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Décisions

CA Fort-de-France, ch. civ., 14 janvier 2020, n° 16-00385

FORT-DE-FRANCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Mutuelle Des Architectes Francais (Sté)

Défendeur :

Triton (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Paris

Conseillers :

Mme Cormier, Mme Lacassagne

TGI Fort de France, du 22 mars 2016

22 mars 2016

Madame Mary-Fance Noëlle Alice M. acquérait, par le biais d'une vente en l'état futur d'achèvement, un appartement (lot n°103) de type F4 de la résidence les pléiades, plateau Fofo Est à Schoelcher le 23 septembre 1999 à la SARL TRITON et en prenait livraison le 19 juin 2001.

Par ordonnance de référé du 20 juin 2003, Monsieur R. était commis en qualité d'expert judiciaire quant aux désordres que Madame M. invoquait subir.

En date du 17 avril 2013, Madame M. faisait assigner devant le tribunal grande instance la SARL TRITON ainsi que la Mutuelle des architectes français (MAF) en paiement solidaire d'une somme de 125 493,22 euros en principal ainsi que 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 22 mars 2016, le tribunal de grande instance de Fort-de-France :

- condamnait in solidum la SARL TRITON et la MAF à payer à Madame M. la somme de 48 783,69 euros,

- condamnait la SARL TRITON à payer à Madame M. les sommes de 81,37 euros au titre des reprises à entreprendre sur les suites de la chambre aux volets, de 5 000,00 euros au titre de l'absence de percement dans la chambre ronde et de 1 689,03 euros au titre des reprises de peinture et d'une poignée de porte,

- déboutait Madame M. de ses autres demandes notamment relatives au préjudice de jouissance,

- condamnait in solidum la SARL TRITON et la MAF à payer à Madame M. une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La MAF, assureur garantie décennale constructeur non réalisateur de la SARL TRITON, relevait appel total de cette décision par déclaration au greffe en date du 22 juin 2016 (n °16/00486).

Madame M. se constituait intimée le 18 juillet 2016 et la SARL TRITON le 28 novembre 2016.

Le conseiller de la mise en état était saisi d'un incident le 28 juin 2017 par la SARL TRITON qui était déboutée de sa demande de communication de pièces. L'affaire était renvoyée à une audience virtuelle et la SARL TRITON était condamnée aux dépens de l'incident.

Le conseiller de la mise en état était de nouveau saisi par l'appelante aux fins de constater l'irrecevabilité des demandes formées par la SARL TRITON plus de deux mois après ses conclusions de motivation d'appel.

Par ordonnance du 5 juillet 2018, le conseiller de la mise en état déboutait la MAF de ses demandes, ordonnait le renvoi de l'affaire à une audience de mise en état virtuelle et condamnait la MAF à verser à la SARL TRITON la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'incident.

La MAF déférait cette ordonnance par requête enregistrée au greffe le 13 juillet 2018.

Par arrêt rendu le 8 janvier 2019, sur déféré d'ordonnance du juge de la mise en état, la cour d'appel de Fort-de-France rendait un arrêt contradictoire :

- confirmant l'ordonnance du 5 juillet 2018 en toutes ses dispositions,

- laissant les dépens de la procédure de déféré à la charge de la MAF,

- ordonnant la clôture de la procédure de déféré par sa jonction sous la procédure de fond,

- ordonnant le renvoi du dossier à une audience de mise en état pour fixation éventuelle d'un calendrier de procédure ou clôture.

Par ordonnance rendue le 6 juin 2019, le conseiller de la mise en l'état déboutait la SARL TRITON de sa demande d'interruption de l'instance, ordonnait le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état virtuelle du 2 juillet 2019 et condamnait la SARL TRITON aux dépens de l'incident.

