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Décisions

CA Pau, 2e ch., sect. 1, 29 août 2019, n° 18/01141

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Genie Clean (SASU)

Défendeur :

Nav'Auto Services (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magnon

Conseillers :

Mme Morillon, M. Darracq

T. com. Tarbes, 29 janv. 2018

29 janvier 2018

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé établi le 5 mai 2015, la société Nav’Auto Services a donné à bail de gérance libre à la société SASU Genie Clean un fonds de commerce de station de lavage automobile, sis [...], connu sous le nom Genie Clean, pour une durée d'une année, renouvelable par tacite reconduction, à compter du 1er juin 2015 et ce, dans la perspective d'une cession du fonds de commerce en question au preneur.

Le contrat comportait une clause n° 6 aux termes de laquelle, le locataire prenait le fonds et ses accessoires ainsi que les matériels et ustensiles dans l'état où le tout se trouve sans pouvoir prétendre à aucune diminution du loyer pour quelque cause que ce soit et à entretenir le tout en bon état et à remplacer à ses frais tous les objets et matériels qui viendraient à disparaître ou seraient mis hors service par vétusté, usage normal ou autre.

La location gérance a été consentie moyennant une redevance mensuelle de 4 300 euros hors taxe, loyer réduit à un montant de 3458,33 euros hors taxe à compter du mois de mars 2016, à la demande du locataire gérant.

La clause n° 12 « Déclarations » du contrat de location gérance stipulait : « le chiffre d'affaires de l'établissement loué s'est élevé du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 à 61 561 euros ».

L'article n° 13 prévoyait le versement, à la charge du preneur, d'un dépôt de garantie de 11 000 euros au plus tard le 1er juin 2015.

Par courrier du 7 novembre 2016, la société Genie Clean a mis un terme à la location gérance à effet du 15 décembre 2016, alors que le contrat prévoyait un délai de préavis de deux mois.

Par courrier du 20 novembre 2016, la société Nav’Auto Services a pris acte de ce congé et a rappelé au preneur qu'il était redevable de loyers impayés, de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et du dépôt de garantie.

Le bailleur a fait constater également, par huissier de justice, que plusieurs matériels avaient disparu.

Par lettre de son conseil en date du 30 janvier 2017, la société Nav’Auto Services a mis en demeure la société Genie Clean de verser une somme de 8 698,49 euros correspondant aux redevances de location gérance dues pour un montant de 8 517,49 euros et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour un montant de 181 euros et lui a demandé de restituer : un chariot de déplacement, une mini lustreuse à air comprimé et le capuchon du bouchon de lustrage de la piste 2.

Par acte d'huissier en date du 14 février 2017, la société Genie Clean a cité à comparaître la société Nav’Auto Services devant le tribunal de commerce de Tarbes en vue d'obtenir l'annulation du contrat de location gérance ou sa résolution aux torts exclusifs du loueur et la condamnation de celui-ci au paiement d'une somme de 70 000 euros à titre de dommages - intérêts , outre une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, motifs pris de la faute du bailleur dans les négociations pré contractuelles, et du manquement à son obligation de bonne foi sur la base du nouvel article 1112 du code civil ainsi que sur la base du dol, pour indication d'un chiffre d'affaires inexact.

La société Nav’Auto Services s'est opposée à cette demande et a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation du preneur au paiement de la somme de 9522 euros au titre des redevances impayées.

Par jugement du 29 janvier 2018, le tribunal de commerce de Tarbes a :

-Débouté la SASU Genie Clean de sa demande d'annulation du contrat de gérance libre ;

-Débouté la SASU Genie Clean de sa demande en paiement de la somme de soixante-dix mille euros - 70 000 euros de dommages et intérêts ;

-Condamné la SASU Genie Clean à payer à la SARL Nav’Auto Services la somme de neuf mille cinq cent vingt-deux euros – 9 522 euros au titre des redevances de location gérance ;

-Condamné la SASU Genie Clean à payer à la SARL Nav’Auto Services la somme de huit cents euros - 800,00 euros sur le fondement de L'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné la SASU Genie Clean aux entiers dépens de l'instance, taxés et liquidés à la somme de 77,08 euros ttc.

-Dit qu'il n'y a pas lieu à prononcer l'exécution provisoire ;

-Rejeté tous les autres moyens et prétentions des parties.

Par déclaration en date du 9 avril 2018, la SASU Genie Clean, représentée par Maître D., a relevé appel de ce jugement.

La clôture est intervenue le 10 avril 2019.

