Cass. crim., 9 septembre 2020
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
M. Oscar Vandamme
Défendeur :
Bureau de Vérification Chapiteaux Tentes Structures (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Fouquet
Avocat général :
M. Salomon
Avocats :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Lyon-Caen et Thiriez
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. Oscar Vandamme est le président du conseil d'administration de la société BVCTS, entreprise habilitée par le ministère de l’intérieur en application de l’arrêté du 23 janvier 1985, dont l’objet est le contrôle des structures et équipements accueillant du public, et notamment les chapiteaux, tentes et structures mobiles (CTS).
3. En décembre 2008, la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a transmis au procureur de la République un procès-verbal faisant état d’anomalies constatées sur des installations vérifiées par la société BVCTS, laissant penser que des manquements auraient pu être commis à l’occasion de ces contrôles.
4. Renvoyé devant le tribunal correctionnel, M. Vandamme a été condamné pour avoir, au cours des années 2007 et 2008, trompé les clients de la société BVCTS sur les qualités substantielles des prestations de services dispensées, avec cette circonstance que ces faits ont eu pour conséquence de rendre l’utilisation de la prestation de service dangereuse pour la santé.
5. Également poursuivi du chef d’abus de position dominante, il a été reconnu coupable d’avoir, au cours de la même période, pris part de manière personnelle et déterminante à des pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la vérification des chapiteaux, tentes et structures, empêchant les concurrents d'avoir accès à ce marché.
6. En revanche, les premiers juges l’ont relaxé du chef de prêt illicite de main d’oeuvre, troisième délit visé à la prévention.
7. La société BVCTS a été relaxée des chefs d’abus de position dominante et de prêt de main d’oeuvre illicite et condamnée pour tromperie aggravée.
8. La société BVCTS, M. Vandamme, le procureur de la République et certaines parties civiles ont formé appel de cette décision. Examen de la recevabilité des mémoires en défense de Mmes Marie-José Despinoy et Jeannine Goethals contestée par le demandeur au pourvoi
9. La cour d’appel a déclaré irrecevables les constitutions des parties civiles de Mmes Despinoy et Goethals.
10. Les parties civiles ne se sont pas pourvues en cassation contre cette décision.
11. Dès lors, elles ne sont pas parties à l’instance en cassation et les mémoires en défense produits pour elles ne sont donc pas recevables. Examen des moyens Sur le premier moyen pris en ses troisième et quatrième branches et le troisième moyen pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixièmes et septièmes branches.
12. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
13. Le moyen est pris de la violation des articles L. 125-3 (devenu L. 8241-1) et L. 152-3 (devenu L.8243-1) du code du travail, 591 du code de procédure pénale ;
14. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. Vandamme et la société BVCTS coupable de prêt de main d’oeuvre illicite et les a condamnés pénalement, alors : « 1°) que seules les opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’oeuvre sont pénalement sanctionnées ; qu’en relevant un prêt de main d’oeuvre illicite, résultant pour la société BVCTS d’avoir mis à disposition de la société CES ses salariés, pendant la période de suspension de son habilitation, tout en constatant qu’en réalité ces salariés continuaient à travailler sous l’autorité et la subordination de la société BVCTS, laquelle percevait le prix des prestations aux clients après déduction d’une commission au profit de CES, tout en constatant que la société CES était elle-même dirigée par un salarié de la société BVCTS, que les associés de cette dernière étaient également ceux de la première, les deux sociétés ayant la même activité, ce dont il résultait que ces sociétés étaient co-employeurs des salariés et que dès lors la convention passée entre elles n’avait pas pour objet exclusif un prêt de main d’oeuvre à but lucratif, mais visait à faire prospérer des intérêts communs, la cour d’appel a méconnu l’article L8241-1 du code du travail ; 2°) qu’à tout le moins, pour retenir le prêt illicite de main d’oeuvre, la cour d’appel a estimé que la société BVCTS avait prêté sa main d’oeuvre à la société CES, dans un but lucratif ; qu’il résulte cependant des motifs de la Cour d’appel que les salariés n’avaient pas été mis à la disposition de la société CES et continuaient à travailler pour la société BVCTS, laquelle n’était pas rémunérée pour le seul prêt de main d’oeuvre mais pour la prestation que les salariés exécutaient auprès de ses clients ; que la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 8241-1 et L.8243-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
15. L’article L. 8241-1 du code du travail prohibe toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre, y compris entre des sociétés fonctionnant comme une entité unique, lorsqu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions régissant le travail temporaire. 16. Le but lucratif de l'opération conclue entre ces sociétés peut consister, au profit de l'utilisateur ou du prêteur de main-d’œuvre, en un bénéfice, un profit ou un gain pécuniaire.