Aux termes de ses conclusions, communiquées par voie électronique le 16 janvier 2019, la MAF demande à la cour de :

- dire et juger que les désordres allégués n'affectent pas la solidité ni ne compromettent la destination dont l'usage est continu depuis plus de douze ans au jour de l'assignation,

- dire et juger que ces désordres ne sont pas de nature décennale et de ce fait dire et juger toute demande contre la MAF - assureur CNR ' irrecevable,

- subsidiairement de dire et juger que sont exclues de la garantie, les non-exécutions d'ouvrages et le manquement aux règles de l'art et donc de dire et juger que la MAF ne doit pas garantie à son assuré qui a construit un immeuble affecté des non-conformités révélées par l'expert,

- infirmer la décision et ordonner la restitution des sommes versées avec intérêts de droit,

- débouter Madame M. de toutes demandes à l'encontre de l'assureur MAF,

- condamner Madame Mary France M. ou la SARL TRITON, en tous cas la partie succombante à payer à la MAF la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP D. ET ASSOCIES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient notamment avoir été assignée sur le fondement de l'assurance garantie décennale constructeur non réalisateur qui garantit les vices cachés relevant de la responsabilité décennale.

Elle fait valoir que le défaut acoustique n'est pas un désordre à caractère décennal, qu'aucun désordre à caractère décennal n'a été relevé et que la non-conformité n'est pas nécessairement un désordre à caractère décennal, ce qui est évoqué dans les jurisprudences citées par Madame M..

Elle explique que, selon l'expert, le défaut acoustique n'est pas un désordre à caractère décennal et que l'assureur ne garantit son assuré que dans les conditions définies au contrat qui comporte une clause d'exclusions ainsi qu'une déchéance de garantie en cas d'inobservation volontaire ou inexcusable des règles de l'art définies par les règlementations en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché de travaux concerné.

Elle soutient que l'absence de respect des règles de l'art concernant le défaut acoustique est un cas de non garantie opposable à Madame M. (1er civ., 2 juillet 1991, pourvoi n°88-18-486) et que l'appartement a toujours été occupé ce qui prouve qu'il n'était pas impropre à sa destination

Elle fait valoir que la MAF ne peut être poursuivie, à titre principal, en l'absence de caractère décennal du désordre lié à l'isolation phonique qui dépend du seul rapport contractuel entre la SARL TRITON et Madame M.. A titre subsidiaire, elle soutient que la garantie MAF n'est pas mobilisable compte tenu des dispositions contractuelles qui excluent l'intervention de l'assureur en cas de non-exécution d'un ouvrage (absence d'isolant sous le carrelage, erreur de conception) au visa de l'article L.112-6 du code des assurances.

Elle soutient enfin que la demande, à titre subsidiaire, de la SARL TRITON de dire et juger que la MAF est tenue de la garantir au titre de l'assureur décennale est irrecevable car nouvelle en cause d'appel.

Aux termes de ses conclusions, communiquées par voie électronique le 19 mars 2018, la SARL TRITON demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris.

- condamner Madame M. à lui payer la somme de 33 684,93 euros arrêtée au 22 mars 2016 date du jugement, ce avec intérêts au taux annuel de 12% jusqu'à parfait paiement,

- dire et juger que le rapport SOCOTEC s'appuyant sur les normes en vigueur au jour de la livraison est erroné et ne saurait être retenu,

- dire et juger que seules pouvaient être retenues les normes phoniques en vigueur au 15 avril 1998,

- dire et juger en conséquence qu'aucune faute de la SARL TRITON n'est démontrée,

- en conséquence réformer le jugement entrepris en ce qu'i1 a condamné la SARL TRITON à payer à Madame M. une somme de 48 783,69 euros,

- à titre subsidiaire, dire et juger que la MAF est tenue de garantir la concluante au titre de sa garantie décennale,

- constater que la MAF verse aux débats des conditions générales non datées et non signées et qu'elle ne justifie en conséquence pas d'une absence de couverture au titre de ses garanties contractuelles,

- en conséquence, la débouter de ses demandes,

- condamner Madame M. et la MAF au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle fait notamment valoir qu'elle est fondée à réclamer la somme de 33 684,93 euros avec intérêts au taux annuel de 12%.

Concernant l'absence de dépassement des normes phoniques en vigueur, elle soutient avoir respecté les normes en vigueur à la date du dépôt du permis de construire.

Elle expose, par ailleurs, que Madame M. n'a pas communiqué ses pièces 2, 3, 4, 8 et 9 en violation du contradictoire.