L'affaire a été fixée au 13 mai 2019.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées le 7 novembre 2018, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SASU Genie Clean demande à la Cour de :

-In limine litis annuler le jugement du Tribunal de Commerce,

-Sur le fond,

Réformer la décision entreprise,

Annuler le contrat de gérance libre,

A tout le moins en prononcer la résolution aux torts exclusifs du loueur,

Condamner la SARL Nav’Auto Services à payer à la SASU Genie Clean la somme de 70 000 euros de dommages et intérêts,

Débouter la SARL Nav’Auto Services de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

Condamner la SARL Nav’Auto Services à payer à la SASU Genie Clean la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Condamner la SARL Nav’Auto Services aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées le 6 septembre 2018, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SARL Nav’Auto Services demande de :

- In Limine Litis :

Dire que la demande d'annulation du jugement du Tribunal de commerce de Tarbes du 29 janvier 2018 est infondée.

En conséquence :

Débouter la société Genie Clean de sa demande.

- Sur le fond :

Dire que la demande de résolution du contrat de location gérance de la société Genie Clean est irrecevable ;

Dire que la société Genie Clean reste redevable d'une somme de 9 522 € au profit de la société Nav’Auto au titre des redevances de location gérance ;

En conséquence :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

Condamner la société Genie Clean à payer à la société Nav’Auto la somme de 9 522 euros au titre des redevances restant dues.

Condamner la société Genie Clean à payer à la société Nav’Auto la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIVATION :

Sur l'appel principal :

Sur l'annulation du jugement :

La SASU GENI CLEAN demande l'annulation du jugement au visa de l’article 458 du Code de procédure civile en indiquant « qu'il suffira à la cour de lire la décision entreprise pour constater qu'elle doit être annulée en application de l'article 455 du Code de procédure civile ».

Selon le premier de ces textes, « ce qui est prescrit par les articles 447, 451 et 454 du Code de procédure civile, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité ».

Aux termes de l'article 455, le jugement doit « exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé.

Il énonce la décision sous forme de dispositif. »

En l'espèce, la cour constate, à la lecture du jugement déféré, qu'il contient, de la page 2 à 5 un exposé exhaustif des prétentions respectives des parties et des moyens développés à l'appui de celles-ci. Il comporte par ailleurs en pages 6 et 7 une motivation sur chacun des moyens soulevés par la société Genie Clean.

La demande d'annulation du jugement sera en conséquence rejetée.

Sur le manquement à l'obligation de bonne foi dans les négociations pré contractuelles :

La société SASU Genie Clean soutient, au visa de l'article 1112 du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, que la société SARL Nav’Auto a manqué à son obligation de bonne foi dans les négociations pré contractuelles en dissimulant la réalité du chiffre d'affaire du fonds de station de lavage donné à bail. Plus précisément, elle affirme que le chiffre d'affaires de 61561 euros mentionné à l'article 12 du contrat de gérance libre comme étant, pour l'exercice clos au 30 juin 2014, celui de l'établissement loué, concernerait en réalité l'ensemble de la prestation de lavage réalisée par les différents établissements de la société Nav’Auto.

Cette dernière réfute cette thèse en indiquant qu'elle disposait, au cours de l'exercice clos le 30 juin 2014, de trois établissements : la station de lavage, sous l'enseigne Genie Clean, sise [...], objet de la location gérance, et deux sites de préparation automobile, l'un situé [...], sous l'enseigne Carpolish, fermé depuis le 31 mars 2014, et l'autre situé [...], sous l'enseigne « Black Perf », qui a fermé le 31 décembre 2015. Or, le chiffre d'affaires de l'activité préparation automobile était comptabilisé au compte [...] « Préparation Auto » et celui de la station de lavage au compte [...] « Lavage ». Le chiffre d'affaires de 61561 euros mentionné dans le contrat de gérance libre correspond, selon elle, au solde de clôture de ce dernier compte et, par conséquent à la seule activité de la station de lavage.

La société SASU Genie Clean reproche en second lieu à la société Nav’Auto Services d'avoir manqué de loyauté en lui dissimulant que, pour les 11 mois de l'exercice en cours, au jour de la signature du contrat de gérance libre, elle avait réalisé une production de lavage à hauteur de 42 990 euros soit une perte de près de 20 000 euros de chiffre d'affaires par rapport à l'exercice précédent et un résultat lourdement déficitaire.

Sur ce point, la société Nav’Auto réplique que le contrat étant signé le 5 mai 2015 et la société intimée clôturant son exercice le 30 juin 2015, le bilan et le compte de résultat étant établis entre les mois d'octobre et novembre 2015, elle ne pouvait connaître ce chiffre avant les écritures de fin d'exercice et la révision comptable. La société Nav’Auto Services conteste en outre, l'application au contrat des nouvelles dispositions de l'article 1112 du Code civil.

