Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 22 septembre 2020, n° 18/19018

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

La Voix Du Nord (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

TGI Paris, du 25 mai 2018

25 mai 2018

EXPOSE DES FAITS

La société LA VOIX DU NORD est l'éditrice du quotidien papier « La Voix du Nord », lequel est décliné en plusieurs éditions locales dans le Nord et le Pas-de-Calais et tiré chaque jour à près de 250 000 exemplaires, ainsi que du site internet associé www.lavoixdunord.fr.

Elle est titulaire de la marque semi-figurative française « LA VOIX DU NORD » n°3577395 déposée le 26 mai 2008 sous laquelle elle publie ses éditions papier, pour désigner :

- en classe 16 : Produits, de l'imprimerie ; photographies ; clichés ; journaux ; prospectus ; brochures ;

- en classe 35 : Publicité ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires

- en classe 38 : Télécommunications ; communications par terminaux d'ordinateurs ou par réseau de fibres optiques ; services d'affichage électronique (télécommunications) ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; agences de presse ou d'informations (nouvelles) ; émissions radiophoniques ou télévisées ; services de messagerie électronique ;

- en classe 41 : Divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d'éducation ; services de loisir ; publication de livres ; production de films sur bandes vidéo ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique.

Outre la publication de son journal papier, la société LA VOIX DU NORD propose sous cette marque son journal sur internet avec plusieurs déclinaisons, notamment des pages consacrées à la commune d'Hénin-Beaumont.

La société LA VOIX DU NORD exploite aussi une page FACEBOOK dénommée « La Voix du Nord d'Hénin-Beaumont » à l'adresse URL « http://www.facebook.com/pg/lavoixdunord.henin/ ».

Elle indique avoir découvert la création sur le réseau social internet FACEBOOK, d'une page intitulée « La Voie d'Hénin » à l'adresse URL « https://www.facebook.com/voiedhenin/ », sur laquelle ont été publiés des textes, entre les mois de décembre 2015 et novembre 2016, avec un logo reprenant une couleur bleue, avec la mention « Réinformez-vous sur l'actualité d'Hénin-Beaumont ».

La société LA VOIX DU NORD précise avoir découvert ultérieurement que cette page est administrée par Christopher S., adjoint au maire d'Hénin-Beaumont, délégué à la jeunesse, à la culture et à la vie associative, le maire de la commune étant depuis 2014, Steeve B., vice-président du parti politique Front National devenu Rassemblement National.

La société LA VOIX DU NORD, estimant que cette publication, par la communication qui y est faite, lui a porté atteinte et lui a causé un préjudice, a assigné la commune d'Hénin-Beaumont et Christopher S. devant le tribunal de grande instance de Paris en leur reprochant des faits de contrefaçon de marque et de droit d'auteur, ou subsidiairement de parasitisme ainsi que de concurrence déloyale.

Par jugement du 25 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté la société LA VOIX DU NORD de ses prétentions au titre de la contrefaçon de la marque française semi-figurative n° 3577395, lui appartenant, faute d'usage du signe litigieux dans la vie des affaires,

- dit que les articles et la photographie reproduite ne bénéficient pas de la protection, au titre des droits d'auteur,

- rejeté la demande subsidiaire en parasitisme,

- rejeté l'action en concurrence déloyale,

- débouté la société LA VOIX DU NORD de ses prétentions au titre de la violation de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004,

- ordonné la mise hors de cause de la Commune d'Hénin-Beaumont,

- condamné La société LA VOIX DU NORD aux dépens,

- condamné La société LA VOIX DU NORD à payer à Christopher S. et à la commune d'Hénin-Beaumont, la somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société LA VOIX DU NORD a fait appel de ce jugement.

Par conclusions du 25 octobre 2018, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2018 en ce qu'il a :

- débouté la société LA VOIX DU NORD de ses prétentions au titre de la contrefaçon de la marque française semi-figurative n° 3577395, lui appartenant, faute d'usage du signe litigieux dans la vie des affaires ;

- dit que les articles et la photographie reproduite ne bénéficient pas de la protection, au titre des droits d'auteur ;

- rejeté la demande subsidiaire en parasitisme ;

- rejeté l'action en concurrence déloyale ;

- débouté la société LA VOIX DU NORD de ses prétentions au titre de la violation de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 ;

- ordonné la mise hors de cause de la Commune d'Hénin-Beaumont ;

- condamné la société LA VOIX DU NORD aux dépens ;

- condamné la société LA VOIX DU NORD à payer à monsieur Christopher S. et à la Commune d'Hénin-Beaumont, la somme globale de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- de statuer de nouveau et de :

Sur la contrefaçon de marque :

- juger que la reproduction du signe « La Voie d'Hénin » sur la page Facebook accessible à l'adresse URL « https://www.facebook.com/voiedhenin/ », comme titre de la page et à côté de chaque publication de ladite page, constitue un acte de contrefaçon de la marque française n° 3577395 « LA VOIX DU NORD ».