Elle explique enfin que les désordres sont de nature décennale ce qui implique une garantie de la MAF qui ne saurait se prévaloir de conditions générales non datées et non signées.

Aux termes de ses conclusions, communiquées par voie électronique le 12 avril 2018, Madame Mary-France M. demande à la cour de :

- débouter la MAF de toutes ses demandes fins et moyens,

- débouter la SARL TRITON de toutes ses demandes fins et moyens,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et juger que la MAF doit sa garantie décennale au titre de l'article 1792 du code civil,

- réformer le jugement en ce qu'il a mal évalué ses préjudices,

- condamner in solidum la SARL TRITON et la MAF à lui payer la somme de 125 493,22 euros,

- condamner la SARL TRITON à payer à Mme M. la somme de 1 689,03 euros et celle de 5 432,28 euros,

- la condamner à lui payer la somme de 50 000 euros,

- condamner in solidum la SARL TRITON et la MAF à payer la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que les désordres d'isolation phonique constituent des désordres de nature décennale selon une jurisprudence constante. Elle sollicite une indemnisation de 121 959,21 euros correspondant à 50% du prix d'achat ainsi que 3 452,64 euros de travaux de reprise de la baignoire et 81,37 euros pour les infiltrations de la fenêtre.

Concernant l'exclusion de garantie invoquée par la MAF, elle fait valoir que l'expert n'a jamais fait état d'une non-exécution mais d'une non-conformité à la réglementation et du non-respect des règles de l'art.

Elle soutient par ailleurs que de nombreux désordres d'exécution affectent l'ouvrage concernant l'entrée et les volets de la chambre. Elle réclame à ce titre la somme totale de 8 905,64 euros.

Elle sollicite enfin 50 000 euros au titre du trouble de jouissance et de préjudice moral.

Elle conteste la demande en paiement de 5% de garantie de parfait achèvement formulée par la SARL TRITON au visa de l'article 1792-6 du code civil et des mises en demeure qu'elle lui a adressées.

La clôture a été fixée par ordonnance à la date du 2 juillet 2019 et l'affaire renvoyée pour plaidoirie à la date 15 novembre 2019 avec une date de délibéré au 14 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la violation du principe du contradictoire tirée de l'absence de communication des pièces 2, 3, 4, 8 et 9 par Madame M.

En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci n'ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Force est de constater qu'en l'espèce, le conseil de Madame M. a communiqué ses pièces via RPVA le 12 avril 2018 en trois envois, un premier comprenant les pièces 1 à 6 et un deuxième comprenant la pièce ainsi qu'un troisième envoi comprenant les pièces 8 à 13.

Ces trois messages électroniques ont été envoyés aux conseils de la MAF ainsi qu'au conseil de la SARL TRITON.

L'ensemble des parties en a eu connaissance et la possibilité de répliquer.

En conséquence, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire pour absence de communication de pièces sera rejeté.

Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande nouvelle formée par la SARL TRITON

Il résulte des conclusions la SARL TRITON en première instance, du 13 mars 2014, produites par la MAF, que la SARL TRITON contestait, en page 5 (c) l'exclusion de garantie formulée par l'assureur mais qu'elle n'a pas, en effet, repris cette demande de garantie de la MAF dans le dispositif.

Il s'agit cependant d'une demande formulée par la demanderesse, Madame M., à laquelle la Cour doit répondre compte tenu de l'appel total interjeté le 22 mars 2016 par la MAF elle-même.

Compte tenu de la demande en garantie de la MAF formulée par Madame M., contestée en appel par l'assureur, le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande par la SARL TRITON de l'application de la garantie de la MAF sera déclaré inopérant.

Sur les désordres d'isolation phonique

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

En application de l'article 8 de l'arrêté du 30 juin 1999, les normes acoustiques issues de cet arrêté sont applicables pour les demandes de permis de construire déposées à la date du 1er janvier 2000.

En l'espèce, le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2000. Contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges, c'est donc l'arrêté du 28 octobre 1994 qui s'applique et non celui du 30 juin 1999. Il y a cependant lieu de relever que la différence de décibels d'une pièce d'un autre logement, pour la pièce principale comme la cuisine et la salle d'eau est d'un décibel (respectivement 53/54 et 50/51).

