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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 9 juillet 2020, n° 19/01409

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Saint Georges (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bou

Conseillers :

Mme Bazet, Mme Derniaux

TGI Pontoise, du 28 janv. 2019

28 janvier 2019

Par acte passé devant Maître L., notaire, le 19 janvier 2017, M. Abraham C. et Mme Annette P. divorcée C. ont consenti une promesse unilatérale de vente au profit de la société civile immobilière Saint Georges, ci-après la SCI Saint Georges, portant sur les lots numéros 217 et 1322 ainsi que les parties communes afférentes dépendant d'un ensemble immobilier situé [...], biens donnés à bail commercial à la SARL Saint Georges, moyennant le prix de vente de 270 000 euros, sous diverses conditions suspensives dont celle de l'obtention d'un prêt.

Un rendez-vous a été fixé le 26 avril 2017 en l'étude du notaire aux fins de signature de l'acte authentique de vente, laquelle n'a pu intervenir en raison du refus de M. C. de régulariser l'acte. Sommation a ensuite été faite à ce dernier de se présenter le 9 mai 2017 à l'effet de réaliser la vente. Un procès-verbal de carence a été dressé à cette date du fait de la non comparution de M. C..

Invoquant l'accomplissement de l'ensemble des conditions relatives à la réalisation de la vente et le refus injustifié de M. C. d'exécuter son engagement, la SCI Saint Georges a, par actes du 18 juillet 2017, assigné M. C. et Mme P. devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de voir constater que la vente est définitive, dire que le jugement vaudra vente, ordonner la délivrance du bien vendu et condamner M. C. au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement réputé contradictoire du 28 janvier 2019, le tribunal a :

- débouté la SCI Saint Georges de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SCI Saint Georges au paiement des dépens.

Selon déclaration du 27 février 2019, la SCI Saint George a interjeté appel du jugement.

Par acte sous seing privé du 22 octobre 2019, M. C. a consenti un mandat exclusif de vente portant sur les biens précités à l'agence Pierres de France immobilier au prix de 400 000 euros.

Le 21 novembre 2019, la SCI Saint Georges a signé une promesse de vente, rédigée par l'agence immobilière, aux conditions du mandat, soit au prix de 400 000 euros. Le même jour, elle a signé une attestation aux termes de laquelle elle s'engageait à stopper la procédure d'appel à l'encontre du jugement entrepris à condition que M. C. contresigne la promesse synallagmatique du 21 novembre 2019.

Par lettre recommandée du 16 décembre 2019, l'agence immobilière a demandé à M. C. de contresigner le compromis de vente dans les plus brefs délais, en vain.

La SCI Saint Georges prie la cour, par dernières conclusions du 25 février 2020, de :

À titre principal :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- constater que la vente de l'ensemble immobilier situé dans la [...], lots de copropriété n° 217 et 1322 situés [...], [...] et [...], pour un prix de 270 000 euros, figurant au cadastre tels que décrits dans la promesse de vente du 19 janvier 2017, par M. C. et Mme P. à la SCI Saint Georges, est définitive,

- juger que la décision à intervenir vaudra vente et sera publiée au bureau des hypothèques du lieu de situation de l'immeuble au bénéfice de la SCI Saint Georges,

À titre subsidiaire :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- condamner solidairement ou à défaut in solidum Mme P. et M. C. à signer la promesse de vente du 21 novembre 2019, sous astreinte comminatoire de 1 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

En tout état de cause :

- condamner Mme P. et M. C., solidairement ou à défaut in solidum, à délivrer le bien vendu lots 217 et 1322 à la SCI Saint Georges,

- condamner solidairement ou à défaut in solidum Mme P. et M. C. à lui payer la somme de 14 133,76 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

- condamner solidairement ou à défaut in solidum Mme P. et M. C. à lui payer la somme de 270 000 euros à titre de dommages et intérêts, représentant le prix des lots dont la SCI Saint Georges devait être propriétaire,

- condamner solidairement ou à défaut in solidum Mme P. et M. C. à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La déclaration d'appel a été signifiée par actes d'huissier en date du 4 avril 2019 remis à étude pour M. C. et à domicile pour Mme P.. Les conclusions leur ont également été signifiées. Ils n'ont pas constitué avocat.

La cour renvoie aux dernières écritures de l'appelante en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de son argumentation.

Par message RPVA adressé le 12 juin 2020, la cour a demandé à l'avocat de l'appelante de présenter ses observations sur l'éventuelle irrecevabilité de sa demande subsidiaire tirée de sa nouveauté, au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, ce par note en délibéré adressée au plus tard le 19 juin 2020.

L'avocat de l'appelante a répondu par un message du 17 juin 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur la clôture

L'appelante a été destinataire de l'avis adressé en application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 et a déposé son dossier.