- condamner in solidum la commune d'Hénin Beaumont et M. Christopher S. à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 20 000 € en réparation du préjudice subi. A défaut,

- condamner M. Christopher S. à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 20 000 € en réparation du préjudice subi.

- enjoindre M. Christopher S. à retirer de la page Facebook accessible à l'adresse URL « https://www.facebook.com/voiedhenin/ » l'expression « La Voie d'Hénin », et ce dans les 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard et par infraction constatée.

Sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur :

- juger que les trois articles et la photographie reproduits sur la page Facebook accessible à l'adresse URL « https://www.facebook.com/voiedhenin/ » sont originaux et donc éligibles à la protection par le droit d'auteur,

- condamner in solidum la commune d'Hénin Beaumont et M. Christopher S. à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 5 000 € par oeuvre reproduite en réparation du préjudice subi, soit 20 000 € au total. À défaut, condamner M. Christopher S. à payer à celle-ci de 5 000 € par oeuvre reproduite, 20 000 € au total.

- enjoindre M. Christopher S. à retirer de la page Facebook accessible à l'adresse URL « https://www.facebook.com/voiedhenin/ » les articles et la photographie jugés contrefaisants, dans les 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard et par oeuvre.

A titre subsidiaire, sur le parasitisme :

Si par extraordinaire la Cour devait juger que la commune d'Hénin Beaumont et/ou M. Christopher S. n'ont pas commis d'actes de contrefaçon de marque et/ou de droit d'auteur, juger que lesdits actes sont constitutifs d'actes de parasitisme fautifs.

- au titre de l'utilisation du terme « La Voie d'Hénin », condamner M. Christopher S. et la commune d'Hénin Beaumont in solidum, et à défaut M. Christopher S., à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 20 000 € au titre du préjudice subi.

- condamner M. Christopher S. et la commune d'Hénin Beaumont in solidum, et à défaut M. Christopher S., à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 5 000 € au titre du préjudice subi du fait de la reproduction de chaque article et photographie qui ne serait pas, selon la Cour, éligible à la protection par le droit d'auteur.

- ordonner à M. Christopher S. de cesser de tout acte sur la page Facebook, accessible à l'adresse URL « https://www.facebook.com/voiedhenin/ », qui serait jugé parasitaire, dans les 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard et par infraction constatée.

En tout état de cause, sur les actes de concurrence déloyale :

- juger que la commune d'Hénin Beaumont et M. Christopher S. ont commis au préjudice de la société LA VOIX DU NORD des actes de concurrence déloyale distincts des actes de contrefaçon de marque et de droits d'auteur.

- condamner in solidum la commune d'Hénin Beaumont et M. Christopher S. à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 15 000 € à titre de réparation de son préjudice.

Sur la violation des dispositions de l'article 6-III de la loi sur la confiance dans l'économie numérique :

- juger que la page Facebook « La Voie d'Hénin » accessible à l'adresse URL « https://www.facebook.com/voiedhenin/ » a été créée à titre professionnel au sens de l'article 6-III-2 loi sur la confiance dans l'économie numérique, et que M. Christopher S. a violé les dispositions de l'article 6-III-1 de cette loi.

- si la Cour devait estimer que la page litigieuse n'est pas éditée à titre professionnel au sens de l'article 6-II-2 de loi sur la confiance dans l'économie numérique, juger que M. Christopher S. a violé les dispositions l'article 6-III-2 de cette loi,

- juger que la faute de M. Christophe S. est détachable du service et condamner celui-ci à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner in solidum la commune d'Hénin Beaumont et M. Christophe S. à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 29 janvier 2019, la commune de Hénin-Beaumont et monsieur Christophe S. demandent à la cour de :

Sur la contrefaçon alléguée de la marque française LA VOIX DU NORD numéro 3577395 :

- juger que l'usage fait par M. Christopher S. du signe litigieux « La Voie d'Hénin» n'est pas un « usage dans la vie des affaires » ou « « au cours d'opérations commerciales».

- confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2018 en ce qu'il a débouté la société La Voix du Nord de ses prétentions au titre de la contrefaçon de sa marque française semi-figurative n°3577395 faute d'usage du signe litigieux dans la vie des affaires ;

Si par extraordinaire, la Cour devait juger que M. Christopher S. a fait usage du signe litigieux « La Voie d'Hénin » « dans la vie des affaires » ou « « au cours d'opérations commerciales » :

- juger que les services désignés par M. Christopher S. sous le signe litigieux « La Voie d'Hénin » ne sont ni identiques, ni similaires aux produits et services de la marque LA VOIX DU NORD numéro 3577395 et débouter en conséquence la société La Voix du Nord de son action en contrefaçon de marque.

