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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 9 septembre 2020, n° 18/03387

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CNH Industrial France (SAS)

Défendeur :

Saccona (SAS), T3M (Sasu), Mach 10 (SAS), MBI France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Penavayre

Conseillers :

M. Truche, M. Arriudarre

T. com. Toulouse, du 17 mai 2018

17 mai 2018

Exposé du litige :

La Sas Saccona a acquis, suivant bon de commande du 10 février 2011 puis facture du 4 juillet 2011 auprès de la Sas T3m, concessionnaire, venant aux droits de la Sas Groupe Lavail, une pelle à roues moyennant la somme de 149 500 euros Ttc.

A la suite de divers dysfonctionnements qui n'ont pu être réparés malgré l'intervention des Sas T3m, Mach 10 et Lacampagne, la Sas Saccona a assigné la Sas T3m, par acte d'huissier en date du 4 février 2014, devant le tribunal de commerce de Toulouse aux fins d'obtenir, avant dire-droit, une expertise et, au fond, la résolution du contrat pour non-conformité de la chose vendue et, subsidiairement, son remplacement ainsi que la condamnation du vendeur à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de son préjudice de jouissance et une indemnité au titre de ses frais irrépétibles.

Par acte en date du 18 mars 2014, la Sas T3m a appelé en cause la Sas Cnh Industrial France (Sas Cnh), constructeur de la pelle.

Par jugement avant-dire droit en date du 9 octobre 2014, le tribunal, après avoir joint les procédures, a ordonné une expertise et a désigné M. P..

Les sociétés Mach 10, Lacampagne, chargées de diverses réparations et Mbi France (Sarl Mbi), qui a fourni suivant facture du 22 mars 2011 une attache rapide installée sur la pelle, ont été appelées en cause et les opérations d'expertise leur ont été déclarées communes et opposables.

L'expert a déposé son rapport le 25 octobre 2016.

En lecture du rapport d'expertise, la Sas Saccona a demandé la condamnation principalement de la Sas T3m sur le fondement de la garantie des vices cachés et pour manquement à ses devoirs de loyauté, de conseil et d'information ainsi que, accessoirement (sic), celle des sociétés Mach 10 et Lacampagne au titre de leur responsabilité contractuelle à lui verser la somme de 22 189,64 euros au titre du coût des réparations, 991,60 euros au titre des réparations réalisées, 31 588 euros au titre de la perte de rendement, 631,20 euros au titre de l'immobilisation de la pelle et 15 000 euros pour manquement au devoir de conseil.

Par jugement réputé contradictoire en date du 7 mai 2018, le tribunal a :

- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les n°2014J00214, 2014J01253, 2015J00208 et 2015J00204,

- dit que la pelle mécanique objet du litige n'est pas affectée d'un vice caché,

- condamné la Sas Cnh à payer à la Sas Saccona la somme de 31 588 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la Sas T3m venant au droit de la Sas Groupe Lavail à payer à la Sas Saccona la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté la Sas T3m de sa demande de voir la Sas Cnh et la Sarl Mbi la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,

- condamné la Sas Cnh à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros à la Sas Saccona et celle de 500 euros à chacune des Sas Mach 10 et Sarl Mbi,

- condamné la Sas T3m venant au droit de la Sas Groupe Lavail à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1 000 euros à la Sas Saccona et celle de 500 euros à chacune des Sas Mach 10 et Sarl Mbi,

- condamné la Sas T3m et la Sas Cnh qui succombent chacune à la moitié des dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Pour considérer que la pelle n'est pas affectée d'un vice caché, le tribunal s'est appuyé sur le rapport d'expertise qui a constaté que les dysfonctionnements de l'engin étaient dus à des réglages et modifications non constitutifs d'un vice caché.

Le tribunal a retenu la responsabilité du constructeur de la pelle, la Sas Cnh, en raison d'une erreur commise dans la documentation technique remise à l'acheteur sur le réglage de la pression des soupapes de sécurité à l'origine, selon l'expert, des dysfonctionnements et a considéré qu'elle était tenue d'indemniser la Sas Saccona. Il a retenu la responsabilité de la Sas T3m au titre des dysfonctionnements de l'attache rapide, dont l'inadéquation aux capacités de la pelle a été mise en exergue par l'expertise. Il a jugé que la responsabilité des sociétés Mach 10, agissant sous le contrôle de la Sas T3m et qui a renvoyé vers elle la Sas Saccona en raison de ses propres limites de compétences et Lacampagne, intervenue sur des opérations ordinaires de maintenance, n'était pas engagée pas plus que celle de la Sarl Mbi qui avait livré le matériel commandé par la Sas Saccona.

Il a débouté la Sas Saccona de ses demandes indemnitaires au titre des réparations, de l'immobilisation du véhicule et du manquement au devoir de conseil faute, pour celle-ci, d'établir de tels préjudices.

Par déclaration en date du 24 juillet 2018, la Sas Cnh a relevé appel du jugement qui l'a condamnée à l'égard de la Sas Saccona (31 588 euros à titre de dommages et intérêts et 1 000 euros au titre des frais irrépétibles), à l'égard des sociétés Mach 10 et Mbi (500 euros chacune au titre de leurs frais irrépétibles) et à la moitié des dépens, en ce compris les frais d'expertise en intimant les sociétés Saccona, T3m, Mach 10 et Mbi.