17. Pour dire établi le délit de prêt de main d’oeuvre illicite, l’arrêt, après avoir relevé que M. François Benault, le gérant de droit de la société CES, ancien salarié de la société BVCTS, a reconnu que la société CES était en réalité gérée depuis les locaux de la société BVCTS par M. Vandamme, qui en était actionnaire avec son épouse, retient que, l’habilitation de la société BVCTS ayant été suspendue, les contrôles de CTS qu’elle devait réaliser pendant cette période ont été effectués par la société CES à la disposition de laquelle elle avait mis ses salariés.
18. Les juges ajoutent qu'il ressort des déclarations de M. Benault que la société CES facturait la prestation mais que les paiements étaient remis à la société BVCTS, qui en rétrocédait une partie à la société CES, les salaires des vérificateurs étant payés par la société BVCTS.
19. Ils en déduisent que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la mise à disposition au profit de la société CES des salariés de la société BVCTS pendant la période où l'habilitation de celle-ci a été suspendue ne revêtait pas un caractère lucratif et qu'il s'agissait bien, au contraire, de lui permettre de continuer à percevoir le prix des opérations de contrôle qu'elle n'était plus censée pouvoir réaliser, et de ne pas perdre ses parts de marché.
20. La cour d'appel en conclut que la convention de sous-traitance signée à cette occasion constituait une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de la main d'oeuvre de la société BVCTS à la société CES, alors même que les salariés restaient sous l'autorité et la subordination de la société BVCTS.
21. En l’état de ces énonciations, dont il résulte que la société BVCTS, d’une part a mis ses salariés à la disposition de la société CES pour effectuer exclusivement les tâches habituellement dévolues aux salariés de cette dernière, d’autre part en a retiré un bénéfice en étant rémunérée au-delà des salaires versés aux salariés prêtés et des charges sociales afférentes, la cour d'appel a justifié sa décision.
22. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Sur le troisième moyen pris en sa première branche
Enoncé du moyen
23. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-4 et 121-2 du code pénal, L213-1 et L216-1 du code de la consommation (devenus L. 441-1, L. 454-1 à L. 454-5), préliminaire, 388, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
24. Le moyen, pris en sa première branche critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. Vandamme et la société BVCTS pour tromperie aggravées et s’est prononcé sur les intérêts civils, alors : « 1°) que, selon les articles L.213-1 et L.216-1 du code de la consommation (devenus L. 441-1 et L.454-1), est punissable la personne qui aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé à l’occasion de l’exécution d’un contrat de prestation de service, en réalisant des prestations ne correspondant pas à celles contractuellement prévues ; que le délit ne s’applique pas aux prestations réalisées dans le cadre d’une mission de service public, ne laissant aux contractants aucun choix des prestations à réaliser ; que l’activité des vérificateurs habilités par le ministère de l’intérieur en vue de s’assurer de la sécurité de structures démontables recevant du public est définie par la voie d’un arrêté ministériel, l’arrêté du 23 janvier 1985, intégré dans l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions du sécurité contre les risques incendie et de panique dans les établissements recevant du public, lequel fixe les obligations des parties, qui s’inscrivent dans le cadre de la police des établissements recevant du public ; qu’ainsi, le contrat passé entre un vérificateur habilité et le propriétaire d’un tel établissement afin d’opérer les vérifications prévues par l’arrêté précité et destinées à permettre d’obtenir un autorisation d’ouverture au public, ne laissant aucun choix des prestations aux contractants ne constitue pas une prestation de service contractuellement prévues ; que le délit ne s’applique pas aux prestations réalisées dans le cadre d’une mission de service public, ne laissant aux contractants aucun choix des prestations à réaliser ; que l’activité des vérificateurs habilités par le ministère de l’intérieur en vue de s’assurer de la sécurité de structures démontables recevant du public est définie par la voie d’un arrêté ministériel, l’arrêté du 23 janvier 1985, intégré dans l’arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions du sécurité contre les risques incendie et de panique dans les établissements recevant du public, lequel fixe les obligations des parties, qui s’inscrivent dans le cadre de la police des établissements recevant du public ; qu’ainsi, le contrat passé entre un vérificateur habilité et le propriétaire d’un tel établissement afin d’opérer les vérifications prévues par l’arrêté précité et destinées à permettre d’obtenir un autorisation d’ouverture au public, ne laissant aucun choix des prestations aux contractants ne constitue pas une prestation de service visées par l’article L.216-1 du code de commerce ; qu’en estimant que la société BVCTS n’avait pas rempli ses obligations relatives aux vérifications de la sécurité des structures, visées par les dispositions de l’arrêté du 23 janvier 1985, s’inscrivant dans le cadre du pouvoir de police du ministre et des maires et non dans le cadre de prestations de service librement contractées, la cour d’appel a méconnu l’article L.213-1 et L.216-1 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
25. L’article L. 441-1 du code de la consommation (anciennement L. 213-1 dudit code), qui définit le délit de tromperie, est applicable à la conclusion ou à l’exécution de tout contrat de prestation de service.