- A supposer que la Cour dise les services désignés par M. Christopher S. sous le signe litigieux « La Voie d'Hénin » similaires aux produits et services de la marque LA VOIX DU NORD numéro 3577395 : juger qu'aucun risque de confusion n'existe entre la marque LA VOIX DU NORD numéro 3577395 et le signe litigieux « La Voie d'Hénin » et débouter en conséquence la société La Voix du Nord de son action en contrefaçon de marque.

Sur la contrefaçon alléguée des droits d'auteur de la société La Voix du Nord :

- juger que la société La Voix du Nord ne rapporte pas la preuve de l'originalité des trois articles et de la photographie allégués de contrefaçon ;

- juger en conséquence la société La Voix du Nord :

- irrecevable à agir en contrefaçon de ses hypothétiques droits d'auteur ;

- ou à tout le moins-fondée en son action en contrefaçon de droits d'auteur et confirmer en conséquence le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2018 en ce qu'il a débouté la société La Voix du Nord de son action en contrefaçon de droits d'auteur

Sur le dénigrement allégué :

- juger que les propos litigieux mis en ligne par M. Christopher S. sur le réseau social Facebook ne sont pas constitutifs d'un dénigrement des produits et services de la société La Voix du Nord ;

- juger qu'en toute hypothèse M. Christopher S. ne saurait engager sa responsabilité pour dénigrement des produits et services de la société La Voix du Nord à raison de propos litigieux émis par des tierces personnes ;

- confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2018 en ce qu'il a débouté la société La Voix du Nord de ses prétentions au titre du dénigrement allégué.

Sur le respect des dispositions de l'article 6.III.2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 :

- juger que M. Christopher S., en sa qualité d'éditeur non-professionnel du service de communication au public en ligne accessible sur le réseau social Facebook sous le vocable « La Voie d'Hénin », n'est pas tenu de s'identifier directement auprès des tiers ;

- juger que M. Christopher S., en sa qualité d'éditeur non-professionnel du service de communication au public en ligne accessible sur le réseau social Facebook sous le vocable « La Voie d'Hénin », a satisfait à ses obligations légales en s'identifiant auprès du prestataire d'hébergement Facebook ;

- juger en toute hypothèse que la société La Voix du Nord n'a subi aucun préjudice résultant de la violation alléguée des dispositions de l'article 6.III.2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 ;

- confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2018 en ce qu'il a débouté la société La Voix du Nord de ses prétentions au titre de la violation alléguée des dispositions de l'article 6.III.2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004.

Sur l'action en parasitisme intentée à titre subsidiaire par la société « La Voix du Nord » :

- juger qu'une action en parasitisme ne peut être intentée à l'encontre d'un non-professionnel tel que M. Christopher S. ;

- juger que M. Christopher S. n'a commis aucune faute constitutive d'un hypothétique agissement parasitaire ;

- juger que la société La Voix du Nord ne rapporte pas, à l'appui de son action en parasitisme, la preuve de faits distincts de son action en contrefaçon de marque et de droits d'auteur ;

- confirmer en conséquence le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2018 en ce qu'il a débouté la société La Voix du Nord de ses prétentions au titre du parasitisme.

En toute hypothèse :

Sur l'absence de responsabilité de la commune d'Hénin-Beaumont :

- juger que la société La Voix du Nord ne rapporte pas la preuve de la participation de la commune d'Hénin-Beaumont aux agissements litigieux objets de son action ;

- confirmer en conséquence le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 mai 2018 en ce qu'il a ordonné la mise hors de cause de la Commune de Hénin-Beaumont

- condamner la société La Voix du Nord à verser, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à verser :

   - à la commune de Hénin-Beaumont, la somme de 10 000 euros ;

   - à M. Christopher S. la somme de 10 000 euros.

- condamner la société La Voix du Nord aux entiers dépens dont le recouvrement sera directement assuré par M. Damien C., Avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 janvier 2020.

Par messages électroniques des 24 avril 2020 envoyés au président de la chambre, ainsi que par attestations déposées avec leurs dossiers, les parties ont expressément consenti à la procédure sans audience au sens de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020.