L'affaire initialement fixée à l'audience du 2 juin 2020 a été retenue avec l'accord des parties (19 mai) selon la procédure sans audience en application de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de covid-19 modifié par l'article 1er de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2020, la Sas Cnh, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, de :

- la dire recevable en son appel,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé l'absence de tout vice caché affectant la machine en cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la Sas Saccona la somme de 31 588 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer 500 euros sur ce même fondement aux sociétés Mach 10 et Mbi et à la moitié des dépens, en ce compris les frais d'expertise,

- juger que l'erreur commise dans le manuel de la machine en cause n'a eu qu'un impact très limité sur son rendement,

- juger que l'erreur commise dans les réglages de la machine, le montage des pneus ballons et les choix d'équipement retenus ont fortement préjudicié au rendement de la machine en cause,

- en conséquence, juger les sociétés T3m, Saccona et Mbi responsables de la perte de rendement constatée,

- débouter la Sas Saccona de toutes ses demandes formées à son encontre,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2020, la Sas Saccona, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1641 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Sas Cnh à lui verser la somme de 31 588 euros à titre de dommages et intérêts, la Sas T3m à lui payer celle de 13 000 euros au même titre et chacune d'elles à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- infirmer le jugement seulement en ce qu'il a dit que la pelle mécanique n'est pas affectée d'un vice caché et l'a déboutée de ses demandes de condamnation relatives aux réparations du dysfonctionnement sur le volant en position de braquage (1 146 euros), du vérin (552,12 euros), au remplacement des roues ballon (7 491,52 euros), des réparations qu'elle a réglées (631,20 euros) et au titre du manquement de la Sas T3m à son devoir d'information et de conseil (15 000 euros),

- juger que la pelle mécanique est affectée d'un vice caché,

- juger que la Sas T3m a manqué à ses devoirs de loyauté, de conseil et d'information à son égard,

- juger que les sociétés Mach 10 et Lacampagne ont également engagé leur responsabilité contractuelle,

- fixer ses préjudices aux sommes suivantes :

* 22 189,64 euros correspondant au coût total des réparations des dysfonctionnements affectant la pelle, soit 13 000 euros HT pour le remplacement de l'attache rapide et des godets, 1 146 euros HT pour la réparation du dysfonctionnement sur le volant en position de braquage des roues, 552,12 euros HT pour la réparation de la colonne de direction non verrouillée, 7 491,52 euros HT pour le remplacement des roues ballon,

* 991,60 euros correspondant aux sommes qu'elle a payées au titre des réparations,

* 631,20 euros correspondant au préjudice subi lié à l'immobilisation de la pelle,

* 15 000 euros correspondant au préjudice découlant des manquements au devoir de conseil, d'information et de loyauté du vendeur et aux manquements contractuels constatés,

- condamner principalement la Sas T3m à lui payer l'ensemble des sommes susvisées à titre de dommages et intérêts et accessoirement les sociétés Mach 10 et Lacampagne dans des proportions qu'elle laisse le soin à la cour de fixer,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement,

En toutes hypothèses :

- condamner la Sas T3m à payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Me Béatrice L.-C., avocate.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 avril 2020, la Sasu T3m, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1603 et suivants, 1641 et suivants du code civil, rejetant toutes conclusions contraires, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la Sas Cnh est à l'origine des dysfonctionnements principaux de la pelle et de la perte de rendement subie par la Sas Saccona et l'a condamnée à lui payer la somme de 31 588 euros en réparation, a constaté l'absence de manquement de sa part à son obligation de loyauté ou de conseil et a débouté la Sas Saccona du surplus de ses demandes à son encontre,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée responsable du préjudice lié à l'attache rapide et condamnée à verser à la Sas Saconna la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté ses demandes de condamnations et/ou de garanties formulées à l'encontre des sociétés Cnh et Mbi,

- juger qu'elle n'est pas responsable du préjudice lié à l'attache rapide,

- condamner la Sarl Mbi à payer à la Sas Saccona la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la Sas Cnh et la Sarl Mbi à la relever et garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,

- débouter la Sas Saccona de ses demandes dans le cadre de son appel incident et de ses demandes nouvelles fondées sur le défaut de conformité de la pelle à roues,

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2019, la Sas Mach 10 demande à la cour, au visa de l'article 1231-1 du code civil, de :

- confirmer le jugement,

- débouter la Sas Saccona de l'ensemble de ses demandes à son encontre,

- condamner la Sas Saccona au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2019, la Sarl Mbi demande à la cour, au visa des articles 564 du code de procédure civile, 1147 et 1182 (anciens) du code civil, de :

A titre principal :

- juger que les observations et demandes à son encontre sont irrecevables en appel,

- juger que sa responsabilité n'est pas engagée,

- débouter en conséquence toute partie de ses demandes à son encontre et prononcer sa mise hors de cause,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être retenue :

- juger qu'elle sera limitée à la reprise des soudures de l'attache rapide dont le montant a été chiffré à 250 euros,

- prononcer un partage de responsabilité entre elle et la Sas T3m,

- rejeter toute autre demande à son encontre,

- en cas de condamnation, juger qu'elle sera relevée et garantie indemne par les Sas T3m et Cnh,

En toute hypothèse :

- condamner tout succombant aux dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Si l'acquéreur, sur lequel pèse la charge de la preuve de l'existence d'un vice caché, a le choix entre l'action estimatoire et l'action rédhibitoire, il peut également engager de manière autonome une action en réparation du préjudice subi du fait du vice caché.

La Sas Saccona, en qualité d'acquéreur, sollicite en cause d'appel réparation de ses préjudices à la fois sur le fondement des vices cachés et sur celui de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 du code civil de sorte que si elle a pu indiquer, dans le corps de ses conclusions, que les dysfonctionnements affectant la pelle à roues doivent être analysés de manière globale pour considérer qu'ils constituent, pris ensemble, un vice caché, elle ne demande que l'infirmation partielle du jugement et conclut à la confirmation au titre du préjudice de rendement imputable à une faute de la Sas Cnh. Dans ses conclusions, elle précise systématiquement pour chacun des dysfonctionnements constatés par l'expert ceux qui relèvent d'un vice caché et ceux qui entraînent, à son sens, la responsabilité contractuelle du constructeur, du vendeur ou des sociétés intervenues pour réparer la pelle de sorte qu'il convient de procéder à l'examen des dysfonctionnements en fonction du fondement juridique invoqué à l'appui de ses demandes par la Sas Saccona.

Sur les demandes fondées sur la responsabilité :

* au titre de l'imprécision dans le positionnement lors de la rotation de la tourelle :

La Sas Saccona sollicite la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité de la Sas Cnh en raison d'une erreur dans la rédaction de la documentation technique et l'a condamnée à lui régler la somme de 31 588 euros au titre de la perte de rendement de la pelle. Elle considère également que la Sas T3m est responsable de ce préjudice en raison d'un manquement à son obligation de résultat dans le montage et le réglage de la machine mais ne formule aucune demande de condamnation à son égard pour la perte de rendement de la machine résultant de ce dysfonctionnement.