Cela étant rappelé, aux termes de l'article 1112 du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, « l'initiative, le déroulement et la rupture des négociations pré-contractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi.

En cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. »

Si les dispositions de l'article 1112 du Code civil, entrées en vigueur 1er octobre 2016, sont inapplicables au contrat en cause, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne , selon l'article 9 alinéa 2 de l'ordonnance du 10 février 2016, l'exigence de bonne foi dans les négociations pré-contractuelles avait été consacrée par la jurisprudence qui avait notamment retenu une obligation pré-contractuelle d'information à la charge de la partie qui détient, seule, une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre partie, Réparé en application de l'article 1382 ancien du Code civil, devenu l'article 1240 du même code, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, le préjudice résultant du manquement à une obligation pré-contractuelle d'information est constitué par la perte de la chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, et non par les pertes subies.

Le manquement à l'obligation de bonne foi dans les négociations pré-contractuelles, peut également entraîner l'annulation du contrat pour réticence dolosive, en cas de dissimulation d'une information déterminante du consentement de l'une des parties.

En l'espèce, il ressort de l'attestation délivrée par la société d'expertise comptable ABD que le chiffre d'affaires de 61561 euros HT, repris dans le contrat de location gérance, concerne la seule activité de lavage de la SARL Nav’Auto Services et n'inclut pas le chiffre d'affaires correspondant à l'activité de préparation de véhicules qui est comptabilisé séparément. Le chiffre d'affaires indiqué comme étant celui de la seule station de lavage est d'ailleurs cohérent avec celui réalisé par la SASU Genie Clean qui, sur sa période d'exploitation de la station de lavage, a elle-même réalisé un chiffre d'affaires de 52 931 euros, étant précisé que le chiffre d’affaires global de la société Nav’Auto Services, activité de préparation automobile incluse, était au 30 juin 2014 de 134 938 euros.

Il est donc manifeste que le chiffre d'affaires de 61 561 euros HT, communiqué au moment des négociations et de la signature du contrat de location gérance était bien celui de la seule station de lavage donnée à bail.

La SASU Genie Clean fait valoir, cependant, que la société Nav’Auto Services a intentionnellement masqué que le chiffre d'affaires de la station de lavage était en forte diminution, de l'ordre de 20 000 euros, sur la dernière année d'exploitation par le loueur, alors que le contrat de location gérance a été signé à un mois de la clôture de l'exercice comptable 2014-2015. Ce chiffre d'affaires actualisé était, selon elle, nécessairement connu de son cocontractant, sur la base notamment des déclarations mensuelles de TVA.

En réalité et selon le compte de résultat de l'exercice 2014-2015, établi le 30 septembre 2015, versé aux débats, le chiffre d'affaires de la station de lavage a été arrêté à 42 990 euros pour 11 mois d'activité, soit une baisse théorique de 18 571 euros par rapport à l'exercice précédent, montant qu'il convient toutefois de diminuer de 3 908 euros (42990/11), pour tenir compte d'un chiffre d'affaires théorique de 46 898 euros sur 12 mois d'activité (42990 /11x12), si le contrat de location gérance n'avait pas pris effet le 1er juin 2015.

Au-delà de l'information sur les chiffres d'affaires réalisés entre 2011 et 2014, le contrat de location gérance indiquait que l'activité de la société Nav’Auto Services avait été déficitaire de 24 530 euros sur l'exercice 2011-2012, pour un chiffre d'affaires de 43 897 euros alors généré par la seule station de lavage, ce déficit augmentant à 65 139 euros sur l'exercice 2012-2013, l'activité ayant été entre temps étendue à la préparation automobile. Le déficit indiqué dans le contrat de location gérance, pour l'exercice 2013-2014, toutes activités confondues, était de 11 449 euros.

La société Genie Clean était donc informée que l'activité du bailleur était déficitaire et que l'activité de la station de lavage, notamment, avait été déficitaire dès 2011-2012.

Sur l'exercice 2014-2015, la perte enregistrée par la société Nav’Auto Services, toutes activités confondues, s'est établie à 14 845 euros, soit environ 3 400 euros de plus que la perte de l'exercice précédent, mentionnée à titre indicatif dans l'acte de gérance libre.