Au surplus, la SOCOTEC se serait basée sur la norme NF S31057 ce qui n'a pas d'impact sur les résultats du test puisque cette norme est relative aux méthodes de vérification in situ de la qualité d'isolation acoustique de tout bâtiment qui doivent notamment être suivies pour le contrôle du respect de la réglementation acoustique des bâtiments d'habitation.

Il y a lieu d'observer qu'aucune des parties n'a jugé opportun de verser aux débats le rapport de la SOCOTEC. La cour n'est donc pas en mesure de vérifier le détail de l'analyse et des résultats de la SOCOTEC quant à la réalisation de son expertise acoustique.

La SARL TRITON affirme avoir respecté les normes applicables à la date du dépôt de permis de construire mais n'en rapporte pas la preuve.

Le rapport de l'expert judiciaire fait, quant à lui, état de :

- 10 non-conformités sur 14 pour les bruits d'impact,

- 1 non-conformité sur 10 pour le bruit aérien,

- pas de non-conformité pour le bruit d'équipement,

- 3 non-conformités sur 4 pour l'isolement des façades.

L'expert a conclu que le problème de bruits d'impact n'avait pas de solution technique réalisable en pratique (isolant sous carrelage) et a évalué le préjudice lié aux désordres phoniques à 20% du prix d'achat, soit 48 783,69 euros.

Les désordres phoniques invoqués par Madame M., ont été évalués par la SOCOTEC et l'expert judiciaire. Ils sont par ailleurs corroborés par le constat d'huissier du 7 janvier 2009, versé aux débats, qui décrit la présence de bruits d'eau particulièrement présents et variés de façon continue dans le séjour et la chambre à coucher.

A l'examen des pièces produites, il y a lieu d'observer que l'isolation phonique est insuffisante et relève d'une non-conformité (absence d'isolant entre la dalle et le carrelage) ce qui constitue une malfaçon affectant le gros œuvre, qui rend l'ouvrage impropre à sa destination et relève de la garantie décennale.

Madame M. sollicite une indemnisation à hauteur de 50% du prix de vente soit 121 959,21 euros mais ne justifie pas en quoi l'évaluation de 20% de l'expert et la décision des premiers juges aurait été sous-évaluée.

En conséquence de ce qui précède, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné in solidum la SARL TRITON et la MAF à verser la somme de 48 783,69 euros à Madame M..

Concernant les autres désordres

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil (ancien article 1147 du code civil), le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Contrairement à ce que soutient Madame M., l'expert n'a pas qualifié les autres désordres comme relevant de la garantie décennale.

Il a qualifié l'ensemble des retouches de peinture (sur la porte et le châssis de l'entrée, 3 éclats de peinture sur la porte de la salle de bain, la différence de nuance entre la porte et l'huisserie dans le couloir avec placard ainsi que dans la chambre ronde l'éclat dans le mur du couloir avec placard, l'enduit du mur du placard dans la chambre ronde), le revêtement dégradé de poignée de la porte d'entrée, la baignoire rayée, l'absence de fonctionnement de la vidange et de trappe de visite, la prise de courant placée à 40 centimètres de la baignoire, la reprise de la porte et des plinthes de la chambre aux volets, l'absence de vis de fixation des gonds aux volets de la chambre, le remplacement des joints de la fenêtre, l'absence de percement d'une ouverture sur le pignon constituent des défauts d'exécution.

Ces défauts d'exécution ne relèvent pas de la garantie décennale en ce qu'ils n'affectent pas la construction dans sa solidité et ne la rendent pas impropre à sa destination, la MAF ne saurait dès lors être tenue à intervenir.

L'expert a évalué le changement de la baignoire à la somme de 3 182,16 euros hors taxes, soit 3 452,64 euros TTC, le remplacement des joints de la chambre aux volets pour un montant de 81,37 euros et la reprise de l'ensemble des travaux de peinture et des volets et plinthes à la somme de 1 689,03 euros TTC.