La Sas Cnh, constructeur, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la pelle n'était affectée d'aucun vice caché mais conteste sa condamnation à réparer la perte de rendement de la pelle.

La Sas T3m, venderesse, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la Sas Cnh était à l'origine des dysfonctionnements principaux de la pelle à roues et de sa perte de rendement en raison de l'erreur commise.

L'expert a constaté ce dysfonctionnement qu'il impute à une erreur dans la rédaction de la documentation technique qui n'est pas contestée par la Sas Cnh en qualité de constructeur. Par dire du 14 octobre 2016, elle a indiqué que le réglage de la pression des soupapes de sécurité s'effectue non pas à une valeur de 110 bars comme indiqué dans la documentation mais dans une fourchette de pressions comprises entre 110 et 220 bars confirmant ainsi les essais réalisés lors de la réunion d'expertise du 6 janvier 2016 au cours de laquelle l'expert avait noté que lorsque le clapet de surpression du moteur tourelle était réglé à la valeur donnée par le constructeur, soit 110 bars, le temps d'arrêt de rotation tourelle était totalement inadapté à un pilotage efficace de la pelle et qu'avec un réglage à 190 bars, le temps de rotation était court et pertinent.

Si la Sas Cnh soutient que cette faute n'est pas en lien avec la perte de rendement de la pelle dont se plaint la Sas Saccona et que cette erreur de rédaction n'a pas eu de véritable impact sur le fonctionnement de la pelle qui a pu être utilisée dans des conditions normales en raison d'un autre réglage réalisé avant les diverses modifications testées le 6 janvier 2016 par l'expert, cela ne ressort pas de l'expertise réalisée.

L'expert a ainsi constaté, dès la première réunion d'expertise, le 30 novembre 2015 une difficulté évidente à travailler avec précision et rapidement à proximité d'obstacles latéraux à la pelle en raison d'une poursuite de la rotation de la tourelle sur environ 30°.

S'il a précisé lors de la réunion d'expertise suivante, le 6 janvier 2016, qu'un réglage avait été effectué le 2 janvier 2013 à une valeur inconnue, il a ensuite procédé à de nouveaux essais en réglant la tourelle à 110 bars comme préconisé par le constructeur et a constaté que la poursuite de la rotation se faisait sur 40°, soit de manière plus marquée que lors de la réunion précédente. Il a ensuite procédé à un essai avec un réglage à 190 bars notant alors que la rotation se poursuit sur une longueur mesurée de 120 mm, précisant que « la valeur constatée (120 mm) est donc largement dans les tolérances fixées par le constructeur » (p.23).

Concernant le réglage à une valeur inconnue réalisée le 2 janvier 2013 par la Sas T3m, il indique qu'à cette date, un contrôle du réglage des soupapes de surpression de la tourelle à 100 et 212 bars a été réalisé mais que « la qualité des réglages réellement exécutés concernant les soupapes de surpression du moteur tourelle (pour maîtriser la rotation tourelle) est fortement mise en doute » en raison des mesures obtenues au titre de la course d'arrêt de la tourelle incompatibles avec celles relevées en cours d'expertise (p.47).

Il en résulte que ce réglage réalisé antérieurement aux premiers constats de novembre 2015 n'a pas permis une utilisation normale de la pelle, contrairement à ce qu'affirme la Sas Cnh, puisque l'expert notait déjà d'importantes difficultés de précision avec le réglage à une valeur inconnue qui se sont seulement aggravées lors de la mise en œuvre du réglage préconisé par le constructeur lors des essais réalisés. Il a également précisé que le représentant de la Sas Cnh a pu expliquer (p.20), lors de ces premiers constats, que le frein se déclenchait dès lors que la pression passait en valeur inférieure à un seuil préréglé en usine de sorte que ce manque de précision a existé dès l'origine et que la modification du réglage à une valeur inconnue par rapport à celui réalisé en usine par le constructeur n'est intervenu, en janvier 2013, que pour essayer d'améliorer ces défauts dont la Sas Saccona s'était plainte, dès le 26 juillet 2011, évoquant un 'bruit au niveau de la tourelle lors du pivotement à droite ou à gauche' et qui n'avaient pas disparu malgré les réglages réalisés en janvier 2012 puisqu'elle écrivait le 21 novembre 2012 que « malgré vos interventions les problèmes de vibration à la tourelle et de jeu dans le bras sont récurrents ! A ce jour il est très difficile de travailler avec cette pelle ».

L'expert a ainsi indiqué, à plusieurs reprises, que la difficulté à maîtriser l'arrêt de la machine avec précision lors des manœuvres de rotation est essentiellement à l'origine d'une perte de rendement de la machine et de l'impossibilité de l'utiliser normalement (p.43). Ce manque de précision a imposé l'exécution de certaines opérations à vitesse réduite, telles que la réalisation des tranchées, toutes les opérations de chargement et déchargement à proximité d'un obstacle, les opérations de déchargement sur une zone précise et les opérations de chargement sur un camion (p.49).

Il précise également, en réponse à un dire du 14 octobre 2016 de la Sas Cnh que s'il existe une tolérance d'arrêt de la tourelle de 34° à 40° et que les valeurs approximatives données dans l'expertise correspondent aux données du constructeur, elles ne permettent pas une maîtrise efficiente de la rotation tourelle et oblige à activer cette rotation à très faible vitesse.

Il en résulte que la Sas Cnh a commis une faute dans la rédaction de la documentation technique qui a directement causé une perte de rendement de la pelle de sorte que la Sas Cnh engage sa responsabilité à l'égard de la Sas Saccona. Aucune responsabilité de la Sas T3m ne peut être retenue à ce titre puisque les réglages réalisés le 2 janvier 2013, bien que mis en cause dans leur qualité par l'expert, ne sont pas à l'origine du dysfonctionnement constaté et de la perte de rendement de la pelle qui existait préalablement.