Ainsi, l'économie générale du contrat de location gérance n'aurait pas été bouleversée par la communication de données comptables non vérifiées à la date de signature du contrat, alors que que le preneur n'a lui-même pas jugé utile de se faire remettre un extrait provisoire du compte de l'activité lavage arrêté à cette même date. Dès lors et à supposer que la société Nav’Auto Services ait eu une idée précise de la baisse du chiffre d'affaires de la station de lavage et du déficit à venir, pour l'exercice en cours à la date du 5 mai 2015, ce qui n'est pas démontré, il n'est pas établi que cette information, portée à la connaissance de la société Genie Clean, aurait déterminé celle-ci à ne pas contracter ou à contracter à des conditions différentes, le contrat de gérance libre s'inscrivant dans le cadre d'un projet plus global, qui n'a pas abouti, de cession de la station de lavage à la société locataire.

Au final, la SASU Genie Clean ne démontre pas que la société Nav’Auto Services aurait manqué à son obligation de bonne foi, dans le cadre des négociations pré-contractuelles, soit en communiquant sur son activité des données comptables erronées, soit en conservant par devers elle des données comptables de nature à modifier les conditions de la négociation ou à faire obstacle à la conclusion du contrat de location dans les termes convenus.

Elle doit en conséquence être déboutée de sa demande d’annulation du contrat sur le fondement du manquement à obligation pré-contractuelle de bonne foi.

Sur l'annulation du contrat pour dol :

En application de l'article 1116 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, « le dol est une cause de nullité de la convention, lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ».

Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

Le manquement à une obligation pré contractuelle d'information ne peut caractériser le dol par réticence permettant l'annulation de l'engagement s'il ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci.

En l'espèce, la société SASU Genie Clean entend caractériser les manœuvres dolosives ou la réticence dolosive de son cocontractant par les mêmes éléments de fait déjà articulés au soutien du manquement à l'obligation pré contractuelle de bonne foi, dont la cour considère, selon ce qui a été précédemment exposé, qu'ils ne sont pas établis.

Aucune réticence dolosive ni, a fortiori, manœuvre dolosive ne pouvant être retenue à l'encontre de la société Nav’Auto Services, la société SASU Genie Clean doit en conséquence être déboutée de sa demande d'annulation du contrat pour dol.

Sur la résolution du contrat pour manquement du loueur à son obligation de délivrance :

Deux arguments sont ici mis en avant par la société appelante pour caractériser le manquement du loueur à l'obligation de délivrance :

-le manque d'entretien de la station de lavage, préexistant à la conclusion du contrat de location, lequel a généré pour le locataire un coût d'entretien et de réparation de 5 299,13 euros sur la période d’exploitation,

-la problématique du monnayeur lequel acceptait des jetons de stations de lavage concurrentes, fait qui était connu du loueur et qui a généré un trouble de jouissance pour le locataire.

A ces arguments, la société Nav’Auto Services oppose qu'aux termes de l'article 6 du contrat de location, le locataire prend le fonds loué et ses accessoires ainsi que le matériel et les ustensiles garnissant les locaux d'exploitation dans l'état où le tout se trouve, sans pouvoir prétendre à aucune indemnité ou diminution de loyer, et « s'engage en outre à maintenir le tout en bon état d'entretien et à remplacer à ses frais tous les objets et matériels qui viendraient à disparaître ou seraient mis hors de service par vétusté, usure normale ou autrement ». Elle ajoute qu'un inventaire du matériel donné en location a été dressé contradictoirement, lequel mentionne que chaque équipement visé est en bon état. Elle souligne que les factures communiquées par la partie adverse concernent essentiellement le changement de pièces d'usure, à la charge du locataire.

S'agissant du monnayeur, elle fait valoir qu'il s'agit d'un problème général bien connu des exploitants de stations de lavage, nécessairement préexistant à la location, de sorte que le chiffre d'affaires communiqué au locataire intégrait cette démarque, et qu'à l'inverse, la société Genie Clean a pu vendre elle-même des jetons non utilisés dans la station de lavage exploitée, réalisant ainsi une économie de charges.

Elle souligne qu'en tout état de cause, la SASU Genie Clean ne justifie pas du préjudice qui résulterait de l'interchangeabilité des jetons admis par le monnayeur.

En application de l'article 1719 du code civil, le loueur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée. Il doit en outre faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.

Selon l'article 1720 du même code, il est tenu de délivrer la chose en bon état de réparation de toute espèce et doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autre que les locatives.

Sauf cas particulier tenant à des règles protectrices d'ordre public, il peut être dérogé aux dispositions précitées relatives aux dépenses d'entretien et de réparation, par des conventions particulières.