La clôture est intervenue à la date limite fixée pour le dépôt des pièces et conclusions, soit le 5 juin 2020.

- Sur le fond

Le tribunal a retenu que l'acte signé était une promesse unilatérale de vente par laquelle les consorts C. P. avaient conféré à la SCI Saint Georges la faculté d'acquérir ou non le bien pendant la durée de la promesse expirant le 14 avril 2017 et que cette dernière, ne soutenant pas avoir fait connaître aux consorts C. P. sa décision de lever l'option avant cette date, ne versait aux débats aucune pièce justifiant de cette levée d'option dans le délai imparti. Il en a déduit que la vente ne pouvait être considérée comme définitive et que la SCI Saint Georges n'était pas fondée à se prévaloir d'un défaut de réalisation de la vente du fait de M. C..

A titre principal, la SCI Saint Georges sollicite l'exécution forcée de la vente en application de la promesse du 19 janvier 2017. Elle reproche au tribunal d'avoir dénaturé les circonstances de fait car M. C. n'a jamais émis la moindre objection quant au caractère parfait de la vente mais a uniquement motivé son refus par celui de ne pas partager le fruit de la vente avec son ex-épouse. Elle fait aussi grief aux premiers juges d'avoir dénaturé les termes de la promesse. Elle soutient que la promesse était sans levée d'option et que le délai de justification de l'obtention ou du refus de prêt n'est pas un délai extinctif, comme l'a indiqué le notaire rédacteur. Elle invoque aussi les termes de l'article « Force exécutoire de la promesse ». Elle fait notamment valoir que toutes les conditions de la vente ont été réalisées dans le délai imparti et qu'elle n'a jamais renoncé à l'achat.

A titre subsidiaire, elle se prévaut de la remise en vente du bien par M. C. sous la forme du mandat exclusif consenti le 22 octobre 2019 à une agence immobilière au prix de 400 000 euros et de la promesse qu'elle a signée aux strictes conditions du mandat le 21 novembre 2019. Elle invoque l'existence d'un accord sur la chose et le prix ainsi que des deux exigences posées par le vendeur quant au nom du notaire et quant à l'attestation délivrée par elle. En conséquence, au visa des articles 1103 et 1217 du code civil, elle sollicite la régularisation de la promesse du 21 novembre 2019 par les consorts C. P. sous astreinte.

En réponse à la demande d'observations de la cour, elle fait valoir que la signature du mandat de vente du 22 octobre 2019, la signature d'une nouvelle promesse par ses soins le 21 novembre 2019 et le refus des consorts C. P. de répondre à la lettre de l'agence immobilière du 16 décembre 2019 constituent des faits nouveaux entrant dans les prévisions des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile.

En tout état de cause, elle soutient que le comportement de M. C. ouvre droit à réparation en application des articles 1217 et 1231-1 du code civil. Elle sollicite la somme de 14 133,76 euros en réparation du préjudice financier lié au remboursement de 8 mensualités du prêt débloqué par la société BNP Paribas. Elle réclame aussi une somme de 270 000 euros correspondant à l'impossibilité pour elle de se porter acquéreur au prix initialement convenu.

- Sur les demandes principales

Aux termes de l'article 1124 du code civil, la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour lequel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.

L'option est consubstantielle à la promesse unilatérale, l'acceptation de la promesse par le bénéficiaire lui ouvrant ce droit d'option.

Du reste, la promesse unilatérale conclue par les parties le 19 janvier 2017 fait bien référence à une levée d'option en ce qu'elle prévoit que « le promettant confère au bénéficiaire la faculté d'acquérir les biens », « lequel bénéficiaire accepte la promesse de vente en tant que promesse, mais se réserve ou non la faculté d'en demander ou non la réalisation (souligné par la cour) » et fait état dans le paragraphe « réalisation » de la « levée de l'option ».

La circonstance que la promesse prévoit qu’ « en raison de l'acceptation par le bénéficiaire de la promesse faite par le promettant », « il s'est formé un contrat entre elles » et qu' « Il est convenu que toute forme de levée d'option ne pourra valoir réalisation des présentes. (...) Les parties veulent que la réalisation de la promesse ne puisse avoir lieu que par la signature de l'acte authentique constatant le caractère définitif de la vente (...) » ne contredit nullement la nécessité d'une levée de l'option par le bénéficiaire. En effet, le contrat formé entre les parties par la promesse acceptée consiste à avoir conféré à la SCI Saint Georges la faculté d'acquérir ou non les biens, soit le droit d'option. Quant au fait que la vente ne devienne définitive que par la signature de l'acte authentique, elle n'exclut pas que le bénéficiaire ait au préalable levé l'option.

Le moyen selon lequel il s'agirait d'une promesse unilatérale sans levée d'option, énoncé par le notaire dans sa lettre du 3 mai 2019 et dans son mail du 26 novembre 2019, n'est donc pas fondé.