S'agissant de la réparation de ce préjudice, la Sas Cnh conteste la condamnation prononcée par le tribunal, souligne qu'aucune demande n'avait été formulée à son encontre en première instance puisque les demandes de condamnations étaient dirigées contre les seules sociétés T3m, Mach 10 et Lacampagne et conclut à un partage de responsabilité entre les sociétés T3m, Saccona et Mbi en raison des multiples causes à l'origine de la perte de rendement de la pelle qui leur sont imputables. La Sas Saccona demande, en cause d'appel, la confirmation du jugement ayant condamné la seule Sas Cnh à l'indemniser de l'intégralité de son préjudice résultant de la perte de rendement de la pelle, soit 31 588 euros. La Sarl Mbi souligne, quant à elle, que cette demande de partage de responsabilité formulée par la Sas Cnh est irrecevable comme nouvelle en appel.

La demande de la Sas Cnh est recevable en appel en ce qu'elle vise à faire écarter, en partie, les prétentions adverses en application de l'article 564 du code de procédure civile et ce alors qu'en première instance, aucune demande de condamnation n'était formulée à son encontre par la Sas Saccona et que seule la société venderesse, la Sas T3m demandait à être relevée et garantie par elle.

Il en résulte que si l'expert a chiffré à 15% cette perte de rendement en précisant qu'elle est surtout due au manque de précision dans la maîtrise de la rotation de la tourelle, il a indiqué qu'elle était aussi due à une baisse de régime du moteur, un manque de souplesse de la pelle ainsi qu'au manque de précision dans le pilotage du godet lors des opérations de nivellement de sorte que l'examen préalable de ces dysfonctionnements s'impose avant d'aborder la réparation de ce préjudice et de déterminer quelle part peut être mise à la charge de la Sas Cnh, aucune condamnation n'étant réclamée par la Sas Saccona à l'égard des autres sociétés.

* au titre de l'imprécision du godet :

L'expert indique que l'exécution d'un nivellement régulier en marche arrière à l'aide de la lame du godet doit se faire à vitesse très réduite du fait de la difficulté à piloter avec précision la position de la lame du godet par rapport au sol. Ce défaut résulte à la fois d'un temps de réponse trop long entre la consigne donnée au joystick de commande du godet et la réalité du mouvement et l'équipement de la pelle avec des pneus « ballon » qui par leurs dimensions et leur volume favorisent des mouvements de tangage. Il explique ainsi que 'cette anomalie est probablement due (investigations non réalisées) aux dispositions constructives adoptées par le constructeur dans le boîtier électronique traitant le signal électrique délivré par le joystick et pilotant en tout ou rien le distributeur hydraulique pilotant le godet' et que les pneus « ballon » peuvent 's'écraser de manière conséquente et provoquer des mouvements de tangage de la pelle lorsque le chauffeur sollicite le godet en faisant varier les efforts sur le sol', l'expert ayant toutefois précisé que la pelle ne souffrait d'aucun problème d'instabilité comme allégué par la Sas Saccona.

La Sas Saccona considère que le temps de réponse trop long entre la consigne donnée et la réalité du mouvement constitue un vice caché imputable à la Sas Cnh en qualité de constructeur qui a choisi les dispositions constructives en cause et que l'équipement de la pelle avec des pneus « ballon » engage la responsabilité de la Sas T3m, société venderesse, en raison d'un manquement à son obligation de conseil.

La Sas Saccona n'établit pas l'existence d'un vice caché en raison d'un temps de réponse trop long entre la consigne donnée par le joystick et la réalité du mouvement du godet. L'imprécision de l'expert sur ce point qui n'émet qu'une hypothèse, non vérifiée par des investigations particulières, ne permet pas d'établir l'existence d'un tel vice qui, au demeurant, n'est pas de nature à rendre la pelle impropre à sa destination ou à en réduire l'usage à un point tel qu'elle l'aurait acquise à moindre prix s'agissant d'une difficulté qui ne se manifeste que lors d'un nivellement en marche arrière à l'aide de la lame du godet. La Sas Cnh n'est donc pas tenue de réparer une perte de rendement de la pelle à ce titre.

La Sas T3m, tenue d'une obligation d'information en qualité de revendeur spécialisé et de se renseigner sur les besoins de la Sas Saccona pour pouvoir la conseiller démontre avoir rempli ses obligations. Aucun manquement ne peut lui être reproché au titre du choix des pneus « ballon » effectué par la Sas Saccona équipant la pelle.

L'expert indique que le choix de faire équiper la pelle de pneus « ballon » présente des avantages consistant en la réduction de la pression exercée sur le sol et donc du tassement du sol lors de son déplacement sur un sol meuble, un déplacement à vide plus rapide et plus confortable ainsi que des inconvénients en raison du volume des pneus et de leur souplesse qui accentuent les mouvements de tangage lors de sollicitations longitudinales, génèrent une imprécision dans la maîtrise de la position du godet lorsque des efforts sont mis en jeu en bout de flèche, une accentuation des angles d'inclinaison de la pelle lors du travail sur un sol latéralement en pente et que cet ensemble d'inconvénients accentue la sensation d'instabilité que ressent le conducteur et réduit l'efficacité de la pelle dans certaines circonstances de travail.

La Sas T3m verse aux débats une attestation de son salarié qui indique avoir vendu la pelle New Holland à la Sas Saccona, lui avoir présenté les différents avantages et inconvénients des divers modèles de pneumatiques, avoir pris attache avec leur fournisseur en pneumatiques pour cela et lui avoir indiqué que « les pneumatiques jumelés d'origine favorisent la stabilité car ils sont très rigides (4 flancs) mais ils marquent fortement les sols et sont peu confortables. La monte simple (en option) est plus souple donc plus confortable et marque peu les sols en revanche l'effet de souplesse peut apporter un effet de balancement en cabine et donc avoir une stabilité différente ». Il précise que « M. SACCONA recherchait une machine polyvalente qui ne ferait pas de gros terrassements et qui travaillerait dans un milieu urbain. La notion de confort était aussi importante pour lui. Il a donc marqué un intérêt particulier pour les pneumatiques simples ».