MOTIVATION

Sur la contrefaçon de marque

Après avoir rappelé que l'atteinte à la marque suppose que le signe en cause soit utilisé à titre de marque, et qu'un signe n'exerce la fonction de marque que s'il désigne des produits et services et les rattache à une origine commerciale déterminée, le tribunal a rappelé les conditions dans lesquelles était exploitée sur le réseau FACEBOOK la page intitulée « la voix d'Hénin », sur laquelle son administrateur faisait part de ses appréciations sur la vie de la commune d'Hénin Beaumont et sur son traitement par le quotidien « La Voix du Nord » et permettait aux internautes de faire des commentaires. Le jugement a notamment relevé que cette publication numérique ne présentait pas de périodicité, était accessible gratuitement et que tout internaute pouvait y ajouter ses observations, et qu'elle constituait une lettre d'opinion politique, ne comportant aucune publicité commerciale, n'incitant pas à participer à des opérations commerciales ni à les financer, et ne tendant pas à obtenir un avantage économique. Il en a déduit que le signe en cause n'était pas utilisé dans la vie des affaires et ne portait pas atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l'origine des produits, de sorte que la demande en contrefaçon de marque ne pouvait être accueillie.

La société LA VOIX DU NORD rappelle la définition de « l'usage dans la vie des affaires » et soutient que les intimés, qui ont voulu assimiler cette page à un média, utilisent le signe contesté dans la vie des affaires ainsi qu'à des fins politiques, comme le démontrent les agissements de son administrateur monsieur S.. Elle déduit de l'utilisation de la page FACEBOOK « La voie d'Hénin » que ce signe est utilisé pour communiquer des informations liées à l'actualité, donc pour des services identiques ou à tout le moins très proches de ceux visés par la marque.

Elle fait état de la similarité des signes en présence, souligne la notoriété de sa marque dans la région du Nord et sur l'ensemble du territoire français, et relève que la reprise d'articles du journal La Voix du Nord sur cette page FACEBOOK à côté du signe litigieux accentue le risque de confusion pour un lecteur d'attention moyenne. Elle en déduit l'existence d'une contrefaçon de sa marque, et détaille les mesures réparatrices qu'elle sollicite.

Monsieur S. et la commune d'Hénin-Beaumont soutiennent que la motivation du tribunal doit être confirmée, et que l'appelante amalgame les faits imputables à chacun d'eux, sans démontrer la participation de la commune aux faits discutés, la création de la page FACEBOOK contestée étant de la seule initiative de monsieur S.. Ils soulignent qu'il s'agit d'une page d'expression personnelle de celui-ci, lequel n'est devenu adjoint à la communication de la commune qu'en juillet 2017, soit après les faits litigieux. Ils ajoutent qu'il ne s'agit pas d'un usage dans la vie des affaires, selon les critères jurisprudentiels. Ils contestent toute identité ou similarité entre les produits et services visés par la marque et ceux mis en oeuvre sur la page FACEBOOK en cause, relèvent que l'appelante s'abstient de toute démonstration en ce sens, et soulignent l'absence de périodicité des publications sur ladite page. Ils ajoutent qu'il n'existe aucun risque de confusion entre la marque et le signe allégué de contrefaçon, ce d'autant que les modes d'accès à la page litigieuse et à la page internet du journal La Voix du Nord sont différents, et que les signes sont peu ressemblants.

Sur ce

Il résulte des procès-verbaux produits par la société LA VOIX DU NORD et dressés les 23 décembre 2015, 24 novembre et 20 décembre 2016 que sur le réseau social FACEBOOK existe une page intitulée « la voie d'Hénin » utilisant ce signe notamment sous les formes suivantes :

Cette page a été créée et est administrée par monsieur S..

Le titulaire d'une marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, d'un signe identique ou similaire, sous certaines conditions posées par les directives 2008/95 puis 2015/2436.

La CJUE a jugé, dans l'arrêt C-206/01 Arsenal Football Club du 12 novembre 2002, que l'usage d'un signe a 'lieu dans la vie des affaires, dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé', et cette formulation a été reprise par la CJUE dans plusieurs arrêts postérieurs.

En l'espèce, comme l'a relevé le jugement, cette page FACEBOOK ne contient pas de publicité commerciale, ni n'incite à participer à des opérations commerciales, et monsieur S. ne tire pas un avantage économique de son exploitation.

Si elle relaie une opinion politique et contient des critiques à l'égard des opposants politiques au maire de la commune d'Hénin-Beaumont et au journal La Voix du Nord édité par l'appelante, cette page a été diffusée sur le réseau social FACEBOOK, elle est accessible gratuitement aux internautes et leur permet d'apporter les commentaires qu'ils souhaitent, et son absence de périodicité définie n'est pas contestée.