La promesse prévoit en outre dans son paragraphe « délai » qu'elle « est consentie pour une durée expirant le 14 avril 2017 à seize heures ».

Le tribunal a ainsi exactement énoncé que la promesse expirait à cette date. Il s'ensuit que la SCI Saint Georges devait lever l'option, non pas avant le 14 avril 2017 comme indiqué par le tribunal, mais au plus tard le 14 avril 2017 à 16 heures, moment à partir duquel la promesse devenait caduque à défaut d'exercice de l'option.

Le moyen tiré de la lettre précitée du notaire suivant lequel le délai de justification de l'obtention ou du refus du prêt n'était pas un délai extinctif est inopérant dès lors qu'est seulement en cause la durée de la promesse elle-même et le délai extinctif prévu à ce titre. De même, il est indifférent que la société BNP Paribas ait manifesté son accord pour le financement de l'opération à la fin du mois de janvier 2017.

Or, pas plus qu'en première instance, la SCI ne soutient avoir fait connaître aux consorts C. P. sa décision de lever l'option dans le délai imparti. De même, elle ne produit toujours pas devant la cour d'éléments justifiant d'une levée d'option de sa part au plus tard le 14 avril 2017 à 16 heures.

Elle ne prouve pas non plus la date à laquelle le notaire a convoqué les consorts C. P. en vue de la signature de l'acte prévue le 26 avril 2017 et force est de constater en tout état de cause que la lettre du notaire l'informant elle-même de ce rendez-vous est datée du 19 avril 2017, soit plusieurs jours après l'expiration de la promesse. Quant à la sommation faite à M. C. par acte d'huissier de justice, elle est encore plus tardive comme remise le 28 avril 2017.

Il n'est donc pas établi que la SCI Saint Georges ait levé l'option avant l'expiration de la promesse, le 14 avril 2017 à 16 heures, en sorte que celle-ci doit être considérée comme caduque. Il suit de là que M. C. était libre de refuser de signer l'acte de vente le 26 avril 2017, quand bien même il aurait motivé son refus par son souhait de ne pas partager le fruit de la vente avec son ex-épouse, que sa carence constatée le 9 mai 2017 est à fortiori non fautive et que la SCI Saint Georges ne saurait poursuivre l'exécution forcée de la vente.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Saint Georges de ses demandes visant à constater que la vente des biens au prix de 270 000 euros est définitive et à dire que la décision à intervenir vaudra vente.

- Sur la demande subsidiaire

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Au cas d'espèce, en raison de la défaillance des consorts C. P. tant en première instance qu'en appel, la demande subsidiaire de la SCI Saint Georges, nouvelle en appel, ne vise pas à opérer compensation ou à faire écarter les prétentions adverses.

Elle n'est pas née de l'intervention d'un tiers ou de la révélation d'un fait.

La signature par la SCI Saint Georges de la promesse synallagmatique de vente du 21 novembre 2019 au prix de 400 000 euros à la suite du mandat confié par M. C. à l'agence Pierres de France immobilier est certes intervenue lors de l'instance d'appel. Cependant, la demande subsidiaire ne consiste pas à faire juger une question née de la survenance d'un fait nouveau mais constitue un bouleversement total des données du litige et aboutit en réalité à juger un tout autre litige dans la mesure où la demande formée en première instance visait à l'exécution forcée d'une vente au prix de 270 000 euros sur la base d'une promesse unilatérale de vente du 19 janvier 2017 alors que la demande subsidiaire tend à obtenir la signature par les consorts C. P. d'une promesse synallagmatique de vente signée par la SCI Saint Georges le 21 novembre 2019 au prix de 400 000 euros, consécutive à une remise en vente du bien à des conditions différentes.

La prétention nouvelle ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise au premier juge au sens de l'article 565 du code de procédure civile, ne serait-ce qu'au regard du prix de vente fixé dans les deux promesses. La demande subsidiaire n'est pas non plus l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande initiale ainsi que prévu à l'article 566 du même code.

Partant, elle doit être déclarée irrecevable comme nouvelle.

- Sur les demandes de délivrance du bien et de dommages et intérêts

La demande d'exécution forcée de la vente ayant été rejetée, il en sera de même de celle subséquente visant à la délivrance des biens, le jugement étant confirmé de ce chef.

Les demandes de dommages et intérêts seront aussi rejetées dès lors que la promesse unilatérale de vente étant devenue caduque, les promettants n'ont commis aucune faute en refusant de signer l'acte authentique de vente, le jugement étant confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Saint Georges de celle portant sur la somme de 14 133,76 euros déjà formée en première instance.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SCI Saint Georges sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé sur les dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Ajoutant :

Déclare irrecevable comme nouvelle la demande subsidiaire ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SCI Saint Georges aux dépens.