Si cette attestation doit être considérée avec précaution puisqu'émanant d'un salarié de la Sas T3m, elle est confortée par la notice de la pelle New Holland annexée au rapport d'expertise qui indique que le modèle standard est équipé de 2 roues directrices, que sont optionnelles les 4 roues directrices ainsi que les pneus simples ou « jumels » et que les caractéristiques techniques en page 5 précisent que la pelle peut être équipée de 4 roues ou de 8 roues avec anneaux de jumelage. Le bon de commande et la facture démontrent également que la Sas Saccona a opté pour 4 roues directrices et pour des « roues simples ». Le choix précis de ces options par la Sas Saccona associés aux éléments précités permettent d'établir que la Sas T3m a satisfait à son obligation de renseignement et de conseil.

La responsabilité de la Sas T3m n'est donc pas engagée en raison d'un manquement à son obligation d'information et de conseil de sorte qu'aucune perte de rendement de la pelle ne peut lui être imputée et qu'elle ne peut pas être condamnée à régler à la Sas Saccona le coût du remplacement des pneus « ballon », soit 7 491,52 euros HT.

* au titre des baisses de régime du moteur :

L'expert a constaté les baisses de régime du moteur, au-delà des tolérances admises, dont se plaignait la Sas Saccona et les impute à un mauvais réglage du Delta P de pilotage. Il explique qu'après rectification du réglage pour le positionner à la pression préconisée par le constructeur, soit 21 bars, à la place des 30 à 35 bars constatés, les essais ont mis en évidence une très faible baisse de régime et un comportement de la pelle beaucoup plus souple. Il précise que ce réglage opéré lors de la réunion d'expertise le 30 novembre 2015 a éradiqué la difficulté de sorte que la perte de rendement de la pelle ne peut plus être imputée à ce dysfonctionnement après le 30 novembre 2015.

La Sas Saccona met en cause les sociétés T3m en premier lieu en charge du réglage de la pelle litigieuse et débitrice d'une obligation de résultat à ce titre ainsi que celle de Mach 10 et Lacampagne en raison de leurs interventions respectives sur la pelle et d'un manquement à leur obligation de résultat dans les réparations qui leur ont été confiées.

La société Lacampagne n'a pas été intimée par la Sas Saccona, qui a formé appel incident, de sorte qu'elle ne peut formuler aucune demande à son encontre.

Seule la responsabilité de la Sas T3m doit être retenue au titre de ces baisses de régime. L'expert indique en effet que le 2 janvier 2013 cette société, anciennement dénommée Groupe Lavail, a contrôlé la pression de pilotage Delta P à 25 bars. Il indique que ce Delta P ayant été relevé à une valeur oscillant entre 30 et 35 bars lors de la réunion du 30 novembre 2015, il existe « un doute sur la qualité de ce réglage effectué ». S'il précise que cette société est la dernière à être intervenue 'à sa connaissance', l'examen minutieux de l'ensemble des factures d'intervention qu'il a réalisé permet d'affirmer qu'aucune autre société n'a modifié ce réglage après son intervention étant par ailleurs observé que la pression préconisée par le constructeur est de 21 bars et non de 25 comme mentionné au titre du contrôle réalisé le 2 janvier 2013.

La Sas T3m est donc responsable de ces baisses de régime qui ont disparu en novembre 2015 grâce au réglage réalisé en cours d'expertise et d'une partie de la perte de rendement de la pelle.

Il résulte de ces différents éléments que la Sas Cnh et la Sas T3m sont responsables de la perte de rendement de la pelle, la première en raison de l'erreur dans la rédaction de la documentation technique à l'origine de l'imprécision dans le positionnement lors de la rotation de la tourelle et la seconde en raison du mauvais réglage constaté sur le Delta P de pilotage ayant généré des baisses de régime du moteur jusqu'en novembre 2015 étant précisé que rien ne permet d'imputer une partie de la perte de rendement de la pelle aux dysfonctionnements de l'attache rapide comme soutenu par la Sas Cnh, aucun lien de cet ordre n'étant fait par l'expert.

La perte de rendement de la pelle à hauteur de 15% telle que chiffrée dans le cadre de l'expertise n'est pas discutée par les parties. La Sas Saccona limitant ses demandes à la seule confirmation du jugement ayant condamné la Sas Cnh à l'indemniser de l'intégralité de ce préjudice, soit à hauteur de 31 588 euros, seule cette dernière société peut être condamnée à ce titre, aucune demande de condamnation n'étant formulée à l'encontre de la Sas T3m. La faute commise par la Sas Cnh n'étant pas la seule à l'origine de la perte de rendement de la pelle mais étant celle qui a généré les principales difficultés dans la maîtrise de l'engin, elle doit être condamnée à réparer le préjudice lié à cette perte de rendement à hauteur de 90%, soit 28 429,20 euros et le jugement doit être infirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 31 588 euros à la Sas Saccona.

* au titre de l'attache rapide :

La Sas Saccona conclut à la confirmation du jugement qui a condamné la Sas T3m à lui verser la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle considère que cette dernière a manqué à son obligation de résultat en équipant la pelle d'une attache-rapide sans s'assurer de sa compatibilité avec la pelle ce qui a généré plusieurs dysfonctionnements et pannes avant que cette attache ne se casse le 14 décembre 2018. Elle se prévaut également d'un manquement de la Sas T3m à son obligation de conseil pour les mêmes motifs.

La Sas T3m et la Sarl Mbi se défendent d'avoir posé, pour la première, et d'avoir fourni, pour la seconde, un équipement incompatible avec la pelle New Holland MH3.

L'expert a constaté deux dysfonctionnements au titre de l'attache rapide dont il explique que c'est un dispositif qui permet au conducteur, depuis la cabine de pilotage, d'accrocher et de décrocher un godet à l'extrémité de la flèche sans intervention manuelle.

Il fait état, pour le premier dysfonctionnement, de fissures conséquentes sur les soudures gauche et droite de l'attache rapide et précise qu'un usage prolongé provoquera à terme une amorce de rupture plus conséquente pouvant provoquer la rupture de l'attache rapide.

