributeur.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 avril 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Le Fournil Blésois demande à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris du 9 décembre 2016 en ses dispositions qui n'ont pas été tranchées par l'arrêt du 27 septembre 2018,

Statuant à nouveau,

-constater que la société CS Distri a manqué à son obligation de délivrance

-débouter la société MGM CE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

-condamner la société MGM CE à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

-fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société CS Distri à la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

-condamner solidairement Maître B., ès qualités de mandataire liquidateur de la société CS Distri, et la société MGM CE, aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du rapport d'expertise du 12 février 2019 et le coût des procès-verbaux de constat des 9 octobre 2015 et 2 mars 2017.

L'appelante commence par rappeler que dès août 2015, le distributeur est tombé en panne et que la retranscription, selon procès-verbal de constat du 2 mars 2017, de ses conversations avec le gérant de la société CS Distri, établit que cette dernière ne contestait pas le dysfonctionnement et avait commandé une pièce susceptible d'y remédier, mais avait conditionné la réparation de l'appareil au règlement du solde de la facture puis a cessé de lui donner des nouvelles.

La société Le fournil Blésois fait valoir ensuite qu'elle peut opposer au cessionnaire les exceptions qu'elle pouvait opposer au cédant et, se fondant sur les articles 1603, 1604 et 1219 du Code civil, soutient qu'il est établi par l'expertise que la société DS Distri a manqué à son obligation de délivrance, ce dont elle déduit qu'elle peut opposer une exception d'inexécution à la société MGM CE pour refuser de régler le solde du prix.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 mars 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société MGM CE demande à la cour, au visa des articles 246 du Code de procédure civile et 1650 et suivants du Code civil, de :

-débouter la société Le Fournil Blésois de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

-condamner la société Le Fournil Blésois à lui payer la somme de 2 317,68 euros en principal plus les intérêts et accessoires, dont les frais d'huissier

-dire n'y avoir lieu à entérinement du rapport d'expertise judiciaire de M. M., au regard des critiques objectives formulées à l'encontre de ce rapport comportant de sérieuses lacunes et insuffisances, et le cas échéant ordonner une nouvelle expertise judiciaire

-fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société CS Distri à la somme de 2 317,68 euros en principal plus les intérêts et accessoires, dont les frais d'huissier, 3500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens de la procédure de première instance et d'appel (« mémoire, en attente chiffrage »)

-condamner la société Le Fournil Blésois à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

-condamner la société Le Fournil Blésois et toute autre partie qui succombera aux entiers dépens et accorder à la SCP L. B. G. le droit prévu par l'article 699 du Code de procédure Civile

Reprenant les arguments qu'elle avait développés avant que la cour ordonne une expertise, la société MGM CE expose qu'alors que l'appelante prétend que la machine n'a jamais correctement fonctionné, elle n'a pas engagé de démarche pour réclamer sa remise en état mais s'est même au contraire opposée à toute intervention de CS Distri, a fait dresser un procès-verbal de constat le 9 octobre 2015 sans le communiquer à la venderesse et n'a réclamé la réparation de la machine que le 9 décembre 2015, en refusant de payer le solde du prix alors que, quand bien même il y aurait eu une panne, la société Le Fournil Blésois ne pouvait s'affranchir de son obligation de paiement.

La société MGM CE soutient ensuite que, rien ne pouvant lui être reproché, la société Le Fournil Blésois ne peut invoquer aucune exception d'inexécution et ajoute, sans davantage d'explication, que les conditions de l'article 1219 du Code civil ne sont pas réunies, ce dont elle déduit que la cour ne pourra que confirmer le jugement entrepris et condamner la société l'appelante à lui régler la somme de 2 317,68 euros.