Il n'est pas établi que cette page porte atteinte à la fonction essentielle de la marque semi-figurative « LA VOIX DU NORD » n°3577395 qui est de garantir l'origine des produits et services visés par cette marque.

Le jugement a ainsi justement retenu que l'usage du signe en cause n'intervenait pas dans la vie des affaires, et n'a pas accueilli la demande en contrefaçon de marque présentée par la société LA VOIX DU NORD.

Sur la contrefaçon de droit d'auteur

Le jugement a considéré que si la société LA VOIX DU NORD bénéficiait de la présomption de titularité de droits d'auteur sur les articles publiés dans son journal, ces articles -reproduits sur la page litigieuse- révélaient un savoir-faire journalistique mais non l'empreinte de la personnalité de leur auteur, de sorte qu'ils ne pouvaient bénéficier d'une protection à ce titre. Il a eu le même raisonnement concernant la reprise d'une photographie montrant l'allocution d'une élue lors d'une réunion publique.

La société LA VOIX DU NORD rappelle qu'il revient à la juridiction d'apprécier l'originalité de chacune des oeuvres, et qu'en l'espèce les articles reproduits sur la page FACEBOOK en cause doivent être protégés par le droit d'auteur, car ils contiennent des formules personnelles à leurs auteurs et révèlent des choix stylistiques et narratifs personnels. Elle ajoute, s'agissant de la photographie reprise par la page litigieuse, que le choix du photographe de se placer en contre-plongée, le réglage de la focale et de la distance du sujet, l'instant retenu pour le cliché, dépendent du photographe et des choix arbitraires qui rendent cette photographie éligible au droit d'auteur. Elle souligne que la reproduction en intégralité de ces oeuvres par la page FACEBOOK n'était pas utile, puisque les intimés pouvaient utiliser un renvoi en lien hypertexte.

Les intimés relèvent que les articles consistent en des entrefilets, des comptes-rendus factuels reproduits partiellement afin d'illustrer le commentaire polémique de monsieur S.. Ils ajoutent que ces articles, comme la photographie, ne sont pas éligibles à la protection au titre du droit d'auteur, faute d'originalité, et ne constituent que des informations de presse dénuées de l'empreinte de la personnalité de leur auteur, dont on ignore l'identité. Ils font état de la grande banalité de la photographie, reproduisant le sujet non correctement cadré, sans mise en scène et sans recherche de création originale. Ils sollicitent la confirmation du jugement entrepris.

Sur ce

Selon l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle,

« L’auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ».

L'article L.112-1 édicte que

« les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ».

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale. Lorsque la protection est contestée en défense, l'originalité doit être explicitée et démontrée par celui qui se prétend auteur.

Le jugement a relevé que la société LA VOIX DU NORD devait, alors qu'il n'était pas contesté que c'était sous son nom que les articles et photographie en cause avaient été publiés, bénéficier, comme personne morale, de la présomption de titularité de droits d'auteur.

Ce point n'est pas contesté par les intimés, de sorte que l'appelante bénéficie également de cette présomption en cause d'appel.

Le procès-verbal dressé le 20 décembre 2016 établit que l'article « Pole métropolitain : tout commence le 17 mars ! »a été publié par le journal La Voix du Nord dans son édition du 3 mars 2016, et a été reproduit sur la page FACEBOOK « la voie d'Hénin » le 10 mars 2016 ; l'article « Braderie : le jour d'après... » a été publié par le journal dans son édition du 28 août 2016, et a été reproduit le même jour sur la même page FACEBOOK ; enfin, l'article « Valérie Cuvillier ou la méthode gagnante du « gant de velours » » a été publié avec la photographie par le journal dans son édition du 29 novembre 2016, et une reproduction partielle de cet article et de ce cliché apparaissent sur cette page FACEBOOK le 30 novembre 2016.

Il convient de relever que l'identité de l'auteur de la photographie n'est pas connue, pas plus que celle des auteurs des articles reproduits sur la page FACEBOOK, ces articles n'étant pas signés.

S'agissant du 1er article « Pole métropolitain : tout commence le 17 mars! », la formulation dramatique de la présentation du sujet dans le titre, ou le style revendiqué comme direct et imagé de la 1ère phrase « A force d'en parler au futur, il va falloir très vite s'habituer à évoquer le Pôle métropolitain au présent » ne peut révéler en soit un traitement personnel de l'information ni la sensibilité de l'auteur de l'article, s'agissant d'un court article annonçant un événement factuel, soit la prochaine élection du président d'un syndicat inter-communal, et indiquant le nom d'un candidat pressenti, ou le nombre et la sensibilité des futurs membres élus.