Il indique que la documentation qui a été fournie par la Sarl Mbi concernant l'attache rapide CANGINI CR70TL ne permet pas d'affirmer qu'elle supporte les efforts développés par la pelle MH3.6 selon la notice de la pelle annexée au rapport d'expertise, à savoir une force de cavage au godet de 7300 daN et une force de pénétration du balancier de 6290 daN. Il précise que l'attestation de conformité qui a été produite dans le cadre d'un dire de la Sarl Mbi du 14 octobre 2016, annexée au rapport d'expertise, si elle fait référence à une pelle New Holland MH3.6 n'en précise pas la configuration : longueur du balancier, force de cavage au godet et force de pénétration du balancier. Il explique ainsi que « pour la pelle en litige équipée d'un balancier de 2000 mm, la force de pénétration du balancier est la plus élevée (6290 daN) de toutes les pelles de type MH3.6. Les fissures observées sur les soudures des flancs de l'attache rapide attestent de l'inadéquation de l'attache rapide aux capacités de la pelle en litige ».

Ces données et constats de l'expertise, qui ne sont contredites par aucune donnée technique permettant de penser que ces fissures résulteraient d'un mauvais entretien de cette pièce ou qu'elle aurait été mal posée, établissent un manquement de la Sas T3m à son obligation de résultat de remettre à l'acquéreur une pelle équipée d'éléments compatibles avec celle-ci, la Sas T3m ayant commandé cette pièce et équipé la pelle de cette attache rapide mais également de la Sarl Mbi de fournir un équipement, dont elle connaît les spécificités techniques, compatible à la pelle.

L'expert, au titre de la réparation de ce dysfonctionnement indique que le coût de reprise des soudures est évalué à 250 euros HT mais que « après plusieurs réparations, la reprise des soudures ne sera plus possible et qu'il y aura alors lieu de remplacer l'attache rapide et les godets MBI par des équipements mieux adaptés d'une autre marque pour un coût estimé à environ 13 000 euros HT ».

La Sas Saccona démontre que la seule reprise des soudures n'est plus possible puisque l'attache rapide s'est définitivement brisée selon constat d'huissier de Justice établi le 14 décembre 2018, les photographies de la pelle et de l'attache rapide, comparées à celles versées en annexe 8 du rapport d'expertise, établissant la rupture complète de cette pièce. Il en résulte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la Sas T3m à régler à la Sas Saccona la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice, la Sas Saccona dirigeant ses demandes uniquement à l'encontre de son vendeur.

Le recours en garantie de la Sas T3m à l'encontre du fournisseur de l'attache rapide, la Sarl Mbi n'est que partiellement fondé. La Sarl Mbi tout autant que la Sas T3m, toutes deux spécialisées dans ce type de machines, se devait de vérifier que l'attache rapide était adaptée aux capacités de la pelle dans toutes ses spécificités (force de cavage du godet et force de pénétration du balancier) et non au seul modèle MH3.6 de la marque New Holland de sorte que la Sarl Mbi doit être tenue de relever et garantir la Sas T3m de la condamnation prononcée à hauteur de 13 000 euros pour moitié, soit pour 6 500 euros, somme à laquelle elle sera condamnée, le jugement devant être infirmé en ce qu'il a débouté la Sas T3m de sa demande de voir la Sarl Mbi la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Rien ne permet de faire droit à la demande de la Sarl Mbi d'être relevée et garantie par la Sas Cnh de cette condamnation en l'absence d'intervention de cette société au titre de cet équipement.

L'expert fait état, au titre du second dysfonctionnement, de deux pannes de l'attache rapide. La première, le 7 septembre 2011, constituée par une rupture du vérin de verrouillage/déverrouillage de l'attache suite à un excès de pression dans la ligne de commande (350 bars au lieu de 200 bars maxi) qui 'a peut-être été due au montage d'un équipement inadapté pour réduire la pression d'alimentation du vérin de commande de l'attache rapide, pression normalement limitée à 200 bars maxi'.

La seconde panne, en octobre 2015, au cours de laquelle l'attache rapide ne se déverrouille plus, a pour cause un encrassement des doigts de verrouillage suite à un défaut d'entretien.

Contrairement à ce que soutient la Sas Saccona, l'expertise ne permet pas d'établir qu'un équipement inadapté pour réduire la pression d'alimentation du vérin de commande est à l'origine de cette panne survenue le 7 septembre 2011, l'expert ne faisant qu'émettre une hypothèse étayée par aucun élément concret.

Si un dispositif inadapté à réduire la pression d'alimentation du vérin a bien été posé par la Sas Mach 10, comme l'expert l'a constaté, c'est à la suite de la panne survenue le 7 septembre 2011. L'expert a pu préciser sur ce point que si cette erreur n'a pas été relevée par la Sas T3m qui est intervenue postérieurement, le 2 janvier 2013, sur la pelle, elle n'a pas provoqué de panne selon sa réponse à un dire (p.53) de sorte qu'aucune réparation ne peut être accordée à ce titre, l'expert ayant également noté que ce dysfonctionnement a été éradiqué en cours d'expertise, le 6 janvier 2016, par la fourniture et la pose, à titre gracieux, par la Sas (Lavail) T3m d'un limiteur de pression à 160 bars.

Par ailleurs, l'expert n'a pas fait état d'incidence de ces dysfonctionnements sur le rendement de la pelle de sorte qu'aucune responsabilité de la Sas T3m et de la Sarl Mbi ne peut être retenue en raison d'un choix d'équipement ayant préjudicié au rendement de la pelle contrairement à ce que sollicite la Sas Cnh.

* au titre des sommes payées pour les réparations :

La Sas Saccona sollicite la somme de 991,60 euros pour les frais qu'elle a dû engager avant l'expertise pour résoudre les dysfonctionnements et effectuer des réglages qui se sont avérés inopérants et dirige sa demande principalement contre la Sas T3m et accessoirement contre les sociétés Mach 10 et Lacampagne selon ses propres termes.

Il ressort de l'expertise et des diverses factures produites dans ce cadre et analysées par l'expert que ces trois sociétés sont intervenues à de multiples reprises sur la pelle, entre le 2 août 2011 et le 4 février 2013 pour la Sas Mach 10, entre le 14 juin 2013 et le 2 décembre 2014 pour la société Lacampagne, qui n'a toutefois pas été intimée en cause d'appel et les 2 et 11 janvier 2013 pour la Sas T3m.