Toutefois, la clause par laquelle le locataire prend le fonds commercial dans l'état où il se trouve sans pouvoir prétendre à aucune indemnité et s'engage à y faire toute dépense d'entretien ou de réparation, pour quelque cause que ce soit, n'exonère pas le loueur de l’obligation qui lui incombe, en application de l'article 1719, de délivrer le fonds loué en l'état de servir à l'usage auquel il est contractuellement destiné.

La cour constate à cet égard que le contrat de location stipule que l'entretien de la station de lavage est à jour et que les bacs à boues et séparateur d'hydrocarbures ont été vidés à l'arrivée du locataire par le propriétaire. Le matériel mis à la disposition du locataire est listé et spécifié en bon état. Ces mentions sont visées par le bailleur et le locataire et déclarées sincères et véritables.

Il ressort par ailleurs de l'examen des factures versées aux débats par la société Genie Clean qu'elles concernent essentiellement des interventions pour changement ou réparation de pièces d’usure (joints, filtres, tuyaux, clapets, néons, pistolets, tubes de lance...), la fourniture de jetons et, en mars 2016, le curage ou le nettoyage des canalisations d'eau usée.

Si une intervention plus importante a eu lieu le 10 novembre 2016 pour remédier au blocage de la levée du sécheur de toit, pour un coût de 1 346,51 euros TTC, rien n'indique que cette panne, survenue un an et demi après le début de la période d'exploitation par le locataire gérant, et donc la délivrance du fonds, résulte d'un manque d'entretien ou de réparation préalable imputable au loueur.

Ces factures, par conséquent, n'établissent pas de la part de la société Nav’Auto Services un manquement à l'obligation de délivrance qui lui incombait.

S'agissant du monnayeur, la société appelante a fait établir le 21 novembre 2016 un constat d'huissier qui indique que les pistes de lavage de la station acceptent outre les jetons délivrés par l'exploitant, d'une valeur unitaire de 2 euros, des jetons de stations de lavage concurrentes Oki et Super Jet fonctionnant dans le même secteur. Il est indiqué par l'huissier que l'exploitant lui a remis un sachet contenant 608 de ces jetons.

Toutefois, rien n’établit à quel moment ces jetons, de même couleur, de même taille et de même poids que ceux délivrés par la station de lavage donnée en location gérance, ont été introduits dans les monnayeurs des différentes pistes de lavage, étant constaté que s’ils étaient déjà présents dans le stock des jetons mis à la disposition du locataire par la société Nav’Auto Services, il n'en ressort aucun préjudice pour la société Genie Clean.

Le trouble de jouissance ou d'exploitation invoqué par le locataire est donc incertain et ne saurait être imputé à faute à la société Nav’Auto Services, de sorte que la société Genie Clean doit être déboutée de sa demande de résolution du contrat de gérance libre aux torts exclusifs de son co-contractant.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Genie Clean :

La société Genie Clean qui n'établit pas la faute de son co-contractant ni son préjudice, au-delà d'une perte d'exploitation qui est la conséquence de l'aléa économique inhérent à la décision, prise en connaissance de cause, d'exploiter un établissement jusque-là déficitaire, doit être déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur l'appel incident de la société Nav’Auto Services :

Le décompte des redevances impayées dues par le locataire gérant, à la date de libération des lieux, s'établit selon la SARL Nav’Auto Services à 9 522 euros TTC. Il correspond à la différence entre le montant des redevances échues et le montant des sommes encaissées sur le compte bancaire de la demanderesse, selon les relevés versés aux débats. Ce décompte n'est pas précisément remis en cause par la société appelante qui ne justifie pas du paiement de cette somme et se contente d'affirmer que le loyer a été payé jusqu'au mois de novembre 2016.

Le jugement qui a condamné la société Genie Clean au paiement de cette somme doit en conséquence être confirmé.

Sur les demandes annexes :

La société Genie Clean qui succombe en totalité supportera la charge des dépens de première instance et d’appel ; elle ne peut de ce fait bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au regard de la position respective des parties et des circonstances de la cause, l'équité justifie de faire application de ces mêmes dispositions au bénéfice de la société Nav’Auto Services, dans la limite fixée par le tribunal au titre des frais irrépétibles de première instance et d'y ajouter une somme supplémentaire de 1 200 euros, au titre des frais non compris dans les dépens de l'instance d’appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire en dernier ressort, Rejette la demande d'annulation du jugement ; Confirme le jugement en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Déboute la société SASU Genie Clean de sa demande de résolution du contrat de gérance libre aux torts exclusifs du loueur ; Condamne la société SASU Genie Clean aux dépens de l'instance d'appel ; Condamne la société SASU Genie Clean à payer à la SARL Nav’Auto Services une somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens de l'instance d'appel.