Le recours à des effets de style rendant la lecture de l'article attractive pour le lecteur relève de la technique journalistique, mais n'est pas de nature à révéler l'expression de la sensibilité de son auteur, rapportant des informations objectives relatives à la vie locale dont il n'est ni prétendu ni justifié que leur articulation entre elles serait originale.

S'agissant de l'article « Braderie : le jour d'après... », il s'agit d'un entrefilet portant sur les réactions locales à la suite de l'annonce de l'annulation de la braderie, et rapportant l'idée de créer un fonds local permettant aux associations de ne pas en supporter les conséquences financières. Les expressions qui y sont utilisées, si elles participent à donner un certain ton à l'article, relèvent d'une technique narrative et rapportent des données factuelles, de sorte qu'elles sont insusceptibles de révéler l'empreinte de la personnalité de l'auteur, ou un traitement personnel de l'information.

Le 3ème article, dont une partie a été mise en ligne sur la page FACEBOOK administrée par monsieur S. le 30 novembre 2016, relate les résultats d'une élection dans la commune de ROUVROY à la suite de la démission de son maire, l'affrontement entre deux listes et la très nette victoire de celle menée par une élue communiste. Les effets stylistiques utilisés, s'ils participent à donner un certain rythme à l'article, empruntent à la technique d'écriture journalistique, et rendent compte d'un fait - soit les résultats d'une élection municipale au vu du résultat intervenu dans la commune voisine -, de sorte que le texte de cet article ne révèle pas une création intellectuelle et n'est pas éligible à la protection du droit d'auteur.

S'agissant de la photographie, reproduite partiellement sur la page FACEBOOK en cause, elle montre une personne debout, prenant la parole en tenant une feuille de papier dans ses mains, et plusieurs personnes assises derrière elle, dans une salle.

Ce cliché représente donc une personne prise sur le vif, lors d'une réunion publique, sans que le photographe ait pu imposer ses choix quant à son placement, son attitude ou à sa pose.

Le recours à la contre-plongée n'apparaît pas original pour prendre un cliché d'une personne debout devant une audience assise, comme le fait de cadrer l'orateur au centre du cliché. Les ombres et les lignes de fuite figurant sur cette photographie n'ont pas été mises en scène ou provoquées par son auteur, qui ne revendique pas avoir choisi l'éclairage, ou l'avoir modifié pour prendre ce cliché. Il n'est pas non plus soutenu que l'auteur ait influé sur la direction du regard des personnes dans le public, et la ligne de fuite créée par ces regards - si elle peut expliquer le fait que ce cliché ait été retenu-, est insuffisante à révéler des choix créatifs révélateurs de la personnalité de son auteur, dont l'identité n'est pas connue. La focale retenue, la distance ou le positionnement du photographe relèvent du simple réglage, et non des choix créatifs et esthétiques qu'il a opérés.

Aussi, le jugement sera-t-il confirmé en ce qu'il a retenu que ces articles et cette photographie n'étaient pas originaux et ne pouvaient pas bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur.

Sur le parasitisme

Après avoir retenu que le parasitisme pouvait être invoqué à titre subsidiaire pour des faits matériellement identiques à ceux allégués au titre de la contrefaçon lorsque celle-ci n'était pas retenue, le tribunal a rappelé que le parasitisme n'était envisageable qu'entre professionnels et qu'en l'espèce la page FACEBOOK en cause ne participait pas à une activité économique ou commerciale ni ne cherchait à promouvoir une telle activité, et qu'elle ne s'adressait pas à un public de consommateurs mais à tout internaute. Il en a déduit que les défendeurs n'intervenaient pas dans un cadre commercial ou professionnel, et que le parasitisme ne pouvait être retenu.

La société LA VOIX DU NORD considère que les intimés se sont comportés en professionnels de l'édition, monsieur S. utilisant sa page FACEBOOK pour attaquer le journal, en détourner les lecteurs et faire état de ses différences de vue avec le journal. Elle ajoute disposer elle-même d'une page FACEBOOK dédiée à la commune d'Hénin-Beaumont, que la page « la voie d'Hénin » est à l'attention des lecteurs du journal et cherche à les tromper. Elle soutient que la commune d'Hénin-Beaumont profite, via monsieur S., de ses investissements, en prenant un nom proche, en reproduisant des articles et en faisant souvent le lien avec le journal, créant ainsi un risque de confusion.

Les intimés soutiennent que le parasitisme ne peut être invoqué à l'égard d'un non-professionnel comme monsieur S. et que celui-ci n'a commis aucun agissement parasitaire, ayant choisi le titre 'la voie d'Hénin' pour exprimer, à titre personnel et de façon anonyme, sur FACEBOOK, ses observations sur la vie politique d'Hénin-Beaumont et son traitement par le journal La Voix du Nord. Ils soulignent que monsieur S. n'a pas agi à titre professionnel et/ou lucratif, n'a bénéficié d'aucun avantage concurrentiel, et ils contestent tout risque de confusion entre le quotidien et la page FACEBOOK en cause. Ils ajoutent que la reproduction des trois articles ne révèle pas une appropriation du savoir-faire de la société LA VOIX DU NORD.