L'expert a chiffré ce préjudice en considérant que le montant total des réparations réglé par la Sas Saccona s'élevait à la somme de 4 999,81 euros, que l'essentiel de ce montant était constitué par des dépenses d'entretien normal pour une somme de 4 008,21 euros et que la différence, soit 991,60 euros correspondait au coût des réparations réalisées en raison des dysfonctionnements de la pelle.

L'expert a pu noter des manquements de ces trois sociétés. Il a ainsi indiqué que la Sas Mach 10 avait procédé le 7 septembre 2011 au remplacement du limiteur de pression défectueux sur la ligne hydraulique de l'attache rapide et monté un dispositif inadapté tout en signalant que cette erreur n'avait causé aucune panne et qu'elle était intervenue pour effectuer divers réglages sans résultats probants. Il relève le même manquement pour la société Lacampagne qui n'a pas été à même de mettre un terme aux dysfonctionnements de la pelle malgré les demandes de la Sas Saccona à compter de mai 2013. Il a enfin émis un doute sur la qualité des réglages réalisés par la Sas T3m le 2 janvier 2013 et a pointé qu'elle n'avait pas relevé l'inadaptation du système de limiteur de pression mis en place précédemment par la Sas Mach 10 lors de son intervention.

Ces manquements ne sont pas, pour autant, rattachés à un préjudice clairement identifié. S'agissant de manquements de trois sociétés différentes, intervenues dans le cadre de contrats précis de maintenance ou de réparation de pannes, la Sas Saccona ne peut pas demander la condamnation de la Sas T3m pour l'ensemble des frais de réparation restés à sa charge dont une partie est imputable aux deux autres sociétés. Elle sollicite une indemnisation globale, calculée par retrait des sommes engagées à titre des dépenses normales d'entretien, sans ventiler les sommes sollicitées en fonction des manquements précis imputables à chacune des sociétés alors qu'il lui appartient de le faire, étant par ailleurs observé que les documents produits en annexe de l'expertise, comme la 'fiche matériel et interventions Sav' (pièce 5 annexe 3) répertorie différentes interventions à la fois de la Sas T3m et de la Sas Mach 10 sans faire de distinguo entre les réparations consécutives à des pannes ou les interventions réalisées dans le cadre de l'entretien normal de la pelle et précise que certaines d'entre elles ont été prises en charge dans le cadre de la garantie souscrite et n'ont donc pas donné lieu à paiement.

Faute d'établir précisément le préjudice imputable à chacune de ces trois sociétés en fonction de leurs interventions respectives pointées comme défaillantes par l'expert, la Sas Saccona doit être déboutée de sa demande de réparation à ce titre.

Pour les mêmes motifs, elle doit être déboutée d'une partie de sa demande relative aux frais d'immobilisation de la pelle. La somme de 410 euros, sur le total de 631,20 euros réclamé pour ce poste par la Sas Saccona, correspond à l'immobilisation du véhicule suite aux différentes pannes subies selon l'expert (p.49). Outre que rien ne permet de ventiler ce montant entre les différentes sociétés intervenues à ce titre, la pièce 42 de l'annexe 2 visée par l'expert fait état d'interventions pour des problèmes étrangers aux dysfonctionnements dont se plaint la Sas Saccona dans cette procédure (capot envolé, radiateur, joint torique, grille de ventilation...). La Sas Saccona doit donc être déboutée d'une partie de ce préjudice.

* au titre d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme :

La Sas Saccona invoque divers fondements juridiques, parfois incompatibles, au soutien de mêmes demandes d'indemnisation sans les structurer ou les rattacher précisément à l'indemnisation d'un poste de préjudice de sorte que rien ne permet de considérer que certaines d'entre elles sont formulées à titre principal et d'autres à titre subsidiaire. Il en va ainsi de ses développements relatifs à un manquement à l'obligation de délivrance conforme qui ne viennent pas au soutien d'une prétention reprise au dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour et qui ne sont pas davantage rattachés à un préjudice particulier détaillé dans son dispositif, pas même la demande d'indemnisation à hauteur de 15 000 euros, de sorte que la cour n'est pas saisie à ce titre.

* au titre des manquements au devoir de conseil, d'information et de loyauté du vendeur et aux manquements contractuels :

La Sas Saccona se prévaut d'un manquement de la Sas T3m à son obligation de loyauté pour ne pas avoir réglé les problèmes qu'elle pouvait rencontrer avec la pelle et avoir laissé perdurer une situation qui lui était préjudiciable, à son devoir de conseil et d'information au titre du choix d'une attache rapide non conforme à la pelle et des pneus « ballon » équipant la pelle et sollicite à ce titre la somme de 15 000 euros pour un préjudice distinct de ceux liés à la réparation des dysfonctionnements, auxquels ils sont parfois rattachés, constitué par la perte de temps passé pour résoudre ces divers problèmes et de la perte d'une chance de contracter auprès d'une autre société pour l'achat d'une autre machine.

Le préjudice de perte de chance de contracter auprès d'une autre société n'est pas constitué de sorte qu'aucune indemnisation ne peut être accordée à ce titre.

La Sas Saccona doit être indemnisée au titre d'une perte de temps engendrée par les tracasseries résultant des diverses pannes et des réglages défectueux de la pelle à l'origine d'une perte de rendement de celle-ci. La somme de 2 000 euros doit lui être allouée à ce titre, à la charge de la Sas T3m contre laquelle elle dirige principalement ses demandes. La Sas Cnh, responsable du dysfonctionnement relatif à l'imprécision de la rotation de la tourelle devra la relever et garantir de cette condamnation à hauteur de 50%, soit à hauteur de 1 000 euros, et la Sarl Mbi, responsable en partie de l'incompatibilité de l'attache rapide à la pelle devra la relever et garantir à hauteur de 25%, soit 500 euros, la Sas T3m conservant 25% de cette condamnation à sa charge.