26. Les dispositions de l’arrêté du 23 janvier 1985 portant approbation de dispositions complétant et modifiant le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP type CTS) intégré à l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, qui réglementent le contrôle des CTS par des bureaux de vérification habilités, ne font pas obstacle à l’application du délit de tromperie aux prestations fournies par ces derniers dans le cadre de contrats passés avec les propriétaires et exploitants de ces structures.
27. Dès lors, le grief n’est pas fondé.
Sur le premier moyen pris en ses première, deuxième, cinquième, sixième, septième, neuvième, douzièmes et treizièmes branche
Enoncé du moyen
28. Le moyen est pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, 111-4 du code pénal, L.420-2, L.420-6 du code de commerce, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
29. Le moyen en ses branches critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné M. Vandamme pour abus de position dominante pénalement et civilement, alors : « 1°) que la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 420-6 du code de commerce en ce qu’il incrimine l’abus de position dominante qui ne manquera pas d’être prononcée, impliquant l’abrogation dudit article, entrainera nécessairement la perte de tout fondement légal des poursuites ; 2°) que le délit d’abus de position dominante qui ne précise pas par rapport à quelle norme s’apprécient les pratiques abusives qu’elle vise, ne donnant que des illustrations des formes qu’elles peuvent prendre, en visant certaines pratiques commerciales, qui ne définit pas plus la matérialité de l’infraction, en l’imputant non pas à l’auteur de la pratique, mais à toute personne qui y prend une part prépondérante et qui ne permet pas de déterminer avec certitude si l’incrimination implique l’intention de tromper méconnaît le principe de légalité des délits ; qu’en en faisant application, la cour d’appel a violé l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme ; 5°) qu’en outre, il appartient aux juges de caractériser l’abus de position dominante ; que cet abus ne peut résulter que de pratiques commerciales indues ; qu’en retenant au titre de l’abus de position dominante, le fait que M. Vandamme aurait engagé ou fait engager des procédures juridictionnelles à l’encontre de ses concurrents, la cour d’appel, qui n’a ainsi pas constaté des pratiques commerciales abusives, a méconnu les articles L. 420-2 et L.420-6 du code de commerce, alors ; 6°) qu’en outre, s’agissant des actions à l’encontre des concurrents, la cour d’appel qui se contente de faire état de leur témoignage ; que l’ordonnance de renvoi n’en faisant pas expressément état, le prévenu n’ayant pu efficacement se défendre sur de telles allégations, il appartenait aux juges de préciser quels étaient les éléments de preuve établissant les faits présentés comme simplement allégués ; qu’en ne procédant pas à la présentation de ces éléments, la cour d’appel a méconnu le droit à un procès équitable ; 7°) qu’à tout le moins, le droit d’ester en justice est un droit fondamental ; que l’abus ne peut exceptionnellement être reconnu que, si une entreprise en position dominante intente des actions en justice qui ne peuvent pas être raisonnablement considérées comme visant à faire valoir ses droits, et ne peuvent dès lors servir qu'à harceler le concurrent, et qui sont conçues dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer la concurrence ; qu’en relevant que le prévenu avait abusé de sa position dominante en engageant des actions en justice contre certains de ses concurrents, soit pour contester leur agrément, soit en alléguant des faux, sans préciser en quoi ces actions étaient abusives, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ; 9°) que l’abus de position dominante suppose un lien entre la position dominante et la pratique pouvant avoir un effet anti-concurrentiel ; que des pratiques objectivement justifiées par les conditions d’exécution d’un contrat n’entrent pas dans le cadre de l’abus de position dominante ; qu’en relevant pour retenir le délit que l’un des clients de la société BVCTS, que dirigeait le prévenu, aurait été menacé d’une action en justice, lorsqu’il avait exprimé sa volonté de résilier son contrat, qu’il estimait trop coûteux, quand la sanction du non-respect des obligations contractuelles par un client est objectivement justifiée et sans lien avec la position dominante, la cour d’appel a méconnu l’article L420-6 du code de commerce ; 12°) qu’en outre, l’article L.420-6 du code de commerce sanctionne le fait, pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de pratiques anticoncurrentielles ; qu’en retenant le délit à l’encontre du prévenu, aux motifs qu’il était à l’origine de la politique ayant déterminé les actions, les dénigrements et les courriers aux clients, sans préciser quels éléments permettaient de faire état d’une telle politique, qui plus est établie au nom de la société BVCTS qui aurait abusé de sa position dominante, l’arrêt faisant état de