Les premiers juges ont rejeté la demande de remplacement de la baignoire considérant que les rayures de la baignoire relevaient de la garantie de parfait achèvement et que Madame M. n'avait pas agi dans les délais, conformément aux dispositions de l'article 1642-1 du code civil.

Il y a lieu de constater que le remplacement de la baignoire n'est pas nécessaire du seul fait de ses rayures mais également pour remédier au placement de la prise électrique qui se situe à moins de 40 centimètres de la baignoire actuelle ce qui constitue une non-conformité pouvant entraîner un risque de choc électrique aggravé par les défauts électriques ('absence de différentielle 30 mA).

Concernant l'absence de remplacement du percement d'une ouverture, il n'est pas contesté que la fenêtre en pignon sur le plan n'a pas été réalisée.

L'évaluation de l'expert pour cette non-réalisation est fixée au prix forfaitaire de 5 000 euros en ce que l'absence de la fenêtre n'impacte pas l'éclairage qui est suffisant et en ce que la réalisation d'un percement pourrait engendrer des problèmes sur la façade. Cette évaluation forfaitaire a été reprise par les premiers juges.

La Cour constate que, quand bien même il ne serait pas judicieux de réaliser ce percement, Madame M. justifie de devis ayant trait à la réalisation de cette ouverture sur pignon, non réalisée, pour un montant de 8 905,64 euros qu'il conviendra de lui allouer en réparation.

Le préjudice de Madame M. ne saurait être limité à une indemnité forfaitaire du fait de la difficulté de la réalisation de l'ouvrage.

Les défauts de conformité susvisés, relevant d'un défaut d'exécution de la SARL TRITON, seront pris en charge par cette dernière.

Ces désordres ne relevant pas de la garantie décennale, en ce qu'il n'est pas rapporté qu’ils compromettent la solidité de l'ouvrage ni le rendent impropre à sa destination, ne seront pas garantie par la MAF.

En conséquence, la décision des premiers juges sera partiellement infirmée en ce qu'ils ont rejeté le coût de remplacement de la baignoire et limité l'indemnité du préjudice de Madame M. à la somme de 5 000 euros pour l'absence de percement d'une ouverture.

La SARL TRITON sera condamnée à lui verser les sommes de 3 452,64 euros TTC pour le remplacement de la baignoire et de 8 905,64 euros au titre de l'absence de percement d'une ouverture, outre les sommes de 81,37 euros pour les volets de la chambre et de 1 689,03 euros TTC la reprise de l'ensemble des travaux de peinture qui sont confirmées.

Sur le moyen tiré de l'exclusion de garantie de la MAF

Aux termes de l'article L113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

Il est constant qu'il appartient à l'assureur de produire la police d'assurance s'il entend faire valoir une exception.

Elle verse aux débats des conditions générales de contrat d'assurance de la responsabilité décennale du constructeur non-réalisateur et se réfère aux clauses d'exclusion et de déchéance pour soutenir que le non-respect des règles de l'art par la SARL TRITON pour soutenir qu'elle ne devait pas sa garantie.

Elle invoque en particulier :

- l'article 2 des exclusions générales qui prévoit l'exclusion des garanties en cas du fait intentionnel ou de dol de l'assuré, des effets de l'usure normale, du défaut d'entretien ou de l'usage anormal ainsi que du fait d'une cause étrangère ['],

- l'article 1.14 relatif à la déchéance de garantie indiquant que « l'assuré est déchu de tout droit à la garantie en cas d'inobservation volontaire ou inexcusable par lui des règles de l'art, telles qu'elles sont définies par les réglementations en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établies par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché des travaux concernés.

La MAF ne produit cependant les conditions particulières du contrat qui la lie à la SARL TRITON.

Elle laisse par ailleurs entendre, dans ses écritures, qu'il n'y aurait pas eu réception de l'ouvrage. Or, la réception des travaux (entre le promoteur et le/les constructeur(s) intervient en amont et ne saurait être confondue avec la livraison en cas de vente en l'état futur d'achèvement. Il est constant, en l'espèce, que la livraison a eu lieu le 19 juin 2001.

De son côté, la SARL TRITON invoque l'absence de date et de signature de sa part desdites conditions générales du contrat d'assurance.