Se prévalant de la clause de réserve de propriété stipulée au paragraphe 6 des conditions générales de vente de la société CS Distri, la société MGM CE indique que la société Le Fournil Blésois devra restituer la machine litigieuse à « son propriétaire de droit » puis, rappelant que le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expert, l'intimée soutient que la conception du distributeur de pain litigieux ne l'empêcherait pas de fonctionner dans des conditions normales, qu'il était d'ailleurs en état de fonctionner lorsqu'il a été livré à la société Le Fournil Blésois et que sa panne présente un caractère exogène puisqu'elle s'explique par des actes de malveillances qui n'ont rien de prévisible et qui ont été favorisés par une absence de surveillance adéquate, qu'elle impute à l'appelante.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mars 2020, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 14 mai suivant, sans que Maître B., assigné à personne ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société CS Distri, ait constitué avocat.

Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, prorogé par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020, l'audience du 14 mai 2020 n'a pu être tenue mais, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, sans opposition des parties représentées dans les quinze jours du courrier qui leur a été adressé le 7 avril 2020 pour les aviser que la cour envisageait que la procédure se déroule sans audience, l'affaire a été mise en délibéré au 27 août 2020.

Le 18 mai 2020, la cour a invité les parties, en application de l'article 12 du Code de procédure civile selon lequel le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, et donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée, à présenter leurs observations, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement avant le 3 juin 2020, l'application possible aux faits de la cause de la garantie des vices cachés.

Par une note transmise contradictoirement par voie électronique le 22 mai 2020, la société Le Fournil Blésois a indiqué avoir sollicité à tort l'application des articles 1603 et 1604 du Code civil et demande à la cour de faire application des dispositions de l'article 1641 du Code civil propres à la garantie des vices cachés.

Les intimés n'ont pas fait d'observation dans le délai imparti.

SUR CE, LA COUR :

Selon l'article 445 du Code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est pour répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

Le 9 juin 2020, la société MGM CE a adressé contradictoirement une note en délibéré pour indiquer que la machine litigieuse ne présentait ni vice caché, ni défaut de conformité, et faire valoir le comportement selon elle anormal de l'acheteur, sans répondre à la question de qualification sur laquelle les parties avaient été invitées à présenter leurs observations avant le 3 juin 2020 en application de l'article 442 du Code de procédure civile.

En ce qu'elle porte atteinte au principe fondamental de contradiction que le juge est tenu de faire observer en toutes circonstances en application de l'article 16 du Code de procédure civile, cette note transmise le 9 juin 2020 par la société MGM CE doit être écartée des débats.

La cour observe à titre liminaire que la société MGM CE, qui indique dans le corps de ses écritures que la société Le Fournil Blésois devra restituer la machine litigieuse à « son propriétaire de droit », ne formule aucune prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions.

Etant si besoin rappelé que par application de l'article 954, alinéa 2, du Code de procédure civile, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, il n'y a pas lieu de statuer sur une éventuelle restitution de l'appareil litigieux.

Sur la demande en paiement de la société MGM CE

La cour observe que l'exception d'inexécution opposée par la société Le Fournil Blésois ne peut être examinée sur le fondement de l'article 1324 du Code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, inapplicable à la cause selon les dispositions transitoires de l'ordonnance du 10 février 2016 qui, à son article 9 issu de la loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018, énonce que les contrats conclus avant son entrée en vigueur, au 1er octobre 2016, demeurent soumis à la loi ancienne.

Il n'en demeure pas moins que si la conséquence de la cession de créance est qu'elle change de titulaire, la même créance subsiste, avec toutes ses caractéristiques.

La créance garde entre les mains du cessionnaire ses attributs et ses accessoires, ainsi qu'il est dit à l'article 1692 du Code civil, pris dans son ancienne rédaction applicable à la cause et, réciproquement, la créance conserve les «faiblesses» qui la grevaient. La cession de créance ne devant pas aggraver la situation du débiteur, ce dernier peut en effet opposer au cessionnaire les exceptions et moyens de défense dont il disposait à l'égard du cédant, notamment l'exception d'inexécution, et ce même si ce moyen de défense n'est apparu qu'après la cession (v. par ex. Com, 12 janvier 2010, n° 08-22.000).