certaines actions engagées au nom de l’ASPEC, association de professionnels ne pouvant abusé d’une position dominante sur un marché ou ne précisant pas qui avait engagé les actions en justice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ; 13°) qu’enfin, l’abus de position dominante n’est punissable que si son auteur a agi frauduleusement en vue d’entraver la concurrence ; qu’en estimant que le prévenu avait agi frauduleusement, sans préciser, en quoi les pratiques en cause manifestaient une intention d’utiliser la position dominante de la société afin d’entraver l’activité des concurrents, et sans préciser en quoi ces actes manifestaient une volonté de tromper ses clients ou toute autre personne à de telles fins, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’élément moral de l’infraction. »
Réponse de la Cour
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
30. Le moyen est devenu sans objet dès lors que la Cour de cassation a dit, par arrêt du 19 décembre 2018, n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
31. Les dispositions de l’article L. 420-6 du code de commerce, qui renvoient aux articles L. 420-2 et L. 420-1 du même code ne sont pas de nature à méconnaître le principe de légalité posé par l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme.
32. En effet, d’une part, il résulte de la combinaison des articles L. 420-6, L. 420-1 et L.420-2 du code de commerce que la participation à des pratiques caractérisant l'exploitation abusive d'une position dominante est réprimée lorsque ces pratiques, en lien avec la domination du marché par l’entreprise, ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché et qu'elles ne sont pas justifiées au regard des dispositions de l'article L. 420-4 du même code.
33. D'autre part, l'article L. 420-6 qui incrimine le fait de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre des pratiques prohibées, vise tout acte de participation ayant un lien de causalité avec ces pratiques, commis intentionnellement, de mauvaise foi ou dans le but de tromper.
34. Ainsi, ces textes sont rédigés en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d'arbitraire et laissent au juge, auquel la loi permet de consulter l'autorité de la concurrence, le soin, conformément à son office, de qualifier des comportements que le législateur, de par leur complexité et leur variété, ne peut énumérer de façon exhaustive.
35. Dès lors le grief n’est pas fondé. Mais, sur le premier moyen pris en ses cinquième, sixième, septième, neuvième, douzième et treizième branche Vu les articles L.420-6, L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 593 du code de procédure pénale :
36. Il résulte des trois premiers de ces textes qu’est prohibé le fait pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle à l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci lorsque les pratiques mises en oeuvre ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur ce marché et qu'elles ne sont pas justifiées au regard des dispositions de l'article L. 420-4 du même code, qui exclut notamment les pratiques résultant de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application.
37. Il s’en déduit que l’exercice d’une action en justice, expression du droit fondamental d’accès au juge, ne peut être qualifié d’abusif, qu’à la double condition d’une part de ne pouvoir être raisonnablement considéré comme visant à faire valoir les droits de l’entreprise concernée, d’autre part, de s’inscrire dans un plan visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré.
38. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
39. En l’espèce, pour condamner le prévenu du chef d’abus de position dominante, l’arrêt attaqué relève notamment que des concurrents de l’entreprise BVCTS ont fait état de ce que leur société avait fait l’objet de recours ou de plaintes à l’occasion de leur demande d’habilitation. Il retient également qu’un des clients de la société a été menacé d’une action en justice après avoir émis le souhait de résilier le contrat conclu avec la société dirigée par M. Vandamme.
40. Les juges en déduisent que ces multiples actions en justice, manifestement destinées à intimider, constituent l'exploitation abusive d’une position dominante de la société BVCTS sur le marché.
41. En statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
42. En effet, elle n’a pas recherché si ces actions en justice, d’une part avaient été déclenchées par la société BVCTS ou son dirigeant, d’autre part étaient manifestement dépourvues de tout fondement et n’avaient pour objet que d’écarter ses concurrents.
43. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens, la Cour : CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Douai, en date du 19 mars 2018, mais en ses seules dispositions ayant déclaré M. Vandamme coupable du délit d’abus de position dominante et relatives aux peines ainsi qu’en ses dispositions civiles concernant les sociétés ACEPI et PYRES et M. Theriaux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf septembre deux mille vingt.