Sur ce

Le parasitisme consiste pour un opérateur économique à s'immiscer dans le sillage d'autrui afin de profiter, sans bourse délier, de ses efforts, de ses investissements et de son savoir-faire.

Il ne requiert pas l'existence d'un risque de confusion, mais la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel.

Le tribunal a à raison rappelé que, si la demande principale en contrefaçon n'était pas retenue, une demande subsidiaire reposant sur des faits matériellement identiques à ceux invoqués au titre de la contrefaçon pouvait être présentée sur le fondement du parasitisme.

S'il résulte du bulletin municipal du mois de novembre 2017 de la ville d'Hénin-Beaumont que monsieur S. en était le directeur de publication, la page FACEBOOK « la voie d'Hénin » dont il est l'administrateur est sans lien avec le bulletin municipal, quand bien même elle reproduit des communiqués de la mairie de cette ville.

De même, l'indication sur la page FACEBOOK du maire de cette commune selon laquelle la page FACEBOOK « la voie d'Hénin » était « un nouveau média » ne saurait en faire un média professionnel, pas plus que le fait qu'elle se présente comme une « page FACEBOOK d'information ».

Comme précédemment indiqué, elle ne présente pas de publicité commerciale, ni ne fait la promotion d'opérations commerciales, et son administrateur ne retire pas d'avantage économique de son exploitation.

Le parasitisme est une notion qui doit, comme la concurrence déloyale, être apprécié à l'aune du principe de la liberté du commerce, et en l'espèce les faits contestés par la société LA VOIX DU NORD et relevés sur la page FACEBOOK litigieuse ne s'inscrivent pas dans le cadre d'une activité de commerce, n'étant pas justifié que monsieur S. tire, de l'administration de cette page, un quelconque avantage lucratif.

Dès lors, et alors au surplus que la référence constituée par le nom de cette page FACEBOOK « la voie d'Hénin » au journal « La Voix du Nord » ne caractérise pas un comportement fautif dans un contexte de débat politique local, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société LA VOIX DU NORD de sa demande présentée au titre du parasitisme.

Sur la concurrence déloyale

Après avoir rappelé les conditions du dénigrement, le jugement a retenu que les parties n'étaient pas en concurrence, et que les commentaires litigieux qui ont été rendus publics sur la page FACEBOOK « la voie d'Hénin » relevaient de l'abus de liberté d'expression justiciable, le cas échéant, de l'application de la loi du 29 juillet 1881 et non de la responsabilité de droit commun fondée sur l'article 1240 du code civil.

La société LA VOIX DU NORD soutient que le dénigrement consiste à discréditer une personne ou une société afin de lui nuire, même en l'absence de situation de concurrence, et peut être sanctionné à ce titre. Elle ajoute que les intimés se sont livrés à un dénigrement du journal, en tant que produit, et ont incité les lecteurs du journal -qualifié de « torchon » - à cesser de le lire.

Les intimés soutiennent que l'appelante confond le dénigrement et la diffamation, et que les propos critiques de monsieur S., qui relèvent de la liberté d'expression, portent sur la société LA VOIX DU NORD et non sur le journal. Ils ajoutent que monsieur S. et l'appelante ne sont pas en situation de concurrence, et qu'il ne peut être sanctionné pour les propos de tiers qu'il a relayés.

Sur ce

La divulgation par une personne d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par une autre personne constitue, même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.

En l'espèce, si les commentaires litigieux relevés par l'appelante sur la page FACEBOOK en cause apparaissent virulents - ainsi, La voix du Nord y est traitée les 20 décembre 2015 et 28 janvier 2016 de « torchon socialiste », il lui est reproché le 17 janvier 2016 d'insulter les habitants d'Hénin-Beaumont, et le 20 janvier 2016 « un énième délit de malhonnêteté », - ils relèvent du débat sur le traitement de l'information concernant des événements locaux, et ne tendent pas à inciter les lecteurs du journal de la société LA VOIX DU NORD à cesser d'acheter ce journal au profit d'un produit concurrent proposé, que ne saurait constituer ladite page FACEBOOK.

En outre, si ces propos, portés sur cette page FACEBOOK, qui ont ainsi été rendus publics, étaient susceptibles de constituer une diffamation ou une injure prévue et réprimée par la loi du 29 juillet 1881, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par cette loi ne peuvent être réparés sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société LA VOIX DU NORD de sa demande à ce titre.