La société MGM CE n'indiquant pas les raisons pour lesquelles les conditions de mise en œuvre de l'exception ne seraient pas réunies, et dès lors qu'il est aujourd'hui admis qu'un débiteur peut être déchargé de son obligation en raison du manquement de son cocontractant à ses obligations, sans obtenir un avantage autre que le rejet de ses prétentions (v. par ex. Civ. 3, 3 mai 2001, n° 00-10.053), il convient d'examiner si la société Le Fournil Blésois établit, pour pouvoir refuser d'exécuter son obligation à paiement, que la société CS Distri n'a pas exécuté ses obligations.

En application de l'article 1603 du Code civil, le vendeur est tenu de deux obligations principales, celle de délivrer une chose conforme aux spécifications promises et celle de garantir la chose qu'il vend, notamment contre les vices cachés qui la rendraient impropre à la destination à laquelle elle est destinée.

Il est acquis, d'une part que le défaut de conformité s'entend par référence aux stipulations du contrat, tandis que le vice caché s'apprécie, non pas selon la destination contractuelle de la chose vendue, mais de manière abstraite, c'est-à-dire selon la destination normale de la chose ; d'autre part que les notions de délivrance conforme et de garantie des vices cachés sont distinctes et exclusives l'une de l'autre. Il en résulte que la livraison d'une chose conforme à la chose convenue, mais atteinte de défauts la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée, ne constitue pas un manquement du vendeur à l'obligation de délivrance sanctionné par l'action en responsabilité contractuelle de droit commun, mais un manquement à son obligation de garantie ouvrant droit à l'action en garantie spécifique des vices cachés (v. par ex. civ. 1, 4 juillet 1995, n° 93-18.430).

En l'espèce, la société Le Fournil Blésois ne se plaint pas d'avoir acquis un distributeur automatisé de pain dont les caractéristiques ne seraient finalement pas conformes aux spécifications du contrat de vente, mais d'avoir acquis un appareil affecté de défauts qui le rendent impropre à l'usage auquel il est destiné. Sa défense ne peut donc être examinée que sur le fondement de la garantie des vices cachés prévue aux articles 1641 et suivants du Code civil, sur l'application de laquelle les parties se sont expliquées contradictoirement sur invitation de la cour.

La société MGM CE, qui critique les conclusions de l'expert, ne produit pas la moindre analyse technique de nature à remettre en cause les constatations du technicien, affirmant seulement, sans aucune offre de preuve, que le distributeur litigieux serait en état de fonctionner dans le cadre d'une utilisation normale.

Etant si besoin rappelé que le fait que l'appareil fonctionnait le jour où il a été livré est sans emport sur la garantie du vendeur, qui doit garantir l'acheteur contre les défauts de la chose qui apparaissent postérieurement à sa livraison, l'intimée ne peut sérieusement soutenir que le distributeur litigieux fonctionnerait dans des conditions normales alors que, dès le 9 octobre 2015, il a été constaté par huissier de justice que les cassettes contenant les baguettes ne se déplaçaient pas et que, après retrait du pain, une cassette vide restait bloquée en face de l'ouverture de la machine, dont le voyant « épuisé » s'allumait alors qu'il restait du pain et que l'expert a constaté à son tour, après avoir nettoyé l'appareil et l'avoir remis en tension, que la trappe s'est ouverte et lui a permis d'accéder à une baguette, mais qu'après une seule utilisation, le témoin « épuisé » s'allume et l'appareil, pourtant chargé en pain, ne fonctionne plus, dans la mesure où le mécanisme d'entraînement des casiers est hors service.

Le propre d'un distributeur automatisé de pain étant de fournir du pain aux clients qui se succèdent, il ne fait pas de doute que le distributeur en cause ne remplit pas sa fonction normale.