Or, pour que des conditions générales du contrat d'assurance, notamment les déchéances de garantie ou exclusions soient opposables à l'assuré, ainsi qu'aux tiers conformément à l'article

L. 113-6 du code des assurances invoqué par la MAF, encore faut-il que l'assuré n'en conteste pas l'opposabilité à son encontre.

Il est constant que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation.

Il incombe à l'assureur de rapporter la preuve de la remise effective des conditions générales et particulières aux assurés et de produire la police d'assurance. Or, en l'espèce, aucun élément ne permet d'établir que lesdites conditions générales ont été portées à la connaissance de l'assuré (absence notamment de conditions particulières signées renvoyant expressément aux conditions générales susvisées).

Dès lors, ces conditions générales, non accompagnées du contrat d'assurance souscrit entre la MAF et la SARL TRITON, ne sont pas opposables à cette dernière ni à Madame M..

De manière surabondante, il y a lieu de relever que la clause d'exclusion visant les dommages résultant d'une méconnaissance intentionnelle, délibérée ou inexcusable des règles de l'art et normes techniques applicables dans le secteur d'activité de l'assuré, tel qu'en l'espèce, ne permet pas à celui-ci de déterminer avec précision l'étendue de l'exclusion en l'absence de définition contractuelle de ces règles et normes et du caractère volontaire ou inexcusable de leur inobservation.

Le moyen tiré de l'absence de garantie due par la MAF sera rejeté.

Sur le préjudice de jouissance.

Il est constant que le responsable d'un dommage doit réparer tout le préjudice, et rien que le préjudice, causé à la victime. Ce principe de réparation intégrale oblige à placer celui qui a subi un dommage dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu.

Le trouble de jouissance désigne l'impossibilité d'utiliser un bien, les pertes de loyers, les pertes d'exploitation pouvant en résulter, ou encore la dépréciation d'un bien consécutive aux réparations d'un dommage.

L'évaluation du trouble de jouissance prend essentiellement en compte l'importance des désordres et la valeur vénale ou locative du bien.

Madame M. sollicite la somme de 50 000 euros au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral en ce qu'elle ne jouirait pas en toute tranquillité de son bien ainsi que du fait de la procédure engagée et d'une longue expertise ayant nécessité l'intervention de deux sapiteurs.

Elle ne saurait cependant reprocher à la SARL TRITON la longueur de la procédure qu'elle a diligentée d'autant il ressort du rapport d'expertise que la longueur de l'expertise est notamment due au fait qu'elle a demandé à plusieurs reprises des reports d'expertise ainsi que des tests acoustiques complémentaires. Au surplus, elle s'est fait justice elle-même en ne payant pas les 5% du prix lors de la livraison et n'a saisi le tribunal que bien plus tard ce qui lui a permis de jouir de la somme de 12 195 euros jusqu'à ce jour puisqu'elle n'a pas fait consigner.

Concernant les nuisances sonores, Madame M. a obtenu une remise de prix d'achat en compensation. Elle ne rapporte pas la réalité d'un préjudice de jouissance ou d'un préjudice moral notamment quant à l'absence de jouissance tranquille, alors même qu'elle a continuellement occupé le logement depuis la livraison, ni même quant à l'impact de ces désordres sur le prix de revente de son bien.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande. Leur décision sera confirmée sur ce point.

Sur la demande en paiement de 5% de garantie de parfait achèvement

L'article 1642-1 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que :

« Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction alors apparents.

Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer le vice. »

L'article 1792-6 du code civil, dispose quant à lui que :

« La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

*La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

*Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.

*En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.

*L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.

*La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage. »

Il est constant qu'en cas de vente en l'état futur d'achèvement, la livraison du logement correspond au moment où le promoteur remet les clés du logement à l'acheteur. Elle ne saurait être confondue avec la réception des travaux qui intervient en amont entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs.

En cas de malfaçons ou de non-conformité des travaux par rapport au contrat de vente définitif, l'acquéreur doit les mentionner dans un procès-verbal de livraison qu'il dresse en présence du promoteur. Les travaux de finition qui restent à accomplir doivent également être mentionnés dans ce document. A défaut, l'acquéreur doit adresser un courrier recommandé au promoteur dans le délai d'un mois à compter de la livraison.