Sur la violation des dispositions de l'article 6-III de la LCEN

Le jugement a considéré que les dispositions de la LCEN relatives à l'éditeur professionnel n'étaient pas applicables à monsieur S., qui n'exerce pas à titre professionnel en qualité d'éditeur du service de communication en ligne incriminé, même s'il dispose d'un mandat électif.

La société LA VOIX DU NORD relève que monsieur S. a créé la page FACEBOOK « la voie d'Hénin » en conservant l'anonymat, cette page ne donnant aucune information sur la personne qui l'a créée ni sur son directeur de publication, ce qui l'a contrainte à agir par ordonnance pour obtenir ces informations. Elle reproche à monsieur S. d'avoir commis une faute au vu de la LCEN, car il doit être qualifié d'éditeur professionnel en tant qu'administrateur de cette page, sur laquelle il diffuse des informations brutes sur la vie de la commune d'Hénin-Beaumont, et a repris des articles du journal LA VOIX DU NORD pour les critiquer et donner un avis politique. Elle sollicite la condamnation de monsieur S. au paiement de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, au vu du préjudice qu'elle a subi.

Les intimés avancent que cette page FACEBOOK a été créée par monsieur S. à titre non professionnel, et que l'appelante ne démontre pas le contraire. Ils rappellent l'absence de régularité des publications de monsieur S., qui a pu être identifié par l'appelante.

Sur ce

L'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoit notamment que

1. Les personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne mettent à disposition du public, dans un standard ouvert :

a) S'il s'agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone et, si elles sont assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription ;

b) S'il s'agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s'il s'agit d'entreprises assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription, leur capital social, l'adresse de leur siège social ;

c) Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée ;

d) Le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I.

2. Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication au public en ligne peuvent ne tenir à la disposition du public, pour préserver leur anonymat, que le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse du prestataire mentionné au 2 du I, sous réserve de lui avoir communiqué les éléments d'identification personnelle prévus au 1.

Les personnes mentionnées au 2 du I sont assujetties au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, pour tout ce qui concerne la divulgation de ces éléments d'identification personnelle ou de toute information permettant d'identifier la personne concernée. Ce secret professionnel n'est pas opposable à l'autorité judiciaire.

Le tribunal a justement retenu que monsieur S., éditeur de la page FACEBOOK en question, n'a pas agi à titre professionnel, quand bien même il disposait d'un mandat électif, et que l'appelante ne produisait pas de pièce pour démontrer le contraire.

Il a de plus été préalablement relevé que l'absence de périodicité définie des communications réalisées par monsieur S. sur cette page diffusée sur le réseau social FACEBOOK n'était pas contestée.

Aussi, les dispositions de l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique applicables à l'éditeur professionnel ne peuvent-elles être appliquées à monsieur S., et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la responsabilité de la commune d'Hénin-Beaumont

Le jugement a mis la commune hors de cause, en considérant qu'aucun fait positif ne pouvait lui être imputé, même si la page FACEBOOK en cause relayait des informations publiques sur la vie locale et reprenait des extraits de la communication de son maire.

La société LA VOIX DU NORD relève que la commune et son maire ont indiqué apprécier la page FACEBOOK en cause, que monsieur S. -élu de la commune- a manifestement agi pour le compte de celle-ci, puisqu'il publie en temps réel ses communications ainsi que celles de son maire.

Les intimés soutiennent que les faits en cause relèvent de la seule initiative de monsieur S., et que la commune y est étrangère. Ils ajoutent notamment que la reprise de communiqués de la mairie sur la page FACEBOOK « la voie d'Hénin » ne caractérise pas la participation de la commune, et que l'appelante procède par amalgame.

Sur ce

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a relevé qu'aucun fait positif ne pouvait être retenu à l'encontre de la commune d'Hénin-Beaumont elle-même, quand bien même ses communications étaient reprises sur la page FACEBOOK litigieuse.

Sa mise hors de cause est donc justifiée.

Sur les autres demandes

Les condamnations prononcées en première instance à l'encontre de la société LA VOIX DU NORD sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens, seront confirmées.

Succombant en appel, la société LA VOIX DU NORD sera condamnée au paiement des dépens d'appel, ainsi qu'au versement de la somme de 1500 euros, au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et selon la procédure sans audience au sens de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020,

Confirme le jugement du 25 mai 2018 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société La Voix du Nord à verser, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la somme globale de 1500 euros aux parties intimées,

Condamne la société La Voix du Nord aux entiers dépens dont le recouvrement sera directement assuré par maître Damien C., avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.