Les constatations de l'expert révèlent que le mécanisme d'entraînement des casiers qui servent à recevoir le pain, composé d'une chaîne en plastique fragile, est cassé, et le technicien explique que la fragilité du mécanisme est incompatible avec un usage normal de l'appareil, dont la chaîne se coince et les casiers se bloquent pour peu qu'un client, fût-ce sans mauvaise intention, manipule un des casiers fixé par de simples rivets pop, sans aucun dispositif de guidage. L'expert conclut que la faiblesse de la mécanique d'entraînement est la cause de la panne, ce qu'un simple examen des photographies annexées à son rapport confirme, tant l'appareil apparaît de médiocre facture.

Outre qu'il n'a pas été conçu de manière suffisamment solide pour servir à un usage répété, le distributeur, dont le fond étroit est très difficile d'accès, ne peut être nettoyé facilement, ce qui est contraire aux règles d'hygiène les plus élémentaires et rend de derechef l'appareil impropre à sa destination.

Dès lors que les défauts de conception de l'appareil, qui n'ont pu être décelés que par une expertise, n'étaient pas perceptibles pour un acheteur normalement vigilant et que, selon l'expert, il ne peut être remédié à ces défauts qu'au moyen de réparations dont le coût excédera la valeur du bien en cause, il est établi que le distributeur litigieux est affecté de défauts rédhibitoires relevant de la garantie du vendeur et la société Le Fournil Blésois, qui se trouve en possession d'un appareil défectueux dont elle déjà réglé plus de 70 % du prix, peut opposer à la société MGM CE un manquement du cédant à son obligation de garantie pour être déchargée du paiement du solde de la facture.

La société MGM CE sera donc déboutée de sa demande en paiement.

Sur la demande de fixation de la créance de la société MGM CE au passif de la liquidation judiciaire de la société CS Distri

En dépit des exigences de l'article 954, alinéa 1, du Code de procédure civile, la société MGM CE, qui sollicite la fixation de sa créance au passif de la cédante, n'articule aucun moyen de fait ni de droit au soutien de cette prétention et produit aux débats, en pièce 10, un courrier rédigé à l'attention du liquidateur de la société CS Distri intitulé « déclaration de créance » sans le moindre justificatif d'envoi, dont rien n'établit donc qu'il a effectivement été adressé à Maître B.

Dans ces circonstances, la demande de la société MGM CE ne peut qu'être rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société MGM CE, qui succombe au sens de l'article 696 du Code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise mais non celui des constats dressés par des huissiers qui n'avaient pas été désignés à cet effet par une décision judiciaire, de tels frais ne ressortissant pas à la catégorie des dépens telle qu'elle est définie à l'article 695 du Code de procédure civile.

Par infirmation du premier jugement, la société CS Distri, représentée par son liquidateur, Maître B., sera déboutée de sa demande formée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la société MGM CE sera condamnée à régler à la société Le Fournil Blésois une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Rien ne justifie en revanche de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société CS Distri une créance de la société Le Fournil Blésois au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Vu l'arrêt du 27 septembre 2018, Ecarte des débats la note en délibéré transmise le 9 juin 2020 par la société MGM CE ; Infirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la SARL Le Fournil Blésois aux dépens ainsi qu'à verser à chacune des sociétés CS Distri et MGM CE la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions non infirmées par l'arrêt du 27 septembre 2018 ; Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant : Rejette la demande en paiement de la société MGM CE ; Rejette les demandes de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société CS Distri ; Condamne la société MGM CE à payer à la société Le Fournil Blésois, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société MGM CE aux dépens première instance et 'appel, en ce compris les frais d'expertise et ceux de la procédure d'injonction de payer, mais non le coût des procès-verbaux de constats, qui restera à la charge de la société Le Fournil Blésois ; Dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure au profit de la société CS Distri, au titre de ses frais irrépétibles de première instance ; Dit n'y avoir lieu d'accorder à la SCP L. B. G. le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.