Sur le fondement de la garantie des vices cachés :

Il convient de préciser que l'expert a exclu tout dysfonctionnement des vérins latéraux de blocage dont se plaignait la Sas Saccona ainsi que tout problème de stabilité de la pelle. S'il a noté une difficulté relative aux roues qui touchent le bas de la cabine dans certaines configurations, cette anomalie a été éradiquée par la mise en place de cales supplémentaires par la Sas T3m pour un coût de 55 euros et pour lesquelles la Sas Saccona ne formule aucune demande d'indemnisation.

* au titre du dysfonctionnement du volant en position de braquage maximal des roues :

L'expert a constaté ce défaut pour lequel il indique que « l'effort nécessaire à la poursuite de la rotation est très faible alors qu'il devrait, dès lors que les roues directrices sont en butée mécanique, être beaucoup plus accentué. » Il en attribue la cause au dispositif Orbitrol qui est hors service et chiffre la réparation à 1 146 euros HT.

La Sas Saccona en sollicite réparation sur le fondement de la garantie des vices cachés en considérant qu'il est anormal que cette pièce soit hors service après 2 000 heures d'utilisation.

Faute d'établir en quoi ce défaut serait de nature à rendre la pelle impropre à son usage ou à le diminuer tellement qu'elle en aurait donné un moindre prix et en quoi il serait antérieur à la vente, elle doit être déboutée de sa demande.

* au titre de la colonne de direction non verrouillée :

L'expert a relevé que le « maintien mécanique de la colonne de direction dans sa position angulaire normale n'est pas assuré. (...) Il y a lieu de remarquer que cette anomalie, constatée alors que le compteur horaire indique 2286 hrs, n'était pas ni présente ni relevée durant les premiers mois d'utilisation de la pelle. » Il a chiffré la réparation à la somme de 552,12 euros HT.

La Sas Saccona sollicite des dommages et intérêts à hauteur de cette somme. Elle considère comme anormal que cette pièce ait cassé après si peu d'heures d'utilisation et qu'il s'agit, selon elle, d'une usure prématurée révélant un vice caché.

Faute de démontrer l'antériorité de ce vice à la vente s'agissant d'un défaut constaté à 2286 hrs et qu'il serait de nature à rendre la pelle impropre à son usage ou à le diminuer tellement qu'elle en aurait donné un moindre prix alors qu'elle continue à se servir de la pelle malgré la dégradation de cet élément, elle doit être déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre.

* au titre de l'immobilisation de la pelle pour les réparations :

Si la Sas Saccona a été déboutée d'une partie de sa demande à ce titre concernant les réparations réalisées à la suite de diverses pannes et pour des réglages à effectuer, l'expert a également chiffré à 221,20 euros le préjudice résultant de l'immobilisation à venir de la pelle pour réaliser les réparations relatives à l'attache rapide (immobilisation pour deux heures), au changement des pneus, au dispositif Orbitrol et à la colonne de direction au tarif de 15,80 euros l'heure.

Seule l'immobilisation de la pelle au titre du changement de l'attache rapide et des godets de la pelle doit être indemnisée à hauteur de 31,60 euros pour les deux heures prévues par l'expert. Cette somme sera à la charge de la Sas T3m qui sera relevée et garantie pour moitié, soit 15,80 euros par la Sarl Mbi.

Sur les demandes annexes :

Les Sas Cnh et T3m, parties perdantes, doivent être condamnées aux dépens pour moitié chacune et le jugement confirmé de ce chef.

La Sas Saccona est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure. La Sas Cnh et la Sas T3 m seront donc tenues de lui payer, pour moitié chacune, la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 alinéa 1er 1° du code de procédure civile en complément de la somme déjà allouée à ce titre par le premier juge sans qu'elles ne puissent prétendre au bénéfice de ces mêmes dispositions.

L'équité n'impose pas de faire application de ces mêmes dispositions au bénéfice de la Sas Mach 10 qui sera déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles prononcées à la charge de la Sas T3m qui ne les critique pas et au bénéfice de la Sas Saccona mais infirmé en ce qu'il a mis à la charge de la Sas Cnh une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés par la Sas Mach 10 et la Sarl Mbi.

La Sarl Mbi doit être condamnée à relever et garantir la Sas T3m de ces condamnations prononcées au titre des dépens et des frais irrépétibles à hauteur de 25% du total.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement excepté sur le montant de la condamnation prononcée à la charge de la Sas Cnh, en ce qu'il a débouté la Sas T3m de ses recours en garantie et condamné la Sas Cnh à verser une indemnité à la Sarl Mbi et à la Sas Mach 10 au titre de leurs frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare recevable la demande de partage de responsabilité entre les sociétés T3m, Saccona et Mbi formulée par la Sas Cnh,

Condamne la Sas Cnh à verser à la Sas Saccona la somme de

28 429,20 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de rendement de la pelle,

Condamne la Sarl Mbi à relever et garantir la Sas T3m de la condamnation à verser la somme de 13 000 euros à la Sas Sacconna prononcée à son encontre à hauteur de 50%, soit 6 500 euros,

Déboute la Sarl Mbi de sa demande tendant à voir la Sas Cnh condamnée à la relever et garantir au titre de cette condamnation,

Condamne la Sas T3m à verser à la Sas Saccona la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts,

Condamne la Sas Cnh à la relever et garantir de cette condamnation à hauteur de 50%, soit à hauteur de 1 000 euros et la Sarl Mbi à hauteur de 25%, soit 500 euros,

Condamne la Sas T3m à payer à la Sas Saccona la somme de 31,60 euros au titre de l'immobilisation à venir de la pelle,

Condamne la Sarl Mbi à la relever et garantir à hauteur de 50% de cette condamnation, soit 15,80 euros,

Condamne la Sas Cnh et la Sas T3m à verser, pour moitié chacune, la somme supplémentaire de 1 000 euros à la Sas Saccona au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les autres parties de leurs demandes formulées à ce titre,

Condamne la Sas Cnh et la Sas T3m aux dépens d'appel, chacune pour moitié, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Mbi à relever et garantir la Sas T3m des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens à hauteur de 25% du total.