Le solde du prix de vente est payable lors de la livraison du logement tel que prévu dans l'acte de vente du 23 septembre 1999, versé aux débats, qui mentionne en page 9 que 5% du prix principal serait payé à la remise des clés ou à la mise à disposition des biens et droits immobiliers.

Toutefois, en cas de contestation sur la conformité avec les prévisions du contrat, le solde du prix de vente peut être consigné.

Pour autant, Madame M. ne justifie pas que cette somme ait été consignée.

Il résulte des pièces produites, et notamment du courrier recommandé avec accusé réception adressé à la SARK TRITON le 11 avril 2002, que Madame M. a listé les défauts de conformité qu'elle avait relevés plus d'un mois après avoir reçu livraison du logement.

Elle a indiqué attendre une solution mais n'a pas mis en demeure l'entrepreneur de le réparer et de fixer un délai d'exécution des travaux de réparation conformément aux dispositions de l'article 1792-6 du code civil qu'elle invoque.

La Cour observe que Madame M. n'a pas réellement mis en demeure la SARL TRITON d'exécuter les travaux, puis, le cas échéant, de faire appel à une autre entreprise, ni même sollicité judiciairement l'autorisation de consigner les 5% du prix. Elle ne justifie pas plus avoir fait réaliser des travaux listés dans son courrier recommandé du 11 avril 2002 pour la présente somme qu'elle n'était, dès lors, pas fondée à conserver.

Madame M. s'est fait justice elle-même. Elle ne saurait cependant s'enrichir sans cause en conservant cette somme d'argent puisqu'elle est indemnisée par la présente décision de ses préjudices.

La demande de remboursement de la SARL TRITON de

33 684,93 est, en revanche, injustifiée. Au-delà du fait que ce moyen ne soit pas développé dans ses dernières conclusions, elle ne produit aucun élément justificatif (aucune annexe produite à l'acte notarié de 24 pages) permettant d'appliquer un taux d'intérêt de 12% par an.

De tout ce qui précède, Madame M. devra rembourser la somme de 12 195 euros à la SARL TRITON.

Sur les dépens

Les dépens de première instance seront maintenus à la charge de la SARL TRITON et de la MAF.

Succombant, la MAF sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Sur les frais irrépétibles

L'équité commande de confirmer la décision de première instance de condamnation in solidum de la SARL TRITON et de la MAF à verser la somme de 2 500,00 euros à Madame M..

Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des parties formulées à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme les chefs de jugement suivants :

Condamne in solidum la SARL TRITON et la MAF à payer à Madame M. la somme de 48 783,69 euros ;

Condamne la SARL TRITON à payer à Madame M. les sommes de 81,37 euros au titre des reprises à entreprendre sur les suites de la chambre aux volets et de 1 689,03 euros au titre des reprises de peinture et d'une poignée de porte ;

Condamne in solidum la SARL TRITON et la MAF à payer à Madame M. une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens (de première instance) ;

Infirme les chefs de jugement suivants :

Condamne la SARL TRITON à la somme de 5 000 euros au titre de l'absence de percement dans la chambre ronde ;

Rejette la demande de remplacement de la baignoire ;

Statuant à nouveau sur les chefs de redressement infirmés :

Condamne la SARL TRITON, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame Mary-Fance Noëlle Alice M. la somme de 3 452,64 euros pour le remplacement de la baignoire ;

Condamne la SARL TRITON, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame Mary-Fance Noëlle Alice M. la somme de 8 905,64 euros au titre de l'absence de percement de l'ouverture sur pignon ;

Y ajoutant,

Rejette l'irrecevabilité tirée de la violation du principe du contradictoire tirée de l'absence de communication des pièces 2, 3, 4, 8 et 9 par Madame M. ;

Rejette l'irrecevabilité soulevée tirée de la demande nouvelle formée par la SARL TRITON ;

Condamne Madame Mary-Fance Noëlle Alice M. à verser la somme de 12 195,00 euros à la SARL TRITON ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Condamne la MAF aux dépens de procédure d'appel ;

Rejette le surplus des demandes des parties.